lundi 31 mai 2010

Rubén Juárez vient de nous quitter [Actu]


C'est une énorme peine qui vient de s'abattre sur la communauté tanguera mondiale aujourd'hui : le Maestro Rubén Juárez, compositeur, bandonéoniste et chanteur, vient de succomber à un cancer, dans une clinique de Buenos Aires, où il avait été admis en soins intensifs le samedi 22 mai, après avoir été transporté dans la capitale depuis son domicile de Villa Carlos Paz, non loin de Córdoba. On a appris la nouvelle tôt ce matin, à Buenos Aires, donc dans l'après-midi en Europe, après la parution d'un premier article sur ce blog, ce qui est inhabituel sur Barrio de Tango, où, lorsque disparaît une personnalité de cette envergure, il n'y a jamais qu"un article : celui consacré au disparu...

La Legislatura Porteña s'apprête à accueillir dans ses locaux sa chapelle ardente dès ce soir.

Rubén Juárez avait 62 ans. Il était né le 5 novembre 1947 à Ballesteros, dans la Province de Córdoba, une ville et une Province à laquelle il était passionnément attaché et dans laquelle il était intervenu pour soulager la misère et développer la culture et notamment la musique pour tous. Il y vivait depuis une dizaine d'années, après avoir quitté Buenos Aires pour gérer autrement sa carrière et son oeuvre. Il a vécu plus longtemps à Buenos Aires où il avait passé une bonne partie de son enfance et avait commencé l'étude de la musique à 6 ans, par le bandonéon et la guitare...

Il avait été découvert par le public et la critique dans la tanguería Caño 14 en 1969, là où Roberto Goyeneche lui-même donnait des tours de chant qui sont restés légendaires. Son parrain dans le monde du tango avait été ni plus ni moins que Pichuco lui-même, à cette époque-là. A Palermo, il avait fondé et dirigé pendant plusieurs années le Café Homero, qui ne lui appartenait plus depuis longtemps mais est resté un lieu qui accueille les artistes de tango. Il avait joué dans l'orchestre de Troilo mais n'a jamais enregistré ni avec lui ni avec Piazzolla, ce qui restait les deux grands regrets de sa vie artistique.

Paris l'avait reçu le 10 novembre 2009 pour un concert organisé à la dernière minute (voir mon article à ce propos). Pour ma part, j'avais eu la chance immense de le voir et de l'écouter, à la clôture du 10ème Festival de Tango de Buenos Aires en août 2008. Je garde de ce concert le souvenir d'un homme de scène doté d'une formidable présence et d'un grand musicien. Bien sûr, sa voix n'était plus ce qu'elle avait été (les traitements anti-cancer de ses dernières années devaient y être pour quelque chose) mais il conservait l'amour et la passion de la scène, du chant et du public...

Un des grands moments qui le concernent dans ce blog avait été sa participation presqu'à l'improviste à l'une des soirées El Tango vuelve al Barrio, au Bar el Faro, organisée par Cucuza et Moscato (voir le retour en images que j'avais publié à ce propos en novembre 2008). Aujourd'hui, je pense bien à Cucuza que cette nouvelle va beaucoup affecter (les photos qui illustrent cet article ont été prises pendant cette soirée mémorable à El Faro), et aussi à Solange Bazely qui vient de diffuser par mail un hommage très ému à cet artiste.

Les quotidiens argentins rendent hommage dès aujourd'hui au musicien disparu :
Página/12 (nécrologie)
Clarín (nécrologie)
Clarín (analyse de sa carrière)
La Nación (nécrologie avec inclusion de vidéos)


Ici, en France, à Lyon, samedi 5 mai, un hommage lui sera rendu à l'Opéra de Lyon, où Solange Bazely donne cette semaine deux conférences sur le tango et le bandonéon.

Pour ce mois de mai 2010 qui fut et qui n'aurait dû être qu'un mois de fête, voilà une bien triste fin... Sale année pour le bandonéon, qui perd coup sur coup Chula Clausi et Rubén Juárez.

Nouveaux liens, nouveaux raccourcis, nouvelles rubriques dans la Colonne de droite

Dans la rubrique Agenda de Barrio de Tango, un nouveau raccourci sur les réactions des médias (radios et sites internet) à l'existence de ce blog et à la sortie de mon anthogie bilingue, Barrio de Tango (ed. du Jasmin).

Dans la rubrique Vecinos del Barrio, arrivée de nouveaux raccourcis pour Ariel Argañaraz, Aníbal Corniglio, Alan Haksten et Nacho Iruzubieta côté musiciens et Alberto Podestá, Alicia Pometti et Analia Sirio, côté chanteurs.

Dans la rubrique Eh bien dansez maintenant ! arrivée de l'association de tango Tempo Tango, qui anime la vie tanguera à Caen (Normandie)

Dans la rubrique Petites chronologies, arrivée du feuilleton sur la Semana de Mayo, la révolution qui entraîna l'indépendance de l'Argentine, du 18 au 25 mai 1810 (ce feuilleton se compose de 8 articles qui racontent cette semaine historique au jour le jour, avec 200 ans de distance).

Dans la rubrique Cambalache (casi ordenado), dans la section des sites culturels, est arrivé, il y a quelque temps déjà, l'association Observatoire de l'Argentine Contemporaine, une association universitaire qui a organisé (entre autres), le 17 mars dernier, cette conférence sur la constitution d'une musique nationale où était invitée Solange Bazely, une spécialiste de l'histoire du bandonéon (lire mon article du 1er mars 2010 sur cette double conférence à la Maison de l'Amérique Latine à Paris).

Dans la section des radios généralistes (changement de titre pour la section), une nouvelle venue, 1620 La Radio, une radio alternative et artisanale de Mar del Plata à écouter en streaming et en direct (el nuevo sonido de Mar del Plata).

Dans cette même rubrique, je viens de créer une section consacrée aux radios musicales : vous y trouverez France Musique (sur l'antenne de laquelle est diffusée la chronique mensuelle sur le tango de Jean-Louis Mingalon, cliquez sur son nom pour découvrir mes articles sur cette chronique), Musiq'3, de la Radio et Télévision Belge Francophone (RTBF) et Option Musique, qui propose en podcast quelques émissions de la Radio Suisse Romande (RSR).

dimanche 30 mai 2010

La Milonga del Morán avec Cucuza à nouveau [à l'affiche]

Le chanteur Cucuza revient ce soir à la Milonga del Morán (Club Social y Deportivo Morán) (1), situé rue Pedro Morán 2446. Ce soir, il partagera la scène avec un autre chanteur, qu'il a souvent invité au Bar el Faro, Juan Pablo Villareal. Le Quinteto Malo Conocido sera aussi de la fête comme l'autre fois (lire mon article du 19 mars 2010 à ce sujet).

Un cours est prévu à 20h, donné par les organisateurs, Marcelo, Lucila et Mariano Romero.
La milonga elle-même commencera à 21h30.
Prix de l'entrée : 15 $ (10 $ pour les retraités).

L'affiche surchargée et clinquante typique de ce club (ci-contre) peut-être téléchargée (il suffit de cliquer dessus et de l'enregistrer) et imprimée en format A4 ou A3 à votre guise...

Vous pouvez aussi la télécharger sur le blog de la Milonga del Morán, directement du producteur au consommateur, sans passer par l'intermédiaire de Barrio de Tango mais alors sans traduction... Vous y trouvez aussi un article avec une inclusion vidéo de la dernière prestation de Cucuza sur la scène de cette salle de bal... Imperdible comme on dit là-bas (qu'il ne faut pas manquer).

(1) Club social et sportif en français

Jacqueline Sigaut à l'Espace Dada avec María Volonté [à l'affiche]

La chanteuse Jacqueline Sigaut continue la présentation de son 4ème disque avec un concert mardi prochain, 1er juin 2010, à l'Espace Dada, rue Borges 1655, à 21h. Entrée 20 $.

Pour l'occasion, Jacqueline a invité la chanteuse María Volonté et le guitariste Abel Tesoriere. Dans son mail, elle annonce aussi d'autres surprises...

Jacqueline se produira dans le cadre de la série de concerts Tangos de Martes (Tangos du Mardi), que coordonne Anita Co, artiste elle-même.

Pour en savoir plus sur Jacqueline Sigaut ou sur María Volonté, cliquez sur leur nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, ou sur le raccourci à leur nom parmi les artistes de la rubrique Vecinos del Barrio, dans la partie supérieure de la Colonne de droite. Ces liens vous permettent d'ouvrir l'ensemble des articles déjà parus sur les artistes dans ce blog Barrio de Tango.

Le site de Jacqueline Sigaut se trouve parmi les liens de la rubrique Grillons, zorzales et autres cigales, dans la partie basse de la Colonne de droite.

