mercredi 31 décembre 2008

Les voeux du Maestro Luis Alposta [Jactance & Pinta]

Dans Barrio de Tango, j’ai eu déjà l’occasion et le plaisir de vous présenter ce poète, qui se double aussi d’un historien averti tant du tango que du lunfardo (cf. les articles rassemblés sous son nom, voir les mots-clés sous le titre ou le lien dans la colonne de droite partie basse, et en particulier l’Ode à la Pizza, les extraits de El Jubilado et de Frankenstein).

Le 4 décembre, Luis a envoyé à ses amis et connaissances les voeux que je vous traduis ci-dessous (avec son accord, of course) :



En 2009, puisses-tu connaître toute réussite...

Oui, je sais, j’ai vraiment l’air d’en prendre à mon aise avec le texte original... Pourtant je vous assure que je suis fidèle à l’esprit sinon à la lettre, en tout cas autant qu’on peut l’être lorsqu’il s’agit de traduire des expressions idiomatiques, par définition intransférables d’une langue à l’autre...

Et j’ai les preuves de ce que j’avance (vous imaginez bien que je ne pars pas sans biscuit).
Ci-après une petite communication historique que Luis nous a adressée le 12 septembre dernier, toujours via sa liste de diffusion mail, au sujet de Carlos Gardel et dont j’avais eu une version orale le 28 août dans une des plus jolies confiterías de Buenos Aires (elle est d’ailleurs classée parmi les Bares Notables de la Ciudad) : Las Violetas, esq. Rivadavia y Medrano, en plein Almagro (à l’autre bout de la ville pour Luis Alposta). Ne loupez pas l’endroit, si vous allez à Buenos Aires.

Il y a quelques années, au grand dam de tous les Portègnes et des touristes, Las Violetas avait fermé puis quelqu’un a racheté le local et le nom et Las Violetas a réouvert il y a un peu plus de deux ans, au même endroit, dans le même bâtiment très élégant, comme cela arrive souvent le cas à Buenos Aires avec des enseignes prestigieuses qui restent en jachère des années avant de renaître de leurs cendres un beau jour. A Las Violetas, tout est un vrai concentré de portégnitude : le décor, la carte, le service, les garçons (mozos) en grande tenue, les clients (parroquianos) en grande conversation, l’ambiance...
Entrez par Medrano pour prendre un café et par Rivadavia pour acheter des pâtisseries. L’entrée qui fait l’angle n’est plus en service.

Vous pouvez également trouvé le texte de cette communication sur les pages que Todo Tango consacre à Carlos Gardel.

Algunas de las originalidades de Gardel
Quelques unes des originalités de Gardel

Fue nuestro primer cantor nacional.
Il a été notre premier chanteur (1) national.

En nuestro canto popular, el primero en adoptar técnicas del Bel canto.
Dans notre art populaire du chant, le premier à adopter des techniques du Bel Canto.
El primero en grabar “Mi noche triste”, el primer tango-canción.
Le premier à enregistrer Mi noche triste, le premier tango-canción. (2)

Fue quien creó la manera de cantar el tango.
Il a été celui qui créa la façon dont le tango se chante.

Fue el primer gran melodista que tuvo el tango.
Il a été le premier grand mélodiste qu’a connu le tango. (3)
Actuó en los primeros “cortos” con banda sonora, filmados en el país.
Il a joué dans les premiers courts-métrages sonores, tournés dans ce pays.
Fue, como intérprete, en dichos “cortos”, precursor del videoclip.
Comme interprète dans les courts-métrages en question, il a été le précurseur du vidéo-clip. (4)
Fue el primer artista argentino que, en roles protagónicos, filmó en Estados Unidos.
Il a été le premier artiste argentin qui a tourné aux Etats-Unis en tenant les premiers rôles.
Por primera vez en la historia de la cinematografía, y en más de una sala, los operadores se vieron obligados, a pedido del público, a rebobinar la cinta y emitir nuevamente la canción.

Pour la première fois dans l’histoire du cinématographe, et pas que dans une seule salle, les projectionnistes se sont vus obligés, à la demande du public, de rembobiner la pellicule pour repasser la chanson. (5)

El primer artista argentino que ha logrado trascender a nivel mundial.
Le premier artiste argentin qui a réussi à briller à l’échelle du monde.
El primero en cantar por radio en dúplex, en vivo (él en EEUU y sus guitarristas en Buenos Aires).
Le premier à chanter à la radio en duplex et en direct (lui aux Etats-Unis, ses guitaristes à Buenos Aires).
Fue el primero en grabar a dúo consigo mismo.
Il a été le premier à s’enregistrer en duo avec lui-même. (6)

Ha sido el único argentino al que se le adjetivó el apellido. Adjetivación hecha como sinónimo de excelencia.
Il a été le seul Argentin dont on a fait du patronyme un adjectif. Adjectif qui est devenu synonyme d’excellence. (7)
Y algo más, en lo que también ha sido él el primero:
Et autre chose en quoi il a là aussi été le premier :

Del 2 al 5 de octubre de 1992, la Alianza Francesa, con el título “El encuentro de dos mundos”, organizó una muestra de humor gráfico de Francia y Argentina, realizada en el Centro Cultural Recoleta.
Du 2 au 5 octobre 1992, l’Alliance Française, sous le titre La rencontre de deux mondes, a organisé une exposition d’humour visuel de France et d’Argentine, qui s’est tenue au Centre Culturel Recoleta.
Se expusieron obras de la Fundación Museo “Severo Vaccaro” y se realizó el primer intercambio por fax entre dibujantes de ambos países, habiendo sido un retrato de Gardel el primero en llegar a Francia, vía fax. Se trata de un dibujo de mi autoría, cuyo original se encuentra en el Museo de la Caricatura y una única copia autentificada en la Galería del Café Tortoni.
Luis Alposta

Y furent exposées des oeuvres de la Fondation Musée Severo Vaccaro et il y a eu le premier échange par fax entre dessinateurs des deux pays. Et c’est un portrait de Gardel qui est arrivé le premier en France, par fax. Il s’agit d’un dessin que j’ai signé, dont l’original se trouve au Musée de la Caricature et une seule copie authentifiée à la Galerie du Café Tortoni.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

C’est cette caricature de Gardel, datée de 1985, qui illustre les voeux de Luis Alposta pour 2009. Ce même portrait illustre également la couverture (toute jaune, bien pulenta) du numéro 9 que la collection Historia del Tango a consacré à Carlos Gardel (Editions Corregidor).

Aujourd'hui, Luis Alposta a tiré de son coffre à merveille (qu'ont dû lui laisser un jour un des Rois Mages avant de remonter sur son chameau) un enregistrement rare de Carlos Gardel dans un morceau qui s'appelle Un año más (un an de plus). ¡Bárbaro! comme on dit là-bas (superbe).

(1) Cantor : chanteur populaire. Le chanteur classique (à l’opéra, dans un choeur, etc.) est un cantante. Le mot cantor n’est pratiquement pas utilisé en Espagne. Et en Argentine, c’est un substantif sans féminin. Pour désigner la chanteuse de tango, on parle aujourd’hui de cantante (comme en Espagne). Dans les années 30, on parlait surtout de cancionista (cf. le spectacle d’hommage monté par Gabriel Soria : El retorno de las cancionistas). Lucrecia Merico et Valeria Shapira disent d’elles-mêmes qu’elles sont des cancionistas, parce que leur travail artistique les conduit à faire revivre aujourd’hui ce répertoire particulier que fut celui des cancionistas.
(2) Mi noche triste de Samuel Castriota a été composé en 1915 ou 1916 et Pascual Contursi y a déposé des paroles (très belles) en 1916. C’est le premier tango qui raconte une histoire et dont l’écriture présente des qualités artistiques qui transcendent le temps. Pascual Contursi a apporté cette chanson à Carlos Gardel qui, alors, ne chantait que du folklore mais qui, enthousiasmé par ce morceau, l’a aussitôt inscrit à son répertoire. Il a obtenu un réel succès auprès du public et l’a donc enregistré dès l’année suivante. De l’interprétation de Mi noche triste date la conversion de Gardel au tango. Pascual Contursi avait déjà écrit (et chanté) plusieurs textes de très belle facture mais qui n’accédèrent à une certaine célébrité qu’après la re-création de Mi noche triste par Gardel. D’où le repère de ce tango pour dater le début du tango-canción en opposition aux vers de mirliton et aux textes particulièrement lestes qui faisaient tout le répertoire du tango chanté jusqu’en 1916, réduisant cette partie du tango à un répertoire de salle de garde à quoi Gardel n’a jamais prêté sa voix (pas plus que Pascual Contursi d’ailleurs, qui s’ingéniait de son côté à créer des textes un peu plus structurés et substantiels). A noter que Luis Alposta adresse son texte à des personnes bien versées dans la culture du tango et qu’il n’éprouve donc pas le besoin d’expliquer ni ce qu’est Mi noche triste ni ce qu’est un tango-canción.
(3) Allusion à l’oeuvre de compositeur de Carlos Gardel. Vous connaissez Volver ou Tomo y obligo.
(4) C’est d’ailleurs sous ce nom de vidéo clips que sont vendus deux DVD de Solo Tango qui rassemblent tous ces petits courts-métrages montrant et faisant entendre Gardel (Los mejores clips de Carlos Gardel).
(5) La mère de Gardel, après la mort de celui-ci, a été plus d’une fois témoin de ces scènes d’enthousiasme populaire. Elle allait une fois par semaine au cinéma pour revoir son fils vivant. Et elle voyait se déchaîner le public, menaçant de tout casser dans le cinéma, si le projectionniste ne s’exécutait pas dans la minute même. Elle l’a racontée dans une lettre à sa cousine Marilou, une lettre qui nous a été conservée.
(6) Le mail de Luis (celui du 4 décembre) est accompagné de cet enregistrement-là. L’effet sonore obtenu est très étrange. L’idée est déjà là et bien là, mais musicalement et avec les moyens techniques de l’époque, on sent que ce n’est pas complètement abouti et on a parfois la sensation d’un écho mal maîtrisé plus que d’un duo. Bien des années plus tard, Piazzolla, autre grand ouvreur de pistes inédites, s’est amusé à enregistrer l’un de ses morceaux en duo avec lui-même, en jouant deux voix différentes sur le même bandonéon et en mixant ensuite les deux bandes.
(7) D’où ma traduction des voeux. Je vous disais bien que je ne m’étais pas embarquée sans biscuit !

