dimanche 29 mai 2011

Les sondages ne donnent plus Macri vainqueur à coup sûr [Actu]

L'annonce de la candidature de Daniel Filmus, accompagné par Carlos Tomada, face à Mauricio Macri semble avoir changé un peu la donne dans la Ville Autonome de Buenos Aires. Lorsque Mauricio Macri a abandonné ses rêves de candidature à la Présidence de la République au début du mois (voir mon article du 10 mai 2011), les sondages d'opinion lui donnaient partie gagnée contre n'importe quel candidat de son opposition et ce, dès le premier tour.

Ce matin, le quotidien de gauche Página/12, qui lui est irrévocablement adverse, nous annonce que trois instituts de sondage prévoient qu'il pourrait bien y avoir un deuxième tour (1) sur Buenos Aires en juin, ce qui veut dire que Daniel Filmus est en capacité de contester la suprématie de l'actuel Chef du Gouvernement, ultra-libéral, de la Ville Autonome de Buenos Aires. Cela ne veut pas dire que Macri ne gagnerait pas au second tour mais qu'il y ait un second tour dans cette élection serait déjà un signe fort d'un fléchissement important du corps électoral qui se rapprocherait alors des spectres politiques existant actuellement dans les pays de longue tradition démocratique où, dans tous les scrutins nationaux uninominaux à deux tours, il y a toujours deux tours. Le tour unique n'existe que dans les pays qui pratiquent le scrutin proportionnel intégral.

Image extraite du site du quotidien

Sur le schéma ci-joint, vous voyez les résultats que pourraient obtenir chacun des candidats, les plus significatifs étant les trois premiers, Mauricio Macri, Daniel Filmus et Pino Solanas (qui connaît une percée spectaculaire en l'espace de seulement quelques années). En haut, le nom des trois instituts de sondage, OPSM, Haime (qui prévoit la victoire de Filmus au second tour) et Rouvier. Vous remarquerez qu'au second tour, ni Macri ni Filmus n'atteignent le seuil de 50%. Pour Macri, cela pourrait vraiment indiquer un renversement de l'opinion en sa défaveur.

Pour aller plus loin dans l'analyse :

(1) Ce qu'on désigne là-bas, en Amérique du Sud, sous le terme français de ballotage (avec les deux l prononcés à la française), alors qu'en France, le même terme désigne non pas l'accès au second tour mais une très faible différence de voix entre les deux candidats arrivés en tête du premier tour.

samedi 28 mai 2011

Dédicaces en pointillé ce week-end [ici]

Contrairement à ce que j'avais annoncé ces derniers jours, je ne suis pas en mesure d'assurer toutes les dédicaces de ce week-end. Hier après-midi, au Marché de la Poésie, j'ai sans doute été longuement exposée aux pollens, au tabagisme passif et peut-être bien aussi au froid et au vent (que l'on ressent bien lorsqu'on se tient immobile sur un stand). Les effets de cette exposition d'hier m'ont empêché aujourd'hui de participer aux deux salons, Marché de la Poésie et Salon des Editeurs Indépendants du Quartier Latin, qui se tiennent respectivement dans les 6ème et 5ème arrondissements de Paris. J'ai voulu ne pas compromettre ma condition physique afin d'assurer la conférence de mardi soir, 31 mai 2011, à L'Entrepôt, à Paris. Mais que je sois présente ou absente sur un stand, mes livres s'y trouvent et vous pouvez vous les y procurer dans un cas comme dans l'autre.

Pour les lecteurs de ce blog qui se seraient rendus au Marché de la Poésie ou au Salon des Editeurs indépendants spécialement pour obtenir une dédicace sur l'un de mes livres, je les prie de bien vouloir excuser une absence que j'aurais aimé moi-même éviter.

Demain dimanche, c'est la fête des Mères. J'éviterai de retourner au Marché de la Poésie, dont la tenue a été cette année malencontreusement avancée d'un mois (d'où peut-être les problèmes de pollen) mais j'ai tout lieu de penser que je serai en mesure d'assurer la dédicace au Salon des Editeurs indépendants du Quartier Latin au Lycée Henri IV, comme je viens d'en avertir la responsable du stand des Editions du Jasmin. Dans l'enceinte d'un lycée, même en plein air, il est interdit de fumer. Ce sera toujours un stress physiologique dont je n'aurai pas à subir les effets dévastateurs.

Comme j'ai suffisamment récupéré pour travailler en fin de journée, je vous livre ce soir, samedi 28 mai 2011, une interview fort intéressante publiée ce matin même dans les pages culturelles de Página/12 et où la chanteuse Susana Rinaldi et la compositeur et bandonéoniste Leopoldo Federico prennent position sur la politique culturelle publique dans une Argentine en pleine campagne électorale.

Susana Rinaldi et Leopoldo Federico mettent leur grain de sel dans la campagne [Actu]

Ce soir, samedi 28 mai 2011, la chanteuse Susana Rinaldi et le bandonéoniste Leopoldo Federico présentent leur récent disque, Vos y yo, produit par Alfredo Piro, le fils de Susana Rinaldi, au Bar Notable Clásica y Moderna, de l'avenue Callao, dans le sud du quartier de Recoleta (voir mon article du 10 mai 2011 sur ces trois concerts en mai).

