jeudi 28 août 2008

¿Día del Abogado o día de los Ñoquis?

Le 29 août, c’est du 2 en 1...

Pour le premier, c’est seulement une fois dans l’année et je n’en ai vu la publicité qu’à un seul endroit : une confiserie-chocolaterie de luxe située avenida Corrientes. Devinez où ? à la hauteur de Plaza Lavalle, à l’un des angles de laquelle sont rassemblés les grandes institutions judiciaires fédérales. On appelle ordinairement ce coin-là Los Tribunales. No comment !
Or donc dans cette chocolaterie, il y a tout pour la fête de demain, notamment d’adorables plaques de bons voeux, en chocolat, pour décorer ces gros gâteaux débordant de crème qu’on trouve partout en ville dans les devantures des confiterías. Il y a des plaques pour les messieurs, qui leur souhaitent Feliz Día del Abogado, et des plaques pour les dames, qui s’ornent d’un élégant Feliz Día de la Abodaga, le tout en belles anglaises caligraphiées en pâte de sucre blanc. C’est mignon tout plein. Un peu trop tape à l’oeil commercial mais mignon. On en croquerait... Et comme ce commerçant semble avisé, il avait avant-hier d’ores et déjà prévu le 4 septembre. Dans sa vitrine, on trouvait déjà des plaques pour souhaiter une bonne fête aux secrétaires (Feliz Día de la Secretaría), les patrons d’abord, les secrétaires juste derrière.

Ainsi donc, très bonne fête à tous les avocats, en particulier ceux qui passent par ce blog, ceux qui écoutent du tango à leurs rares moments perdus, ceux d’Argentine et d’Europe, en particulier un que je connais et apprécie dans le coeur historique de la Capitale des Gaules (1) et d’avance bonne fête aux secrétaires et j’ai une pensée pour toutes ces dames si gentilles qui m’accueillent toujours avec un merveilleux sourire à la Academia Nacional del Tango. Et aussi à Catherine, que je connais personnellement à Paris.

La fête des ñoquis (et une fois n’est pas coutume, vous avez remarqué : c’est du pluriel aussi en porteño), c’est tous les mois, chaque 29 du mois, sauf en février, en plein cagnard estival... (qu’est-ce que vous allez vous faire bouillir une casserole d’eau quand il fait 40º à l’ombre !). Le 29 du mois, il n’y a plus grand monde qui ait beaucoup de sous, alors on mange des gnocchis... Vous aviez déjà reconnu ce merveilleux plat italien dans son habit castillan...

Parce que les ñoquis (gnocchis en francophonie), c’est vachement bon surtout avec de la sauce tomate et du Parmigianito (sic) râpé par dessus et que pour réaliser ces recettes, on a juste besoin de pommes de terre (pápas) ce qui en fait un plat très bon marché et apte à caler les estomacs de toute une famille. Ajoutez à ça que du matin au soir et/ou du soir au matin les Argentins (et les Uruguayens aussi) sirotent le mate, une infusion traditionnelle typique de ce coin du monde, qui hydrate, désaltère, stimule tout l’organisme de bas en haut, métabolisme et neurones ensemble, et apaise la faim. C’est pour cela que nous en trouvons, nous aussi, en Europe dans la plupart des tisanes drainantes et amincissantes où l’âcreté et l’amertume du breuvage sont maquillées par différents arômes articifiels de pomme à la canelle ou de fruits rouges... Dommage parce que le mate tel quel, c’est loin d’être mauvais...

El Día de los Ñoquis, c’est donc le grand jour pour les boutiques de pâtes fraîches dans tout Buenos Aires et sur toute la côte occidentale du Río de la Plata. La ville est pleine de ces boutiques de fabricación propia (pâtes fraîches maison). On trouve même des vraies pâtes fraîches jusque dans les supermarchés, conditionnées en barquettes de polysthyrène et sous film plastique, des vraies, pas les produits industriels de marque, à longue durée de conservation, dont nous autres Européens non italiens sommes inondés.

Un de mes amis très chers, coordinateur de la Ciudad del Tango au CCC Floreal Gorini de son état, sans attendre le 29 du mois, m’a fait savourer quasi à mon arrivée, des ñoquis maison selon une recette à lui (que je ne lui ai pas demandé et j’ai eu tort) et c’était rico, rico comme on dit ici (2). Dans un colectivo (bus) brinquebalant et filant à toute allure en pleine nuit, après le spectacle, il m’a dit qu’il les faisait avec des pommes de terre, de la farine de blé et de la muzzarella (à ne pas confondre avec sa cousine transalpine au lait de bufflone, bien connue sous nos cieux sous le nom de mozzarella). A Buenos Aires, en Argentine mejor dicho (3), les immigrants ont peu à peu tout recréé de leur pays natal. Buenos Aires a une forme suraigüe de Complexe de Robinson Crusoe : les habitants ont tout refait comme à l’identique avec les moyens du bord. Donc ce n’est pas identique et ça donne des musiques, une peinture, des paysages urbains, des saveurs, tous assez différents mais tout aussi bons que les originaux, adaptés et mélangés beaucoup plus que copiés. Et par-dessus, ils ont collé le même nom

Et les ñoquis de Walter valent les 10 000 km au-dessus de l’Atlantique. Son amitié bien davantage, naturellement.

Demain, je suis invitée à manger les ñoquis ailleurs, de l’autre côté de la ville, chez un poète, médecin, avec des montagnes de souvenirs partagés avec des gens aussi essentiels dans l’histoire du tango que le poète Enrique Cadícamo et le chanteur compositeur fondateur du Viejo Almacén à Monserrat, Edmudo Rivero. Quand je vous aurais invités à aller écouter ses poèmes mis en musique et chantés par Melingo, qui revient en octobre en tournée sous nos lattitudes, vous aurez reconnu Luis Alposta (cf. article sur la tournée de Melingo).

Mais je vous parlerai de lui pour autre chose que pour les ñoquis... Mais les ñoquis, c’est très important, jusque dans le tango.

En Buenos Aires son las 3 y media de la tarde
(1) La Capitale des Gaules, antiguo titulo de la ciudad romana de Lugdunun, hoy Lyon en la valle del Rhodano.
(2) rico en gastronomie, ça veut dire très bon, délicieux.
(3) mejor dicho : plutôt, pour être plus exact, pour employer le mot juste...
(4) la pava : la gamelle

mercredi 27 août 2008

Quelques règles de savoir-vivre sur ce blog

Quand j’ai ouvert ce blog le 19 juillet dernier, je me suis fixé pour règle de ne pas parler de ce que je n’aimais pas. A plus forte raison de ce que je trouve détestable.

A moins d’y être forcée par une campagne de matraquage publicitaire et donc sous nos lattitudes (parce que matraquage publicitaire ici, connaît pas). Et pour le moment ceci restera l’exception. Dans ce cas, je m’efforcerai de rester aussi neutre que possible. Je ne suis ni journaliste ni critique de spectacle, par conséquent je ne suis pas obligée de parler de tout et me trouve par là même exemptée d’avoir à démolir le travail des autres, quand bien même ce travail est bâclé et insulte à l'intelligence humaine. Après tout, si ce sont de mauvais faiseurs et s’il y a un public à qui cela plaise, tant pis pour eux.

Alors je dédie l’entrée de ce soir à mon ami que j’aime si fort, le peintre Chilo Tulissi, avec qui j’ai eu hier une discussion forte et longue sur la politique culturelle en Argentine et en Europe où elle n’est guère brillante non plus, et sur la meilleure façon de soutenir l’existence d’une culture populaire de qualité, Chilo me soutenant que trop souvent les faiseurs (il employait un vocabulaire moins châtié et bien porteño) prennent une place au soleil que mériteraient davantage des artistes plus honnêtes et/ou plus talentueux...

Je ne dirai donc pas grand-chose ce soir du show imbécile et franchement démago auquel je viens d’assister au Teatro Alvear, qui a connu de plus belles soirées. Heureusement, celle-ci, qui prenait place dans le cycle Todas las músicas de la Direction de la Musique de la Ville de Buenos Aires, était courte... Discours sur de prétendues (et prétentieuses) recherches des racines immigratoires du tango et du creuset culturel et ethnique du conventillo (1) du début du 20ème siècle parce que ça fait chic, intellectuel, branché et politiquement engagé sur le programme ou sur une jacquette de disque mais rien de cela dans cette musique vide, erratique, faussement originale, avec un acteur devenu chanteur à la diction des plus approximatives et qui manipule le public, lequel, bêtement, se laisse faire... La mascarade a même fini sur le trottoir du théâtre, dans l’avenue Corrientes, le public suivant en troupeau les 4 musiciens sortant en pseudo-candombe de la scène jusque dans la rue et il y a pu y avoir des passants pour se demander quel était ce sympathique événement qui rassemblait tant de monde sur ce morceau de l’avenue qui ne dort jamais, comme on appelle affectueusement ici la grande artère des théâtres, des librairies et des cafés intellectuels dans cette belle ville.

La place de théâtre ce soir coûtait 2 guitas, à n’importe quel endroit du théâtre, et cela ne valait vraiment pas plus (2).

Comme quoi, le tango for export ne s’adresse pas qu’à des touristes mal dégrossis et un peu boeufs sur les bords, il y en a aussi une version pour le public local. C’est fort tout de même. Heureusement, contrairement à ce qu’a osé affirmer le chanteur du groupe, ce spectacle ne faisait pas partie du festival, qui s’est clos hier soir (dimanche) et il reste une malheureuse exception sur l’ensemble des spectacles, concerts et autres récitals, excellents, que j’ai pu voir depuis plus de 2 semaines...

Demain est une journée à marquer pour moi d’une pierre blanche : je vais rencontrer le contraire même des gugusses de ce soir, le modèle du vrai musicien qui met son talent et son argent et son discernement au service de la culture populaire, l’auteur-compositeur-interprête et patron de Melopea, Litto Nebbia. Et si vous entendiez les déclarations d’admiration et même d’affection que ces 4 syllabes font jaillir des lèvres des artistes du tango dans cette ville quand on les prononce, vous seriez édifiés. Il y a fort à parier qu’un de ces quatres je vous ferai un petit topo sur ce grand monsieur de la musique contemporaine en Argentine qui ose produire tous les bons dont ne veulent jamais s’occuper les gros labels internationaux...