Le dernier podcast 2008 de Tango City Tour : imperdible [radio]

Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas parlé de mes amis Juan Espósito et Mabel Pramparo, les deux animateurs de Tango City Tour, cette émission de radio par podcast consacrée au tango qui vous arrive en direct sur votre ordinateur (si vous êtes abonné bien sûr) à un rythme hebdomadaire...

Le n° 138, monté la semaine dernière, est consacré au grand bandonéoniste (qui fut aussi un compositeur de talent) Pepe Libertella. C’est donc un podcast imperdible : à ne surtout pas manquer. Norberto Spangaro, le complice argentin -mais qui vit à Miami- de Juan et Mabel, était, pour l’enregistrement de l’émission dans le studio de Tango City Tour alors que d’habitude il envoie sa participation sous forme de bobino enregistré chez lui en Floride, et il a partagé cette fois-ci des documents audio de sa collection personnelle.

Et ils sont vraiment très émouvants ! On y entend Pepe Libertella partir dans une conversation à bâtons rompus sur le tango (bien sûr) et un morceau qu’il a joué un jour chez Norberto et que ce dernier a eu l’excellente idée d’enregistrer... Des documents inédits bien sûr. Et comme cadeau de Noël pour des amateurs de tango, franchement, c’est pas du vol !!!! Un grand merci donc à Norberto qui a joué les Rois Mages avec une bonne quinzaine de jours d’avance sur le calendrier officiel...

L’année prochaine, Juan et Mabel enrichiront leur proposition culturelle et tanguera : ils nous présenteront un à un, tout au long des 52 semaines que comptera 2009 (moins les semaines d’indispensables vacances !), les 48 quartiers qui composent la capitale argentine et vous pourrez même aller, sur leur site, visionner des petits reportages vidéo qu’ils feront et qui y seront accessibles... C’est pas joli, ça ? (1)

En leur souhaitant à tous les deux (et même à tous les trois, sin olvidarme de nadie ni de ninguno de los gatos) une très belle année et un bon été (et de bonnes vacances, tout ça, tout ça), je veux conclure par un petit salut personnel à l’auditeur qui ne m’a rien dit, à moi, mais qui leur a envoyé à eux, Mabel et Juan, un compliment qui me touche beaucoup sur mon article sur Discépolo et l’empanada (2). Cet auditeur participe ainsi à ce numéro 138 à travers le quart d’heure des mails (une partie très importante de l’émission pour la grande famille des auditeurs qui se sentent ainsi reliés de tous les horizons de la planète). A écouter, dans ce quart d’heure des mails, une interprétation bien déchirante de Uno (je vous en avais donné déjà deux très classiques, le 23 décembre, une par Libertad Lamarque, l’autre par Edmundo Rivero). Ecoutez celle-ci, elle vaut le détour aussi...

(1) une spécialité gastronomique argentine dont Discépolo disait se régaler, lui qui avait un appétit d’oiseau
(2) le lien avec le site de Tango City Tour.

Le plan du 0 km subventionné [Actu]

L’opposition l’avait bien dit que la loi de suppression des AFPJ (1) servirait à la Présidente pour acheter des voitures !... Je ne sais plus combien de Mini-Cooper pour sa fille, un chiffre faramineux... Tellement faramineux qu’il ridiculisait plutôt les opposants qui avaient eu cette brillante idée !

Tout ça parce que le couple présidentiel argentin venait d’offrir, en septembre, à sa fille aînée (22 ans) un gentil petit pot de yaourt à moteur et 4 roues de ce modèle-là... Or l’opposition avait prétendu que le Chef d’Etat comptait récupérer pour son usage personnel (sa campagne électorale, celle de son mari, celles de leurs alliés, les besoins du Parti Justicialiste, ses propres défraiements, que sais-je encore !) l’énorme somme que représentaient les apports faits sur les 14 ans qu’ont vécu les AFPJ par les travailleurs à ces dix organismes collecteurs désormais passés de vie à trépas (à tout le moins en leur qualité de collecteurs et gestionnaires d’un régime de base) et désormais confiée à l’ANSeS (l’administration nationale de sécurité sociale) qui servira aux ayant-droit des prestations en majorité supérieures à ce que les AFJP versaient tous les mois aux retraités actuels.

Eh bien... Eh bien... Cet argent, cette énoooormeeeee quantité d’argent sonnant et trébuchant va en effet servir à financer l’achat de voitures. Mais pas forcément des Mini-Cooper et pas vraiment au profit de la demoiselle Kirchner Fernández (elle ne remplit pas les conditions, non mais !)...

En fait, à partir de lundi prochain, les Argentins pourront aller retirer chez un concessionnaire automobile un formulaire qui leur donnera accès à un plan de financement gouvernemental d’achat pour l’acquisition d’une voiture particulière d’entrée de gamme. Cette opération est réservée aux personnes physiques qui pourront apporter la preuve qu’elles ont acheté une voiture neuve (0 km) avant et jusqu’en 2002 (il est donc en effet largement temps de changer de caisse, comme on dit en argot parisien). L’ANSeS (donc l’Etat) va financer l’opération en plaçant son argent à taux fixe dans les banques privées du pays et ces dernières commercialiseront les crédits auprès des particuliers selon un cahier des charges imposé par le Gouvernement. Cette opération appartient au plan de relance monté par le Gouvernement pour faire face à la récession mondiale et soutenir le secteur automobile. Les modalités en ont été négociées il y a deux mois avec celui-ci.

Du côté de l’acheteur, la mensualité de remboursement de ce prêt aidé ne pourra pas excéder les 30% du revenu familial. Le prêt sera accordé sous condition d’un apport minimum correspondant à 12 mensualités de remboursement et payable au maximum sur les 12 premiers mois (et non pas uniquement exigible à la date de l’achat) alors que l’achat total (apport + remboursement du prêt, capital et intérêt) pourra s’étaler sur 60 mois maximum. C’est l’ANSeS qui finance le complément, soit la somme restant à acquitter par l’acheteur à partir du 13ème mois. Ce sera un peu compliqué à calculer pour les banques et encore plus à comprendre pour le client lambda : 12 premiers mois au peso le peso (en 12 mois ou en moins) et les autres dans lesquels seront inclus les remboursements des intérêts du prêt, le tout pour une valeur fixe de la somme à débourser chaque mois sur toute la durée du prêt (ça évitera les mauvaises surprises pour les trésoreries familiales). Les véhicules éligibles à ce plan figurent sur une liste pré-établie comptant 18 modèles de différentes marques, à prix encadré, dont le plus économique semble être la Fiat Uno 3 portes à 29 150 $ Arg.

Du côté des banques, elles recevront en dépôt actif l’argent qu’est en train de leur remettre l’ANSeS. Elles devront le placer à taux fixe sur des produits non risqués et elles ne pourront l’injecter dans l’économie que pour accorder des crédits à la consommation correspondant exactement à ce plan. La somme totale confiée par l’ANSeS aux banques est de 200 millions de pesos argentins ($ arg). Les banques participantes sont alors dans l’obligation d’accorder à leurs clients, remplissant les conditions de solvabilité inscrites dans le cahier des charges, des financements étalés sur 60 mois maximum, sous forme d’un crédit à un taux égal ou inférieur à 16,25% (dans un pays, rappelons-le, qui souffre d’une inflation de plus ou moins 25% l’an). D’après Clarín (édition de ce jour), il semblerait que, dans cette opération, le Banco de Córdoba ait été l’établissement le plus réactif de la place, puisqu’il aurait déjà engrangé la moitié des sommes que l’ANSeS a commencé à verser aux banques depuis 15 jours.

Du côté des concessionnaires et de l’industrie automobiles, on pense que l’année 2009 devrait permettre de vendre 400 000 véhicules en tout, estimations de l’ACARA, la fédération des concessionnaires auto d’Argentine, qui semble bien optimiste, surtout si on pense que son chiffre ne tiendrait pas compte des incidences du plan gouvernemental ! (2). Amado Boudou, quant à lui, l’Administrateur de l’ANSeS, estime que le plan pourrait déboucher sur la vente de 100 000 voitures de plus que ce qui était prévu au moment des négociations.
Quant à l’ANSeS, elle percevra une commission de 8% qui lui sera prélevée par la banque sur chaque mensualité de remboursement payée par l’acheteur. L’argent dont elle dispose sert ainsi à faire tourner l’économie et à pallier les effets de la crise mondiale, dont au début de la semaine la Présidente a déclaré qu’il s’agissait non pas d’une crise économique (comme d’aucuns le proclament) mais des conséquences d’une vaste escroquerie de la part des Etats-Unis, qui ont trompé les autres pays et ont filé avec la caisse... Elle a de ses mots, des fois, Cristina !

(1) La récente loi a aboli le système de retraite par capitalisation en tant que régime de base au bénéfice du régime par répartition, désormais obligatoire et universel pour tous les salariés relevant du régime général (les employés de maison et les salariés agricoles relèvent d’autres régimes ou de pas de régime du tout, tout comme les salariés non déclarés, qui sont très, très, très nombreux).
Se reporter à ce sujet aux autres articles traitant du sujet dans ce blog.
(2) En Europe, le secteur, qui sent déjà le sapin, va en faire une jaunisse ! Sans parler des Etats-Unis, où la situation semble bien pire encore... ("sentir le sapin" : enfermarse de muerte. "En faire une jaunisse" : rechifflarse, bronquear, enojarse, sentir celos hacia algo).

De Buenos Aires pretanguera [Actu]

La photo de deux fûts de canon parue dans Clarín aujourd'hui


De Buenos Aires Morena (De Buenos Aires la Noire) est une des milongas les plus célèbres de la duplá (le duo) Héctor Negro (pour les paroles) et Carmen Guzman (pour la musique).

Ici, il s’agit de la Buenos Aires du 18ème siècle, donc bien antérieure à l’apparition du tango (qui se situe entre 1870 et 1880)...
Une découverte archéologique intervenue hier, à six mètres sous terre, dans l’avenue Vera Peñalosa, à la hauteur du n° 400, dans le quartier de Puerto Madero (l’ancien Vieux Port de la Capitale argentine). Un galion espagnol qui a coulé là, sans doute à la suite d’une tempête sur le Río de la Plata, vers 1750, alors qu’il était amarré à ce qui était à cette époque-là un quai du port (à la hauteur du Dique 1 d’aujourd’hui, le bassin n° 1). Le navire, dont il reste la quille sur 20 mètres de long et 3 à 4 mètres de large, 5 fûts de canon et divers éléments de la cargaison, dont des jarres d’huile, a été trouvé sur un terrain en cours de construction, gagné il y a plusieurs décennies sur le fleuve.