C'est le moment que choisit le quotidien Página/12, pour publier une interview des deux monstres sacrés du tango contemporain, où ils décrivent le combat qu'ils mènent au sein de l'AADI, l'association argentine des interprètes, que préside Leopoldo Federico, avec Susana Rinaldi comme Vice-présidente, pour faire entendre les revendications de la profession en Argentine et en particulier à Buenos Aires, où la politique culturelle ne participe pas au développement des activités culturelles. L'entrevue s'est déroulée dans les locaux de l'AADI.

Or il se trouve l'Argentine en général et Buenos Aires en particulier se trouvent en pleine campagne électorale pour le renouvellement de la moitié de la Legislature et l'élection du prochain Chef de Gouvernement de la Ville Autonome en ce qui concerne la capitale, pour les élections législatives et présidentielles pour ce qui concerne la totalité du pays.

Susana Rinaldi et Leopoldo Federico se sont connus professionnellement en 1980 pour un récital que la chanteuse a donné à Paris, à l'Olympia, entourée de Federico, au bandonéon, et de José Colangelo, autre compositeur, au piano.

“La verdad es que con el maestro nos une algo que va mucho más allá de la música... Sí, es la magia de sus dedos, algo inexplicable, que no fuerza para nada sino que le facilita todo a mi voz, pero mucho más es esa cosa humana, química, que va más allá”, elogia la Tana.
Susana Rinaldi, dans Página/12

"La vérité, c'est qu'avec le maestro (1), c'est quelque chose qui va bien plus loin que la musique qui nous unie... En fait, c'est la magie de ses doigts, quelque chose d'inexplicable, qui ne force jamais rien mais tout au contraire qui facilite tout pour ma voix, mais cette chose humaine qui va plus loin, c'est encore plus", dit La Tana en forme d'éloge.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Qué otra razón explica esta alquimia humana y musical?
Susana Rinaldi: –La de estar acá defendiendo los derechos de los intérpretes argentinos.
Susana Rinaldi, dans Página/12

- Quelle autre raison explique cette alchimie humaine et musicale ?
Susana Rinaldi : Le fait qu'on est ici à défendre les droits des interprètes argentins.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Et c'est envoyé... On est parti.

“Un aspecto de la lucha que estamos dando hoy, más allá de lo puntual que significa recaudar para reconocer los derechos de los intérpretes, es por los espacios que nos niegan a los músicos. Voy a decir algo de lo que me hago cargo solita: la música, durante toda la historia, fue considerada como entretenedora y punto. Recién cuando empezamos a pelear los derechos de intérprete, a meternos en la propiedad intelectual, vimos hasta qué punto se puede denostar la música y quitarte lo tuyo, tu propia música, y tener que esperar siempre la relevancia que te da el extranjero, si te la da, respecto a qué vale la pena y qué no”, plantea Rinaldi.
Susana Rinaldi, dans Página/12

Un aspect de la lutte que nous sommes en train de mener aujourd'hui, au-delà du fait de collecter les recettes pour reconnaître les droits des interprètes (2), c'est pour les lieux qu'on nous refuse à nous autres musiciens. Je vais vous dire quelque chose de ce que je prends en charge toute seule : la musique, tout au long de l'histoire, a été considérée comme un divertissement, point à la ligne. Ce n'est que quand nous avons commencé à nous battre pour les droits des interprètes, à nous fourrer dans la propriété intellectuelle, que nous avons vu jusqu'à quel point on peut insulter la musique et t'enlever ce qui t'appartient, ta propre musique, et qu'il faille attendre toujours la reconnaissance que te donne l'étranger, s'il te le donne, sur ce qui vaut la peine ou ou non, interroge Rinaldi.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–A propósito de lo que acaba de sostener, ocurre que, a causa de las desprolijidades e irregularidades a las que han estado sometidos los músicos históricamente, han surgido en los últimos años asociaciones de músicos cuyo fin es organizarse para informar, averiguar y guiar a sus pares en sus derechos: la UMI, Camuvi, Músicos Autoconvocados... ¿Qué tipo de relación mantienen con ellas?
Leopoldo Federico: –Bueno, las conocemos a todas. No nos podemos olvidar de que son todos socios nuestros y que los apreciamos. No es que eluda una respuesta, pero en lo personal no quiero mezclar lo gremial con los derechos nuestros, porque veo que toda esa lucha que están haciendo tiene más que ver con la necesidad y la falta de trabajo que hay para tanta gente. Hoy me mandaron una circular del Sadem que está pretendiendo que se termine con eso de que el artista tenga que pagar para actuar... Realmente éste es el tema central. Durante mi larga carrera en la música, y Susana no me va a dejar mentir, creo que éste es el momento más duro que hubo para la actividad musical.
Leopoldo Federico, dans Página/12