Alors au lieu de jouer aux devinettes pour savoir qui est le groupe à la noix qui a pourri le Teatro Alvear cette nuit, allez donc plutôt vous balader sur les sites de Melopea et de Chilo Tulissi (c’est dans les liens, sur la droite de votre écran). Cela fait du bien aux yeux et aux oreilles...
En Buenos Aires son las 23:40

(1) conventillo : ensemble d’habitats de très mauvaise qualité qui s’est multiplié dans la Buenos Aires des années 1880 à 1930 pour faire face à l’afflux d’immigrés (370% d’augmentation de la population en 25 ans entre 1870 et 1895)
(2) la guita : le peso argentin en lunfardo, d'où l'argent en général. 2 guitas en lunfardo, ça veut dire trois fois rien en français.

lundi 25 août 2008

Le 10ème Festival de Tango de Buenos Aires au programme de Tango City Tour [radio]

Tango City Tour est le premier podcast consacré au tango. C’est une initiative et une émission de Juan Carlos Espósito, journaliste et animateur radio indépendant, qui anime cette émission hebdomadaire depuis plus de 3 ans maintenant. Son amie Mabel Pramparo la co-anime avec lui et hier, pour Mabel, c’était une fête grandiose... Pas que pour elle, d’ailleurs... Pour Juan et moi aussi.

C’est que Mabel est de Córdoba, une ville de l’intérieur du pays, située au pied des Andes, dans le massif des Sierras Pampaenas, une ville dont est aussi originaire le responsable de la fête de clôture du Festival, le chanteur au bandoneón blanco, Rubén Juárez.

Hier soir, j’avais la chance d’être perchée avec Juan et Mabel dans le poulailler du Teatro Avenida, où il y a 8 jours j’avais pu assister, au premier rang d’orchestre grâce à la générosité d’un des éminents fondateurs de la Academia Nacional del Tango, au concert d’ouverture donné par Leopoldo Federico et une palanquée d’artistes tous plus importants les uns que les autres, les pieds du Maestro à la hauteur du museau...
Hier, j’avais plus de recul et plus de hauteur et le spectacle a été fabuleux. Dommage que l’ambiance passe mal à la radio, les pitreries ajustées de Rubén Juárez pas du tout et pas davantage le magnifique spectacle de danse dont nous avons été régalés. C’est la première fois de ma vie que je voyais se marier dans du tango de scène de la technique, immaculée et élegante, et l’intériorité d’une danse de couple... Généralement, là où il y a technique la dimension intimiste est aux abonnés absents et là où le sentiment s’en mêle, la technique ne ne vient au rendez-vous que si elle a le temps et elle ne l’a pas toujours, loin de là. J’ai découvert le bandoneoniste superbe qu’est Rubén Juárez, dont je ne connaissais que la voix, qui fut magnifique et qui malheureusement s’est un peu perdue avec le temps. Reste l’interprétation, ici un chant assez jazzy (c’était une fête de clôture !) et tout à fait euphorisant. Ajouter l’arrivée sur scène très réussie, à moitié travaillée et à moitié dans l’impro d’un grand comédien comique, très célèbre ici, aussi cordobes que Juárez et que Mabel et vous avez pour finir en beauté le Festival de Tango de Buenos Aires par un spectacle à la mode de Córdoba. Et pan sur le bec pour tous ceux qui accusent Buenos Aires de ramener toujours la couverture à elle en oubliant systématiquement l’intérieur du pays !

Juan, Mabel et moi avons donc enregistré la partie talk-show de l´émission du haut de notre perchoir, dans cette splendide salle à l’italienne du théâtre espagnol de Buenos Aires, et nous avons profité de la soirée avec la voisine de Mabel, qui n´était autre que la Maman du pianiste et directeur d’orchestre du concert, Cristián Zárate, dont je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises. Une étoile montante dans le ciel du tango argentin.

La maman m’a confié que son Maestro de fils se produira prochainement en France. A l’automne, il faut tous nous précipiter pour aller l’applaudir.

Et pour l’émission de Tango City Tour, laissez à Juan quelques jours pour le montage, le prochain podcast promet d´être vraiment pas mal. Mais pour ce qui est de l’ouverture du Festival, le dernier podcast en parle déjà, donc si vous n’en faites pas encore partie, vous pouvez entrer tout de suite et sans attendre dans la grande famille internationale des auditeurs de cette radio.
Et qui plus est, pour apprendre le porteño, il n’y a pas beaucoup mieux que ce genre de fréquentations....

En Buenos Aires es el mediodía

Una guitarra para Gardel, le nouveau disque de Aníbal Arias [à l’affiche]


Feria de San Telmo, devant le Bar Plaza Dorrego, sur le stand de Osvaldo et Pochi Boo. Anibal Arias a pris place pour jouer en toute simplicité... (assis, chapeau sur la tête et concentré dans l'écoute du Maestro, Osvaldo Boo). La photo a été ajoutée le 7 septembre 2008.
Le grand guitariste Aníbal Arias, 86 ans, présentera son nouveau disque, Una guitarra para Gardel, le 29 août à 21 heures au Cine Teatro 25 de Mayo, dans le quartier excentré de Villa Urquiza (Triumvirato 4444).

L’entrée est de 10 pesos (avec tarif réduit pour les étudiants et les retraités).

Aníbal Arias sera entouré de nombreux amis à cette occasion.

Ce musicien d’exception est connu ici pour son histoire dans l’orchestre d’un autre Aníbal, Aníbal Troilo, pour le duo qu’il forme avec le bandoneoniste Osvaldo Montes. Ils viennent tous les deux de se produire à Paris, en juin, au Festival Buenos Aires Tango du Théâtre National de Chaillot, avec la Orquesta Escuela de Tango Emilio Balcarce placée sous la direction de Néstor Marconi...

Je ne pourrai malheureusement pas assisté à la présentation de ce nouveau disque, pour cause de fiesta de despedida (fête d’au revoir) avec mes amis portègnes, mais j’ai eu la chance hier dimache de voir et surtout d’écouter Aníbal Arias, à 1,20 m de distance, à la Feria de San Telmo où il est venu jouer trois tangos, superbes comme vous pouvez l’imaginer, sur le stand de Osvaldo et Pochi Boó, les deux danseurs a la gorra dont je vous ai déjà parlé au début des ces Chroniques de Buenos Aires...

Comment puis-je avoir toutes ces chances d´entendre et d’approcher dans des conditions si proches de la réalité locale des artistes de cette dimension ?

Et je ne vous ai pas encore dit à quoi j’ai assisté la nuit dernière....

Bien sûr hier aprés-midi, j’ai pris des photos. Donc au retour, cet article s’illustrera d’une photo originale du Maestro jouant sur la Plaza Dorrego et j’ai bien pris soin de prendre dans le champs Osvaldo... Pochi, je n’ai pas pu, elle était assise juste à côté. Non, c’est l’inverse : c’est moi qui me tenait debout à côté d’elle.


En Buenos Aires es el mediodía

dimanche 24 août 2008

Artes plásticas callejeras en Buenos Aires


La peinture de rue dans Buenos Aires
A Buenos Aires, la peinture callejera est partout. Les artistes s’expriment là où ils peuvent et là où cela fait sens pour eux, donc souvent dans la rue. Et il ne s’agit pas du vandalisme de nos tagueurs. Il y a très peu de tags à Buenos Aires. L’année dernière, je n’en avais même pas vus du tout. Cette année, quelques rames de métro de la ligne B ont fait les frais de ces malotrus. Hormis ces rares tags, il y a à Buenos Aires beaucoup de graffitis, gravés parfois, simplement écrits la plupart du temps et beaucoup d´affichage sauvage. Venant souvent d’obédiences anarchistes ou altermondialistes ou tout simplement de gens ayant quelque chose à vendre, avec ou sans pignon sur rue.

La peinture callejera, la peinture de rue, ne doit bien évidemment pas être confondue avec ce manque de respect à l’espace public partagé par tous. La peinture callejera, c’est de l’art, de l’art populaire, simple, le plus souvent figuratif et tout à fait compréhensible pour le passant (à l’inverse du tag, ressenti par le commum des mortels comme un code indéchiffrable et menaçant).

La peinture callejera à Buenos Aires est un manifeste artistique et esthétique des grandes problématiques politiques et sociales de l´heure, elle correspond à une nécessité vitale pour cette ville, non pas pour les habitants à titre individuel mais bel et bien pour le collectif qu’est la ville elle-même. La peinture callejera participe à construire l’identité culturelle de la capitale... Une identité culturelle toujours à la recherche d’elle-même dans cette mégapole de 3 millions d’habitants sur une surface double de celle de Paris et dont la grande majorité des habitants vit avec un arbre généalogique tronqué qui remonte rarement au-delà de l’aïeul qui a immigré, le plus souvent entre 1870 et 1930. La vie d’avant, la vie en Italie, en Espagne, en France, en Allemagne, en Pologne ou en Russie est souvent sans mémoire.

Ce peuple a cette particularité qu’il tire une immense fierté de son histoire, de l’Indépendance, de San Martín et de tous les héros de la lutte patriotique et qu’en même temps il ne peut pas dire collectivement "ce sont nos ancêtres qui ont fait cela".
Les Français peuvent dire, quand même ce serait historiquement faux sur le plan personnel : "nos ancêtres ont pris la Bastille". Les Belges peuvent dire : "nos ancêtres ont livré la Bataille des Eperons d’or". Les Espagnols proclament qu’ils ont remporté la victoire de Lépante. Quant aux Helvètes, ils étaient tous derrière Guillaume Tell.

Mais les Argentins savent bien que ce ne sont pas leurs ancêtres à eux tous qui ont séparé le pays de l’Empire colonial. Ils savent bien qu’ils ne peuvent pas le croire.

Aller construire un pays, ou même une ville avec ça !

L’art est donc le feu brûlant à travers lequel se forge, encore aujourd´hui, ce qui sera un jour l’identité de cette nation, de ce pays, de cette ville, à travers la musique (on entend la 2x4 dans de minuscules échopes, les kioscos), la danse, la poésie, la peinture... Or souvent quand on pense au tango, on oublie la peinture... Et cette ville est en mouvement à travers la peinture.

Cette année, j’ai vu que, le long de la avenida Independencia qui sépare les quartiers de San Telmo et de Monserrat, un gigantesque mural a disparu, pour cause de chantier immobilier. Il représentait un défilé de carnaval noir, du temps où les noirs étaient dans Buenos Aires les rois des défilés et du candombe. Il avait été réalisé par des étudiants des Beaux-Arts. Un peu plus loin, sur un autre mur, d’autres artistes ont fait un autre mural pour confronter la politique du gouvernement actuel (péroniste) à quelques maximes bien frappées tirées de discours de Perón lui-même. Mejor que decir es hacer, mejor prometer realizar... (faire, c’est mieux que parler, passer aux actes mieux que faire des promesses). Et il est vrai que Perón a tenu un certain nombre de promesses et réalisé pas mal de choses pendant ses 9 ans d’exercice du pouvoir (1946-1955), aidé, il est vrai, par une phase de croissance mondiale forte au lendemain de la seconde guerre mondiale mais entravé aussi, ce que nous oublions toujours nous autres Européens de l’Ouest, par la surpuissance économique écrasante des Etats-Unis qui sans scrupule prenaient la suite d’une Grande-Bretagne qui avait fait de l’Argentine une espèce de Dominion de langue hispanique...