C’est la première fois que des archéologues font une telle découverte à Buenos Aires. Ce sont donc les premiers vestiges d’un navire colonial découverts dans cette région (qui doit pourtant en contenir beaucoup, d’après ce que pensent les archéologues).

Une telle découverte méritait bien sûr qu’on "mette les petits plats dans les grands" pour l’annoncer au public ("la noticia fue dada con bombos y platillos", dit Clarín de ce jour). C’est donc Mauricio Macri lui-même, Chef de Gouvernement de la Ville de Buenos Aires, qui a pris sur son agenda pour venir présider la conférence de presse. Entouré par les responsables des fouilles, il était apparemment très fier et il y a de quoi (mais bien sûr, Daniel Paz ne pouvait pas le louper sur l’édition du jour !).

La conférence de presse a permis d’expliquer que la découverte a été rendue possible grâce à la négociation d’un arrêt des travaux de l’opération immobilière en cours. Un archéologue des services de Buenos Aires pensait en effet qu’il pouvait y avoir des choses très intéressantes à cet endroit. Le sous-secrétaire de ce qui est à Buenos Aires l’équivalent du POS en législation française (1), est parti négocier avec l’entrepreneur qui allait couvrir avec un énorme complexe marchand cette partie encore vierge de Puerto Madero (2). Cela redore le blason culturel du Gouvernement portègne, passablement écorné ces derniers temps.


A la Une de Página/12 (en haut à gauche sur la version papier, en haut à droite sur la page d’accueil Web), l’un des deux caricaturistes maison, Daniel Paz, a glissé un commentaire acerbe et très parlant...

En français, ça donne :

Le chef de cabinet : Des bonnes nouvelles et des mauvaises... On a trouvé un galion espagnol du 18ème siècle.
Macri : Génial ! Et la mauvaise nouvelle ?
L chef de cabinet : Marsans dit qu’il lui appartient et il nous envoie la facture.... (3)
(Traduction Denise Anne Clavilier)






(1) POS : plan d’occupation des sols (planeamiento urbano).
(2) comme on construit à Buenos Aires : d’une manière anarchique et sans guère de respect pour le patrimoine, du moment qu’il y a de l’argent, beaucoup d’argent à tirer d’une opération immobilière. Et dans le quartier ultra-chic de Puerto Madero, Dieu sait si ce business-là est juteux (muy rentable, en argot parisino).
(3) Pour ceux qui n’ont pas suivi les épisodes précédents : la société espagnole Marsans était jusqu’à il y a environ une semaine l’actionnaire majoritaire et presque unique de la compagnie d’aviation argentine Aerolineas Argentinas. A l’issue d’une longue et infructueuse tentative de négociation, le Parlement argentin vient d’exproprier Marsans sans compensation financière. Pour comprendre toute la portée des allusions acides de Daniel Paz, lire les articles de Barrio de Tango sur Aerolineas.

Mauvaise nouvelle pour les éditeurs argentins [Actu]

Le Gouvernement de la Ville de Buenos Aires vient de supprimer le système de subvention publiques aux petits éditeurs, un système mis en place par la Legislatura porteña (la chambre législative de la ville autonome de Buenos Aires) en 2003.

Les petits éditeurs pouvaient depuis ce vote se porter candidat à une subvention accordée par la Ville de Buenos Aires selon une procédure de type concours, avec présentation de dossier en bonne et due forme, charpenté et motivé, et limitation du nombre de présentations que pouvait faire le même éditeur : une maison ne pouvait présenter qu’un nombre donné de dossiers dans un délai X, qui était apprécié genre par genre et catégorie éditoriale par catégorie, ce qui en faisait un système apparemment honnête et équitable, et c’est bien ce que clame Edinar, l’association des Editores Independientes de la Argentina por la Diversidad Bibliográfica.

Ces petits éditeurs, qui sont assez nombreux en Argentine et n’éditent parfois qu’une dizaine de livres par an (voire moins) pouvaient grâce à ces sommes faire vivre des marchés de niche (ce qui est un indice important de la bonne santé culturelle d’un pays) et gérer leur trésorerie de façon à pouvoir voyager et donc participer à des salons, notamment à l’étranger (en Europe en particulier, ce qui représente toujours une sortie de fonds considérable pour une entreprise argentine). Cela est d’autant plus mal vécu que beaucoup d’éditeurs comptaient profiter de l’année 2010 et des célébrations du bicentenaire du pays pour diffuser la culture argentine à l’extérieur du pays et du sous-continent...

Le défunt système permettait à une maison d’édition de couvrir entre 50 et 70% des besoins de financement d’un projet avec un plafond de 30 000 $ par projet.

La profession proteste donc à haute voix, même si en ce début de vacances d’été, l’information va passer presque inaperçue de tous. Qui lit le journal sur son lieu de vacances, par 40° à l’ombre et à la veille du Nouvel An ? Et la colère des professionnels est d’autant plus grande que le Gouvernement de Buenos Aires a, pour le moment du moins, maintenu les systèmes d’aide publique au secteur audiovisuel et discographique (il n’est pas dit qu’ils passeront l’été, eux non plus, d’ailleurs).

mardi 30 décembre 2008

El sueño del pibe, les voeux del Maestro Chilo Tulissi [Jactance & Pinta]

C’est avec ce tableau (que je vous laisse regarder à votre guise, dans sa résolution d’origine, il suffit d’un click sur l’image) et cette légende que Chilo Tulissi, un peintre du quartier de San Cristobal à Buenos Aires, un ami personnel que j’embrasse avec affection en cette avant-veille de Nouvel An, nous souhaite qu’en 2009 nous réalisions (hagas realidad) le rêve de notre vie (tu sueño del pibe) et que nous en ayons un nouveau (tengas uno nuevo).


El sueño del pibe (littéralement le rêve du môme) est une expression portègne toute faite et invariable : toujours du singulier, toujours deux articles définis (en espagnol, possessif et défini sont interchangeables), jamais d’article indéfini et toujours les deux mêmes substantifs : sueño et pibe.

Ce n’est donc pas l’équivalent de notre expression la plus apparemment proche : rêve d’enfant. Non pas parce que notre expression est variable en tout, en nombre (elle passe du singulier ou pluriel sans changer de sens), en articles, défini ou indéfini (le, un, les, des), en niveau de langage (enfant, môme, gosse, gamin, enfance...) : un rêve d’enfant, mes rêves d’enfance, des rêves d’enfant, ce rêve de môme que j’avais à 15 ans... Mais parce que l’expression française se rapporte effectivement à un désir que la personne avait pendant son enfance : je suis pompier, j’ai réalisé un rêve d’enfant (parce que j’y pensais quand j’avais 8 ans). J’ai rencontré Untel, j’ai réalisé mon rêve de gamine (parce que je désirais cette rencontre depuis mes treize ans)...

El sueño del pibe n’a qu’accidentellement à voir avec les jeunes années en tant que telles. L’expression désigne plus essentiellement l’ambition de se réaliser, le désir de vaincre l’adversité pour advenir, l’énergie mise à réussir sa vie dans une société où domine toujours, depuis la grande vague migratoire des années 1880-1930, l’obsession de la réussite sociale, l’obsession première de tout immigrant, cette obsession atavique qui s’est transmise de génération en génération depuis lors. Le Portègne rêve toujours d’améliorer son sort, que son fils réussisse mieux que lui-même (mi hijo, el doctor : mon fils, qui est un Monsieur), et ce dans une société où l’ascenseur social n’a jusqu’à présent pas vraiment répondu à l’attente de ce rêve collectif (d’où la gloire -immense- de ceux qui ont réalisé ce rêve : Gardel, Maradona, Evita et Perón eux-mêmes...).

Comme le montre très bien Chilo Tulissi avec ce marmot charbonnier isolé dans cette nuit étoilée (c’est loin, les étoiles), ce poulbot très pauvre et mal fagoté, qui, rêvant à l’avenir, se voit en élégant séducteur (c’est important pour un Argentin, l’élégance ! La pinta ça s’appelle en lunfardo.)

Si vous écoutez un jour le disque fabuleux de ce concert que Piazzolla a donné en mai 1982 au Regina (un théâtre de Buenos Aires), vous l’entendrez annoncer : "y ahora... Pues es el sueño del pibe. El quinteto Astor Piazzolla tiene el honor de recibir a Roberto Goyeneche" (Et maintenant... Ça c’est le rêve de ma vie... Le quintette Astor Piazzolla a l’honneur de recevoir Roberto Goyeneche) et on entend alors le public du Regina applaudir à tout rompre pour accueillir ce chanteur immensément populaire et qui va se lancer dans une Balada para un loco qui va durer plus de 6 minutes (parce qu’à la demande de la salle, il bisse le second couplet + le refrain). Piazzolla était né en 1921 à Mar del Plata. Goyeneche en 1926 à Buenos Aires dans le quartier de Saavedra. Il est donc peu vraisemblable que tout enfant, tout au nord, dans son cher New York, à mille miles de tout rêve de tango et de cette Buenos Aires où il n’avait encore jamais mis les pieds, Piazzolla ait aspiré à partager un jour la scène avec Goyeneche... Ce disque En vivo en el Regina est disponible dans la collection Edición Crítica, qui est la réédition par la Fondation Astor Piazzolla (dirigée par sa troisième et dernière femme) de toute la discographie Phillips du musicien, à des prix vraiment très accessibles.

En voilà, un vrai sueño del pibe... Allez, bonne fête de fin d’année !

La Cour Suprême s’en mêle [actu]

Après que la chambre pénale de la Cour de Cassation ait prononcé, sous conditions de garantie de représentation, la levée d’écrou d’une vingtaine de personnes inculpées de crimes relatifs à des actes de barbarie commis pendant la dernière Dictature, la Cour Suprême d’Argentine, auprès de laquelle le Ministère public a fait appel de la décision en cassation, vient de réagir institutionnellement (le président de la Cour avait manifesté son indignation dès le lendemain du jugement). La Cour Suprême vient d’annoncer la création d’une unité de contrôle (Superintendencia) des procédures pénales aux fins d’accélérer les instructions dont elle juge que les lenteurs excessives (qui autorisent la Cour de Cassation à remettre en liberté des inculpés à cause d’une trop longue période de prison préventive) sont dues à des procédures trop formelles, malades de trop de solutions dilatoires, et à l’absence de certaines mesures que devraient prendre le Gouvernement, le Parlement et le Conseil de la Magistrature.