- A propos de ce que vous venez de soutenir, il se trouve que, à cause des manoeuvres dilatoires et des irrégularités auxquelles ont été soumis les musiciens au cours de l'histoire, ont surgi ces dernières années des associations de musiciens dont l'objectif est de s'organiser pour s'informer, se questionner et se guider entre pairs sur leurs droits : la UMI, CAMUVI, Musiciens autosaisis... Quel genre de relations maintenez-vous avec elles ?
Leopoldo Federico : eh bien, nous les connaissons toutes. Nous ne pouvons pas oublier qu'ils sont tous nos sociétaires et que nous les aprécions. Ce n'est pas pour éluder la question mais, pour mon compte personnel, je ne veux pas mélanger ce qui est d'ordre syndical avec nos droits, parceuq eje voix que toute cette lutte qu'ils sont en train de mener a plus à voir avec le besoin et le manque de travail pour tant de gens. Aujourd'hui, on m'a envoyé une circulaire du Sadem qui vise à ce qu'on en finisse avec cette histoire que l'artiste ait quelque chose à payer pour jouer... Et ça, vraiment, c'est le coeur du débat. Pendant ma longue carrière dans la musique (3), et je parle sous le contrôle de Susana, je crois que ce moment que nous vivons est le plus dur qui a existé pour l'activité musicale.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Qué lugar, ya que es el género que más les compete como músicos, ocuparía el tango en este estado de la cuestión?
S. R.: –Creo que es la música más castigada en este sentido, porque siempre hay algo que interviene como para que el género sea menoscabado. En todo caso, el tango está bien visto desde la danza o desde algunos ítems como el del maestro, en lo instrumental, pero la canción jamás: la canción pasa a último término. Y ésta es, te guste o no te guste, la que cuenta la historia. Aun así, sabemos que ha habido momentos en la ciudad de Buenos Aires en los que esta música tuvo más posibilidad de proyectarse desde pequeños lugares, pero hoy la gente joven no tiene dónde expresarse. O tiene que pagar, o dejar de cobrar, que es lo mismo, para poder dar a conocer su música. Eso es terrible y habla de la pobreza de espíritu de quienes dirigen toda la parte cultural en la ciudad. No tenemos por qué esperar de gente bien intencionada que de repente diga “voy a poner mi plata en este espacio” para que venga tal grupo o tal otro.
Susana Rinaldi, dans Página/12

- Quelle place, puisque c'est le genre le plus concurrentiel pour les musiciens, devrait occuper le tango sur ce point du débat ?
Susana Rinaldi : Je crois que de ce point de vue, c'est la musique qui paye le plus lourd tribut parce qu'il y a toujours un truc qui intervient pour que le genre soit déprécié. En tout cas, le tango est bien vu côté danse ou sur quelques facettes comme ce qui touche le maestro, l'instrumental mais la chanson, jamais. La chanson, c'est la cinquième roue du carosse. Et ça, que ça te plaise ou non, c'est ce que l'histoire nous dit. Et même comme ça, on sait qu'il y a eu des époques dans la ville de Buenos Aires au cours desquelles la musique a connu plus de possibilités de se faire connaître depuis des petites salles, mais aujourd'hui, les jeunes n'ont nulle part où s'exprimer. Ou alors il faut qu'ils payent ou qu'ils renoncent à toucher le moindre sou, ce qui revient au même, pour pouvoir faire connaître leur musique. Ça, c'est affreux et ça nous en dit long sur la pauvreté d'esprit de ceux qui dirigent toute la partie culturelle dans la ville. Nous n'avons pas de raison d'attendre de gens bien intentionné que tout d'un coup ils nous disent : je vais mettre mon argent dans cet endroit, pour que vienne tel goupe ou tel autre.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–El típico mecenas que pocas veces alcanza a resolver una situación colectiva...
S. R.: –Verdad, algo se está rescatando en ese sentido. Pero no se hace desde la televisión argentina, no sé por qué. La TV es un desastre... El hecho de que no se pueda aprovechar dignamente de la música argentina para promoverla, desarrollarla aunque sea para que sea la misma música la que pueda demostrar que no sirve o no va...
–¿Se refiere a la totalidad del ámbito televisivo?
S. R.: –A todo... Al privado, al estatal, todo. Te lo dice alguien que hace mucho tiempo que se promueve sola y que de repente dice “me gustaría tener un espacio en la televisión argentina”. ¡Nunca lo vas a tener!
Susana Rinaldi, dans Página/12

- Le mécène typique qui bien rarement parvient à résoudre une situation collective... (4)
Susana Rinaldi : Justement, on est en train de sauvegarder quelque chose du genre. Mais ce n'est pas grâce à la telévison argentine que ça se fait, je ne sais pas pourquoi. La télé, c'est une catastrophe... Le fait qu'on ne puisse pas tirer parti, dignement, de la musique argentine pour la promouvoir, la développer sinon pour que ce soit pour que la musique elle-même puisse démontrer qu'elle ne sert à rien ou que ça ne va pas...
- Faites-vous référence à la totalité du secteur télévisé ?
Susuna Rinaldi : à tout le secteur. Le privé, le public, tout. Et celle qui t'en parle, ça fait longtemps qu'elle assure elle-même sa promotion et qui d'un seul coup dit J'aimerais bien avoir une place à la télévison argentine. Jamais tu ne l'auras !
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Cuál es la explicación de los productores?
S. R.: –Que la música argentina no da rating. ¿Qué quiere decir eso? Es un disparate enorme. ¿Cómo es posible que nuestra música sea redituable desde el hecho de que la gente pague lo que no tiene para escucharte y la TV no lo vea? Yo me formé en los ’70, una época en que la TV argentina hacía unos recitales maravillosos y te pagaban por eso. ¿Dónde empecé a mostrarme yo? ¿Por qué la gente supo si valía la pena escucharme o no? Fue gracias a la TV argentina, algo que ya no pasa.
Susana Rinaldi, dans Página/12