Au sujet du Polar et du Tango : les articles de Paroles... et Tango [ici]

Merci à Internet qui permet des échanges littéraires fructueux entre passionnés de tango et de littérature (noire ou pas si noire que ça).


Si vous voulez préparer votre visite au Salon Polar en Plein Coeur (de Paris), du 11 au 13 juin prochain, à l'Espace des Blancs Manteaux, dans le 4ème arrondissement de Paris (voir mon article principal à ce sujet), je vous invite à vous connecter au blog de Tempo Tango, l'association de tango de Caën, où Serge Davy a publié plusieurs articles très, très, très sympas :

- Les ensorcelés (de novembre 2008)
- Série noire pour un tango (de novembre 2007), un nano-polar saignant et bandonéonant de Serge Davy (rudement bien tourné) et quelques titres de polars parlant de tango
- Tango fatal (d'août 2009), autre nano-polar tout aussi saignant, mais dansant cette fois-ci... De Serge encore.

Et puis cette autre nano-nouvelle qui est aussi un tour de France du Tango argentin : Le tango de l'été, de juillet 2008.

Dans Paroles... et Tango, vous trouverez aussi des articles sur le tango et le cinéma. De quoi vous préparer pour Tangopostale à Toulouse et en juillet (voir mon article au sujet de la 2nde édition de ce vrai festival pluridisciplinaire dans la Ville Rose du 5 au 11 juillet 2010).

samedi 29 mai 2010

2ème édition de Tangopostale à Toulouse du 5 au 11 juillet [ici]

Le festival toulousain Tangopostale organise sa deuxième édition du 5 au 11 juillet 2010. Vous pouvez cliquer sur l'affiche ci-contre pour la télécharger en plus grande résolution et l'imprimer.

Ce festival se caractérise par la grande variété de ses animations culturelles : conférences, présentation de livres, cours de danse (tango et folklore), cours de chant (folklore), projections de films, milongas, démonstrations, concerts et fêtes jusqu'à l'aube.

Le festival se passe dans toute la ville de Toulouse, au Centre Culturel Bellegarde, au Centre culturel Alban Minville, à la librairie Privat (où je ferai une présentation-dédicace de Barrio de Tango, mon anthologie parue en mai aux Editions du Jasmin, le jeudi 8 juillet à 16h (attention : changement d'horaire par rapport à l'heure annoncée initialement, qui était 18h), 14 rue des Arts, voir mes articles sur le contenu de ce livre), à la Cinémathèque, à la Maison du Tango, au Gymnase Fontaine Lestang, au cinéma Utopia, à l'auditorium Saint Pierre des Cuisines, au Parc Municipal des Sports, à l'Institut Cervantes...
Le festival propose aussi de nombreuses activités en plein air, dont plusieurs bals et fêtes, sur le Quai de la Daurade, sur la place du Capitole, sur la place Saint Georges et sur la place de la Trinité.

Parmi les participants attendus :
les professeurs de tango Barbara Carpino et Claudio Forte, Mariela Samerband et Alberto Colombo,
les artistes de folklore Eleonora Eubel, Gustavo Gancedo et Matias Reynoso qui animeront des stages de musique et de chant
une vingtaine d'associations de tango, une de folklore ainsi que l'école de danse Harold Paturet
les conférenciers José Cuesta qui parlera de l'indépendance argentine en cette année de bicentenaire (voir mes articles sur les célébrations de cet anniversaire en cliquant sur le mot-clé Bicentenaire, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus), Jean Andreu qui parlera de Carlos Gardel, dont la Ville Rose est la cité natale, José María (Pepe) Kokubu, de la Academia Nacional del Tango, qui parlera de l'invention du tango depuis la musique classique jusqu'au répertoire de Carlos Gardel le 9 juillet à 18h à la Médiathèque José Cabanis (lire à ce sujet mon article du 14 juin 2009 où je présentais pour la première fois au public francophone cet impressionnant travail de recherche en musicologie appliquée au tango) et Solange Bazely, qui parlera du bandonéon avec sa pertinence habituelle, le samedi 10 juillet à 14h30 à la Salle Osète (cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher pour en savoir plus sur ses causeries),
le bandonéoniste et compositeur néerlandais Carel Kraayenhoff et son Sexteto Canyengue,
la Orquesta Típica Silencio...

Pendant toute la durée du festival et au-delà, du 29 juin au 18 juillet, en partenariat entre Tangopostale, la médiathèque José Cabanis et l'association Carlos Gardel, se tiendra à la Médiathèque, 1 allée Chaban Delmas, une exposition intitulée Carlos Gardel ou le tango universel. L'exposition sera ouverte six jours sur sept, les mardi, mercredi, vendredi et samedi de 10h à 19h, le jeudi de 14h à 19h et le dimanche de 14h à 18h.

Le programme complet, avec les dates, les horaires précis, les modalités d'entrée (beaucoup d'activités gratuites) et les adresses est à découvrir sur le site du festival.

jeudi 27 mai 2010

Quand Rudy célèbre le Bicentenaire en paraphrasant Litto Nebbia [Actu]

Litto Nebbia a écrit un jour une chanson qui a connu un grand succès et dont vous trouverez plusieurs clips sur You Tube (avec Litto ou avec d’autres interprêtes) : El rey lloró (le roi pleura). En voici le texte d’une grande simplicité, comme souvent chez cet auteur-compositeur-interprète, où la musique vient comme contrebalancer la simplicité du texte pour vous le faire lire au second degré...

Recuerdo una vez,
en un viejo país
un rey a un hombre campesino le habló.
Le dijo te ofrezco lujos y placeres
si tú me enseñas a vivir feliz.
Litto Nebbia

Je me souviens d'une fois
dans un pays ancien
un roi à un homme des champs parla.
Il lui dit : Je t'offre luxes et plaisirs
si tu m'apprends à vivre heureux.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

El humilde hombre
le dijo no puedo,
no puedo enseñarte yo a vivir felíz.
Tú con tu dinero, lujos y placeres
jamás podrás ya vivir feliz.
Litto Nebbia

Le pauvre homme
lui dit : je ne peux pas
je ne peux pas, moi, t'apprendre à vivre heureux.
Toi, avec ton argent, ton luxe et tes plaisirs,
jamais tu ne pourras vivre heureux.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

El rey lloró,
y le contó su dolor.
Litto Nebbia

Et le roi pleura
et lui raconta son malheur.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Dans la culture hispanique, l’image du roi qui pleure est très chargée en ce qui concerne l'histoire, car il y a bien dans l’histoire espagnole un roi qui a pleuré : il s’agit du dernier roi maure qui rendit Grenade le 2 janvier 1492 à Isabelle et Ferdinand, vaincu par les armées jointes de Castille et d’Aragon. Ce dernier roi maure s’appelait Boabdil. Il quitta Grenade, qui l’avait vu naître, en direction de Motril, sur la côte, pour traverser la mer et se réfugier à Fez, et en passant le dernier col d’où l’on peut encore voir la belle cité andalouse, il se mit à pleurer. Et sa mère, la terrible Aicha, l’insulta : "Llora como mujer lo que no supiste defender como hombre" (Pleurs comme une femme ce que tu n’as pas su défendre comme un homme). Ce col depuis s’appelle El suspiro del Moro (le soupir du Maure) et la vue qu’on y a sur Grenade est une splendeur...

Dans son billet de cette semaine de bicentenaire, après avoir pris son titre à Litto (el virrey, c'est le Vice Roi en espagnol), l'humoriste et chroniqueur Rudy fait parler l’Argentine :

¿Qué tal, lector? ¿Cómo es eso de cumplir 200 años? Si usted cumpliera 200 años, lo diría públicamente, o trataría de que la gente creyera que en realidad usted tiene 100... a lo sumo 150.
¿Ocultaría usted su edad? ¿Se imagina a la Argentina diciendo: “Bueno, en realidad nací en 1816, porque fue cuando me anotaron como independiente en el Congreso de Tucumán”. O: “Mi verdadero nacimiento fue en 1853, cuando empecé a tener Constitución, porque todos saben que un país no es un país si no tiene Constitución”. O: “Bueno, de verdad nací en 1880, cuando tuve Capital Federal, porque un país sin capital no es un país”. O: “Recién desde 1912, con la Ley Sáenz Peña, se puede decir que soy un país, porque antes, si no se podía votar, no era un verdadero país”. O: “En realidad, desde 1951 soy un país, ya que desde ese año votan hombres y mujeres, antes era medio país, sólo votaban los varones”.
Rudy