Comme ça, tout le monde en prend pour son grade. Il n’y a pas de jaloux.

La Cour Suprême exige aussi la création de nouveaux tribunaux, pour désengorger ceux qui existent déjà, le raccourcissement des délais d’organisation des concours pour pourvoir aux postes vacants dans les tribunaux existants (évalués actuellement à environ 170 postes non pourvus, ce qui fait beaucoup dans un pays de 39 millions d’habitants), l’installation de mesures de sécurité dans les salles d’audience (ça évitera aux accusés de filer à l’anglaise un peu facilement ou aux parties de se faire menacer hors séance) et une réforme législative des procédures pénales elles-mêmes. Vaste chantier !

Cependant un rapport de la Cour Suprême prend aussi acte du travail d’investigation qui s’est réalisé en Argentine, à l’initiative du seul pouvoir judiciaire, le plus étendu au monde pour punir des crimes contre l’humanité (il faut toujours se méfier quand les Argentins disent qu’ils sont les meilleurs au monde, ce n’est pas toujours le cas !) et que les problèmes qui subsistent, après l’annulation des lois d’impunité, sont des inconvénients d’ordre pratique qui requièrent pour être résolus un haut niveau de coordination entre les trois branches du pouvoir de l’Etat. La magistrature et le système judiciaire s’en tirent donc à bon compte pour cette fois, la Cour Suprême aurait pu critiquer leur travail et donner quelque poids aux rumeurs de corruption qui continuent de circuler, à tort ou à raison. Le système judiciaire argentin a été si corrompu jusqu’en 1983 que ces rumeurs pourraient bien persister longtemps après que tous les juges soient tous devenus des parangons de vertu.

La Cour Suprême presse également le système judiciaire de s’informatiser, ce pourquoi il semblerait que le Parlement n’ait pas encore voté les lois qui rendent la chose légale mais tout serait prêts dans les palais de justice de la République...

lundi 29 décembre 2008

Le programme de l’été à Mar del Plata [à l’affiche]

Mar del Plata, le port atlantique le plus septentrional d’Argentine et le tout premier en activités du tourisme, de la pêche au gros et des industries maritimes, accueille tous les étés une partie importante de la population portègne, celle dont le niveau de vie lui permet de passer des vacances au bord de la mer. Pour cette ville modeste le reste de l’année, c’est LA grande saison de l’année dans tous les domaines.

La directrice du Centro Cultural Teatro Auditorium de Mar del Plata a annoncé qu’il y aurait cet été plus de 60 spectacles différents dans ce multiplex côtier. Un record historique.

La saison estivale sera inaugurée le 4 janvier. Plus de la moitié de la programmation est originaire de la ville elle-même, en particulier il y aura un bon nombre de pièces de théâtre montées par des artistes locaux. L’autre moitié est majoritairement portègne. Une petite partie proviendra des autres provinces, voire de quelques pays de la région.

Dans la salle Astor Piazzolla de ce complexe (Mar del Plata est la ville natale du compositeur), on attend beaucoup de shows de tango (on s’en serait douté). A l’affiche sur cette salle pour les deux mois qui viennent, les chanteurs Raúl Lavié (à découvrir sur Todo Tango), Guillermo Fernández (voir son site) et Susana Rinaldi (à découvrir aussi, si ce n’est déjà fait, sur Todo Tango, et donc c’est aussi une ville de prédilection sinon la ville natale). Pas mal !

dimanche 28 décembre 2008

Les voeux de Litto Nebbia

Litto Nebbia vient d'envoyer ses voeux avec cette photo admirable, posée avec le seul renne parvenant à vivre en Argentine par 40 degrés à l'ombre (pauvre bête !), ce qui explique peut-être son étrange régime alimentaire...


En légende de ce montage qui m'a beaucoup fait rire, lorsque je l'ai reçue à Noël : heureuse année 2009 et vive la musique ! (Feliz 2009 y viva la música, dans le texte).

En cette fin d'année où Litto Nebbia fête les 20 ans de la maison de disques qu'il a fondée sur ses propres fonds à Buenos Aires, Melopea Discos, Mariel Martínez et Alejandro Picciano m'ont informée de leurs futurs shows à Saragosse, à la Casa de América, sur la place Cybeles, à Madrid le 8 janvier pour les 50 ans de la Révolution cubaine (ils sont invités par l'Ambassade, organisatrice de la fête), à la Fnac de Plaza de España, le vendredi 9 janvier à 19h30, à la Campana de los Perdidos (la cloche des perdus) dans la rue Prudencio toujous à Saragosse, le 10 janvier à 22h30 (entrée : 5 €).
Un peu partout dans la Péninsule ibérique, ils enchaînent ainsi plusieurs présentations de leur disque, De mi barrio, publié par Melopea en octobre dernier, et seront peut-être de retour à Paris vers la fin de notre hiver...
Vous pouvez bien sûr suivre leurs déplacements sur la page My Space de Mariel. Quant à Litto, il vient de quitter l'Argentine pour une petite tournée de quelques jours, juste avant de finir l'année, dans les pays alentours...

Musique de fin d'année sur la Gran Via [à l'affiche]

Ce samedi et ce dimanche, à 21h, spectacles et concerts gratuits pour la Fiesta de Fin de Año devant la Casa de Cultura, au 500 de la Avenida de Mayo (à l'angle avec Plaza de Mayo), cette avenue qui a bien mérité son surnom de Gran Via.

Samedi, la soirée était consacrée au tango, avec une représentation du spectacle de Mora Godoy, célèbre danseuse et chorégraphe de tango de scène, auquel a succédé un concert de la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires placé sous la baguette du Maestro Juan Carlos Cuacci (avec Marcelo Tomasi au chant).

Ce soir, la soirée est consacrée à l'opéra et à la musique classique avec trois orchestres, celui du Teatro Colón, l'orchestre philarmonique de Buenos Aires et l'orchestre symphonique national.

samedi 27 décembre 2008

Découverte des vestiges du Café de Hansen [actu]

Le plan des lieux présenté par Clarín

Une équipe d'archéologues vient de découvrir les fondations en briques et un petit bout du sol dallé du mythique Café de Hansen dans le quartier de Palermo (esquina Figueroa Alcorta y Sarmiento). L'emplacement de ce café était resté bien connu et en 1994, le site, un petit bout de pelouse coincé entre deux avenues à gros trafic, avait été déclaré d'intérêt culturel par le Gouvernement de la ville de Buenos Aires. Une plaque annonce aux passants : "Aquí se reunían músicos, cantantes y bailarines de tango que contribuyeron a popularizarlo". (Ici, se réunissaient des musiciens, des chanteurs et des danseurs de tango qui contribuèrent à le populariser).
Le café, fondé et tenu par un immigré appelé, pour autant qu'on le sache, Jan Hansen, pour les uns un Allemand (nationalité indiquée par le site Web de Buenos Aires), pour les autres un Scandinave, sans doute un Danois, selon la version la plus couramment reçue (1), fonctionna dans le Parque del 3 de Febrero (Parc du 3 Février) de 1877 à 1912.


Le payador Angel Villoldo, dont on dit qu'il fut le père du tango (ceq ui est très surfait mais contient une petite part de vérité), les musiciens et compositeurs de la Guardia Vieja que furent le bandonéoniste Eduardo Arolas, le pianiste Agustín Bardi, le violoniste David Roccatagliata, les pianistes Rosendo Mendizábal et Roberto Firpo et sans doute aussi le violoniste Francisco Canaro, dit Pirincho, y jouèrent. Un chanteur comme Pascual Contursi (1888-1932) y réalisa peut-être quelques tours de chant a la gorra On est à peu près sûr que le grand danseur El Cachafaz, de son vrai nom Ovidio José Bianquet (1885-1942), y a acquis une bonne partie de sa prestigieuse réputation de virtuose de la piste, même si Jorge Luis Borges affirme que personne n'a jamais dansé à Lo de Hansen (chez Hansen), qu'u public de la meilleure société s'y réunissait pour y écouter de la musique... Mais Borges s'est inventé sa propre histoire de Buenos Aires, il s'est aussi inventé une biographie de Evaristo Carriego bien à lui et un archétype de titi de Buenos Aires, avec un ton si magistral et une plume si sûre qu'il nous fait prendre ses désirs pour la réalité (et en matière d'histoire du tango en particulier, cet art avec lequel il entretenait une relation des plus ambiguës). Il est aussi très vraisemblable que le poète Evaristo Carriego (1883-1912) a fréquenté ce café, y a peut-être même écrit certains de ses vers ou l'une ou l'autre de ses scènes de théâtre. Grand inspirateur de Borges, de Manzi et de la majorité des grands poètes du tango d'aujourd'hui (Luis Alposta, Horacio Ferrer, Héctor Negro, Alejandro Szwarcmann... qui ont été éduqués en poèsie par ses oeuvres...) Evaristo Carriego a beaucoup chanté Palermo du temps où ce quartier était encore un quartier populaire (ce qu'il n'est plus aujourd'hui).

Du Café de Hansen ou Antiguo Hansen (le nom qu'on lui donna entre 1892 et sa disparition en 1912), il nous reste un tout petit nombre de clichés (dont celui-ci, publié sur le site de la ville de Buenos Aires). C'était un petit café de ceinture, perdu dans un Palermo alors aux faux airs de far-west. Même du très luxueux restaurant El Armenonville qui se trouvait non loin de là et accueillit le Tout Buenos Aires de 1910 à 1920, on n'a pratiquement pas d'image (il est vrai que El Armenonville a duré beaucoup moins longtemps que Lo de Hansen).

Le Café de Hansen a été démoli pour dégager les abords du Vélodrome de Palermo et permettre son agrandissement avec un meilleur flux pour le début de la traction automobile...