- Quelle est l'explication des producteurs ?
Susana Rinaldi : que la musique argentine ne fait pas d'audience. Qu'estce que ça veut dire, ça ? C'est une énorme ânerie. Comment est-il possible que notre musique soit rentable à partir du moment où les gens payent pour ce qu'ils n'ont pas pour t'écouter et la télé ne le voit pas ? Je me suis formée dans les années 70, une époque où la télé argentine donnait des récitals merveilleux (5) et on ne te payait pas pour ça. Où est-ce que j'ai commencé à me faire voir, moi ? Comment se fait-il que les gens savent si oui ou non ça valait la peine de m'écouter ? Grâce à la télé argentine, un truc qui n'existe plus maintenant.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Traslada el mismo concepto al espectro radial?
S. R.: –Sí. ¿A mí qué me hace que haya una sola radio dirigida al tango? ¿Por qué una y no todas, en algún momento, así como todas pasan música extranjera? ¿No hay nadie que lo plantee?
–Bueno, cuando finalmente opere La Ley de Servicios de Comunicación Audiovisual sobre este estado de cosas se supone que va a haber un cambio más radical que gradual, en este sentido.
S. R.: –Bueno, la ley le ha dado el 2 por ciento a la música... Es un disparate. Por suerte también se ha nombrado la Ley de Música para seguir peleando y discutiendo sobre estos temas.
Susana Rinaldi, dans Página/12

- Transposez-vous le même concept dans le spectre radiophonique ?
Susana Rinaldi : Oui. C'est quoi l'intérêt pour moi qu'il n'y ait qu'une radio qui s'occupe de tango ? (6) Pour quoi une et pas toutes, à un certain moment, tout comme elles diffusent toutes de la musique étrangère ? Il n'y a personne pour se poser la question ?
Eh bien, quand la Loi sur les services de communication audiovisuelle (7) entrera en vigueur sur cet état de choses, on peut penser qu'il va y avoir un changement plus radical que graduel, sur ce point.
Susana Rinaldi : Eh bien, la loi a donné 2% à la musique... C'est une ânerie (8). Heureusement, on a parlé aussi d'une Loi sur la musique pour continuer à nous battre et à contester sur ces sujets.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–La LSCA también habla de agrandar el espacio para la difusión de música argentina, pero la referencia iba más bien dirigida hacia el lado de la amplitud y el pluralismo de ofertas mediáticas que la ley propone como espíritu.
S. R.: –Totalmente de acuerdo.
L. F.: –Sí, en ese sentido sí. Igual, quería que se haga referencia no solamente al tango. Claro, tanto a Susana como a mí, cuando decimos música lo que nos sale de adentro es el tango, pero ambos pensamos en toda la música nacional, sea el género que fuere. Lo que decía ella es cierto: hace años, yo actuaba con mis distintos conjuntos –con la orquesta, con Roberto Grela, con el cuarteto– en todos los canales de aire. Grandes valores, Séptimo piso, La botica del ángel... Y ahora lo único que quedó es el programa de Soldán, que lo pasan a la 1 de la mañana por el Canal 26.
Susana Rinaldi et Leopoldo Federico, dans Página/12

- La Loi sur le service de communication audiovisuelle parle aussi d'élargir l'espace pour la diffusion de musique argentine, mais la référence va nettement à l'amplitude et au pluralismes des offres médiatiques et c'est l'esprit de cette loi.
Susana Rinaldi : Totalement d'accord.
Leopoldo Federico : Oui, dans ce sens, oui. Mais quand même, je voulais qu'on ne fasse pas seulement référence au tango. C'est sûr, aussi bien Susana que moi, quand nous disons musique, ce qui vient de nous, c'est le tango, mais tous les deux nous pensons à toute la musique nationale, quel que soit le genre. Ce qu'elle disait est vrai : il y a des années, moi je jouais dans mes différents ensemble, avec mon orchestre, avec Roberto Grela (9), avec mon quatuor, sur toutes les ondes. Grandes Valores, Séptimo piso (7ème étage), La botica del ángel (la boutique de l'ange, ou la boutique de charme)... Et maintenant, tout ce qu'il reste, c'est l'émission de Soldán (10), qui passe à une heure du matin sur Canal 26 (11).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–No por quitarle legitimidad al reclamo, pero la división música nacional vs música extranjera a la que hacía alusión Susana hace ruido en el sentido de que una apuesta por la música nacional en bloque estaría quitándoles espacios a bellísimas expresiones universales. Para decirlo en bruto: si Cacho Castaña le va a quitar espacios a Pink Floyd, hay un problema. Eso se discutió mucho cuando se quiso –y de hecho se hizo– “monopolizar” el espacio de los medios para la música argentina.
S. R.: –No, eso es fascismo puro, claro. Lo que digo es “ni tanto ni tan poco”. ¿Por qué no poder escuchar a Horacio Salgán tocando “Flores negras” en algún momento? Esas cosas no ocurren precisamente por falta de espacios. Hay zambas, hay chacareras que son verdaderas obritas de arte. Ahora, ¿por qué uno sale de acá y puede presentarlas en cualquier lugar del mundo, con buena cantidad de público, y acá no? ¿Qué pasó? Pasó que alguien con poder algún día dijo “esto no sirve”, y a partir de entonces quedó el “esto no sirve”, cuando en cultura sirve todo, y todo tiene que tener su espacio para ser mostrado.
L. F.: –A diferencia de hace 30 o 40 años cuando, de tanto trabajo que había, te podías dar el lujo de elegir a qué baile ir o no, ahora hay una inmensa cantidad de músicos jóvenes que no existían en aquel momento, y que no tienen trabajo. Están dejando la vida para continuar con el legado del tango y no tienen medios para poder subsistir.
Susana Rinaldi et Leopoldo Federico, dans Página/12