Comment ça va, lecteur ? Alors, comment c’est d’avoir 200 ans ? Si c’était vous qui fêtiez vos 200 ans, vous le diriez haut et fort ou vous essayeriez de faire que les gens croient qu’en réalité vous avez 100 ans... 150 tout au plus.
Vous cacheriez votre âge? Vous imaginez l’Argentine en train de dire : "Ouais, en fait, je suis née en 1816, parce que c’est à ce moment-là qu’on m’a déclarée indépendante au Congrès de Tucumán" (1). Ou "Ma vraie naissance, c’est en 1853, quand j’ai eu me première Constitution, parce que tout le monde sait qu’un pays n’en est pas un s’il n’a pas de Constitution". Ou "Ouais, en fait, je suis née en 1880, quand j’ai eu une capitale fédérale, parce qu’un pays sans capitale n’est pas un pays". Ou "C’est seulement en 1912, avec la loi Sáenz Peña, qu’on peut dire que je suis un pays, parce qu’avant, puisqu’on ne pouvait pas voter, je n’étais pas un vrai pays" (2). Ou "En fait, je suis un pays depuis 1951, puisque depuis cette année-là, et les hommes et les femmes votent. Avant, j’étais un demi-pays. Il n’y avait que les hommes qui votaient".
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour lire la suite, allez directement sur l’article de Sátira/12. Il vaut le détour.
Faites-vous aider, le cas échéant, par Reverso, un outil de traduction en ligne dont vous trouverez le lien en bas de la Colonne de droite, dans la rubrique Cambalache (casi ordenado).
Et pour mieux comprendre les raccourcis historiques auxquels l’humoriste en chef de Página/12 se livre avec autant d’allant et de talent, reportez-vous à mon Vademecun historique, dont vous trouverez le raccourci dans la rubrique Petites chronologies, dans la partie médiane de la Colonne de droite. La rubrique s'est aujourd'hui enrichie d'un nouveau raccourci qui renvoie vers ma série d'articles sur La Semana de Mayo (la semaine révolutionnaire de mai 1810).

(1) Le 9 juillet 1816. D’où la deuxième fête nationale. L’Argentine, c’est plein de doublons...
(2) La loi Sáenz Peña a institué le droit et l’obligation de vote pour tous les citoyens nés argentins (les naturalisés étaient exclus du droit de vote mais n’étaient pas pour autant dispensés du service militaire). Le vote était bien sûr réservé aux hommes (il ne faut tout de même pas exagérer... Mais l’année suivant, l’Uruguay donnait lui le droit de vote aux femmes. Cherchez l’erreur !). La loi Sáenz Peña établissait aussi le vote secret. Jusqu’alors le vote était cantado (chanté): on votait à haute voix. Ce qui facilitait sans doute l’alternance au pouvoir, comme on l’imagine bien... Comme par hasard, à la première élection présidentielle qui suivit l'adoption de la nouvelle loi sur le suffrage dit universel, c’est la gauche (l’UCR) qui l’emporta. On se demande bien pourquoi !

Les éditions du Jasmin ce week-end au Festival du Livre de Cherbourg-Octeville [Disques & Livres]

Sous le slogan, "Prendre le large, prendre le nord", Cherbourg lance ce soir son 23ème Festival du Livre de Jeunesse et de la Bande Dessinée.

Ce salon du livre commence ce soir et se prolongera jusqu'au dimanche 30 mai, à La Plage Verte, à Cherbourg-Octeville, dans le département de la Manche, en Basse Normandie. A l'intention des lecteurs étrangers, il faut dire que Cherbourg est un grand port militaire français, un important port de pêche et l'un des ports majeurs qui relient la France et la Grande-Bretagne par voie maritime.

L'invité d'honneur du festival cette année est la Norvège.
Une trentaine d'auteurs et d'illustrateurs sont attendus sur place.
Trois expositions et quatre spectacles sont programmés pour différentes catégories d'âge.

Avec ça, l'affiche est vraiment très jolie.
Vous pouvez d'ailleurs la télécharger en très bonne résolution en cliquant dessus (ça vous permettra de l'imprimer).

Les Editions du Jasmin seront présentes ce week-end, avec leurs catalogue habituel de contes (en particulier les petits nouveaux : de Scandinavie, du Japon, de Tunisie...), de romans jeunesse (le 3ème tome de Ileana, Exil en pays humain, d'Isabelle Meyer, ou Innocent de Magali Turquin...), de biographies (le Chopin est paru en début d'année, le George Sand est un peu plus ancien), de livres illustrés (vous aurez l'embarras du choix), de livres pour les tout-petits (là aussi !), d'ouvrages bilingues, dont un bon nombre de livres franco-arabes qui rencontrent beaucoup de succès auprès des adultes qui les achètent pour eux-mêmes ou pour les enfants.

Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, de l'auteur de ce blog, sera sur le stand de cette belle maison d'édition, la sienne.

Un grand merci à Tempo Tango, l'association de tango de Caen, qui avertit le ban et l'arrière-ban des amoureux normands du genre... Le Jasmin leur réservera le meilleur accueil !

Pour en savoir plus sur les Editions du Jasmin et leur catalogue, consultez leur site (que vous trouvez de manière permanente, en bas de la Colonne de droite, dans la rubrique Cambalache casi ordenado).
Pour en savoir plus sur le Festival du Livre de Jeunesse et de la Bande Dessinée de Cherbourg-Octeville, consultez son site.
Pour en savoir plus sur Tempo Tango (Caen), visitez leur blog Paroles et Tango qui arrive aujourd'hui dans la rubrique Eh bien dansez maintenant ! dans a partie inférieure de la Colonne de droite.

Le supplément bicentenaire de Página/12 [Actu]

Cliquez sur l'image pour l'obtenir en meilleure résolution et la lire.

Página/12 a attendu ce jour pour publier son supplément sur le Bicentenaire : la raison en est simple. Le quotidien poil à gratter du paysage politique et médiatique argentin a attendu les 23 ans de sa propre fondation pour fêter les deux anniversaires en même temps et ça valait le coup d’attendre.

Página/12 a réuni 22 auteurs, écrivains, journalistes, historiens, responsables culturels, et leur a demandé à chacun de raconter son bicentenaire à la première personne.

Parmi les auteurs qui se sont prêtés au jeu, l’actuel Secrétaire d’Etat à la Culture, José Coscia, qui parle des Trois mois de Mai (Tres Mayos), c’est-à-dire le mois de mai 1810, celui de 1910 et celui de 2010, ainsi que le grand historien Osvaldo Bayer, octogénaire, qui s’en va A la recherche du Temps perdu (En busca del tiempo perdido).

La couverture du supplément est due à Daniel Paz, qui parodie une célèbre toile italienne (remarquez qu’il n’a pas choisi un peintre espagnol !). L’Argentine nouvelle née y est représentée par Vénus, ce qui est proche d'une vieille allégorie utilisée par les poètes du tango dans les années antérieures à Perón : quand ils parlent d’une femme qui s’est vendue à un riche protecteur au lieu de rester sagement fidèle à un brave ouvrier de fiancé éperdument amoureux, les poètes parlent en fait à mots couverts de cette Argentine institutionnelle qui trompait de façon éhontée les immigrants en les séduisant avec des mensonges et en les abandonnant ensuite pour vendre ses charmes (ses ressources) aux grands puissances commerciales de l’hémisphère nord (la Grande-Bretagne jusqu’au milieu des années 30 puis de plus en plus les Etats-Unis).

A la gauche de Vénus, le militaire ressemble bigrement à San Martín mais il pourrait tout aussi bien être Cornelio Saavedra, qui fut le président de la Primera Junta, nommée le 25 mai 2010 (voir mon article du 25 mai sur cette journée historique) ou n’importe quel grand héros militaire de l’indépendance (ils ont été nombreux).

A sa droite, une Indienne qui pourrait rappeler la regrettée Mercedes Sosa. Les Indiennes ont joué un grand rôle au 18ème et 19ème siècles dans le métissage originelle de la société argentine. Elles étaient les compagnes des gauchos, car aucune femme blanche ne voulait vivre la vie rude et souvent nomade de nombreux gauchos, ces vachers ou ces guardians qui ont construit l’identité de l’Argentine rurale. Ce sont eux qui ont apporté en ville, à Buenos Aires, la dénomination de china désignant les femmes (jeunes en général) : mi china, dans la bouche du gaucho de passage à Buenos Aires, pour livrer son troupeau à l’abattoir pour les fabricants de cuir, c’était sa femme, indienne, restée dans leur masure de la Pampa. Ils les disaient chinoises à cause de la forme légèrement bridée de leurs yeux... Le groupe féminin China Cruel, dont je vous parle quelquefois dans Barrio de Tango, tire leur nom d’un tango où un ouvrier se plaint du comportement sans pitié à son égard de sa china (voir mes articles sur China Cruel, en cliquant sur le raccourci dédié à ces dames dans la rubrique Vecinos del Barrio, dans la partie haute de la Colonne de droite).