Aujourd'hui, de lui il reste la certitude de son emplacement, marqué par cette plaque commémorative posée en 1994, et ce qu'on vient de découvrir de ses fondations et de son sol, sous 50 cm de terre, actuellement sous un chapiteau de protection. Les investigations en cours ont permis de mettre à jour les tunels qui desservaient la première centrale électrique qui alimenta la ville de Buenos Aires. Il avait été construite en 1883, dans le même secteur, sous la direction de Domingo Sarmiento, qui avait été 10 ans plus tôt un président de la République mythique. Après la désactivation de la centrale, ces tunels ont servi d'entrepôts pour des réserves de carburants et de divers produits chimiques, jusqu'en 1956, date à laquelle ils ont été désaffectés et laissés à l'abandon, jusqu'à leur re-découverte il y a quelques jours par cette équipe d'archéologues mandatés par le Gouvernement portègne.

Palermo, vaste étendue de terres peu construites jusqu'aux années 1880, a accueilli de nombreuses activités pré- ou semi-industrielles, dont cette centrale et divers ateliers de mécanique (pour les tramways hippo- puis automobiles) et de maintenance de matériel urbain (éclairage public notamment). Tout jeune adolescent, le poète Enrique Cadícamo a travaillé dans l'un de ces ateliers de mécanique à plus d'une heure de tramway de chez lui (Cadícamo a été passionné de mécanique, de belles motos et de belles voitures toute sa vie, ses mémoires sont remplies de descriptions es machines qu'il a acquises). La famille Cadícamo habitait alors du côté de Boedo. Et pendant l'interminable trajet, le futur auteur de Nieblas del Riachuelo lisait Jules Verne et Alexandre Dumas. Bien qu'il en parle dans ses Mémoires (Ed. Corregidor, Buenos Aires, 1995) comme d'un salon de danse fréquenté par une faune de noceurs de tous âges et de toutes conditions sociales, gourgandines et caïds du milieu compris, Cadícamo n'a sans doute jamais mis les pieds dans le café de Hansen, il n'avait que 12 ans quand le café a disparu (et c'était très loin de chez lui, on imagine mal l'un de ses frères aînés entraîner le petit dernier dans un lieu pareil). En revanche, il est possible que le pianiste et compositeur de la Guardia Vieja, Juan Carlos Cobián ait connu cet endroit, voire y ait joué, il était né quatre ans plus tôt que le poète, dont il fut un ami intime et un complice de création pendant une trentaine d'années.

Il est possible que le Café de Hansen, construit en bois dans un style assez typiquement colonial, ait fait partie des communs de la propriété de Juan Manuel de Rosas, la maison d'un garde-chasse, d'un jardinier ou d'un cacique de la Mazorca, la garde prétorienne du dictateur... Hansen s'y serait installé en 1877 et aurait transformé l'endroit (probablement abandonné en février 1852) en caboulot. En ce cas, les fouilles devraient permettre d'invalider ou de confirmer cette hypothèse. C'est en tout cas le souhait exprimé par le Ministre de la Culture portègne, Hernán Lombardi, qui veut que ces fouilles permettent d'en savoir plus sur le passé, relativement peu documenté, de cette partie de la ville et que ces trouvailles restent accessibles au public. Il a annoncé que la fontaine installée tout près de là pendant la Dictature serait remplacée par un monument consacré au tango. Pourvu que ce soit de bon goût et pas un horrible machin pour les appareils photos des touristes. En 1892, Jan Hansen passa la main mais le café resta, sous son nouveau patron, Anselmo Tarana, un repaire de musiciens populaires et le berceau du tango naissant. Un jour néanmoins, il est attesté que El Esquinazo y fut tango "non grato" (ici, dans une interprétation du Cuarteto Juan Cambareri).
Plusieurs explications existent pour cette interdiction. L'une d'entre elles prétend qu'il y eut un jour une bagarre qui faillit mettre en miette l'établissement comme dans un album de Lucky Luke parce que les clients avaient joué avec leurs propres poings la scène de ménage qui ouvre le tango (el ezquinazo, en lunfardo, c'est l'échapatoire, le lapin qu'on pose à l'amant ou à la maîtresse, l'élargissement, etc...). L'autre version raconte que les clients marquaient le rythme enlevé de ce morceau très Belle Epoque avec les couverts et que le patron n'avait plus qu'à acheter de la vaisselle neuve le lendemain. Dans tous les cas de figure, il serait étonnant qu'un tel comportement soit celui d'une bonne société bien écoutée et mélomane, comme le voudrait l'histoire avec un grand H et Jorge Luis Borges. Aussi, la version populo et canaille de Cadícamo paraît-elle plus vraisemblable. En tout cas, c'est celle qu'a retenue la mémoire populaire de Buenos Aires, comme en témoigne Tiempos viejos, un célèbre tango de Francisco Canaro et Manuel Romero datant de 1926 (chanté ici par Carlos Gardel).

(1) En Argentine, la confusion en matière de géographie et de nationalités européennes est extrêmement fréquente. D'abord parce que l'Europe, c'est loin. Ensuite parce que pas mal d'immigrés mentaient à leurs voisins, aux employeurs... sur leur origine géographique ou leur statut social : beaucoup de Juifs russes, polonais ou baltes se disaient Allemands ou Anglais pour refaire leur vie sur cette nouvelle terre en prévenant la survenue des persécutions racistes qu'ils venaient de fuir (ce mensonge était pourtant beaucoup moins nécessaire en Argentine qu'ailleurs sur cette planète, mais cela, ils ne le savaient guère en débarquant), beaucoup de militants révolutionnaires (syndicalistes, socialistes, anarchistes, rouges et autres partageux) ont également menti pour brouiller les cartes et ne pas risquer d'être identifié à cet agitateur social banni de Hongrie, à ce meneur de grève condamné en France, à cet évadé du bagne de Cayenne etc... De la même manière, beaucoup de filles mères se sont déclarées veuves, les mères de Carlos Gardel et de Ignacio Corsini par exemple, sans que personne ne soit dupe ni ne dénonce la supercherie.

vendredi 26 décembre 2008

Petit Rep de lendemain de fête... [actu]

Comme quoi, de part et d’autre de l’Atlantique, malgré les différences de saison, les fêtes de Noël se ressemblent quand même un peu....


"L’Enfant a déjà vu, au cours du premier jour de sa vie, des choses comme des désirs de paix et d’amour, des petites bêtes, une mère et un père, des feux d’artifice (1), de la nourriture, de l’alcool..."

Et l’enfant couché dans sa mangeoire : "et une gueule de bois..."
(Traduction Denise Anne Clavilier)

(1) En Argentine, à Noël, c’est un festival de pétards et de feux d’artifice privés (fuegos ou fuegos artificiales) à peu près partout. Comme au 14 juillet en France. Mais en encore plus dangereux. Parce que les gens fabriquent parfois leur propre matériel ou l’achètent à des artisans qui ne respectent pas vraiment de normes de sécurité ou les trafiquent après dans l’espoir d’obtenir des effets plus spectaculaires. Chaque année, on compte des blessés graves (perte d’un doigt, d’un membre ou d’un oeil), il arrive même qu’on ait à déplorer des morts. Cette année, pendant le Réveillon, il y a eu au moins100 blessés (uniquement ceux qui sont allés voir un médecin après l’accident) dont 73 pour Buenos Aires et sa banlieue (Gran Buenos Aires). La plupart pour pratique pyrotechnique et quelques uns pour maladresse dans le débouchage de bouteilles (le bouchon du cidre, ça saute, et des fois, ça vise l’oeil du déboucheur !). 33 de ces blessés ont été admis dans un hôpital spécialisé dans les soins aux brûlés. Ces chiffres sont similaires à ceux de l’année dernière à la même époque, malgré les campagnes d’avertissement que les pouvoirs publics multiplient sur tous les médias pour dissuader les gens de jouer avec n’importe quelle fusée...
Sur les routes, la fête de Noël a fait dix morts en Argentine, dont un homme de 45 ans qui a été écrasé sur le trottoir, devant un bar où se trouvaient plusieurs dizaines de témoins, par le fils d’un député provincial de la Province de la Pampa (dans l’arrière pays de la Province de Buenos Aires), fils de député qui, comble du déshonneur, s’est rendu coupable d’un délit de fuite à bord de son puissant 4x4 de marque japonaise. La Police a entamé une course poursuite et a rattrapé le fuyard dont le comportement va causer beaucoup de scandale dans cette province.

Maradona à la fête... [actu]

Diego Maradona est revenu aujourd’hui, en qualité d’entraîneur national, à Villa Fiorito, le bidonville de la petite ceinture au sud de Buenos Aires, où il est né et où il a passé toute son enfance, à taper dans un ballon sur un terrain vague. Il y préside toute la journée une grande fête de bienfaisance, en ce lendemain de Noël férié en Argentine. Au cours de la journée, il sera fait Citoyen d’honneur (Ciudadano Ilustre) de la commune de Lomas de Zamora, dont dépend sa favela natale.

Le titre de Ciudadano Ilustre est très honorifique en Argentine. C’est l’équivalent d’une haute décoration. C’est beaucoup plus prestigieux qu’en Europe.

Un énorme effectif policier a été déployé sur la zone pour l’occasion, d’autant que Maradona est arrivé à la gare de Fiorito-Pilcomayo accompagné par la Présidente de la Fundación Banco Provincia, Madame Karina Rabolini de Scioli, la femme du Gouverneur de la Province de Buenos Aires, sur le territoire de laquelle se trouve Lomas de Zamora.

mercredi 24 décembre 2008

Le bazar des jouets

Ceci n’est pas une critique de la société de consommation mais le titre d’un beau tango, bien mélodramatique et tout autant socialement engagé de Roberto Rufino et Reinaldo Yiso... Et bien de saison...

Extraits :

Al bazar de los juguetes,
cuántas veces de purrete,
me acercaba para ver.
Para ver de allí, de afuera,
desde atrás de esa vidriera
lo que nunca iba a tener.
Si mi vieja era tan pobre

Combien de fois, gamin,
Du bazar aux jouets,
Je m’approchais pour voir.
Pour voir de là, de dehors,
De derrière cette vitrine,
Ce que jamais je n’allais avoir.
Ma vieille était si pauvre !

(Traduction Denise Anne Clavilier)

A écouter (1) "en la voz" de Alberto Podestá, ici en 1954 avec l'orchestre de Miguel Caló. Alberto Podestá a réenregistré plus tard ce même tango, dont il est l’un des rares interprétes, avec l’orchestre d’Alberto Di Paulo.

(1) Et à retrouver dans mon recueil bilingue Barrio de Tango, à paraître en France aux Editions du Jasmin (ajout du 24 février 2010).

Come back [actu]

Dessin du jour, Miguel Rep....


Quand plus personne ne croyait en lui,
Père Marx, le retour !