- Loin de moi de contester la légitimité à cette revendication, mais la division musique nationale contre musique étrangère à quoi faisait allusion Susana fait murmurer dans le sens où miser sur la musique nationale en bloc ce serait priver d'espaces de belles expressions universelles. Pour le dire brutalement, si Cacho Castaña (12) prend la place des Pink Floyds, il y a un problème. Cela a été très contesté quand on a voulu, et de fait ça s'est fait, instituer un monopole sur l'espace de la musique argentine dans les médias.
Susana Rinaldi : Mais on, ça c'est du fascisme pur et simple. Ce que je dis c'est ni autant ni si peu. Pourquoi ne pouvons-nous pas écouter Horacio Salgán dans Flores negras à un moment ou à un autre ? Ces choses-là n'arrivent pas vraiment faute d'espace. Il y a des zambas, des chacareras qui sont des vraies petites oeuvres d'art. Alors pourquoi on peut quitter le pays et les présenter n'importe où dans le monde, avec une bonne quantité de public, et ici non ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Il s'est passé que quelqu'un avec du pouvoir a dit un jour Ça, ça ne sert à rien, et à partir de ce moment-là, il n'est plus resté que le ça ne sert à rien, alors que dans la culture tout sert à quelque chose, et tout doit avoir son espace où se faire connaître.
Leopoldo Federico : à la différence d'il y a 30 ou 40 ans, quand, avec tout le travail qu'il y avait, tu pouvait t'offrir le luxe de choisir à quel bal aller ou ne pas aller, maintenant il y a une immense quantité de musiciens jeunes qui n'existaient pas à ce moment-là, et qui n'ont pas de travail. Ils arrêtent de vivre pour continuer l'héritage du tango et ils n'ont pas de moyens de subsistance.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

La conversation se poursuit avec d'autres exemples des mêmes types de dysfonctionnement structuraux, dont la mauvaise qualité du signal hertzien de Radio Nacional sur la route entre Haedo (dans la banlieue sud de Buenos Aires) et la capitale elle-même, mais elle se termine par une note plus optimiste de Susana Rinaldi :
Hay un giro en estos tiempos, hay una experiencia y hay otros dirigentes que la escuchan. También hay que decirlo, porque, si bien hay problemas estructurales, hay mucha más gente dispuesta a enfrentar las problemáticas, cada uno desde su lugar. El otro día escuché a Aníbal Fernández diciendo una frase del tango “Pan”, y me encantó, porque yo siempre sostuve la validez del tango como vehículo de denuncia social, y muchos me cayeron encima por eso.
Susana Rinaldi, dans Página/12

"Il y a un tournant en ce moment, il y a une expérience et il y a d'autres dirigeants qui écoutent la musique. Et aussi il faut le dire, parce que s'il y a bien des problèmes structurels, il y a beaucoup plus de gens disposés à affronter les problématiques, chacun pour sa part. L'autre jour, j'ai entendu Aníbal Fernández (13) dire une phrase du tango Pan (14) et ça m'a ravie parce que j'ai toujours soutenu la validité du tango comme véhicule de la critique sociale et on m'est pas mal tombé sur le paletot à cause de ça".
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour en savoir plus :
lire l'intégralité de l'interview sur le site de Página/12
sur le thème du respect ou du manque de respect des droits des artistes, voir aussi l'interview de Litto Nebbia dans mon article du 1er mars 2010.