Les champions qui représenteront Buenos Aires au Mundial... de Tango [à l’affiche]

Ils se sont connus dans la Province de Catamarca, sur la frontière avec le Chili, dans le nord de l’Argentine. Un coin du pays où règnent la musique et de la danse folklorique et où le tango est réduit à la portion congrue... Ils s’appellent Lucas Carrizo Lobo et María Paula Tejeda et ils ont remporté, à la fin de la semaine dernière, le championnat portègne de tango, dans la catégorie Adultes (jusqu’à 40 ans) et la discipline Tango salón. Elle a 21 ans, il en a 24. Ils représenteront la ville de Buenos Aires au prochain Championnat du monde de tango en août.

Le championnat local a impliqué 16 milongas de toute la ville, fait concourir 603 couples et la finale a eu lieu samedi dernier, avec le groupe Los reyes del Tango, un orchestre qui imite le style de D’Arienzo, comme Color Tango imite celui de Pugliese.

Les autres couples vainqueurs sont Alberto Markus et Ana María Polito pour la catégorie senior du Tango Salón, qui participeront aussi à la compétition d’août. Dans les autres disciplines, Vals et Milonga, les champions portègnes sont désignés mais n’iront pas es qualité concourir au Mundial (mais comme les inscriptions sont libres, ils pourront le faire de leur propre initiative). Il s’agit de Ariel Manzanares et Daniela Sol Cerquides (Milonga) et Sebastián Jiménez et María Inés Bogado (Vals).

Tous ces couples étaient programmés pour réaliser des démonstrations sur le Paseo del Bicentenario que l’orage, dimanche soir, a bien désorganisées.

Clarín a interviewé Lucas Carrizo Lobo, María Paula Tejeda et Ana María Polito. Ci-après, je vous traduis deux passages de cet article que je vous invite à aller lire dans son intégralité sur le site du quotidien :

"Yo mamé el tango de chico porque mi abuelo escuchaba mucho Radio Nacional. Después vi bailar una pareja en Cosquín y quedé impresionado por los movimientos y la sincronización. Me preguntaba cómo no se les enredaban las piernas y se caían. Cuando quise aprender a bailar tuve que ir a un centro de jubilados, que son los únicos que eligen el tango en Catamarca", contó Carrizo Lobo.
Clarín

"J’ai bu le tango au biberon tout petit, parce que mon grand-mère écoutait beaucoup Radio Nacional. Plus tard, j’ai vu danser un couple à Cosquín [Province de Córdoba, voisine de Catamarca] et j’ai été très impressionn par leurs mouvements et leur synchronisation. Je me demandais comment ils pouvaient ne pas s’emmêler les jambes et tomber. Quand j’ai voulu apprendre à danser, il a fallu que j’aille dans un centre pour retraités, car ce sont les seuls à Catamarca à choisir le tango", nous a dit Carrizo Lobo.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

"Yo soy odontóloga y empecé a bailar tango para desenchufarme. Ahora, con mi pareja, ya hemos participado varias veces en el Campeonato de Tango de la Ciudad, pero es la primera vez que ganamos", contó [..] Ana Maía Polito
Clarín

"Je suis dentiste et j’ai commencé à danser le tango pour me changer les idées. Maintenant, avec mon partenaire, nous avons participé plusieurs fois au Championnat de Tango de la Ville mais c’est la première fois que nous gagnons", nous a dit Ana Maía Polito.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour lire d’autres articles sur les championnats de danse, cliquez sur le mot-clé Mundial dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. Pour une fois, le terme ne renvoie pas au football dont les Argentins attendent eux aussi le début du tournoi en Afrique en surveillant Maradona et les joueurs de la sélection albiceleste (1) comme le lait sur le feu....

(1) bleu ciel et blanc, les couleurs du maillot national.

Rencontres interdisciplinaires du Tango à la Faculté de Droit de Buenos Aires [à l'affiche]

Dans le cadre des fêtes du Bicentenaire de l'Argentine, il y aura vendredi 29 mai, à 20h, au Salon des Pas Perdus de la Faculté de Droit, avenida Figueroa Alcorta 2263, à la Recoleta, une double prestation des professeurs Elida Casco et Carlos Rodríguez Robert et leurs élèves (danse) et de la Orquesta del Tango de la Ciudad de Buenos Aires (musique orchestrale).

Ce sont les 2ndes Rencontres interndisciplinaires du Tango... Alors, vive l'interdisciplinarité !

Pour les lecteurs intéressés : visitez le site de la Faculté de Droit de l'UBA (Université de Buenos Aires). L'UBA est l'université laïque. Il existe aussi à Buenos Aires l'UCA, l'Université Catholique d'Argentine, qui est une institution pontificale.

Pour lire tous les articles qui concerne le tango danse dans ce blog, cliquez sur le mot-clé danse dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. Pour en savoir plus sur les orchestres, cliquez sur le mot-clé orquesta et sur Orq Tango BsAs du bloc Pour chercher, pour les articles concernant cette grande formation qui dépend du Ministère de la Culture du Gouvernement Portègne.

mercredi 26 mai 2010

Nouvel honneur pour Barrio de Tango : France Musique [ici]

Cette fois-ci, l'honneur est pour le livre davantage que pour le blog (1) : un grand merci au chroniqueur Jean-Louis Mingalon et à l'animateur-producteur Benoît Duteurtre pour leurs commentaires élogieux sur Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins (ed. du Jasmin) dans le dernier numéro de Etonnez-moi Benoît sur France Musique (2).

L'émission Etonnez-moi Benoît de ce samedi 22 mai présentait une longue et passionnante interview de Josette Alviset, directrice du Musée de l'Opéra de Vichy, un théâtre bien injustement méconnu et qui s'enorgueillit (avec raison) d'une très riche programmation culturelle dans cette ville d'eau qui eut le malheur d'être choisie par Philippe Pétain pour accueillir l'appareil de l'Etat Français sous l'Occupation et vit depuis à son corps défendant avec une sorte de flétrissure nationale totalement imméritée. Il y a donc des trésors à écouter dans cette première heure de l'émission. La dernière partie est celle de la chronique Tango mensuelle de Jean-Louis Mingalon (3), où il nous parle du chanteur-compositeur Agustin Magaldi, en nous faisant entendre trois morceaux différents (introuvables en Europe !), dont El penado 14, traduit dans Barrio de Tango, le livre (voir mon article du 15 mai 2010 qui annonçait l'émission avec une semaine d'avance). C'est dans cette chronique d'une bonne vingtaine de minutes que vous entendrez les commentaires qui honorent la rédactrice de ces lignes, qui est aussi l'auteure du bouquin susnommé...

Etonnez-moi Benoît, comme presque toutes les émissions de Radio France, est podcastable et écoutable à la demande. Comme avec toutes les émissions podcastables du groupe, ce numéro est en écoute à la carte pendant 30 jours après la diffusion et téléchargeable gratuitement jusqu'au samedi 29 vers midi (au moins) en format Mp3. Passés ces délais, l'émission ne sera plus en ligne et cessera d'être accessible.

La semaine prochaine, l'invitée sera Annie Cordy, une chanteuse fantaisiste belge qui a fait toute sa carrière en France.

D'autres critiques sont aussi récemment parues au sujet de mon livre sur le Web et leur enthousiasme m'honorent tout autant que la mention sur les ondes de France Musique :

- un article sur le blog de Tempo Tango, une association de tango à Caen. La critique est écrite par Serge Davy

- un nouvel article sur le blog de Méphisto Tango, une association de tango à Paris. La critique est signée par Bernadette, qui avait déjà fait un retour sur la soirée de lancement du 3 mai 2010 à la Maison de l'Argentine, à la Cité Internationale Universitaire de Paris.