Une nouvelle petite-fille retrouvée [actu]

C’est la 8ème fois en 2008 qu’un enfant enlevé à sa famille par les sbires de la Dictature Militaire retrouve son identité. Cette jeune femme de 30 ans, qui a appris toute petite qu’elle avait été adoptée, fait partie des personnes que recherchent les Abuelas de Plaza de Mayo (les grand-mères de la Place de Mai). L’enquête la concernant a été lancée à l’initiative de l’association et s'est trouvée dynamisée par les déclarations qu’un tortionnaire, dont la peine avait été commuée en résidence surveillée, a faite au début de cette année à la rédaction de Página/12 édition de Rosario (1).

Il s’agit de la fille de Tulio Valenzuela, né à San Juan, le 21 mai 1945, et de Raquel Negro, née à Santa Fe le 26 avril 1949. Tous deux étaient déjà divorcés lorsqu’ils se sont rencontrés. De son premier mariage, Raquel avait un fils, Sebastián Álvarez Negro, né le 28 mai 1976. Raquel et Tulio se sont connus dans la ville de Rosario où sa militance politique à lui l’avait conduit après son divorce et où elle travaillait comme assistante sociale dans un foyer coopératif. Tous les deux étaient péronistes et militaient dans les rangs des Montoneros (révolutionnaires de gauche radicale se réclamant de Perón). Lui était avocat. Elle était enceinte de 7 mois lorsque toute la famille fut arrêtée le 2 janvier 1978 à Mar del Plata, où ils venaient de revenir après quelque temps passé au Brésil. Les deux adultes feignirent de collaborer avec les geôliers pour obtenir la restitution de Sebastián à la famille Negro. Puis Tulio fut emmené au Mexique, au sein d’une fausse délégation diplomatique, en fait un comando qui avait pour tâche de débusquer (et d’abattre) des militants montoneros réfugiés dans ce pays et que Tulio s’était déclaré prêt à trahir. En fait, Tulio Valenzuela a réussi à fausser compagnie à ses gardiens et à prendre contact avec la presse pour dénoncer les atteintes aux droits de l’homme en Argentine. Ses déclarations furent à l’origine d’un énorme scandale diplomatique entre le Mexique et l’Argentine. Sa famille eut un dernier contact avec lui le 25 mai 1978. De lui, après cette date, on sait seulement qu’il est revenu au pays dans le cadre d’une contre-offensive de l’opposition. Personne n’a plus jamais eu de ses nouvelles.

Raquel, quant à elle, a donné naissance à deux jumeaux, un petit garçon et une petite fille, le 26 mars 1978, à l’Hopital Militaire de Paraná. Selon tous les témoignages concordant du personnel médical, le petit garçon a montré très vite des signes de détresse respiratoire et cardiaque. On sait que les deux bébés ont été envoyés dans un hôpital spécialisé pour être placés en soins intensifs. Dans les registres de l’hôpital en question, figure à la bonne date l’arrivée d’une petite Soledad Lopez et d’un petit NN Lopez. Les initiales NN servaient alors à inscrire les nouveaux-nés qui étaient déjà morts lorsque l’hôpital les recevait. La petite fille, elle, a été confiée très vite à un foyer d’enfants tenu par des religieuses. C’est là qu’elle a été adoptée en toute bonne foi par une famille ordinaire, sans lien avec la Dictature. Cette famille adoptante était d’ailleurs à ses côtés tout au long du processus d’enquête. Lorsque Soledad a été convoquée par le juge pour l’audience où devait lui être signifiée son histoire véritable, poussée par l’intuition, elle est d’abord passée au siège social des Grands-mères pour en savoir plus sur elle, puis elle s’est rendue à la convocation et au bureau du juge, l’attendait son demi-frère, Sebastián Álvarez Negro. Sebastián s’était porté partie civile dans ce procès en recherche de disparu, aux côtés des deux associations, Abuelas, comme toujours dans ces cas-là, et H.I.J.O.S (branche de Rosario).

Par précaution, en tenant sa conférence de presse, hier, alors que l’audience judiciaire se déroulait à Paraná, Estela de Carlotto, présidente de Abuelas, s’est abstenue de toute information nominative sur la jeune fille et ses parents, pour laisser tranquilles les familles impliquées dans cette histoire particulièrement compliquée. Les données biographiques ont été révélées aujourd’hui seulement, par un communiqué de presse, qu’on peut lire sur le site de Abuelas de Plaza de Mayo.

Soledad Valenzuela Negro est la 96ème personne identifiée grâce au labeur des Abuelas de Plaza de Mayo.

Le passé du foyer religieux de Rosario auquel la petite fille a été confiée à sa naissance va faire l’objet d’une enquête approfondie de la part de la Justice.

Cette affaire montre bien comment les militaires brouillaient les cartes et empêchaient les recoupements identitaires : Rosario est très loin de Paraná, et Paraná est elle-même très loin de Mar del Plata, où la famille avait été arrêtée. Il est possible que ces nouvelles investigations permettent de trouver trace de quelques uns des 400 enfants que les Grands-Mères recherchent toujours.

Les révélations faites en janvier par le criminel Constanzo au quotidien Rosario/12 ont mis en cause un certain nombre de bourreaux de la Dictature. L’un d’entre eux s’est suicidé à Córdoba il y a peu alors qu’un juge d’instruction s’apprêtait à l’interroger sur l’enlèvement (robo) de nourrissons dans la Province d’Entre Rios.






(1) Les peines de prison ferme prononcées contre les criminels de la Dictature sont souvent et rapidement transformées en résidence surveillée à domicile, ce qui fait hurler (on les comprend) les associations de droits de l’homme.

Le joyeux Noël d’Elisa Carrió [actu]

Elisa Carrió est, en Argentine, la chef de file de la Coalición Cívica, une coalition de partis de droite qui mène l’opposition nationale. Elle-même vient de l’UCR (Unión Radical Cívica), un vieux parti de gauche anti-péroniste, qu’elle a quitté lorsqu’elle s’est droitisée et elle est en train d’entraîner la partie la plus anti-péroniste de l’UCR (1) dans une alliance électorale et d’opposition UCR-CC.

Deux fois Elisa Carrió a été battue à plate couture par les époux Kirchner à des éléctions présidentielles, en 2003 et en 2007, d’abord par lui, Néstor Kirchner, ensuite par elle, Cristina Fernández. A chaque fois, elle a obtenu un score inférieur de moitié au leur. Et c’est peu dire qu’elle les déteste. Avec un acharnement presque obsessionel, elle n’a jamais manqué une occasion de les accuser de corruption, concussion et autres malversations dans le cadre de l’exercice de leurs responsabilités gouvernementales. Jusqu'à présent sans guère convaincre que ses propres suiveurs.

Cette fois-ci, elle a marqué au moins un point. Un juge a décidé il y a quelques heures de lancer une enquête préliminaire sur un trafic d’influence qui met en cause Néstor Kirchner (ancien président de la République, de 2003 à 2007, et actuel président du PJ), l’actuel ministre de la planification, Julio De Vido, le ministre des transports, Ricardo Jaime (qui vient de faire des pieds et des mains pour récupérer Aerolineas en froissant le moins possible le gouvernement espagnol) et un certain nombre de conseillers actuels de Cristina Fernández qui travaillaient déjà à la Casa Rosada dans l’équipe du précédent président.

L’enquête fait suite à une dénonciation, déposée par Elisa Carrió et onze députés de CC. Ils accusent l’ancien président et ses collaborateurs d’avoir fait pression pour forcer l’ouverture de certains marchés à des entreprises (nominalement désignées) tenues par des péronistes, entre autres dans la Province de Córdoba et dans le sud du pays.

Les comptes des 24 sociétés incriminées vont être épluchés. Des informations financières sont en route pour la Principauté du Liechtenstein (pour blanchiment d’argent) et dans les jours prochains, Néstor Kirchner risque une inculpation pour association illicite. Qui vivra verra...

En tout cas, Elisa Carrió se rendra sans doute à la messe de minuit ce soir, avec le sentiment du devoir accompli : elle a une réputation de catholique très pratiquante, bien entendu très diversement appréciée d’un bout à l’autre de l’échiquier politique argentin.




(1) l’UCR est profondément divisée entre une aile (los radicales K) qui a fait alliance avec le PJ (Partido Justicialista, le parti fondé par Perón en 1945) et divers socialistes dans une coalition éléctorale, le Frente para la Victoria, aujourd’hui aux affaires, avec, représentant l’UCR, le Vice-Président de la République, Julio Cobos, et l’aile anti-péroniste à présent fortement tentée par la droite et qui vote systèmatiquement avec l’opposition au Sénat comme à l’Assemblée Nationale.

mardi 23 décembre 2008

Hommage à Enrique Santos Discépolo

La partition de Uno, dans le Pasaje Enrique Santos Discépolo à Buenos Aires

Le 23 décembre 1951, en toute fin de journée, un grand poète du tango, un écrivain de théâtre, un compositeur, un grand acteur, surtout comique, de cinéma et de théâtre, quittait cette vallée de larmes (et Dieu si elle fut en effet pour lui une vallée de larmes) : Enrique Santos Discépolo. Il n'avait pas encore 51 ans...

Ci-dessous, l'affiche de son dernier film, sorti en avril 1951 (et disponible en DVD)





Uno (1) busca lleno de esperanzas
el camino que los sueños
prometieron a sus ansias...
Sabe que la lucha es cruel
y es mucha, pero lucha y se desangra
por la fe (2) que lo empecina...
Enrique Santos Discépolo (1943)
(musique de Mariano Mores)


Tout un chacun cherche plein d'espoir
le chemin que les rêves
ont promis à ses désirs...
Il sait que le combat est terrible
et long, mais il combat et perd son sang
pour l'utopie que lui colle à la peau..
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Soy, yo soy
Soy un niño antiguo parecido al tango
soy un pensamiento bailable y tristón
soy Buenos Aires, tan mía
ciudad de los claros capullos de misterio,
soy el clown
que triunfó en el templo sin saber la misa
soy mi risa en llamas, yo... ¡morí de amor!
[...]
Yo viví cien años con sólo cincuenta
[...]
Horacio Ferrer
prologue de la biographie : Discepolín, Poeta del hombre que está solo y espera, de Horacio Ferrer et Luis Sierra, édition augmentée, Editorial Sudamericana, Buenos Aires 2004.