(1) Il s'agit de Leopoldo Federico. Le titre de Maestro est un titre très courant en Argentine, il ne présente aucun caractère solennel, ou plutôt il élève en dignité les relations les plus familières.
(2) Ce sont des droits qui sont très mal respectés et les nombreux internautes qui téléchargent avec tant de légèreté des morceaux piratés sur le net devraient prendre conscience que les musiciens argentins ont comme eux-mêmes besoin d'un toit au-dessus de la tête et de quelque chose dans leur assiette pour continuer à vivre et à nous enchanter. Ne piratez pas. Achetez les disques. En plus, ils ne sont pas chers.
(3) Le Maestro Federico a 84 ans.
(4) On voit bien dans quel sens le journaliste lui-même milite, pour la ville de Buenos Aires. Pour une politique publique et non pas pour le recours au mécénat privé, que Mauricio Macri, l'actuel chef du Gouvernement portègne, fait semblant de préférer (en fait, Macri favorise très peu le mécénat privé pour les affaires culturelles, on l'a bien vu l'année dernière avec le festival de tango de Buenos Aires qui a totalement manqué ce créneau-là, alors qu'il avait une occasion rêvée de demander à de nombreux secteurs économiques, dans le tourisme et dans la banque, d'apporter une aide concrète en accueillant les activités du festival contre une publicité qui aurait alors été légitime. Voir à ce propos mon article du 11 septembre 2010 à ce sujet).
(5) Susana Rinaldi fait sans doute ici allusion à quelques émissions qui virent Roberto Goyeneche, Osvaldo Pugliese, Aníbal Troilo sur le petit écran...
(6) La radio en question, c'est la 2x4, l'une des deux radios publiques de la ville de Buenos Aires, installée au 6ème étage du Complejo San Martín sur Avenida Corrientes. Vous pouvez l'écouter en direct via le site internet, dont vous trouverez le lien dans la Colonne de droite, dans la partie inférieure, dans la rubrique Ecouter.
(7) Une des réformes majeures votées par l'actuelle majorité sur un projet de loi du Gouvernement péroniste actuel, qui tarde à se mettre vraiment en place mais qui prévoit des quotas de diffusion pour la production culturelle nationale sur les stations de radio et les chaînes de télévision dans tout le pays. Página/12 est très en faveur de cette réforme, qu'il soutient depuis le début. Comme vous allez le constater, Susana Rinaldi n'y voit pas la solution miracle. Mais Susana Rinaldi est socialiste. Página/12 est péroniste et on peut même dire peroniste K, ultra-acquis à la politique du couple Kirchner. Les deux options appartiennent à la gauche argentine mais ce n'est pas l'union sacrée qui règnent entre elles. Pino Solanas, le candidat socialiste à la présidence du Gouvernement Portègne dans les élections du mois prochain, vient d'annoncer qu'il ne ferait aucun cadeau au candidat péroniste K, Daniel Filmus. Il y a du sport, je ne vous dis que ça !
(8) Susana Rinaldi a la réputation d'avoir très mauvais caractère, d'être assez dépourvue d'onction diplomatique et d'avoir le verbe haut. Elle a assez d'humour pour en faire rire une salle, comme j'ai pu le constater à Clásica y Moderna, quand je suis allée la voir dans Tres mujeres para el show (voir mon retour sur images du 16 novembre 2010 à ce sujet).
(9) Roberto Grela, grand guitariste de tango, qui fut aussi compositeur, et dont le nom est à jamais attaché à celui de Aníbal Troilo avec lequel il forma un duo et un quatuor qui ont leur place dans la légende du tango.
(10) Il s'agit de Silvio Soldán, un personnage médiatique tout à la fois très populaire et très contesté du paysage audiovisuel argentin.
(11) Comme vous pouvez le déduire du raisonnement du Maestro, tous les Argentins ne passent pas des nuits blanches, contrairement à la légende. La plupart des gens se couchent à des heures aussi raisonnables qu'en Europe pour pouvoir aller au boulot le lendemain (et attaquer souvent deux journées de travail en une seule). 1h du matin, ce n'est pas le primetime...
(12) Cacho Castaña : chanteur de variété très médiatique au talent très contesté par l'intelligentsia argentine. Il a néanmoins signé quelques très belles chansons, comme Café La Humedad ou Garganta con arena (un hommage à Roberto Goyeneche, à l'extrême fin de sa vie).
(13) L'actuel premier ministre de l'Argentine, un péroniste K pur jus.
(14) Pan : paroles de Celedonio Esteban Flores et musique de Eduardo Pereyra, un brulôt datant de 1932 sur la pauvreté effarante qui règnait alors dans les classes populaires en Argentine, touchée de plein fouet par la crise de 1929. Ce tango est traduit à la page 153 de mon anthologie Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, sortie en mai 2010 aux Editions du Jasmin, un ouvrage que je dédicacerai, comme prévu, demain, sur le stand de mon éditeur, au Salon des Editeurs indépendants du Quartier Latin, qui se tient jusqu'à demain soir au Lycée Henri IV, à Paris.

vendredi 27 mai 2011

Claudia Levy à La Paila mardi soir [à l'affiche]


L'auteur-compositrice interprète et pianiste Claudia Levy continue la présentation de son troisième disque, Soltar amarras (larguer les amarres), à travers la ville de Buenos Aires. Elle participera à la série des concerts du mardi, au restaurant La Paila, de Costa Rica 4848 (quartier de Palermo).

Ce sera le mardi 31 mai 2011, à 21h30. Cela vous laisse le temps d'assister au dévoilement de la plaque en hommage à Rubén Juárez au Café Homero mais pas à la soirée qui suivra (voir mon article d'hier). Il faudra choisir.

Claudia Levy sera accompagnée à la guitare par Pablo Zapata et à la basse par Gaspar Porto.

Entrée (droit au spectacle) : 25 $

Pour découvrir cette chanteuse qui fait vivre à merveille la veine burlesque du tango, connectez-vous à son site Internet. Et pour découvrir le restaurant et sa carte de spécialités du nord du pays, allez voir son site à lui aussi.