Pour lire l'ensemble des articles sur les références au livre ou au blog dans les média, cliquez sur le mot-clé media dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

(1) Bien qu'ils visent chacun un objectif différent, l'anthologie bilingue et le blog sur l'actualité du tango argentin ici et là-bas (et surtout là-bas) portent tout deux le même titre, Barrio de Tango. Barrio de Tango veut dire Quartier de Tango. C'est le titre d'un tango emblématique de Aníbal Troilo et Homero Manzi, qui a su suggérer avec des métaphores sublimes le lien entre tango et quartier ouvrier de Buenos Aires. Or dans le livre comme dans le blog, je cherche à faire percevoir au public combien la ville de Buenos Aires et le tango sont indissolublement liés, organiquement inséparables, puisque le tango est l'expression artistique et culturelle d'un peuple qui est en train de se trouver, de se reconnaître comme peuple constitué. Le titre de l'article lui-même ("nouvel honneur") fait allusion à une page du site Culturebox de France 3, consacrée au tryptique de Alfredo Arias cet automne et qui renvoyait par lien vers mon blog (voir mon article du 30 novembre 2009 sur cette première citation sur un site de la télévision publique française).
(2) France Musique est la station (emisora) de la radio publique française (groupe Radio France) consacrée à la musique classique, au jazz et aux musiques ethniques parmi lesquelles malheureusement le tango peine à trouver sa place en Europe, réduit qu'il est dans cette identité de danse de société qui fait un véritable écran de fumée au puissant contenu culturel et anthropologique qui ne le cède en rien à celui du jazz ou du raga indien. Etonnez-moi Benoît est l'une des rares émissions de la station qui portent sur une musique qui ne soit étiquetée ni classique ni ethnique : la musique populaire occidentale, la variété, le music-hall, la fantaisie et l'opérette.
(3) Pour retrouver tous mes articles relatifs aux chroniques de Jean-Louis Mingalon dans cette émission, cliquez sur ses initiales dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

Il y a deux cents ans aujourd'hui... façon Miguel Rep [Histoire]

C'est le dessin de l'édition d'aujourd'hui sur Página/12, le quotidien qui empêche de penser en rond, qui casse les clichés bien pensants et secoue tous les cocotiers du conformisme intellectuel. (1)

La domestique se plaint : "Et pour finir, tu penses bien, celle qui fait le ménage, c'est moi !"

Le dessin d'aujourd'hui reprend l'image traditionnelle de la Plaza Mayor, pleine de monde, le 25 mai 1810, où la foule, comme j'ai tenté de le raconter hier à travers le 8ème et dernier épisode de ma série Il y a deux cents aujourd'hui, est représentée comme masculine et blanche. Mais dans la Buenos Aires de 1810, on estime qu'il y avait un tiers de noirs. Des esclaves bien sûr. Tous exclus de la vie politique. Il y avait aussi des femmes. Sans doute la moitié de la population alors (ce ne sera plus le cas cent ans plus tard, mais en 1810 c'est toujours le cas).

Or la mémoire de l'esclavage et de la culture noire est un grand tabou de l'histoire officielle enseignée traditionnellement à l'école publique, mise en place en 1883 grâce au travail de Domingo Faustino Sarmiento, l'un des leaders politiques de l'européanisation de l'Argentine et de la disparition politique de la culture noire dans cette société...

Le dessin est aussi une allusion aux fêtes d'hier et aux travaux de propreté qu'il a sans doute fallu réaliser ce matin, tant sur Plaza de Mayo, devant ce qui reste du Cabildo, qui a servi d'écran géant à un gigantesque film couleur original célébrant le Bicentenaire de la Révolution dans la nuit d'hier, et sur la portion de la Avenida 9 de Julio qui a accueilli depuis vendredi soir le Paseo del Bicentenario...

A méditer.

(1) La rédaction du quotidien a consacré hier et ces derniers jours plusieurs articles aux Amérindiens du nord et du sud du pays et à leurs revendications politiques et sociales dans le cadre de ses études de fond et d'actualité sur la célébration du Bicentenaire.

L'heure du mate : le rite argentin dans Ollas y Sartenes [Coutumes]

Bien entendu, il n'était pas envisageable que ce rite de la convivialité argentine qu'est le mate (prononcez "maté") échappe au maillage tressé par Clarín dans son supplément culinaire Ollas y Sartenes consacré, tout au long de ce mois de mai 2010, aux traditions gastronomiques nationales pour fêter les 200 ans du pays...

Dans l'édition datée du 26 mai 2010 de ce supplément, le mate est envisagé sous tous les angles : les significations des différentes façons de préparer la boisson nationale pour commencer (mate sans sucre pour signifier l'indifférence, mate sucré pour l'amitié, mate très sucré pour inviter le bien-aimé à demander la main de sa belle à ses parents etc.), les recettes de biscuits et de douceurs susceptibles d'accompagner una rueda de mate entre amis (medialuna, sorte de petit croissant très sucré, churros, beignets de tradition espagnole, tortas fritas, sorte de galette fine cuite à la friture venue d'Andalousie, etc.).

Le supplément parle aussi de la route de la yerba mate, comme on fait en France d'une route du vin, du cidre ou du fromage, et des animations proposées autour du mate, de la manière de le préparer et de le déguster dans deux musées, le Museo del Mate à Tigre (Gran Buenos Aires) et le Museo de la Ciudad, à Buenos Aires même, dans le quartier de San Telmo.

Autre élément fondamental de l'identité culinaire de l'Argentine qui fait l'objet d'un article dans ce dernier Ollas y sartenes (marmites et poêles) de mai : le traditionnel four en terre où, dans les patios des maisons de ville et les jardins des maisons des villages, on fait cuire le pain, des pièces de viande à rôtir, la pizza, les empanadas, les pommes de terre, les patates douces... Un four hérité de l'Italie.

A lire en version originale dans le supplément Ollas y Sartenes de ce matin.
Pour vous aider dans cette lecture, vous pouvez recourir au service du traducteur en ligne Reverso dont vous avez le lien dans la rubrique Cambalache (casi ordenado) dans le bas de la Colonne de droite.

Cucuza et Moscato à nouveau au Faro vendredi prochain [à l'affiche]

Affiche diffusée par Cucuza

Le chanteur Cucuza (Hernán Castiello) et le guitariste Moscato (Maximiliano Luna) seront à nouveau le 28 mai au soir au Bar El Faro, esquina Constituyentes y La Pampa, à la limite entre les quartiers de Villa Urquiza et Villa Pueyrredón, à l'ouest de Buenos Aires.

Pour cette soirée, ils ont invité le chanteur Javier Cardenal Domínguez, qui vient de sortir un disque avec ses amis guitaristes Hernán Reinaudo et Ariel Argañaraz (voir mon article du 10 mai 2010 sur la sortie de Trio, présenté le 15 mai au CAFF). Egalement invités vendredi, le trio de guitaristes Lacruz, Heller et Nikitoff.

Le spectacle est prévu à 21h30.
Le prix est de 20 $, hors consommation.
Il est recommandé de réserver si vous voulez vous asseoir.

Pour en savoir plus sur cette série de concerts qui va fêter ses trois ans d'existence en août, cliquez sur le mot-clé ETvaB dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. Vous découvrirez à travers les articles que je lui ai consacrés le rendez-vous d'artistes qu'elle représente dans Buenos Aires.

mardi 25 mai 2010

Il y a deux cents ans aujourd'hui : le vendredi 25 mai 1810. Article n° 1400 [Histoire]

8ème et dernier jour de la Semana de Mayo qui lance le processus révolutionnaire à Buenos Aires pour former la future Argentine... C'est aussi le 1400ème article de ce blog.
Pour lire l'ensemble de la série, cliquez sur le mot-clé S de Mayo, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, ou sur le raccourci La Révolution de Mai 1810 (Arg) dans la rubrique Petites Chronologies de la partie médiane de la Colonne de droite. Commencez par le premier article, publié le 18 mai 2010.


De toute la série que j'ai entamée le 18 mai, l'article d'aujourd'hui est sans doute le plus délicat à rédiger. Pourquoi ? Parce qu'on est aujourd'hui dans LA journée révolutionnaire par excellence, celle dans laquelle les Argentins puisent toute leur inspiration et leur fierté d'être Argentins, leur capacité de sentir et de vivre la réalité de leur identité nationale alors qu'ils sont sans doute au milieu du processus de création de cette identité. Pour construire nos nations en Europe, nous avons eu besoin à peu près de quatre siècles. Ces nations ont commencé à se dessiner au 14ème siècle et elles se sont consituées en Etat-Nation au 19ème siècle. L'Argentine fête aujourd'hui les 200 ans de l'acte fondateur de l'Etat, qui, parce que ça se passe au début du 19ème siècle, est contemporain du surgissement du concept de nation politique. C'est-à-dire que l'Argentine fait le chemin à l'envers du nôtre : elle établit un Etat et construit sa Nation ensuite. Et cet Etat et cette Nation, elle a subi de les voir assujettis politiquement, économiquement, stratégiquement par d'autres puissances post-coloniales (l'Angleterre et les Etats-Unis) pendant les 200 premières années.

Le 25 mai 1810, c'est la journée sur laquelle les Argentins projettent toutes leurs idées et tous leurs projets politiques. C'est une journée écran, une journée en technicolor, une journée mythique.

Aussi l'histoire de cette journée est-elle difficile à retracer et à comprendre correctement. La légende et l'histoire s'imbriquent l'une dans l'autre. Il n'y a aucun document écrit ce jour-là qui soit parvenu jusqu'à nous pour témoigner de ce qui s'est passé. Tous les documents écrits par les témoins des événements sont postérieurs, de plusieurs jours, et tous distordent la réalité, puisqu'ils proviennent tous des acteurs de la journée. A cela s'ajoute qu'une cinquantaine d'années seulement après les événements, en 1864, un historien, qui fut aussi un homme politique majeur, a figé dans un livre, Estudios históricos sobre la Revolución de Mayo, l'histoire de ces événements. Et il l'a fait, alors qu'il poursuivait lui-même un projet politique d'organisation de la République Argentine, dont il fut le Président entre 1862 et 1868. Il s'agit de Bartolomé Mitre (1821-1906), qui fut un peu à l'Argentine et à sa révolution fondatrice ce que Jules Michelet (1798-1874) fut à la France et à la Révolution Française.