Je suis, c'est moi
Je suis un enfant vieux qui ressemble au tango (3)
je suis une pensée dansable et tristouille (4)
je suis Buenos Aires, si mienne,
ville des clairs cocons de mystère,
je suis le clown
qui triompha à l'église sans savoir la messe (5)
je suis mon rire qui brûle, moi... Je suis mort d'amour !
[...]
J'ai vécu 100 ans et je n'en ai eu que 50
[...]
(Traduction Denise Anne Clavilier)


Uno, interprété ici par Libertad Lamarque en 1943, et interprété par Edmundo Rivero en 1959.




(1) Uno : un pronom intraduisible en français. C'est typique de l'expression portègne. C'est à la fois un sujet impersonnel (on) et une première personne du singulier dissimulée. Les interviews d'Aníbal Troilo en sont remplies.
(2) la fe : autre terme idiosyncratique. Lire mon explication dans les notes de la traduction de Para un feliz 2009 d'Héctor Negro (entrée du 18 décembre dernier).
(3) Enrique Santos Discépolo a eu une enfance très triste. Très tôt orphelin, de père, puis de mère, il vécut un temps chez une tante très aisée chez qui il fut particulièrement malheureux. Il est connu de tous qu'il n'a quasiment jamais connu de jouer, toujours dans une grande solitude, malgré de nombreux frères et soeurs beaucoup plus âgés que lui.
(4) Reprise d'une définition très célèbre du tango qu'on doit à Enrique Santos Discépolo : "el tango es un sentimiento triste que se baila" (le tango est une pensée triste qui se danse).
(5) Enrique Santos Discépolo, fils d'un contrebassiste classique natif de Naples, n'eut jamais l'occasion d'apprendre le solfège. Il n'en était pas moins un grand compositeur (mais totalement oral : il avait besoin d'amis musiciens pour mettre ses mélodies sur la portée et effectuer orchestration et arrangements). Ceux qui l'ont connu, notamment Luis Sierra, assuraient qu'il jouait très bien du piano et était capable de diriger un orchestre de tango. A ma connaissance, nous n'avons aucun témoignage audio de ces prestations musicales. Son piano est exposé au musée de la Sadaic.

Faut-il fêter Noël ? par Rep

Le 16 décembre dernier, le dessinateur Miguel Rep ornait la une de Página/12 d'une apostrophe bien sentie de son personnage dépressif, le Poulpe, envers lui-même (le bonhomme au collier de barbe est en fait un auto-portrait caricatural, super-réussi).


Tu as décoré le sapin de Noël ?
Si tu ne crois en rien de tout ça, tu vas fêter Noël ?
Si tu ne crois pas à l'Esprit Saint ni à l'Immaculée... (1)
Tu vas fêter l'Année nouvelle ?
Si tu ne crois pas en l'Enfant Jésus...
Si tu étais cohérent, pourquoi tu ne fêtes pas (2)
la nativité de Karl Marx, espèce de progressiste de pacotille !
(Traduction Denise Anne Clavilier)



(1) Il s'agit bien sûr de l'Immaculée Conception, une expression théologique fixée en 1854, qu'en français, nous ne pouvons guère abréger de cette manière. Il est vrai aussi que la fête est fériée dans toute l'hispanité alors que dans la plus grande partie de l'Europe, il s'agit d'un jour ordinaire. L'Immaculée Conception (celle de la Vierge Marie) se fête le 8 décembre. Même à Lyon où elle est devenu la fête des lumières, après l'arrêt miraculeux de l'épidémie de peste qui ravagea le sud de la France en 1643, le nom n'est pas abrégé (le nom de la fête est maintenant décorollé de toute dimension religieuse).
(2) ici, une rupture grammaticale typique du parler portègne. Si tu étais... tu vas. En français, cela passe de justesse mais sonne un tout petit peu faux malgré tout alors que cela passe comme une lettre à la poste en Argentine parce que ce genre de manipulation grammaticale y est très courante. Et elle fait hurler les Espagnols au sacrilège et au barbarisme.

Academia Nacional del Tango : inscriptions pour l'année scolaire 2009 [actu]


La Academia Nacional del Tango, à travers le Conservatorio de estilos Argentino Galván, forme des musiciens de tango dans 3 disciplines : l'arrangement musical (le métier d'arrangeur est un des piliers de la tradition du tango), les techniques et styles des différents instruments (piano, guitare, bandonéon, violon et même flûte) et le chant. Chacune de ces formations s'étale sur 3 ans. Les inscriptions pour les nouveaux éléves qui commenceront en mars 2009 sont ouvertes depuis le 17 novembre et vont se clore avec l'arrivée des vacances scolaires (la Academia Nacional del Tango comme toutes les academias nacionales du pays a en effet pour autorité de tutelle et financeur le Ministère de l'Education Nationale, au niveau fédéral, elle ferme donc boutique à Noël jusqu'à la fin du mois de février).

Les programmes sont détaillés sur le site de la Academia, aux pages consacrées au Conservatorio, dirigé par Juan Trepiana (directeur pédagogique) et avec une pléïade de professeurs parmi lesquels figurent des maîtres comme Aníbal Arias (guitare) et Osvaldo Montes (bandonéon) ainsi qu'une chanteuse, José María Mentana, une vedette du tango et... du petit écran.

Les cours ont lieu le soir, deux à trois jours par semaine, un jour sur deux seulement (lundi, mercredi et vendredi), après 18 heures, pour laisser à tous ces jeunes gens la possibilité d'exercer un métier alimentaire à l'extérieur.

Feria del libro lunfardo y tanguero [à l'affiche]

Du 7 au 30 décembre, la Academia Porteña del Lunfardo (Estados Unidos 1379) organise de 14h à 22h tous les jours (avec relâche le 24 et le 25) sa 5ème édition de la Feria del Libro Lunfardo y Tanguero, un Salon du livre lunfardo consacré au tango. Présentations de différents livres, de nouveaux disques, conférences, projections cinématographiques, concerts...
Bref, un vrai festival !

La Academia porteña del Lunfardo est une association de droit privée, qui vit principalement des cotisations de ses membres. Elle propose au grand public tout un programme de conférences. Elle est un centre de recherche sur le langage populaire de Buenos Aires (le lunfardo, d'origine argotique, apparu avec le début de la grande migratoire, dans les années 1880). La Academia dispose d'une bibliothèque couvrant tout le domaine du lunfardo et du tango, d'environ 400 volumes, et quelque 4500 partitions (pas mal quand même pour un art, le tango, qui compte tout juste un peu plus d'un siècle d'existence !)

Entrée libre et gratuite pour la quasi-totalité des activités (comme si souvent à Buenos Aires).
Présentation de Eramos tan hippies (nous étions si hippies), un livre que Marcelo Olivieri consacre à l'histoire du rock argentin. Marcelo Olivieri est l'un des fondateurs de la Academia (en 1962), c'est aussi un éditeur spécialisé dans le domaine des idiosyncrasies portègnes. Au début de cette année, il a co-signé (et publié) avec le Président de la Academia, José Gobello, un nouveau dictionnaire du parler de Buenos Aires (Nuevo diccionario del habla porteño). La conférence fut suivie d'un hommage à Edmundo Rivero, grand chanteur, grand compositeur, fondateur de la tanguería Viejo Almacén (esq. Balcarce y Independencia), grand défenseur du lunfardo s'il en fut. C'était le mercredi 10 (avec une participation de 20$ pour le public).

Une intervention du poète Luis Alposta, le 12 décembre.

La participation exceptionnelle du chanteur Héctor de Rosas à la célébration de l'anniversaire de fondation de l'Academia le 21 décembre. Héctor de Rosas n'est autre que le créateur du rôle du Cantor de María de Buenos Aires d'Astor Piazzolla et Horacio Ferrer en 1968...

La projection du film El Café de los Maestros ce soir à 19h30.

Un concert de tangos en lunfardo par Muni Rivero, le fils d'Edmundo Rivero, au lendemain de Noël...

China Cruel à la Milonga Tango Queer


Le sextette féminin China Cruel se produit ce soir à la Fête de fin d'année de la Milonga Tango Queer au Buenos Ayres Club, rue Perú 571, à 23h30.

Cette milonga homosexuelle (distincte de La Marshall, située rue Maipu, 444, dans le quartier de San Nicolás), se situe, elle aussi, en plein centre de Buenos Aires, dans le quartier de Monserrat.

Plan de relance pour l'Argentine (suite) [actu]

Vendredi dernier, la Présidente a annoncé un nouvel élémeent de son plan de relance de l'économie argentine. Le Gouvernement du pays a clairement choisi de relancer par le soutien de la consommation et le plan descend très concrètement dans les petits détails de la vie quotidienne, très loin des usines à gaz emphigouriques des nations dites développées où, ni vu ni connu je t'embrouille, le citoyen lambda finit par être complètement perdu...

Le Gouvernement argentin a donc décidé d'encourager les habitants à renouveler certains de leurs équipements électro-ménagers. Des réfrigérateurs familiaux, d'une contenance de 360 litres, fabriqués sur place, seront en vente dans les réseaux d'enseignes spécialisées un peu partout dans le pays pour un prix de 1440 $Arg prix consommateur final, payables en 12 mensualités de 127 $.

Le prix total englobe un crédit à 11% d'intérêt l'an, taux qui nous fait dresser les cheveux sur la tête mais qui reste néanmoins très intéressant dans un pays où l'inflation annuelle flirte, depuis des lustres, avec les 25%.

Sur cette somme, le commerçant de détail, qui achètera le réfrigérateur à 1030 $, pourra dégager une marge de 114 $ par appareil. Pour le fabricant, l'accord gouvernemental revient à subventionner ses frais de main d'oeuvre à hauteur de 773 $ par appareil.