Cucuza et Moscato au Malevaje ce samedi [à l'affiche]

Photo diffusée par les artistes

Le duo Cucuza-Moscato, chanteur et guitariste, se retrouvera samedi 28 mai 2011 à 22h pour un concert au Malevaje, un café de La Boca désormais bien connu des fidèles lecteurs de Barrio de Tango (j'en parle assez souvent).

Ils présenteront leur disque, enregistré en public en 2009 au Café El Faro, de Villa Pueyrredón et qu'ils ont lancé en août 2009

Répertoire de bons tangos anciens et quelques créations de morceaux contemporains sont au programme.

Entrée (droit au spectacle) : 25 $.

Si vous êtes actuellement à Buenos Aires, ils vous attendent tous les deux avenue Garibaldi 1670. Arrivez un peu à l'avance pour pouvoir commander et dîner avant la première note et saluez-les de ma part.

jeudi 26 mai 2011

Hommage officiel à Rubén Juárez pour l'anniversaire de son décès [à l'affiche]


Il y a un an, juste après les fêtes du Bicentenaire, le 31 mai 2011, la mort du chanteur, bandonéoniste et compositeur Rubén Juárez nous avait tous beaucoup affectés.

Mardi prochain, 31 mai 2011, sa fille, la chanteuse Lucila Juárez organise un hommage en musique, au Café Homero, Cabrera 4946, à partir de 18h30.

A cette heure-là, le Ministre de la Culture du Gouvernement Portègne, Hernán Lombardi, dévoilera une plaque commémorative, placée sur la façade du café, en souvenir de l'artiste qui en avait fait son point d'attache dans la capitale. C'est aussi Rubén Juárez qui a obtenu que cet établissement soit déclaré d'intérêt culturel par la Legislatura de Buenos Aires.

La soirée est ouverte à tous. Entrée libre et gratuite.

Sur l'affiche qui sert aussi de communiqué de presse (ci-dessus, Lucila Juárez demande aux musiciens de venir avec leurs instruments et aux chanteurs de venir avec un gosier rempli d'émotion. La murga Atrevidos por Costumbre (audacieux par habitude) ouvrira cette soirée qui promet de se dérouler à la fortune du pot, en fonction des artistes qui voudront bien y participer en toute amitié pour celui à la mémoire de qui l'événement est organisé.

Echos d'une fête populaire sur la Plaza de Mayo hier [à l'affiche]

Hier après-midi, la Fête Nationale a été célébrée avec un grand spectacle qui a duré plusieurs heures sur Plaza de Mayo juste devant la Casa Rosada, le palais officiel de la Présidence de la République. Un hommage a été rendu à María Elena Walsh, auteur, compositeur, chanteuse et écrivain, disparue en janvier dernier dans une grande émotion populaire.

Le chanteur pour enfants, qui s'adonne maintenant à la musique pour adultes, Pipo Pescador était présent (1). Il a enchanté les petits et les grands d'après le chroniqueur de Página/12. Le spectacle a aussi fait sa place à l'histoire, avec l'épopée de la traversée des Andes par José San Martín, un grand épisode de la guerre d'indépendance, les luttes ouvrières qui ont elles aussi profondément marqué l'histoire du pays et la dette extérieure qui est le boulet du pays depuis surtout 10 ans (le Gouvernement actuel mène une action prioritaire sur son règlement).

Ce fut une fête très péroniste... On n'est pas pour rien en campagne électorale en Argentine !

Pour aller plus loin :

(1) Pipo Pescador a été une grande vedette des années 70. Alorsa y faisait allusion dans l'une de ses chansons, Clase 70, que j'ai traduite dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, publié en janvier 2011 chez Tarabuste Editions.

Un grand du rock argentin à Paris : Fito Páez [ici]


L'auteur-compositeur-interprète de rock argentin Fito Páez donnera un récital unique à Paris, le lundi 30 mai 2001, à 20h30, à l'Alhambra, 21 rue Yves Toudic, Paris 10ème.

Les places sont à 28 €, en parterre, debout et donc en placement libre.

C'est la première fois que cet artiste se produit à Paris. Il vient présenter son nouveau disque.

Je vous ai parfois parler de lui notamment au sujet de la grosse anthologie discographique parue l'année dernière chez Melopea Discos et pour quelques concerts dont je me fais l'écho dans ce blog consacré à la culture populaire de Buenos Aires, dont il fait intégralement partie.
Pour découvrir l'artiste plus avant, connectez-vous à son site Internet ou sa page Mypsace la plus tenue à jour.

mercredi 25 mai 2011

Interview de Litto Nebbia pour la sortie de l'album du Concert du Bicentenaire [Disques & Livres]


L'année dernière, à quelques jours près, Litto Nebbia animait un méga-concert de rock au pied de l'Obélisque pour lancer les cinq jours de fête culminante qui devaient saluer les 200 ans de la Revolución de Mayo, dont c'est aujourd'hui le 201ème anniversaire (voir mon article du 19 mai 2010 à ce sujet ou l'ensemble de mes articles sur les célébrations du Bicentenaire, dans la rubrique Petites chronologies, dans la partie médiane de la Colonne de droite).