Aujourd'hui, cette importance de la Revolución de Mayo et le processus de construction de l'identité nationale en cours compliquent la tâche des historiens. Récemment, le Gouvernement de la Ville de Buenos Aires a censuré les kits pédagogiques élaborés par des historiens pour l'enseignement public sous prétexte que ces travaux étaient partiaux et gramsciens (du nom d'un historien marxisant italien). C'est donc la légende qu'il faut d'abord connaître : c'est elle qui contribue à construire l'Argentine aujourd'hui ou l'image que les Argentins s'en font. C'est pour elle que ce jour est un jour férié. La vérité historique, pour autant qu'elle soit à notre portée, est un autre enjeu...

When the legend becomes fact, print the legend, dit le directeur du journal local, en comprenant que le Sénateur Stoddard, qui a fondé 30 ans de brillante carrière politique sur un fait d'arme de jeunesse (avoir tué Liberty Valance), n'a jamais abattu ce gangster sanguinaire qui semait la terreur dans la ville. C'est l'une des dernières phrases de The Man Who Shot Liberty Valance, de John Ford, avec James Steward et John Wayne (L'homme qui a tué Liberty Valance). Il y a trois ans, ce film a été retenu par la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis comme film classé parce qu'il parle lui aussi de la construction de l'identité du pays.

Quand la légende devient la réalité, imprime la légende...

Or donc, le matin de ce vendredi 25 mai, une grande foule investit la Plaza Mayor, aujourd'hui Plaza de Mayo. Dans cette foule, il y a bien sûr les Chisperos, ces hommes de la Légion Infernale, à la tête desquels se trouvent Domingo French et Antonio Beruti. Cette foule grossissante réclame à grands cris la démission effective de Cisneros, qui n'a fait que donner un engagement oral la veille à la délégation menée par Cornelio Saavedra et Juan José Castelli. Et elle demande, cette foule, la formation immédiate d'une Junta de Gobierno. Ainsi donc l'accord, péniblement obtenu trois jours auparavant lors du Cabildo Abierto, est entièrement remis en question par cette multitude populaire criolla, alors que le Cabildo Abierto avait été conduit essentiellement par des notables, majoritairement criollos, dans un esprit de consensus entre Criollos et Espagnols et la volonté d'en finir avec la tyrannie d'un vice-roi trop sûr de son pouvoir.

L'image d'Epinal de cette journée cruciale montre French et Beruti distribuant à la foule des cocardes bleu ciel et blanc (1). C'est Bartolome Mitre qui a figé cette anecdote dans la galerie d'images de la révolution. Il est donc tout à fait possible qu'une telle distribution n'ait jamais existé, que la cocarde soit une invention postérieure. Mais quoi qu'il en soit, on peut imaginer facilement que French et Beruti aient voulu donner des insignes à leurs hommes pour mieux les repérer au milieu de la foule. De toute évidence, les Chisperos sont un groupe révolutionnaire organisé, qui existe déjà bien avant la Semana de Mayo et ceux qui composent ce groupe se montrent déterminés à ne pas laisser l'oligarchie décider seule du sort du pays.

Ci-contre Juan José Castelli, fonctionnaire du Cabildo et membre de la Primera Junta

Comme le temps passe et que rien ne bouge au Cabildo, un mot d'ordre commence à circuler dans la foule qui se met à crier : "Le peuple veut savoir de quoi il retourne" (el pueblo quiere saber de que se trata). On peut douter de la véracité historique d'une telle phrase. Pour une foule en colère qui manifeste, elle est bien longue et bien trop construite. Cependant, la référence est claire à ce vieux principe espagnol selon lequel le pouvoir appartient essentiellement au peuple qui le délégue au Roi et le reprend lorsque le Roi fait défaut. A la fin du 18ème siècle, cette formule juridique est devenue une pure fiction mais devant la gravité des événements et l'exemple des deux révolutions précédentes, celle des Etats-Unis en 1776 et celle de la France en 1789, sans parler des nombreux troubles prérévolutionnaires qui ont déjà eu lieu dans certaines régions de l'Amérique du Sud, cette formule juridique retrouve toute sa pertinence et présente une solution légale à la crise. Il est donc tout à fait possible que, pour donner à la Révolution de mai une certaine légitimité populaire, le mouvement des Chisperos, qui ont formé la Légion Infernale, ait été manipulé de A à Z par French et Beruti, tous deux membres d'une certaine bourgeoisie portègne. Beruti a fait ses études à Madrid, ce qui montre un niveau social élevé (le voyage jusqu'à la Métropole est hors de prix). Quant à French, qui est un riche commerçant, il s'est si bien battu contre les Anglais en 1806, à côté du Général artistocratique Juan Martín de Pueyrredón, qu'il a été nommé Lieutenant-Colonel par le Vice Roi Liniers en 1808.

Cette foule, sans doute manipulée, au moins partiellement, envahit la salle capitulaire du Cabildo. Les cris réclamant la démission de Cisneros redoublent. Le conseil du Cabildo, qui administrait jusqu'alors la ville et ses environs, tandis que le Vice Roi avait sous sa juridiction l'ensemble des implantations du territoire, se réunit à neuf heures du matin et décide de faire donner la troupe. C'est son rôle colonial lorsque l'ordre public est menacé, que ce soit par une émeute du peuple blanc ou une attaque d'Indiens (malón). Les officiers supérieurs sont donc appelés au Cabildo. Beaucoup d'entre eux ne se rendent pas à la convocation, en particulier Saavedra, membre de la Junta temporaire et colonel du régiment de Patricios. Quant à ceux qui viennent, ils refusent tout net d'obéir : ils ne tireront pas sur la foule.

Pendant ce temps, d'autres notables se trouvent avec Cisneros pour lui arracher sa démission écrite, promise la veille pour gagner du temps et qu'il n'a jamais eu l'intention de donner. Cisneros résiste. Très longtemps. Et quand il finit par céder et par écrire qu'il renonce à toute prétention ultérieure au pouvoir qui fut le sien dans le Vice Royaume, les esprits sont si échauffés dans la salle capitulaire que cette démission ne suffit pas à calmer la foule. Les notables rejoignent la salle en brandissant la démission écrite de Cisneros, présentée comme un acte responsable de l'ex-Vice Roi qui, par ce retrait, aurait voulu préserver la paix dans la ville, mais la foule réclame la constitution immédiate d'une Junta de Gobierno, sans attendre l'arrivée de députés en provenance des autres villes. La foule demande aussi l'envoi d'un corps expéditionnaire de 500 hommes pour aller soutenir les autres Provinces de l'Intérieur et plus probablement pour faire pression sur elles pour qu'elles rejoignent le mouvement révolutionnaire. Jusqu'à ce que, selon la légende, French et Beruti exhibent une liste de noms composant la future Junta de Gobierno. Cette liste, qu'on dit approuvée par de nombreux signataires, n'est pas parvenue jusqu'à nous. A-t-elle existé ? Il est possible que non. Elle a pu être créée après coup afin d'accréditer dans la mémoire nationale que la Revolución de Mayo est bien issue du peuple et non pas d'une bourgeoisie élitiste, dont le comportement respecte un peu trop les règles de fonctionnement de l'Empire colonial espagnol. La suite des événements montre que la Révolution a très vite été prise en mains par les notables : tous les chefs, les caudillos qui vont mener le combat révolutionnaire indépendantistes sont de riches bourgeois, voire des aristocrates, tous nés en Amérique du Sud et pour beaucoup d'entre eux issus de vieilles familles d'origine espagnole, qui les ont envoyés, adolescents, se former en Europe. Il est donc plus que probable que la composition de cette Junta de Gobierno, qui va être définie ce jour-là et est restée dans l'histoire sous le nom de Primera Junta, est le résultat de négociations entre les différents courants de la révolution qui discutent dans l'urgence, devant l'agitation qui gagne toute la ville et risque de les déborder, à moins que l'action de cette foule ne fasse que servir les vues des révolutionnaires, déjà bien décidés à séparer le Vice Royaume de l'Espagne, sans le dire ouvertement.