En revenant de San Telmo par le métro (j’aime sentir ainsi le pouls de la ville, indétectable à l’arrière d’un taxi), j’ai constaté que Metrovías faisait actuellement restaurer l’un des trois panneaux muraux dessinés par Hermenegildo Sábat dans le couloir de correspondance entre lignes A et C aux stations Lima-Avenida de Mayo. Ce triptyque s’appelle Los Músicos de Buenos Aires et montrent l’un des danseurs, l’autre un portrait d’Astor Piazzolla et le 3ème una barra (une bande de copains) de légende : Homero Manzi et Aníbal Troilo, l’un debout et l’autre assis et tous les deux en pachydermes, Enrique Santos Discépolo en microbe liliputien et Carlos Gardel en cigale guitareuse. C’est ce dernier panneau qui est en restauration pour remplacer la douzaine de carreaux qui avaient disparu, en bas à gauche.

Hermenegildo Sábat dont je vous ai déjà parlé au sujet de la fête de Boedo (el día de Boedo) est un peintre, un dessinateur et un caricaturiste de presse d’une immense renommée, égale à son talent. Outre ce triptyque souterrain, on lui doit aussi tout le fronton de la Esquina Homero Manzi et un nombre impressionant de couvertures de livre et de jacquettes de disque, dont tout récemment celle de De corte antiguo (Taillé à l’ancienne), le dernier disque de Néstor Tomassini (actuellement disponible, notamment chez Zivals).

Dans le quartier de l’Abasto, où est installé le studio de la radio par podcast Tango City Tour, j’ai vu que le Proyecto Tango Abasto commandé par le Gouvernement de la Ville de Buenos Aires au peintre Marino Santa María, disparaissait au fil de l’eau au fur et à mesure que les façades sont repeintes de couleurs unies. Proyecto Tango Abasto était une tentative d’apporter un peu de beauté, un peu d’air dans un coin particulièrement déshérité du coeur de Buenos Aires, juste derrière le centre commercial de l’Abasto, là où les touristes ne s´aventurent guère même lorsqu’ils sortent de leurs courses. C’était une animation artistique judicieuse tout le long de la cortada Zelaya, petite rue de 2 cuadras reliant deux rues secondaires : les façades de nombreuses maisons portaient la reproduction intégrale de partitions et de letras de tango de Carlos Gardel. Volver est toujours là ainsi que quelques portraits du mythe, sur une porte de garage, un mur aveugle et, en version noir et blanc, sur le portail du Teatro Ciego qui fait l’angle entre Zelaya et Jean Jaurés. La calle Zelaya débouche à peu près à la hauteur du 735 Jean Jaures, c’est-à-dire sur le Museo Casa Carlos Gardel.

Il y a fort à parier qu’il y aura sous peu (peut-être pas sous le présent gouvernement portègne) un autre projet du même style dans une autre portion de rue, ailleurs, dans le même quartier.

Rue Jean Jaurés, les quelques maisons fileteadas qui entourent celle de Carlos Gardel ont conservé leurs façades multicolores visiblement bichonnées par leurs propriétaires, ces façades qui attirent comme des aimants les objectifs du monde entier...

Toujours dans le même périmètre, juste au pied de l’Abasto, le fileteador Elvio Gervasi dispose d’un musée à l’air libre sous la forme de la double devanture d’un magasin de souvenirs (souvenirs de pur style hideux, genre souvenirs de la place du Tertre à Montmartre), esquina Anchorena y Carlos Gardel, en face du célèbre cena-show Esquina Carlos Gardel. Tous les ans, Elvio Gervasi exécute pour cette boutique de nouveaux panneaux et les touristes inondent Internet de photos de ses oeuvres en publiant leurs souvenirs de voyage. Cette année, j’ai repéré cinq ou six nouveaux panneaux datés de 2008. D’autres en revanche ont disparu. Dans le même pasaje Carlos Gardel, un obscur tartineur de fileteado a décoré un autre magasin de souvenirs tout aussi hideux, une boutique qui semble aujourd´hui fermée. Oubliez les personnages illustres peu ressemblants du fronton (dont un Piazzolla désespérément méconnaissable) et concentrez-vous sur les panneaux de citation, c’est plus cultureux et c’est la seule chose qu’il y ait à sauver de tout ce massacre.

Sur le pont qui enjambe la voie ferrée dans l’avenue Medrano, entre Rivadavia et Corrientes, dans le quartier d’Almagro, le mural du collectif Arte sin Techo est toujours là, avec ses couleurs éclatantes et son style faussement naïf. Arte sin Techo (Art SDF en français) est un collectif de peintres qui interrogent la réalité sociale du pays à travers l’art et laisse ainsi un peu partout dans la ville la dénonciation virulente mais non violente du quotidien. Ils ont un site internet que vous pouvez visiter. Il est exclusivement en espagnol, mais la peinture, ça parle tout seul !


En Buenos Aires son las 15.

Médaille d'or et grogne agraire [actu]


L'Argentine est médaille d'or de football aux Jeux Olympiques de Beijing 2008.

L'année où, après un quart de siècle de démocratie ininterrompue, elle a assez de recul pour célèbrer et commémorer, les deux vont ensemble, les 30 ans de son premier titre de Champion du Monde de Football, arraché aux Pays-Bas lors de ce Mundial de Fútbol organisé sous et récupéré par la Dictature Militaire de 1976-1983...

Même les touristes se réjouissent avec les Argentins...

De l'autre côté, la grogne continue du côté des organisations professionnelles agricoles qui, sachant le gouvernement en difficulté, ne lâchent rien de leurs reventications et les négociations traînent, se bloquent, reprennent et n'aboutissent pas à grand-chose. Le nouveau Ministre de l'Agriculture, Carlos Cheppi, s'en explique ce dimanche dans Página/12, le grand quotidien national très de gauche et très urbain. Il a été nommé au lendemain du surprenant vote du Président du Sénat et Vice Président de la République, Julio Cobos, qui a fait échouer le projet du Gouvernement de prélèvements obligatoires indexés sur le cours mondial des produits agricoles pour toutes les exportations de soja et de céréales. Or l'Argentine est le premier exportateur de soja au monde.

Nous autres Européens, nous nous nourrissons indirectement du soja argentin que boulottent nos bovins à longueur d'année.

Le dessin de Daniel Paz et Rudy, tiré de l'édition de Página/12 de ce dimanche raconte cette situation qui tourne à l'ubuesque. Le journaliste demande au repésentant du secteur agricole : Et maintenant pourquoi le secteur agricole est-il en colère ? L'autre répond : Parce qu'aux JO, on ne nous traite pas comme les autres. Le journaliste : Comment ça ? Le représentant : Il y a des médailles d'or, d'argent, de bronze mais il n'y a pas de médaille de soja.
La grande doléance actuelle des producteurs agricoles : "ser discriminados". Ne pas être traité à l'égal des autres secteurs puisque l'Etat prélève sur le produit de son travail plus que sur le produit du travail dans les autres branches d'activité avec ces prelèvements indexés sur un cours à la hausse. Le Gouvernement argüe de son côté qu'avec le soja, les producteurs agricoles se sont créés une rente de situation très comode et qui e profite qu'à eux puisque les Argentins ne mangent pas de soja. Certes, mais dans un pays aussi agricole que l'Argentine, ce n'est peut-être pas de mauvaise politique de la part du secteur...

samedi 23 août 2008

Les 5 ans de Fractura Expuesta [à l’affiche]

Fractura Expuesta est une station de radio montée par deux jeunes animateurs passablement déjantés et rudement entreprenants qui ont fondé à eux deux une radio pour le tango d’avant-garde, le tango underground, le tango qui raconte le monde tel qu’il est aujourd´hui.

Le nom de leur station à lui seul donne le ton : fractura expuesta, ça veut dire fracture ouverte.

Ils sont présents sur le Web et on peut donc les écouter en Europe, en direct (en vivo, mais attention au décalage horaire, il faut faire la conversion, -5h pendant notre été et leur hiver, - 3h pendant notre hiver et leur été) ou en format podcast pour écouter à votre rythme.

Ce mercredi, ils faisaient donc la fête au Centro Cultural de la Cooperación dans la salle Osvaldo Pugliese dont, pour l’occasion, on avait ouvert toutes les cloisons et qu’on avait remplie de ballons de toutes les couleurs...

Quelques présentations loufoques pour raconter l’aventure que toute la salle, sauf moi, connaissait déjà puisque la dite salle était remplie d’amis personnels et d’auditeurs (mais ça ne m’a pas empêchée de rire de bons coeurs à leurs blagues, assez énormes, il faut bien dire).

Côté musique, Alorsa et La Guardia Hereje, avec un mélange de chansons et de récits que j’adore : Te morfaste las facturas (Tu t’es bouloté les viennoiseries), La sonrisa del fasfud (le sourire du fast-food) et toutes les autres... Et également una orquesta típica que je n’avais jamais entendue, Agua Pesada (Eau lourde) qui appartient au collectif Unión de Orquestas Típicas, un groupe d’une dizaine d’orchestres et une centaine de musiciens jeunes qui partagent tous les mêmes exigences : jouer un répertoire de leur composition, faire leurs propres arrangements des morceaux classiques s’ils veulent les incorporer à leur répertoire et ne comporter que les instruments traditionnels, ce qui exclut notamment les guitares électriques très en vogue chez les musiciens du tango nuevo (1). Ils ont déjà sorti un disque qui est disponible au stand de l’UOT dans le vaisseau-fantôme exceptionnellement revenu à la vie pour deux semaines qu’est le bâtiment du grand magasin Harrods, aujourd’hui désaffecté (une espèce de Samaritaine portègne, les Parisiens me comprendront...).
Le site de la radio (abrité par la fréquence de las Madres de la Plaza de Mayo).
Le site de l’UOT (et leur montage de première page Osvaldo Pugliese conduisant la voiture, tout un symbole politique !, à la place du mort Aníbal Troilo et en passager arrière Carlos Di Sarli et ses éternelles lunettes noires).
Le site de l’orchestre Aqua Pesada sur My Space.
En Buenos Aires, son las 20:25

(1) Attention : tango nuevo en Argentine ne désigne pas cette danse nouvelle qui réinterprète les figures traditionnelles du tango argentin à grands coups de croupe et de tremblements de la tête aux pieds qui devient de plus en plus populaire en Europe et n’existe pas sur les bords du Plata. Tango nuevo, en Argentine, c’est le tango de la nouvelle vague de jeunes compositeurs locaux et qui ont des choses à dire.