Le Gouvernement pense que d'ici à mars 2009 (le plein été austral), 100 000 exemplaires de ces réfrigérateurs pourraient être vendus. Il s'agira d'équipements de nouvelle génération, donc peu gourmands en énergie (on a vu que la fourniture de l'énergie restait une difficulté majeure du pays, cf. mon article du 27 novembre sur la première grosse vague de chaleur de ce printemps) et qui ne pourront être livrés que contre retour du vieux frigo, moins économe. Pas question, comme c'est le sort ordinaire de tout équipement et de tout en général en Argentine, d'être vendu au noir (bien sûr), fût-ce pour une valeur symbolique, ou cédé à moins privilégié que soi, ou confié à la collecte organisée par telle ou telle coopérative de chiffoniers (comme il s'en est constitué quelques unes ces dernières années et elles marchent plutôt bien) et encore moins d'abandonner le vieux clou sur le trottoir au hasard de la tournée d'un chiffonnier travaillant à son compte. Les chignoles font certes le bonheur des plus démunis, en particulier dans les villas miserias, les bidonvilles des banlieues sud des grandes villes et les plus démunis accordent à ces appareils brinquebalants un sursis parfois très long et très astucieux (c'est précieux, un frigo, dans un pays où il fait si chaud l'été, dans la majeure partie des terres habitées, toutes au nord du pays), à coup de branchements hasardeux (et dangeureux) et de rafistolages en tout genre. Mais en l'occurrence, il s'agit pour les pouvoirs publics de faire d'une pierre deux coups : pousser au renouvellement du parc (donc essentiellement dans la classe moyenne, chez les ouvriers et les employés peu qualifiés) et implanter un cercle vertueux de recyclage et de développement durable économiquement et écologiquement.

Les fabricants d'électroménager emploient en Argentine 50 000 personnes environ. Le plan compte donc préserver ainsi ces emplois (même s'il ne s'agit que d'une toute petite partie des presque 40 millions d'Argentins).

Le plan prévoit aussi que l'industrie sidérurgique baisse de 50% ses prix pour la fourniture du métal constituant l'armoire des appareils ainsi subventionnés. En échange, à travers une instance sectorielle, les entreprises sidérurgiques adhérant au plan recevront les vielles carcasses et pourront elles-mêmes les recycler. Cela vous donne une idée de la taille et de la nature des entreprises sidérurgiques argentines, plus proches de la forge artisanale du tango Sur de Homero Manzi et Aníbal Troilo (ici dans une version de 1948, l'année de la création, avec l'orchestre du compositeur et la voix, magnifique, d'Edmundo Rivero) que des immenses usines d'Arcelor-Mittal...

Ce plan s'étendra à deux autres produits de la gamme des blancos (les équipements électro-ménagers) : climatiseurs et lave-linge.

dimanche 21 décembre 2008

C'est le jour ou jamais [actu]


Verano Porteño (Eté de Buenos Aires) de et par Astor Piazzolla... en public à Central Park à New-York (ce New York où le compositeur a passé une grosse partie de son enfance, de l'âge de 4 ans à celui de 14, dans Little Italy, le quartier de la communauté italienne).

Un grand classique à écouter, aujourd'hui 21 décembre, 1er jour de l'été austral, sur Todo Tango.

La dernière de ETvaB pour 2008 : retour sur image [à l'affiche]

Vendredi dernier, 19 décembre, Cucuza, le chanteur au crâne rasé (cucuza, c'est le coco, la tête en lunfardo), et son ami, Moscato, le guitariste, clôturait l'année de leur cycle El Tango vuelve al Barrio (le tango revient dans le quartier), dans le café-pizzeria El Faro de Villa Urquiza.




Bon Noël à tous les deux, au patron et au personnel d'El Faro, à leurs familles et amis...


Photo envoyée par Cucuza

samedi 20 décembre 2008

Navidad criolla [Coutumes]

Un choix de villancicos argentins, signés par quelques grandes plumes du pays, Cátulo Castillo (grand poète et non moins grand compositeur de tango, né en 1906 et décédé en 1975, qui fut l'un des grands présidents de la Sadaic), le folkloriste mondialement connu, auteur-compositeur-interprète et guitariste, Atahualpa Yupanqui (Pergamino, Pr. de Buenos Aires 1908 - Nîmes, en France, 1992) et l'historien, homme politique radical et parolier de chansons Felix Luna (né à Buenos Aires en 1925).

Ces villancicos font partie du disque Navidad 2000 Los Arroyeños, chez Epsa, Buenos Aires 1997, conçu et enregistré par quatre chanteurs-instrumentistes : Miguel Angel Inchausti (pianiste et ténor), Gustavo Santa Coloma (guitariste et baryton), Fernando Collados (charanguiste, guitariste et tenor, le charangua est un instrument amérindien à cordes pincées, comme la guitare) et Luis Araujo (percussioniste et basse).

En un burrito orejón (Sur un petit âne à grandes oreilles)
Zamba, de Víctor Schlichter et Cátulo Castillo (1)

No llores más vida mía
Que llega la Navidad
San José con María vendrán
Con un burro orejón
Cargadito de turrón
San José con María vendrán
Y en un burro orejón
Por aquí pasarán.

En pleure pas, mon chéri
Car Noël arrive
Saint Joseph et Marie viendront
avec un âne aux grandes oreilles
tout plein chargé de turron (2)
Saint Joseph et Marie viendront
et sur un âne aux grandes oreilles
ils passeront par ici.

No llores más mi guaguita
Que estoy amasando el pan.
Mazapán con miel y humita fiel
Calentita en la sartén.
Vendrán en un burrito
Caminito por Belén
Amados los dos amados
Amados del Niño Dios.
Por aquí vendrán
Y te besarán
Corazón de mazapán.

Ne pleure pas, mon bébé mignon,
car je suis en train de pétrir le pain.
De la pâte d'amande au miel et la bonne humita (2) toute chaude dans la poêle.
Ils viendront sur un petit âne
en chemin pour Bethléem.
Tout aimés tous les deux, tout aimés
Aimés par l'Enfant Dieu.
Ils viendront par ici
et ils t'embrasseront
Mon petit cœur en sucre (2).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

El niño duerme (L'enfant dort)
Arrullo (berceuse) Atahualpa Yupanqui

La noche con la espumita del río
Te está tejiendo un encaje, mi niño.

La nuit avec l'écume du fleuve
est en train de te tisser un tricot, mon enfant.

Quiero la estrella del cielo más bella
Para hacerte un sonajero, mi niño.

Je veux l'étoile du ciel la plus belle
pour te faire un hochet, mon enfant.

El niño se está dormiendo sonriendo
Ah ah mi niño

L'enfant s'est endormi en souriant.
Mon enfant, mon enfant.

Que bello mundo es tu mundo mi niño
Ah ah mi niño

Quel beau monde est le tien, mon enfant
Mon enfant, mon enfant...
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Navidad en verano (Noël en été),
Canción, Ariel Ramírez et Felix Luna

Mi Navidad está metida en el verano
No tiene pinos ni la nieve le da luces;
Mi Navidad con el calor va de la mano
Y un dulce olor a sidra y a pan dulce...

Mon Noël est fourré en été
Il n'a pas de pin, et la neige ne lui donne pas son éclat ;
Mon Noël va main dans la main avec le temps chaud
et une odeur sucrée de cidre et de pan dulce... (2)

Paz a todos los hombres
Paz en la tierra,
En mi tierra caliente
Y en la que nieve

Paix à tous les hommes
Paix sur la terre
Sur ma terre chaude
et sur celle où il neige

Mi Navidad no viene nunca en un trineo
Papá Noel en esta tierra es un extraño
Mi Navidad es el jazmín de fin de año,
Es la felicidad que te deseo.

Mon Noël en vient jamais en traîneau
Le Père Noël sur cette terre est un étranger (3)
Mon Noël c'est le jasmin de la fin d'année,
C'est le bonheur que je te souhaite...
(Traduction Denise Anne Clavilier)

(1) Une zamba est une danse et une musique folklorique des provinces nord de l'Argentine, apparentée à la samba brésilienne.
(2) Turrón, sidra, mazápan et pan dulce :
les spécialités gastronomiques de Noël enArgentine et en Uruguay.
Le turrón est celui apporté par les immigrants de la côte du Levant espagnol (Alicante, Jijona, Valencia, les marques 1880, El Almendro, La Jijonenca par exemple), plus que les tourons fabriqués en Catalogne et au Pays Basque (surtout du côté français). Les Italiens aussi, qui représentent 50% de l'immigration des années 1880 à 1930, ont, dans les régions de Florence et de Turin, un torrone qui se situe entre le nougat de Montélimar et le turrón duro (appelé aussi turrón de Alicante ou Torta Imperial) et le Panforte de Sienne, qui ressemble aussi à certaines spécialités de l'Espagne intérieure.
La sidra : le cidre est arrivé dans le sillage des Navarrais et des Galiciens. La plupart des cidres dans le monde sont plutôt doux et sucrés. Le cidre breton en fera donc pas trop l'affaire en l'occurrence. Pour une table de Noël à l'Argentine, chercher des sidres espagnols (marque La Gaita, par exemple) ou certains cidres doux basques ou normands.
Le mazápan : pâte d'amande présentée sous forme de petits sujets. Une tradition espagnole. Voir les marques de turrón ou les tourons qu'on fabrique à Biarritz, en pays palois, dans l'ensemble des Pyrénées françaises. Certains massepains provençaux ou alsaciens peuvent faire l'affaire.
Le pan dulce : la version argentino-uruguayenne du Pannetone du nord de l'Italie, avec fruits confits et amandes. A défaut de cette version australe, un vrai Pannetone fera très bien sur la table (je vous donnerai bien la recette mais avec nos températures d'hiver, bonjour les consommations d'énergie pour mettre la pièce à la température suffisante pour faire monter comme il faut une pâte levée !). A défaut de Pannetone de Turin ou de Milan (les meilleurs aux dires des Italiens... du nord), et selon les régions, une brioche des rois conviendra à Bordeaux et dans toute l'Aquitaine (à condition de se passer de l'eau de fleur d'oranger et de mettre les fruits confits dans la pâte et pas dessus) ou un kouglehof en Alsace (il faudra juste utiliser un autre type de moule : un moule à brioche, rond et haut, façon cheminée). En Belgique, on doit pouvoir se débrouiller très bien avec un cramique à condition de lui ajouter des fruits confits et qu'il ne faille pas un vélo pour aller d'un raisin sec à l'autre.
Et pour achever tout à fait la touche criolla de votre table, vous offrirez aussi des cacahuètes caramélisées (ça, ce n'est pas un héritage de l'Europe) : on appelle ça des chouchous dans le Midi, des pralines dans le reste de la France...
(3) ce vers-là, c'est pour dire "US go home!" Parce que Santa Claus (le nom du Père Noël dans son pays d'origine, où il n'est rien d'autre que la version publicitaire que donna Coca Cola à la fin des années 20 à notre Saint Nicolas) a aussi envahi l'Argentine mais les Rois Mages ne s'en laissent pas compter et le tiennent en respect (comme en Espagne d'ailleurs).