Ci-contre, une des très rares portraits de Mariano Moreno de son vivant
par Juan de Dios de Ribera, vers 1808 ou 1809

Toujours est-il que certains fonctionnaires du Cabildo sortent finalement sur le balcon pour donner au peuple la liste des neuf membres de la Junta. Le Président en est Cornelio Saavedra. Parmi les membres, il y a Manuel Belgrano et Juan José Castelli. Les deux secrétaires sont deux juristes distingués, Juan José Paso, l'entousiaste du théâtre qui a crié, le 19 juillet, ¡Viva Buenos Aires libre!, et Mariano Moreno, dont vous verrez le nom partout dans Buenos Aires (il a totalement volé la vedette à son confrère). Dans cette Junta, il y a 2 militaires, 4 avocats, 1 prêtre et 2 commerçants. Les uns sont criollos, les autres sont nés en Espagne.

Il est tard. Sur la place, il s'est mis à pleuvoir (comme avant-hier soir, où la pluie a interrompu le grand concert de tango prévu sur le Paseo del Bicentenario). Beaucoup de personnes sont rentrées se mettre à l'abri chez elles. Drôles de révolutionnaires, tout de même, que la pluie d'automne fait fuir... Seuls les plus déterminés sont restés. Leivaqui est membre du Cabildo, essaye bien de railler cette Junta pseudo-populaire qui n'est plus soutenue que par une foule clairsemée. Mais cette foule approuve la liste proclamée au balcon ainsi que le règlement, qui s'inspire d'ailleurs très fidèlement du règlement de la Junta transitoire de la veille.

Saavedra sort sur le balcon pour haranguer les habitants demeurés sur la place noyée sous la pluie.

On fait retentir les cloches de la ville pour que tous les habitants, à l'abri, chez eux, pour la nuit, apprennent la nouvelle. Et Saavedra prend le chemin du Fort, qui sert depuis 1776 de résidence officielle au Vice Roi. En chemin, il est salué par des salves d'artillerie et des volées de cloches.

Cette marche inaugurale pour aller s'installer au Fort, en lieu et place du Vice Roi désormais complètement destitué, dit assez clairement que Saavedra et les autres révolutionnaires s'acheminent vers la rupture avec l'Espagne. Pourtant, pendant encore quelques années, ils vont rester fidèles au Roi Fernando VII ou feindre une telle fidélité (ce que Bartolomé Mitre et toute l'histoire argentine après lui retiennent comme la máscara de Fernando VII, le masque ou la mascarade de Ferdinand VII).

Pendant ce temps, Cisneros dépêche l'un de ses fidèles à Santiago de Liniers, son prédécesseur aux fonctions de Vice Roi, qui vit retiré dans la région de Córdoba, pour lui réclamer son aide militaire contre la Junta révolutionnaire. Et Liniers va prendre la tête d'une contre-révolution à Córdoba mais elle se retournera contre lui. Il sera fusillé par cette même contre-révolution en août 1810.

Parmi les Provinces qui réagissent contre la Révolution, il y a le Paraguay et Montevideo, qui est alors à la tête d'une seule et même province, qu'on appelle alors la Banda Oriental (la frange orientale). Assez vite, commence une guerre entre la Révolution, au début majoritairement portègne, et la contre-révolution, favorable à l'Ancien Régime, répartie entre les provinces hostiles de l'intérieur et, à Buenos Aires même, la Audiencia (l'appareil judiciaire espagnol), le Cabildo, dont le comportement le matin même du 25 mai montre bien qu'il est opposé dès le début à la tournure des événements (qui lui retirera progressivement les attributs du pouvoir), et Cisneros lui-même, qui veut regagner son poste de Vice Roi.

Pour en savoir plus :
Pour lire les autres articles de cette série sur la Semaine de mai, cliquez sur le mot-clé S de Mayo dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

(1) Les fidèles lecteurs de ce blog se souviennent peut-être de cette annonce d'un spectacle de Angel Pulice et Ruth de Vicenzo au Musetta Café le samedi 22 au soir : il était dit qu'il était obligatoire d'arborer une cocarde pour entrer au Musetta Café. La coutume vient de là. Voir mon article du 21 mai 2010 sur ce concert récent.

Bicentenaire... alpostien [Troesmas]

En ce jour du Bicentenaire de l’Argentine, dont je sais qu’il est heureux de le voir et de le fêter comme tous les Argentins et parmi eux notamment tant et tant d’artistes de tango que j’ai la chance de connaître et de saluer, je voulais adresser un petit (que dis-je, un petit ! un grand) salut amical à Luis Alposta, qui a eu la gentillesse (et le talent) de rédiger la postface du livre que je viens de publier aux Editions du Jasmin (1).

Il y a quelques jours, Luis a consacré son Mosaico Porteño bimensuel de cette deuxième partie du mois de mai 2010 sur le site de Noticia Buena au 1er centenaire de l’indépendance de l’Argentine, grande fête qui avait saisi Buenos Aires pendant presque toute l’année 1910 et à laquelle l’Infante Isabelle d’Espagne elle-même était venue assister il y a 100 ans aujourd’hui...

Je vous laisse bien sûr découvrir ce texte sur la page de Luis Alposta sur Noticia Buena. Il y a trois choses à y découvrir, à part le texte que je vais vous traduire ci-dessous : une photo de la tribune d’honneur des fêtes du 25 mai 1910, un tableau de 1910 représentant la foule révolutionnaire de la Plaza Mayor (Plaza de Mayo aujourd’hui) au soir du 25 mai 1810 (reportez-vous à mon article d’aujourd’hui dans le feuilleton Il y a deux cents ans aujourd’hui pour comprendre cette image) et le Mp3 de service, le tango Independencia (of course !), de Alfredo Bevilacqua, interprété par Juan D’Arienzo (2) et son orchestre.

Año 1910. Desde comienzos de enero, y hasta el 18 de mayo de ese año, un terror cósmico y lunático se abatió sobre los atribulados habitantes de Buenos Aires. Se hablaba entonces del cometa Halley y de “la fin del mundo”. Un terror cósmico y lunático que, sin embargo, no impidió que 1910 pasase a ser el “Año del Centenario”.
Luis Alposta, Mosaicos Porteños

Année 1910. Depuis le début de janvier et jusqu’au 18 mai de cette année-là, une terreur cosmique et délirante s’était abattue sur les habitants de Buenos Aires éprouvés par de multiples tribulations (3). On parlait alors de la comète de Halley et de la fin du monde. Terreur cosmique et lunatique qui, cependant, n’empêcha pas que 1910 passe à l’histoire comme l’"Année du Centenaire".
(Traduction Denise Anne Clavilier)

La Argentina celebraba los cien años del inicio de la Revolución que culminaría en la independencia y Buenos Aires, durante los actos conmemorativos, se transformó en el centro de grandes festejos. Visitantes ilustres, recepciones de gala, funciones teatrales extraordinarias, marchas civiles, desfiles militares, inauguración de monumentos y obras escultóricas obsequiadas por colectividades extranjeras para espacio público y un programa de actos que incluyó la realización de varios congresos internacionales.
Luis Alposta

L’Argentine célébrait les cent ans du début de la Révolution qui allait culminer avec l’indépendance et Buenos Aires, pendant les célébrations commémoratives, se fit le centre de grandes festivités. Visiteurs illustres, réception de gala, représentations théâtrales extraordinaires, défilés civiques, parades militaires, inauguration de monuments et d’oeuvres sculpturales offertes par des communautés étrangères pour les espaces publics et un programme de célébrations qui incluait la tenue de différents congrès internationaux.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

En síntesis: una celebración con “bombos y platillos”. “Bombos y platillos” que, frente al palco oficial instalado en Avenida de Mayo, aquel 25 le cedieron su lugar a las cuerdas. Fue cuando Alfredo Bevilacqua, batuta en mano y frente a su rondalla, ejecutó el tango “Independencia”, de su autoría. Tango que enfervorizó a la multitud y que fue elogiado por el presidente José Figueroa Alcorta y la Infanta Isabel de Borbón, a quien el autor le obsequió la partitura con una dedicatoria. Fue el año en que, también durante los festejos, se estrenó el tango “La Infanta”, de Vicente Greco. El año en que Luis Sánchez de la Peña pintó su cuadro “25 de Mayo de 1810”, y nos dejó la duda de si en el Buenos Aires de entonces había o no paraguas.
Luis Alposta