Les années 50 comme auréole [à l’affiche]

Un spectacle du Festival que je n’aurais sans doute pas remarqué dans la liste à la Prévert de ces deux semaines todo tango à Buenos Aires, si je n’avais eu la chance –ahurissante- de dîner vendredi dernier, après le concert d’ouverture du Festival au Teatro Avenida, à la même table que l’une des protagonistes du concert...

Grande chanteuse dont je connais fort mal la carrière et la discographie ténue (vu la brièveté de la première, les documents audio encore accessibles aujourd’hui sont rarissimes).

Nina Miranda, la "Tita Merello oriental" comme me l’a présentée, d’un souffle, Walter Piazza, le Secrétaire de la Academia, qui a joué auprès de moi les cicerones de luxe tout au long de cette mémorable soirée, commencée à la tombée du jour devant le Café Tortoni, pour l’inauguration d’une nouvelle plaque-souvenir, et achevée devant un vinito (1) offert par Tango Porteño, imposant et somptuaire Cena-show pour touristes 100% Art Déco qui faisait ainsi sa pub en accueillant avec un faste indéniable le Ministre de la Culture himself et en personne et les invités de l’ouverture du Festival (majoritairement des artistes de tango, dont plusieurs de ceux qui avaient participé au concert, et des journalistes spécialisés).

Nina Miranda, revenons à elle, est née à Montevideo il y a 82 ans (mais elle ne les paraît pas). Elle est donc non pas argentine mais uruguayenne (orientale, dit-on sur les rives du Río de la Plata. Regardez une carte, vous comprendrez pourquoi). Faites bien la différence, elle est très importante. Imaginez un peu que quelqu’un vous dise que Jacques Brel (que era belga) ou François Balmer (que es un actor suizo) était, pour l’un, et est, pour l’autre, français... Vous y êtes ? D’autant qu’elle y tient, à sa nationalité, Nina Miranda. Il n’a fallu que cinq minutes d’une discussion pourtant on ne peut plus informelle sur le concert dont nous sortions pour qu’elle glisse dans la conversation cette information capitale. Avec discrétion, certes, mais efficacité (reçue 5 sur 5)...

Nina Miranda a fait une carrière éclair : quelque deux ans seulement à Buenos Aires. Elle chantait déjà bien sûr de l’autre côté du Río de la Plata mais pour se faire connaître, pour pouvoir enregistrer des disques, il est préférable d’aller à Buenos Aires où toute cette infrastructure de show business (agences artistiques, studios, radios, labels discographiques et maisons d’édition) est très développée et donc beaucoup plus performante, surtout dans les années 50... Ainsi donc passa-t-elle à l’ouest en 1956 et elle mit fin à sa carrière juste après son mariage, à la demande pressante de son mari, en 1958... Dans ces années-là encore, la profession de chanteuse populaire (cancionista) n’était guère bienséante et ce monsieur bien sous tous rapports tenait à préserver l’honarabilité de son nom. Nina Miranda quitta donc l’univers tanguero pour se faire maîtresse de maison...
Ce sont deux de ses amis personnels, Gabriel Soria et Cecilia Orrillo, mari et femme, qui lui offrent donc, à 82 printemps, l’occasion de remonter sur scène, ce qu’elle fait avec un plaisir et une coquetterie non dissimulés...

Le spectacle, auquel Horacio Ferrer a tenu à assister en compagnie de son épouse et alter-ego Lulú Michelli, a été baptisé par ses deux organisateurs El retorno de las cancionistas. Plus personne ne parle aujourd’hui de cancionistas. Une chanteuse c’est "una cantante". Un chanteur, quant à lui, c’est le plus souvent "un cantor" (chanteur populaire), le cantante étant davantage un artiste passé par une formation plus académique que ce qui est nécessaire pour le tango. Outre Nina Miranda, le show rassemble deux autres grandes voix féminines de la même époque : Elsa Rivas (82 ans) et María de la Fuente (91 ans), toutes deux si heureuses elles aussi de retrouver les planches et les projecteurs et le public et les applaudissements et le proclamant haut et fort sur scène.

Un récital court : 3 morceaux chacune et un dernier qu’elles chantent ensemble (Cantando, d’une autre grande chanteuse, feu Mercedes Simone) et avant l’entrée en scène de chacune d’elles, un montage de documents sur sa carrière, projeté sur écran, avec quelques extraits sonores et plein de photos. Les trois morceaux qu’elles chantent en direct, accompagnées la première et la troisième, par les guitares de Hugo, Néstor et Osvaldo Rivas et pour María de la Fuente par le piano de Néstor Schiavone, furent leurs plus importants succès, dont Besos Brujos pour Elsa Rivas, Fuimos pour María de la Fuente (qui, mardi, a ajouté à son programme un Ave Maria de Gounod avec un texte en espagnol assez pieusard, très éloigné de la splendide et ascétique prière latine), et Garufa pour Nina Miranda. Bien entendu, Nina Miranda chante le répertoire uruguayen, en particulier celui de cette fine équipe de joyeux drilles qu’était la Troupe Ateniense (on leur doit du tango drôle, plein d’un humour mordant, dont Maula et Garufa sont d’excellents exemples).

Des trois chanteuses, elle est la seule à avoir conservé une voix intacte avec son timbre tel qu’en lui-même. Avec elle, on avait l’émotion du souvenir et de cette belle interprétation en direct, comme avec ces deux compagnes, et la sûreté vocale en prime... Raison de plus pour ne pas louper le film El Café de los Maestros qui sort -en France en tout cas- le 10 septembre : elle en est. Sinon, attendez le DVD qui va sortir à Buenos Aires à la fin de l’exploitation en salle toujours en cours (Zivals le commercialisera certainement très vite après). Et d’ores et déjà, vous pouvez acquérir le double CD tiré du film. En Europe, il est vendu dans une version collector assez chère mais qui a l’avantage d’être disponible tout de suite et pour ceux, surtout en France, à qui l’espagnol fait peur, cet autre avantage non négligeable d’une jacquette toute en français. (2)

El retorno de las cancionistas a été créé au Festival de Tango de La Falda, en Argentine, comme un hommage à des chanteuses dont peu d’enregistrements nous sont parvenus mais qui firent pourtant de très belles carrières radiophoniques, ce qui n’a guère laissé de traces. Il est vrai aussi que de nombreuses matrices de 78 et de 35 tours ont été passées au pilon par les maisons de disques dans les années 70, qui virent un véritable culturocide qui allait de pair avec la répression politique et économique de toutes les expressions de l’identité sud-américaine durant la coalition des dictatures pro-CIA dont l’ignoble opération Condor restera le symbole le plus cruel.

* = * = * = * = * = *

Et puis tant qu’on y est, un mot aussi sur Gabriel Soria, l’un des grands sauveteurs de tout ce patrimoine matériel, éditorial, discographique, manuscrit et historique sur le tango. Journaliste de profession et véritable expert dans son domaine (ce qui ne va pas toujours de pair), il a longtemps animé une formidable émission que l’on pouvait facilement écouter en Europe (grâce au streaming en direct sur le site de Radio Patricios et à l´heure de diffusion, en début de soirée pour nous). Cela s’appelait Siempre Aníbal Troilo (Aníbal Troilo toujours), c’était une émission quotidienne de musique et d’actualité du tango, diffusée du lundi au vendredi et produite par le petit-fils de Troilo, Francisco Torné, directeur de Pichuco Records et du site web sur Aníbal Troilo. L’émission n’a malheureusement pas été reprise dans la grille des programmes 2008 à la rentrée de mars (3).
Gabriel Soria est aussi le Vice-Président de la Academia Nacional del Tango, il est le créateur et le directeur du Museo Mundial del Tango situé au 1er étage du Palacio Carlos Gardel (siège de la Academia, sur la Avenida de Mayo, mais entrée avenida Rivadavia, de l’autre côté du bâtiment).
Si un jour vous allez à Buenos Aires, le Museo veut vraiment le détour. Il est ouvert tous les après-midi, du lundi au vendredi, et l’entrée est gratuite. Dans un espace très haut de plafond mais avec une superficie au sol assez réduite, avoir déployé d’une manière aussi claire, aussi lisible, autant de matériel, c’est miraculeux... Anciens disques, originaux de partition, un beau vieux poste de radio, une victrola (ce phonographe légendaire de la maison de disques Víctor), le bandonéon ouvert d’Aníbal Troilo, des souvenirs de Carlos Gardel, un portrait double d´Horacio Ferrer et cette dernière vitrine, dans le Salón de los Angelitos, tout près de la scène, à gauche de celle-ci, où vous verrez, entre autres documents aussi intéressants les uns que les autres, le Libro Fundacional de la Academia Nacional del Tango. Vous ne pourrez en admirer que la couverture, qui protège et met en valeur le texte écrit par Horacio Ferrer pour présenter, comme déjà existante, la Academia Nacional del Tango au Président de la République, en 1990. Cette couverture somptueuse, avec son logo style 18e siècle espagnol, a été peinte entièrement à la main (et le texte à l’intérieur soigneusement calligraphié). Elle est l’oeuvre d’un artiste fileteador ami d´Horacio Ferrer, Jorge Muscia.
Le site de Jorge (voir les liens) mérite un bon petit coup de souris... Et puis un autre jour, je vous raconterai la saga de la création de la Academia, elle vaut son pesant de bandonéons.
En Buenos Aires son las 20:15

(1) Litteralement : petit vin. Entendez quelque chose comme verre de l’amitié en Europe. Et bien rempli, le verre... Ils avaient dû compter un demi-litre par personne. De vins argentins. Excellents. Accompagnés de mini-empenadas délicieuses.
(2) Personnellement, je préfère la jacquette en espagnol. C’est plus dans la note. D’autant qu’il ne faut pas avoir peur de l’espagnol. Il est pas méchant. Je ne l’ai jamais vu mordre personne...
(3) Ah oui, je sais, la rentrée de mars, ça fait un choc... Mais ça fait encore plus drôle quand vous allez sur le site de la radio et que vous découvrez qu’il n’y a plus d’émission...

vendredi 22 août 2008

Un jeudi de festival tango à Buenos Aires [à l’affiche]

Cucuza et la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires. De dos, le Maestro Raul Garello.
Sur la scène du teatro Alvear. (Photo ajoutée le 7 septembre 2008).


La journée a commencé tôt : petit-déjeuner à huit heures du matin pour pouvoir le partager avec des amis français qui rentraient aujourd’hui à Paris pour reprendre le collier lundi prochain. Le maté cocido et les valises dans l’escalier impossible qui relie le rez de chaussée au 1er étage, les adieux entre le zaguan et le remis garé juste devant la porte.

Laurence et Eric sont partis, avec pour dernier souvenir de tango la présentation du disque de Beatriz Suárez Paz, Tangos Camperos, que nous étions allés écouter ensemble la veille à la Academia nacional del Tango (voir l’article à ce sujet).

Aujourd’hui, à 13h, il y avait au Teatro Alvear un de ces concerts dits thématiques de la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires, formation exceptionnelle qui joue à 34 musiciens. Le concert s’appelait Todo Canto et heureusement c’était pour la forme, pour faire plaisir au Directeur de la Musique dépendant du Ministère de la Culture du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires, lequel a eu cette curieuse idée assez anti-tango d'obliger cet orchestre à monter des concerts thématiques. Il faut croire que celui qui fera changer de route à Raúl Garello n’est pas encore né. Le Maestro et ses deux co-directeurs avec lui n’ont pas changé leur fusil d’épaule et la programmation, loin d’être thématique, offrait toute la varieté de styles, d’époques et de compositeurs qu’il convient de rassembler pour faire un concert de tango authentique.

Ce fut pour moi l’occasion de découvrir un peu plus la voix de Cucuza, de son vrai nom Hernán Castiello, prix Hugo del Carril 2007, qui chanta, et avec quel talent, deux morceaux. Superbe présence sur scène, une gestuelle sobre et juste, une diction remarquable et une voix sonore qui passe cette masse orchestrale considérable, et peu courante de nos jours, tout en faisant corps avec elle.

Partageant la scène avec Cucuza, la chanteuse prix Hugo del Carril 2007 Amparo González, qui manque encore de maturité scénique mais dispose d’une belle voix, et le cantor attitré de l’orchestre, Marcelo Tomassi, visiblement chéri du public.

J’avais déjà eu la chance d’entendre Cucuza mardi lors de cette grande réunion des poètes du tango du 21ème siècle au Salón de los Angelitos Horacio Ferrer (Academia nacional del Tango). Le poète Raimundo Rosales lui avait demandé de venir interprèter deux de ses letras. Mais le Salón est un espace petit, la voix, surtout sur-assistée par la sono, ne s’y développe pas comme avec un orchestre au grand complet dans un grand théâtre à l’italienne comme l’Alvear.

Vendredi soir, je découvrirai encore une autre facette de ce chanteur promis à un brillant avenir de scène, puisqu’il fêtera avec le guitariste Maximiliano Luna, dit Moscato, actuellement dans l’avion qui nous le ramène de France, les 1 an de leur cycle de soirées tango de quartier, El Tango vuelve al Barrio, au bar El Faro dans le quartier excentré de Villa Urquiza.

Au sortir du théâtre, petit tour par la rue Florida et l’ancien Grand Magasin Harrods qui sert de palais des festivals pendant cette quinzaine, pour rencontrer le Président de la Unión de las Orquestas Típicas, croisé hier à l’issue de la fête du lustre de vie d’une radio tango alternative, consacrée uniquement aux tendances et aux artistes du tango contemporain et d’avant-garde (je vous ferai un article sur cette soirée au CCC hier). En pure perte ce petit détour vers l’est, puisque Idelfonso Pereyra n’était pas présent sur le stand. On verra demain, après l’entrevue que je dois avoir avec le Directeur du Museo Casa Carlos Gardel à l’Abasto.

Et ce soir, re-Academia pour retrouver, là encore, Patricia Barone et Javier González, dignes représentants de cette "nouvelle vague", génération montante de musiciens, de chanteurs et d’écrivains qui composent en ce moment tout un nouveau répertoire qui n’a guère encore trouvé le chemin de l’Europe.

Mise à part la soirée poétique de mardi où elle est venue chanter deux morceaux, c’était la première fois que je la voyais sur scène. Et je peux vous dire qu’avec eux, Patricia et Javier, ça déménage sec. Ce n’est pas le tango de grand-père et encore moins un machin for export. Tout le concert reposait sur la musique composée par Javier González, avec des letras signées surtout Alejandro Szwarcman et Raimundo Rosales. Côté musique, c’est un tango qui a digéré le rock’n’roll, une voix très belle, grave, âpre, qui déchire, comme disent les jeunes + des guitares électriques et de la batterie en prime... Superbe concert, très applaudi, y compris par pas mal de têtes blanches ou grisonnantes présentes dans le Salón de los Angelitos Horacio Ferrer. Comme quoi, le tango a de l´avenir.

Au programme de demain, entrevue au Museo Casa Carlos Gardel, re-virée du côté de Harrods dans la rue commerçante et historique Florida et soirée monstre à Villa Urquiza pour retrouver Cucuza et Alorsa (sans oublier Walter Alegre, le coordinateur du tango au CCC) et faire enfin connaissance en chair et en os avec Moscato. Depuis le temps que j’en entends parler... Et puis on va mettre à profit le temps dégagé pour préparer les rencontres qui se profilent pour la semaine prochaine, le poète Luis Alposta et le musicien et directeur de label discographique Litto Nebbia. Toutes ces rencontres feront l’objet d’articles pour elles-mêmes...


En Buenos Aires son las 00.30

jeudi 21 août 2008

El día de Ceferino

Image pieuse mise à disposition des fidèles
sur l'autel du nouveau bienheureux
(Basilica Santa María Auxiliadora y San Carlos, Almagro).

Bien sûr, il s’agit d’une fête qui touche avant tout les catholiques pratiquants. Néanmoins de nombreux Argentins se sentent concernés, sinon par la dimension spirituelle du personnage, du moins par le fait qu’il ait été porté à des honneurs qui transcendent les frontières. Ceferino (Séraphin) est en effet le premier saint incontestablement argentin, les autres ayant vécu avant l’indépendance... Et c’est donc un peu de cette gloire qui retombe sur toute cette nation si avide de reconnaissance internationale.

La fête du bienheureux Ceferino Namuncurá a été exceptionnellement fixée au 26 août, date anniversaire de sa naissance, à Chimpay, dans la province de Río Negro, en 1886. Ce jeune Argentin indien Mapuche a passé une partie de sa courte vie (de 1897 à 1902) à Buenos Aires, dans le quartier d’Almagro et très précisément dans la barriada San Carlos, celle même où j’ai la chance de descendre lors de mes séjours à Buenos Aires. Ceferino est mort de tuberculose le 11 mai 1905, à Rome. Il y était allé faire des études, ayant conçu un édifiant projet de vie religieuse en 1902, pendant ses études dans un collège salésien dépendant de la Basilique San Carlos où il fit sa première communion le 8 septembre 1898 (la Basilique fête, quant à elle, cette année, les 130 ans de la fondation de la paroisse qu’elle dessert).

Dans cette école, Ceferino eut un condisciple, appellé lui aussi à une gloire d’au-delà des frontières, un gamin qu’on surnommait el francesito, élève du même établissement de 1901 à 1904, année de ses 14 ans, âge de la fin de l’école obligatoire. El Francesito avec lequel Ceferino a sans aucun doute shooté dans le ballon à la récréation, quand toutefois son état de santé le lui permettait, el Francesito qui faisait comme lui partie de la chorale du collège Pie X , el Francesito, je vous le donne en mille, c'était ?

Timbre, émis par la Poste Argentine,
à l'occasion de la béatification de Ceferino
le 11 novembre 2007
conçu d'après une photographie du jeune homme.
Hé oui, c’était Carlos Gardel.

Cette condisciplinarité entre les deux, incontestablement attestée par les archives du collège, devenu entretemps une école publique, a fait couler beaucoup d’encre. Beaucoup de croyants, sensibles eux aussi comme tous les Argentins au mythe de Carlos Gardel, se sont efforcés d’y voir un signe de Dieu. L’exégèse de la chose, telle que je l’ai entendu exposer dans un documentaire sur Carlos Gardel par le curateur de la cause en béatification d’il y a de nombreuses années, me paraît théologiquement pour le moins fumeuse et, pour tout dire, carrément tirée par les cheveux. Il n’empêche que la présence dans le même établissement et à la même époque des deux Argentins contemporains qui jouissent d’une forme d’universalité parle et parle fort au coeur des Portègnes. Qui plus est, pour des raisons différentes, l’argentinité de l’un comme de l’autre, est ambivalente. La nationalité de Gardel, né à Toulouse et pourtant doté d’un certificat de naissance le disant originaire de Tacuarembo, dans le nord de l’Uruguay, a suscité et suscite encore bien des polémiques, jusque sur son identité exacte. Quant à l’appartenance ethnique de Ceferino, incontestablement Mapuche, elle donne lieu à une hagiographie particulièrement complexe et dont la chapelle qui lui est consacrée dans la Basilique San Carlos (le saint patron de Gardel, par ailleurs) est un admirable exemple.

Qu’y voit-on ?
Deux représentations du jeune bienheureux.
Un tableau où il figure, censément à Rome (où il se mourait), en jeune étudiant plein de santé, insouciant et paisible, le teint blanc et frais comme il convenait à son époque à un garçon de bonne famille, en pantalon gris et chemise blanche, la veste négligeamment jetée sur l’épaule, avec, en arrière-plan, un bâtiment de style classique, d’un rose saumon pas très heureux à mon goût, et à ses côtés une charmante jeune fille souriante en jupe large et grise, blouse blanche dissimulant toutes ses formes féminines, chaussures plates et chaussettes gondolantes de laine grise... Deux étudiants d’Oxford à une époque.... indéterminée.
Dans la même chapelle, une statuette le représente seul, dans les montagnes de la Patagonie argentine, le teint olivâtre, le nez un peu écrasé (comme sur ses photos), lippu, enveloppé dans un poncho aux couleurs vives... Un paysan mapuche, malgré le drapé incontestablement sacerdotal...

Et cette statue, c'est la statue officielle, celle qu'à la messe solennisée du 26, viendra bénir l´êvèque auxiliaire de Buenos Aires en charge de ce secteur de la capitale.

Comme partout dans le monde, la relation des Argentins à leur histoire est bien complexe... Quelle place donner, dans la saga nationale, au trafic des esclaves dont la région du Río de La Plata a vécu pendant 300 ans ? Que faire, dans la construction de l’image de la patrie, des guerres sanglantes, impitoyables et répétées contre les Indiens, dont Ceferino descend ? Que signifie, pour un catholique argentin d’aujourd´hui, prendre modèle sur un Indien pour sa vie spirituelle ? Qu’est-ce qui fait que Ceferino est un saint : la grâce de Dieu, qui, comme le veut une saine théologie catholique, a agi en lui et l’a configuré au Seigneur ? Ou bien la négation de sa culture mapuche qui irait de pair avec son adhésion à l’Evangile ? En d’autres termes, peut-on être à la fois Indien et Argentin, à la fois Indien et saint ?