En résumé : une célébration avec tambours et trompettes (4). Tambours et trompettes qui, devant la tribune officielle installée sur l’Avenue de Mai, ce 25 mai-là, laissèrent la place aux cordes (5) quand Alfredo Bevilacqua, baguette en main, et son ensemble d’instruments à cordes, exécuta le tango Independencia, de sa composition. Tango qui enthousiasma la multitude et reçut les éloges du Président José Figueroa Alcorta et de l’Infante Isabel de Bourbon, à qui l’auteur offrit la partition dédicacée. Ce fut l’année au cours de laquelle, là encore pendant les festivités, fut créé le tango La Infanta, de Vicente Greco (6). L’année au cours de laquelle Luis Sánchez de la Peña peint son tableau 25 mai 1810 et nous laissa un doute quant à savoir si, dans le Buenos Aires (7) d’alors, il y avait ou non des parapluies.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour bien comprendre cette chute et en savourer l’humour, il faut bien sûr aller regarder l’article de Luis sur Noticia Buena et voir le tableau (il y est) sans oublier d’aller lire le 8ème et dernier épisode de ma série sur le déroulement de la Semaine de Mai, du 18 au 25 mai 1810, publié aujourd’hui pour raconter aux francophones européens (et canadiens ou africains aussi s’ils veulent venir avec nous : plus on est de fous, plus on rit !) ce que fut cette semaine clé dans l’histoire argentine. Pour vous reporter à cet épisode, vous avez le choix entre chercher par vos propres moyens (grâce aux mots-clés du bloc Pour chercher, para buscar, to search ci-dessus, au moteur de recherche en haut à gauche, aux archives mensuelles du blog dans la Colonne de droite...) ou vous épargner tout ça et cliquer sur le lien Semana de Mayo. Et puis il faut aussi savoir ce que veut dire "avoir un parapluie" à Buenos Aires ou plus exactement ce que veut dire "ne pas avoir de parapluie": travailler (ou vivre) sans filet, sans protection (notamment sociale), risquer en permanence de se retrouver en très mauvaise posture au moindre incident de trésorerie, vivre avec une très petite marge de manoeuvre...

(1) Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins. Epilogue de Luis Alposta.
(2) J’ai rétabli hier la bonne marche du raccourci de Juan D’Arienzo, dans la section Toujours là de la rubrique Vecinos del Barrio. Pardon à l’internaute anonyme qui, ce week-end, a cliqué dessus... pour ne rien trouver. Si cette mésaventure vous arrive un jour, n’hésitez surtout pas à m’envoyer un mail pour me prévenir. Je vous en serai reconnaissante et j’essayerai de réparer aussi vite que mon agenda me le permettra.
(3) L’Argentine était alors gouvernée par une clique de grands propriétaires terriens incroyablement corrompue et qui a géré le pays en fonction des intérêts de ses affaires commerciales. Ce groupe de ploutocrates avaient accédé au pouvoir en 1880 (d’où leur surnom de Generación del 80) et avaient mis en place des moeurs politiques et patronales qui faisaient vivre au peuple un véritable enfer, en particulier les nombreux immigrants qui avaient commencé d’affluer à Buenos Aires depuis 1880 dans des proportions auxquelles la ville n’était pas préparée et qui lui valut un développement urbanistique et social des plus anarchiques. Quand on n’était pas riche à Buenos Aires, en 1810, on vivait très, très, très mal. Au début de l’année, une répression d’une violence inimaginable s’était abattue sur les anarchistes, très nombreux parmi les ouvriers immigrants, parce qu’on craignait qu’ils n’organisent des attentats pendant les festivités. Une loi avait été votée en 1902 pour criminaliser les faits de grève et expulser du pays tous les étrangers qui se seraient rendu coupables de faits de ce type. Je vous en passe et des meilleures...
(4) Bombos y platillos : en fait il s’agit de tambours (bombos) et de cymbales (platillos), instruments traditionnels pur faire autant de bruit que possible pendant les défilés des réjouissances publiques, en fin d’année, pendant le carnaval et lors des fêtes patriotiques. Mais en français, l’expression consacrée, c’est "tambours et trompettes" dans ce type de contexte ou alors "en fanfare". Mais avec "en fanfare", je trouve, moi, que l’esprit de ce texte de Luis Alposta passe moins bien. Et vous ?
(5) Semi glissement sémantique habituel chez Luis : las cuerdas (cordes) dont il s’agit ici sont celles des violons, altos, violoncelles et autres contrebasses de la musique de chambre. A cette époque, la orquesta típica (piano, violon, bandonéon et contrebasse) n’est pas encore constituée. Le bandonéon conquiert peu à peu et à grand peine le répertoire du tango. Et l’orchestre de bric et de broc qui se constitue encore sans vraie tradition installée dans les lieux de tango (dans les bals de la rue Rodríguez Peña, au Café Antiguo Hansen à Palermo ou bientôt au très chic Armenonville grâce à Carlos Gardel en 1916) ferait mauvais effet dans le paysage ultra-mondain et super-huppé de l’heure. N’oublions pas que nous sommes encore pour six ans sous le gouvernement (pas très recommandable) de la très snob et très collet-monté Generación del 80 (voir Vademecum historique en partie médiane de la Colonne de droite, dans la rubrique Petites Chronologies). L’expression francophone "il pleut des cordes" n’a pas d’équivalent littéral en Argentine (voir deux phrases plus loin) et n’a rien à voir avec ce qui suit... Et pourtant !
(6) Grand musicien de la Guardia Vieja.
(7) Grande discussion entre Portègnes : le sexe de Buenos Aires. A peu près aussi confuse que les mêmes discussion des théologiens en Sorbonne dans le bas Moyen Age... Dans le tango mondialement connu, Mi Buenos Aires querido, la ville est masculine (querido). Ce qui permet de faire quelques blagues pas toujours très fines mais néanmoins assez drôles sur la sexualité des interprètes du morceau. Horacio Ferrer, lui, n’en démord pas : Buenos Aires est délicieusement, essentiellement, parfaitement féminine. Pour Juan José Paso, qui inventa le principe de la Hermana Mayor le 22 mai 1810, c’était sans doute la même chose... Allez-y et faites-vous donc votre opinion vous-même. Le site de la compagnie aérienne nationale, Aerolineas Argentinas, une des rares créations de Perón qui ait réussi à survivre jusqu’à ce jour, se trouve dans la rubrique Les commerçants del Barrio de Tango, dans la partie basse de la Colonne de droite.

Horacio Salgán, Susana Rinaldi et Leopoldo Federico pour fêter le Bicentenaire en tango [à l’affiche]


C’était l’un des trois temps forts de la journée (fériée) d’hier à Buenos Aires sur le Paseo del Bicentenario : un grand concert à minuit avec le retour sur scène, après sept années de retraite volontaire, du Maestro Horacio Salgán (94 ans le 15 juin prochain), à la tête de sa formation historique, le Quinteto Real, et avec la participation d’autres artistes majeurs de la taille du Maestro Leopoldo Federico, une nouvelle fois à la tête de la Selección Nacional de Tango avec, pour la partie chant, rien moins que Susana Rinaldi. Autres géants du tango sur cette scène : un couple de danseurs mythique, Juan Carlos Copes (79 ans à la fin de ce mois) et María Nieves (72 ans), qui continuent d’éblouir le public. Etaient aussi de ce spectacle prestigieux l’auteur-compositeur interprète et guitariste Juan Tata Cedrón, le bandonéoniste Rodolfo Mederos et le chanteur Ariel Ardit.

La matinée avait commencé par un défilé d’engins motorisés issus de l’ancienne industrie nationale, progressivement démantelée par les gouvernements qui succédèrent à Juan Perón (et qui furent mis en place avec l’aval des ou par les Etats-Unis) : voitures particulières, taxis, bus, camions de pompiers, autocars et motos. Car l’Argentine a eu une industrie lourde sous Perón, elle avait même son propre avionneur et ses fabricants de locomotives (1).

Un concert de musique folklorique a aussi rassemblé Liliana Herrero et Teresa Parodi, deux des plus grandes auteures-compositrices interprètes de l’heure dans ce domaine, surtout depuis le départ de Mercedes Sosa (sur Mercedes Sosa, cliquez sur le lien pour accéder à mes articles la concernant).

Le programme de la journée avait été revu et reconstruit à la va-vite par les organisateurs pour permettre aux spectacles interrompus ou empêchés par l’orage de dimanche soir d’avoir lieu tout de même...


Pour aller à la source (en espagnol) :

(1) Si l’Argentine n’a pas atteint à l’heure qu’il est le développement industriel que connaît le Brésil, ce n’est pas seulement à cause du démantèlement de l’infrastructure montée par Perón. Les Etats-Unis ont empêché tous les pays d’Amérique du Sud de développer une industrie propre qui aurait fait concurrence à la leur. C’est surtout à cause des politiques absurdes et idiotes menées par Carlos Menem dans la décennie des années 90 qui ont omis d’investir sur du long terme en Argentine pour développer davantage des activités de bourse et de service très volatiles et l’ont exposée en plus à la faillite financière (qui s’est produite en décembre 2001) en instituant une parité aussi vaniteuse qu’artificielle entre le peso et le dollar US. Ecroulement économique que le Brésil s’est épargné, ce qui a permis à Lula de mettre à profit ses deux mandats successifs pour bâtir un développement industriel qui commence à être vraiment spectaculaire.