A elle toute seule, cette chapelle latérale résume 5 siècles de tension entre aculturation du christianisme, telle que l´ont pratiquée les Jésuites dans les missions, appelées aussi réductions, du nord de l’Argentine et du sud du Paraguay, et conversion forcée, avec répudiation ipso facto de la culture indienne, lot commun de tant et tant de gens un peu partout dans toute l’Amérique latine... Et Dieu sait si cette tension est forte en Argentine, d'autant plus forte qu'elle fait l'objet d'un refoulement collectif, plus forte donc que dans d’autres pays où les populations autochtones sont demeurées plus visibles (Pérou, Colombie, Bolivie par exemple).

Cette année, c’est la première fois que Ceferino sera fêté dans le cadre d'un culte public, puisque celui-ci n’a été rendu liturgiquement licite que le 11 novembre dernier, date de sa béatification à Chimpay... Son portrait a été hissé sur les grilles de la Basilique sous le thème Ceferino nous attend, Ceferonio enfant de Dieu et frère de tous. Il est présent sur bon nombre de vitrines de magasins, aux caisses de certains commerces et même à côté du guichet nord de la station de métro Castro Barros, la plus proche de San Carlos.

Et San Carlos, c’est aussi la paroisse du payador de légende, José Betinotti (1878-1915), qui a vécu toute sa vie dans ce quartier. C’est sans doute dans ces rues et peut-être même dans cette église qu’il a connu Carlos Gardel, dont ont dit qu’il en avait fait son assistant, peut-être dans ce coin de la ville qu’il lui a enseigné les fondements de la guitare et un peu de chant... Et si c’est bien Ceferino qui remporta le 1er prix de chant du collège Pie X en 1901, c’est le nom de Carlos Gardel qui figure sur la plaque fileteada commémorant, sur la façade de l’église, le fait qu’il soit venu y chanter au sein de la chorale un jour de 1902. Et tous les trois restent présents dans ces rues, qui ont dû changer depuis : le saint en attente de canonisation, el Zorzal criollo (1) et el Último Payador comme le poète Homero Manzi (1907-1951) aimait à appeller Betinotti. Sans oublier Pichuco (1914-1975) (2) qui venait volontiers à la messe de minuit dans cette très belle église, une des plus belles de la ville...

Pour en savoir plus sur Ceferino, bienheureux de l’Eglise catholique, le site de sa cause

En Buenos Aires son las 18.15

(1) Carlos Gardel
(2) Aníbal Troilo

mardi 19 août 2008

Présentation de disques à tire-larigot et à.... la Academia nacional del Tango [à l’affiche]

Festival du Tango de Buenos Aires oblige, la Academia Nacional del Tango est de service tous les soirs pendant toute la semaine...

Un salut amical à ceux qui y travaillent, que je croise tous les jours depuis jeudi après-midi et qui ne se départissent jamais de leur sourire pour accueillir un public très nombreux...

Mercredi 20 août, Tangos Camperos de Beatriz Suárez Paz (voir l’article sur cette artiste)

Jeudi 21 août, Gestación de Patricia Barone et Javier González, un disque de la composition de Javier avec des textes de poètes contemporains.
Voir leur site

Vendredi 22 août, Modales y Finura de Pablo Banchero (je ne pourrai pas y être, je serai à l’autre bout de la ville, pour le 1er anniversaire du cycle de tango El Tango Vuelve al Barrio avec Cucuza et Moscato, rentré de Marseille le jour même). Un disque de música propia : des compositions signées de lui et rien que de lui...
Voir le site de l’artiste, pas peu fier de se produire au Salón de los Angelitos Horacio Ferrer !

Samedi 23 août (dernier jour du Festival mais on enchaîne aussitôt sur le Mundial de Tango Baile), Tracción a sangre (traction à sang) du compositeur Brian Chambouleyron.
Vous pouvez retrouver Brian Chambouleyron sur le site de Todo Tango

Toutes ces soirées commencent à 19h30. L’entrée y est libre et gratuite. Les soirées de la Academia font partie de la centaine de concerts gratuits répartis sur toute la ville pour la durée du Festival, dixième du nom.

Sur ce, je vous quitte. Patricia Barone attend que je lui confirme ma présence par mail et comme l’ordinateur dont je dispose dans el Hostel où je réside a fait la Guerre d’Indépendance aux côtés de San Martin, il n’est pas rapide, rapide...

Et à Buenos Aires, il est 23h30

lundi 18 août 2008

La réponse était oui [à l’affiche]

Dans Nuevos, le nouveau disque de El Arranque (30 juillet), je vous disais que dans le jeu de société inclus dans leur nouveau disque, ces tangueros nous posaient la question : "peut-on être étranger et bien jouer du tango ?" Et j’avais répondu que mon expérience m’incitait à répondre non, vu ce qu’on entend au disque, sans toutefois écarter l’hypothèse selon laquelle cette réponse n’était pas la bonne. Eh bien, j’avais raison : j’avais tort !

La soirée consacrée à des oeuvres de Piazzolla-Ferrer dans l’interprétation de Versus Ensemble ce soir était à tomber par terre... Or ce sont des Espagnols.
Le chanteur Enrique Moratella est andalou et il en a l’accent, à couper au couteau. Généralement en tango, ça m´énerve et j’ai souvent cru que, dans les enregistrements réalisés par des Européens, l’accent participait à me donner cette impression fausse que je déteste. Ce soir, à l’Academia Nacional del Tango, je viens de faire l’expérience réconfortante que pas du tout. En fait, c’est la façon de chanter qui fait tout, la sobriété ou le grand guignol.
Et du grand guignol, j’en ai eu hier dans un show bricolé à la hâte, en catastrophe, pour pallier l’indisposition du grand, vrai chanteur prévu au programme. Donc j’ai encore plus apprécié cette interprétation d’une rare puissance de cette musique si singulière, si connue aussi, si profondément marquée par les interprétations phares qu’en firent Piazzolla lui-même pour la partie instrumentale et Roberto Goyeneche et Amelita Baltar pour la partie vocale.

La soirée a commencé sur un Acto académico avec un hommage très fort rendu par Horacio Ferrer au Festival de tango de Grenade devant l’Ambassadeur d’Espagne et avec la présentation solennelle du prochain Sommet mondial du Tango à Bariloche en mars 2008, en présence de représentants de cette station de sport d´hiver patagonienne, qui ont régalé les spectateurs précoces, dont je faisais partie, d’une des deux spécialités gastronomiques de San Carlos de Bariloche : des chocolats. Fameux au reste ! L’autre spécialité, c’est l´agneau de Patagonie, le Meilleur du Monde d’après les Argentins, et même supérieur, disent-ils, à notre agneau de prés salés français. Et ça, je demande à voir ! Bref, revenons à nos montons, comme dirait l’autre, à savoir le Sommet mondial du tango à Bariloche (je vous en reparlerai ailleurs) et la remise de la médaille de la Ville de Buenos Aires, par un élu de la Legislatura, à Enrique Moratella qui a répondu, avec émotion, par un très beau et sobre discours dans lequel il a pris l’engagement de se donner encore davantage désormais au dialogue artistique interculturel.

La soirée s’est poursuivie par le concert lui-même : pluieurs pièces instrumentales de Piazzolla dont Adiós Nonino, trois extraits de María de Buenos Aires avec Enrique Moratella dans le rôle du chanteur et Horacio Ferrer, grosse fleur à la boutonnière et lavallière de payador autour du cou, dans celui du Duende. Un ensemble qui a pris tout le monde dans une émotion qui était palpable. Pour finir, Moratella nous a offert, en quasi duo avec Horacio Ferrer, un Chiquilín de Bachín et une Balada para un loco à couper le souffle.
Il a souhaité enfin conclure en sortant du tango et en dédiant à Horacio Ferrer son interprétation magistrale et sans esbrouffe d’un poème de Federico García Lorca, grand écrivain andalou qui a beaucoup ensemencé, esthétiquement et intellectuellement, le milieu du tango portègne et qui fut aussi un familier de l’endroit, puisqu’il fréquenta beaucoup le Café Tortoni, situé à l’étage du dessous....

Donc oui, quand on est étranger et ¡ même quand on est espagnol ! on peut bien chanter le tango et même très bien, et même mieux que certains Argentins qui cabotinent et en font des tonnes en criant dans le micro au lieu de... chanter.

En Buenos Aires, es la 1 de la mañana...

Domingo festivalero en Buenos Aires [à l’affiche]


Dimanche festivalier à Buenos Aires

Si le mot festivalier existe bien en français, ne cherchez pas dans un dictionnaire son pseudo equivalent en espagnol.

La Real Academia de España (RAE pour les intimes) est formelle : connait pas !
Rien d’étonnant, c’est moi qui l’invente, épuisée par les joies de cette journée magnifique...

Si vous avez suivi mes derniers billets, vous savez que La Biyuya donnait ce dimanche aprés-midi, à l’heure du foot, un concert (à Buenos Aires, on dit un show) au Centro Cultural Chacra de los Remedios, dans le Parque Avellaneda, dans le quartier auquel il a donné son nom et où je n’avais encore jamais mis les pieds. Un concert "a la gorra" (au chapeau, dirait-on en français).

Le quintette guitares, flûtes, batterie et voix a interprété pluieurs morceaux présents dans leurs deux dernier disques (El cuento de que Dios es argentino et Buenosairece, Unión de los artistas independientes) dont une valse et une milonga sur des vers d´Homero Manzi (1907-1951) dont j’aime infiniment leur arrangement : Esquinas porteñas et Pena mulata.
Ils ont donné aussi un avant-goût de ce que pourra être leur prochain CD, qu’ils ont prévu d’enregistrer vers la fin de cette année pour une mise sur le marché qui interviendrait vers le mois de mars.

Ce nouveau disque, dont le contenu est encore dans les limbes, sera probablement tout entier consacré à de la musique de leur composition et ce que j’en ai entendu cet après-midi était superbe. Comme Pablo Dichiera m’a gentiment invitée à venir assister à l’une de leurs séances de travail (ensayos, répétition), je pourrai vous en dire plus d’ici quelques jours. Et de toute façon, vous serez les premiers avertis lorsque le 4ème disque sortira... à Pâques ou à Bariloche....

Un mot à présent sur les concerts du dimanche 16h au CC Chacra de los Remedios.

Ce sont toujours des manifestations gratuites où les artistes exécutent gracieusement eux aussi leur prestation, quand bien même le déplacement jusqu’au Parc leur occasionnerait des dépenses... Selon une tradition très ancrée dans l’univers du tango, on fait donc passer une casquette (gorra) -et c'est une grosse casquette, une casquette pour la tête à Toto (1)- parmi le public et l’argent récolté est pour eux. Libre à eux alors d’en reverser tout ou partie au Centre dont le budget ne couvre que les salaires des employés qui travaillent dans le Parque Avellaneda, grand espace vert au milieu de ce quartier périphérique de Buenos Aires (à l’ouest de la ville).

Sono et proscenium ont été achetés grâce à la contribution financière des habitants du quartier (los vecinos, comme on dit en portègne) et l’entretien de ce matériel dépend de la générosité des artistes et de la quote-part de la quête qu’ils abandonnent au Centre.

Ce concert était un concert en plein air, par une belle aprés-midi ensoleillée mais néanmoins frisquette, sur le parvis pavé d’un beau bâtiment façon corps de ferme auquel un palo borracho (2) fait de l’ombre en été. Des tabourets en plastique pour s´asseoir. Une partie du public, surtout familial, avait apporté tout l’attirail du parfait consommateur de maté : sac à dos à maté, mate dans son étui de cuir avec la bombilla, flacon de plastique pour la yerba mate et le thermos et son eau presque au point d’ébullition...

Tout autour, c’était le parc, avec ses promeneurs, les chiens qui jouent à la baballe, les gamins en patins à roulettes, les cyclistes, les vendeurs ambulants de boissons chaudes aux thermos de toutes les couleurs ou les marchands de chouchoux et de barres chocolatées. Bref, la vie du dimanche après-midi à Buenos Aires en hiver.

Après le concert, à l’intérieur, on donnait une matinée enfantine (la nuit commence à tomber vers 18h et il était déjà 17h).

La semaine prochaine, au même endroit et à la même heure, il y aura une milonga, à l’intérieur...


En Buenos Aires es la 1 de la mañana


(1) Viejo chiste francés. El pebete Toto vuelve a casa llorando. La mamá le pregunta porque llora. Le contesta : porque en la escuela se burlan de mí y me dicen Cabeza Gorda. Y la madre rezongando le dice : eso no, hijito mío. Son mentiras. No te preocupes y en vez de llorar, va al frutero y llevame 1 kg de papas en la gorra.
(2) Palo borracho : arbre très fréquent à Buenos Aires dont le tronc, hérissé de piquants, a une forme qui peut facilement évoquer celle d’une bouteille.

dimanche 17 août 2008

Versus Ensemble à la Academia Nacional del Tango [à l’affiche]


Versus Ensemble, groupe de musiciens andalous très inspiré par le flamenco et non pas insensible au jazz, sera à la Academia Nacional del Tango ce dimanche 17 août, à 19h30, au Salón de los Angelitos Horacio Ferrer, dans le cadre du 10e festival de Tango de Buenos Aires.

Versus Ensemble se compose d'un violon, un saxophone, un piano, une guitare et une contrebasse. Comme una orquesta típica, à la seule différence que le saxophone remplacerait le bandoneon, ce qui pourrait rappeler au lecteur l'ensemble portègne Siglo Treinta de Néstor Tomassini.
En mars de cette année, pour les 40 ans de la création de María de Buenos Aires (Astor Piazzolla et Horacio Ferrer), ils en ont enregistré une version avec Horacio Ferrer dans le rôle du Duende, rôle qu’il tenait déjà à la création (el Duende, c’est le génie, le lutin, le farfadet), et la soprano María Rey-Joly dans le rôle de María, le personnage central qui représente la ville même de Buenos Aires et que créa, et avec quel panache, la chanteuse argentine Amelita Baltar, seconde épouse d’Astor Piazzolla. C’est le chanteur grenadin Enrique Moratalla qui prête sa voix au rôle multiple tenu en mai 1968 par le chanteur de l’orchestre d’Astor Piazzolla, Héctor de Rosas.

Cette nouvelle version représente pour le chanteur espagnol initiateur du projet le premier regard andalou sur Astor Piazzolla, lui-même fort redevable à de nombreuses traditions musicales autres que le tango (classique, jazz, comédies musicales de Broadway, rock...). Il s’agissait pour lui de produire cette operita-tango en en respectant l’esprit et la spécificité sans renoncer lui-même à sa propre identité culturelle andalouse.

Le disque est édité par Naxos et disponible depuis le mois de février dernier.

Cette version a fait l’objet d´un spectacle créé le 6 mars dernier, dans le cadre du 20 festival de Tango de cette ville du sud de l’Espagne, avec la participation de son auteur, Horacio Ferrer et le renfort d’un ensemble de danseurs.

Je n’ai pas encore entendu cette nouvelle interprétation et j’attends avec impatience de pouvoir le faire ce week-end...

Lire l’interview d’Enrique Moratella dans La Opinión de Granada du 6 mars 2008.
María de Buenos Aires est cette année à l'affiche du Teatro Colón, mais en dehors de ses murs pour cause de travaux de réfection complète. Une première série de représentations a eu lieu en avril-mai au Teatro Cervantes. Le spectacle sera repris au printemps en octobre. Avec Horacio Ferrer dans le rôle du Duende.
En Buenos Aires son las 20

¿Cómo se dice “lo mejor de algo” en francés ? [Jactance & pinta]

Lo neutral sería decir: ce qui se fait de meilleur (de mieux) dans le domaine de, en matière de...

Por ejemplo: ce qui se fait de mieux en matière de poésie...

En un registro muy elegante se dice: la fine fleur de la poésie o la fine fleur des poètes.
La fine fleur se dice originalmente de la harina de mejor calidad. Y se puede decir para cosas y personas.
En el registro elegante, pero un poco menos, se dice: le fin du fin de la poésie. En un language correcto sólo se puede decir de cosas. No obstante en la calle se escucha para hablar de personas...

El francés popular podría decir: le dessus du panier de la poésie (o des poètes) en referencia a la practica de los fruteros que en los mercados suelen poner los mejores productos encima de cada montón de frutos y verduras.

También podría decir la crème des poètes (o de la poésie). La crème es la crema de leche, la nata. En la leche fresca y cruda sube a la superficie. Es la parte más más rica, la que da la manteca, una fuente importante de ingresos para la gente campera en Europa hacia el sigle 20.

El argot francés dice: le gratin des poètes (o de la poésie). Gratin es plato gratinado, que sea de papas, pastas, verduras, no importa. Acá la idea es la parte superior del plato, la parte gratinada que a todos les gusta por lo crujiente.

Para expresar un entusiasmo excepcional, una admiración afuera de lo ordinario, se puede combinar dos turnos... Se hace mucha así en el habla de la calle.

Pero casí siempre son los dos mismos turnos y en el mismo orden por razón eufónica: la crème du gratin. La combinación es lógica y suena mejor así que gratin de la crème por los acentos tónicos. Se escucha la CREme du graTIN. No son habituales en francés los acentos tónicos internos. Siempre se encuentra al principio o al final....

Y si no sabes porque te aclaro esos turnos, es porque no leiste el articulo sobre lo que va a pasar el proximo lunes en la Academia nacional del Tango. Tenés que buscarlo....
En Buenos Aires, son las 20

El día de San Martín (la fête de San Martín)


Comme vous le voyez à la martiale illustration ci-dessus, il ne s’agit bien sûr pas de celui de Tours, qui partagea de son épée de soldat de l’armée romaine son manteau pour en couvrir un pauvre en guenilles... Celui-ci est aussi très populaire dans les parages comme en Europe mais il n’a en commun avec celui qui nous intéresse aujourd’hui que ce métier de soldat...

Le San Martín que l’on fête demain et lundi en Argentine, c’est el Padre de la Patria, el Libertador, le Général José de San Martín, chef militaire et politique de la Guerre d’indépendance de ce qui est aujourd´hui l’Argentine, le Chili et le Pérou et même, quoique dans une moindre mesure, l’Uruguay dont le processus d’indépendance fut encore plus compliqué et beaucoup plus long...

José de San Martín jouit ici d’un prestige dont on a du mal à s’imaginer en Europe et l’ampleur et la nature. Récupéré par tous les bords politiques. Institué en chromo et en image d’Epinal. Panthéonisé, lui le franc-maçon, dans une chapelle de la Cathédrale métropolitaine de Buenos Aires où un détachement de grenadiers lui rend les honneurs tous les jours...

Il est né en Argentine le 25 février 1778. Il a été formé en Europe dans les écoles militaires espagnoles puis auprès des troupes britanniques au sein desquelles il a combattu pendant les premières années des guerres napoléoniennes. Rentré au pays, il a été l’un des initiateurs libéraux de l’indépendance et le principal chef militaire du peuple criollo révolté contre la puissance coloniale espagnole en 1810 et jusqu´au début des années 1820. Rappelé du Pérou par le gouvernement de la toute jeune Argentine pour mater le début de la Guerre civile qui suivit l’indépendance et ne prit fin qu’avec Juan Manuel de Rosas en 1829, il refusa de porter les armes contre son propre peuple et s’exila en France.

Il vécut à Grand-Bourg, aujourd´hui un quartier de la ville nouvelle d’Evry dans la banlieue sud de Paris, puis s’installa en 1848 à Boulogne s/ mer dans le Pas de Calais, sans doute parce que ses liens de fraternité maçonique avec Louis-Philippe, tous deux initiés dans une obédience anglaise, risquaient de lui valoir quelques soucis dans la jeune et éphémère Seconde République Française.

Il est mort à Boulogne s/ Mer le 17 août 1850, après avoir disposé que son sabre fût remis après sa mort au Gouverneur de Buenos Aires de l’époque, le fédéraliste anti-libéral Juan Manuel de Rosas, pour la bravoure avec laquelle il avait défendu l’honneur de la patrie contre les visés colonisatrices de la Grande-Bretagne d’alors sur l’Argentine.

Comme un saint canonisé, San Martín est fêté au jour anniversaire de sa mort, et non à celui de sa naissance.

Dépôts de gerbes et exécutions de l´hymne national vont se succéder demain partout dans les villes d’Argentine dont chacune a au moins ou une rue ou une place San Martín ou une statue du héros et le plus souvent les trois à la fois comme c’est le cas à Buenos Aires, qui compte aussi dans le quartier populaire de l’Abasto (quartier de Balvanera) une rue Boulogne s/mer, dans le nord une avenue del Libertador (7 files dans un sens, 7 dans l’autre) et un Museo Sanmartiniano dans le quartier de Palermo, installé dans une réplique de la maison qu’il occupa à Grand-Bourg.

Le lundi férié est une coutume récente : pour développer le tourisme intérieur, il a été décidé que les fêtes nationales seraient repoussées au lundi suivant afin de dégager un week-end de trois jours. Et la recette fonctionne plutôt pas mal.
En Buenos Aires son las 20

vendredi 15 août 2008

Le nouveau disque de Beatriz Suarez Paz présenté à la Academia Nacional del Tango [à l’affiche]


Pendant le 10ème Festival de Tango de Buenos Aires, qui sera inauguré ce soir par un concert monstre (et gratuit) au Teatro Avenida (dans la avenida de Mayo), la chanteuse Beatriz Suarez Paz, membre de la Academia nacional del Tango depuis juin 2002, date où elle fut reçue en tant que "Academica de generación intermediaria", présentera le 20 août prochain, son nouveau disque baptisé Tangos Camperos (tangos de la campagne).

La soirée aura lieu à 19h30, l’entrée est libre et gratuite dans la limite du Salón de los Angelitos Horacio Ferrer....

Cet horaire donnera à tout le monde le temps de profiter de la deuxième partie de soirée pour se faire un autre concert ailleurs dans la foulée...

A Buenos Aires, les concerts de tango, qui, en temps ordinaires, sont relativement nombreux, vont être légion pendant ces 7 jours de folie...

Le temps de me procurer ce disque à mon prochain saut à Zivals et je vous en parle plus longuement...

D’ici là, prenez donc le temps, en ce long week-end du 15 août, d’aller visiter le site de cette chanteuse.


En Buenos Aires, son las 4 de la tarde

Inauguration d’une plaque en l´honneur du Maestro Héctor Negro au Tortoni [à l’affiche]

Demain, à 18h, la Legislatura Porteña (le Parlement monocaméral de la Ville de Buenos Aires) dévoilera une plaque d´hommage au poète Héctor Negro sur la façade du Gran Café Tortoni, situé sur l’Avenida de Mayo, entre la Plaza de Mayo et l’immense avenue du 9 de Julio.

En cette année où le Tortoni célèbre les 150 ans de sa fondation, ce qui en fait le plus ancien café de la Ville, la Legislature a voulu rendre hommage à la fois à cette institution de la vie culturelle et intellectuelle de la ville, véritable « recalada » (mouillage, au sens maritime du mot) de tout ce que la ville compte d’artistes et de penseurs, et au poète qui, sur une musique de la défunte Eladía Blázquez, l’a chanté dans un tango intitulé Viejo Tortoni...

Le Tortoni a été le siège d’une très importante insitution culturelle de Buenos Aires, la Peña del Tortoni, le Cercle du Tortoni, fondé et animé par le peintre anarchiste de La Boca Benito Quinquela Martín, cercle auquel ce tango rend hommage.

La plaque qui sera fixée demain citera l’un des vers du poème et j´ai vu ce soir le Maestro Héctor Negro en être très heureux...

J’y serai. Donc vous aurez sans nul doute à mon retour en Europe une belle photo.
D’ici là, vous pouvez déjà aller lire ce tango en profitant des ressources de TodoTango, le site encyclopédique sur le tango dirigé par Ricardo García Blaya.(http://www.todotango.com/spanish/main.html)

Tortoni de ahora, tan joven y antiguo,
con algo de templo, de posta y de Bar.
Azul, recalada, si el fuego es el mismo,
¿quién dijo que acaso no sirve soñar?

Tortoni de maintenant, si jeune et si vieux,
Avec un quelque chose d’un sanctuaire, d’un relais de poste et d’un bar.
Ideal, mouillage, si le feu n’a pas bougé,
Qui viendra me dire que rêver, ça ne sert pas à grand-chose...
Traduction Denise Anne Clavilier


En Buenos Aires, es la medianoche y picos...

La crème du gratin des poètes à l’Academia Nacional del Tango [à l’affiche]

Lundi prochain, 18 août, jour férié à Buenos Aires, l’Academia Nacional del Tango réunira, en cette semaine du Festival de Tango, sous le titre Encuentro de Letritas Tango Canción Sigle XXI, les meilleurs poètes de l’heure et des musiciens qui interprêteront quelques uns de leurs tangos...

Tenez-vous bien... Il y aura là Guillermo Fernández, Alejandro Szwarcman, Miguel Jubany, José María Carotti, Saúl Cosentino, Héctor Negro, Raimundo Rosales, Enrique Morcillo, Anna Saeki, Ernesto Pierro, Horacio Ferrer, Acho Estol et Juan Vattuone... N’en jetez plus !

Et bien si, justement, ce n’est pas fini... Voici maintenant le plateau côté interprètes...
Juan Pugliano, Raúl Garello, Carlos Rossi, Dolores Solá, Patricia Barone, Javier González, José Teixido, Sergio Zabala, Leandro Marquesano, Oscar Pometti, Hernán Castiello, Alberto Bono, Javier Migled et la convocation officielle, placardée sur la façade de la Academia, ajoute, histoire de faire bonne mesure : "entre otros"...

Cette rencontre tout à fait exceptionnelle et qui promet une affluence record et le gain de quelques cheveux blancs aux salariés de la Academia se tiendra lundi 18 août, à 19h, au premier étage de ce maginifique bâtiment qui abrite aussi le Gran Café Tortoni au rez de chaussée, dans un salon baptisé Salón de los Angelitos Horacio Ferrer, par double référence au Café de los Angelitos où le payador José Betinotti et le mythe Carlos Gardel eurent leurs habitudes et au fondateur et président de l’Academie.

J’y serai... Je vous en parlerai. En attendant, ce soir, étant moi-même dans ces murs prestigieux, j’ai vu passer et pu m’entretenir un peu, en avant-première, avec les Maestros Héctor Negro (rencontré l’année dernière) et Alejandro Szwcarcman, que je rencontrai aujourd’hui pour la première fois... Une fois de retour, il faudra que je vous présente les disques qui permettent d’entendre les oeuvres récentes de ces deux poètes tout à fait exceptionnels...
Comme dans tout plenario de la Academia Nacional del Tango, la soirée sera illustrée d'un tango ritual. Lundi ce sera Muchacho yo tengo un tango, de Nati Paredes, chanté par Pablo Lozano et interprété par l'orchestre de Alfredo Gobbi.
En Buenos Aires, es la medianoche y picos

Abel Córdoba Esquina Osvaldo Pugliese [à l’affiche]

Ce vendredi et ce samedi soir, comme il le fait très souvent, le chanteur Abel Córdoba se produira dans le restaurant pizzeria parilla Esquina Osvaldo Pugliese, situé au croisement de l’avenue Boedo et de la rue Carlos Calvo, dans le quartier de Boedo.

Je vous ai déjà un peu parlé de cet établissement sans façon d’excellente gastronomie portègne et de l´histoire de tendresse que ces murs ont avec le Maestro Osvaldo Pugliese (1905-1995) dans mon article de juillet sur la fête du quartier de Boedo.

Et j’avais mentionné Abel Córdoba. Ce chanteur qui mène maintenant une carrière de soliste a été le dernier chanteur de la Orquesta Típica Osvaldo Pugliese. Et il reste de lui dans cet orchestre de nombreux disques dont les deux concerts en public que furent Osvaldo Pugliese al Colón (en 1985) et Piazzolla Pugliese Finally Together, enregistré à Amsterdam....

Par fidélité au grand Maestro, son dernier chanteur vient chanter en ce long week-end férié (samedi, dimanche et lundi) dans cette pizzeria de quartier, ce grill fréquenté en famille ou entre copains, sans autre attente qu’un bon moment de convivialité...

Aujourd’hui et depuis la disparition l’année dernière de Tito Reyes, ils ne sont plus que deux à porter ce titre et cet honneur d´avoir été le dernier chanteur (je parle des hommes) d’un orchestre de compositeurs majeurs. Tito Reyes était le dernier chanteur de Aníbal Troilo (1914-1975). Abel Córdoba est le dernier chanteur de Osvaldo Pugliese et José Ángel Trelles, qui est aussi auteur-compositeur, est le dernier chanteur de Astor Piazzolla (1921-1992).

En Buenos Aires, es la medianoche y picos

China Cruel [disques & livres]

China Cruel donnait ce midi un concert dans le cadre du programme du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires (GCBA) Todas las músicas 2008. Concert gratuit dans la salle sobre et habitée du Teatro Alvear, l’un des deux grands théâtres subventionnés par le GCBA, dans l’avenue des artistes par excellence, la avenida Corrientes dont vous entendez parler à longueur de tango, si vous écoutez les paroles...

China Cruel est une formation musicale traditionnelle de tango mais composé uniquement de femmes (ce qui l’est moins, traditionnel...). C’est une orquesta típica. Ceux qui lisent ce blog depuis sa création, notamment ceux qui ont déjà lu mon article de juillet sur Néstor Tomassini, savent désormais très bien ce qu’est una orquesta típica. Pour les autres, j’explique : c’est un ensemble composé au minimum d’un piano, d’une contrebasse, d’un violon et du célèbre et emblématique bandonéon (bandoneón, pour les puristes).

C’est donc le cas : Verónica Bellini (piano), Carolina Cajal (contrabajo), Valeria Collante (violin) et Paula Liffschitz (bandoneón). A quoi s’agrègent la guitare (électrique) de María Laura Santomil et la voix (très belle) de Viviana Scartassa.

Ce sextuor féminin qui a choisi de se baptiser d’un titre de tango, ce qui est depuis plusieurs décennies, devenue une véritable tradition, présente un répertoire qui mêle les grands classiques (ce midi, Che Bandoneón de Troilo et Manzi, La Trampera de Troilo, Libertango de Piazzolla pour ne citer que quelques morceaux) et des pièces de música propia (de leur composition). Ce matin (13h, ici, c’est le matin), nous avons donc entendu plusieurs morceaux de Verónica Bellini (paroles et musique) et un de María Laura Santomil. Personnellement, j’ai été bluffée par leur talent, leur dynamisme, leur modernité et leur respect de la tradition... J’ai en particulier aimé beaucoup le tango de Verónica Bellini Tu Muñequita verde, qui reprend dans l’univers des rencontres par chat le thème éternel du tango, l’amour n’est pas aimé (le titre fit régérence à l petite silhouette du correspondant dans les sites de chat, verte qund le correspondant est en ligne, rouge lorsqu'il ne l'est pas). Une manière de renouveler le genre particulièrement audacieuse et qui ne cherche à aucun moment à "faire moderne" et me s'amuse pas non plus à se la jouer anachronique.
De très grandes dames et, comme le veut une tradition constante en tango, elles sont fort jeunes...

Viviana Scartassa a annoncé en fin de concert le prochain enregistrement d’un disque (pour une sortie cet été, a-t-elle annoncé, entendez donc soit pour Noël soit vers février-mars). Et un DVD est aussi en projet. Quelques plans ont été filmés ce midi. Je vais surveiller cela de près et je vous tiens au courant. Je suis en train de faire ce qu’il faut pour qu’elles me communiquent leurs infos au fil de l’eau....
En Buenos Aires, es la medianoche y picos.