Dimanche dernier, pour le souvenir, le quotidien Página/12 sortait un double album de ce concert historique où se sont bousculés les grands noms du rock nacional. A cette occasion, samedi, le journal publiait aussi une interview de l'auteur-compositeur-interprète, dont les lecteurs fidèles de Barrio de Tango savent qu'il est le producteur et le concepteur du disque Melopea qui accompagne mon anthologie, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, aux Editions du Jasmin, en mai 2010 (voir mon article du 15 mars 2010 sur ce disque)

L'interview a été enregistrée au bar La Perla du quartier de Once, à Balvanera, le quartier du poète et compositeur Enrique Santos Discépolo (1901-1951), ce bar où la légende veut que Litto ait écrit et composé son grand succès, La Balsa (1), ce bar où il vient de donner une série de concerts dans un cycle qui a vu passer depuis octobre dernier l'élite du rock nacional.

L'établissement qui avait mis la clé sous la porte a réouvert il y a peu, comme cela se passe souvent à Buenos Aires, où les cafés, restaurants et autres confiterias disparus peuvent rester fermés plusieurs années avant qu'un repreneur se manifeste et relance l'affaire dans le même business.

Verbatim...

–¿Se vive la misma emoción tocando solo en el bar La Perla, que ante millones de personas, como sucedió en los festejos por el Bicentenario? ¿Se sigue siendo un “náufrago” ante tamaña multitud?
(Risas.) –En esa época era muy importante esa palabra. Significaba quedarse despierto toda la noche y tenía que ver con la bohemia, la música. Eramos sobrevivientes de un naufragio. Cuando empezaba el día, veíamos a la gente con la cara fresca, recién levantada, y nosotros parecíamos tipos que habían abandonado un barco. Pasaron más de cuarenta años y hoy me veo haciendo lo mismo: música. Claro, con los cambios cronológicos de la vida y con lo que uno va haciendo. Yo no me ubico en un rol protagónico en esto, siempre hice música: desde los ocho años que no paro. Y hacer música con mi viejo a los ocho años, hacerlo a los dieciséis en La Cueva, hacerlo a los veinte con Los Gatos y hacer música en el escenario en los festejos del Bicentenario, todo lo viví con la misma emoción.
Litto Nebbia, in Página/12

Est-ce qu'on vit la même émotion en jouant en solo au Bar La Perla que devant des millions de personnes, comme cela s'est passé pendant le Bicentenaire ? Est-ce que ça reste un "naufrage" (2) devant une telle foule ?
(Rires) - A cette époque-là, il était très important, ce mot. Il signifiait rester éveillé toute la nuit et il avait à voir avec la bohême, avec la musique. Nous étions des survivants d'un naufrage. Quand le jour commençait, nous voyions les gens avec leur visage frais, tout juste réveillés et nous, nous avions l'air de types qui avaient abandonné le navire. Plus de 40 ans ont passé depuis et aujourd'hui, me voilà qui fais la même chose : de la musique. Bien sûr, avec les changements chronologiques de la vie et avec tout ce que j'ai réalisé. Je ne m'attribue pas un rôle de protagoniste là-dedans, j'ai toujours fait de la musique : depuis l'âge de huit ans, je n'ai pas arrêté. Faire de la musique avec mon père (3) à 8 ans, en faire à 17 à La Cueva, en faire à 20 avec Los Gatos (4) et faire de la musique sur le podium des festivités du Bicentenaire, j'ai tout vécu avec la même émotion.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Pareciera que estamos ante una reivindicación de la primera década del rock nacional: la caja con nueve discos editados por Melopea, su discográfica, con la participación de una decena de músicos argentinos; la reapertura del bar La Perla; los festejos por el Bicentenario y, ahora, la edición de Página/12 de dos discos que documentan aquella presentación.
–Para nosotros fue impactante tocar para tanta gente, además de oírnos muy bien y luego corroborar que por televisión se oía increíblemente. En nuestro país ha sido un “clásico” que una banda se escuche muy mal en vivo por la televisión. Aparte de nuestra satisfacción personal, creo que haber realzado el rock argentino en la apertura de este festejo histórico coloca al género en un reconocimiento de raíz popular, que se suma a nuestros dos géneros de raíz argentina, el tango y el folklore. En cuanto a lo de La Perla es muy bueno. Todo esto es una sorpresa bárbara. Nunca me imaginé que alguien fuera a hacer esto, es una cosa bastante piola. Nosotros veníamos acá porque era el único lugar que estaba abierto a las cinco de la mañana. Terminábamos de tocar en La Cueva y nos veníamos todos para acá. Entrábamos porque si te veían en la calle te metían en cana por cualquier cosa: por tener pelo largo o por estar caminando en la calle tan tarde. En esa época no había nada abierto a esa hora ni tampoco teníamos plata para tomar un taxi: entonces entrábamos porque en La Perla pasábamos desapercibidos. Que se abra un lugar nuevo para tocar en vivo me pone muy feliz. Que haya buen sonido, luces, y que toquen músicos solistas y grupos muy buenos, me pone contento. Y más sabiendo cómo está la situación en la Ciudad de Buenos Aires, donde no hay lugares para tocar, para nadie: ni para grupos chicos, medianos o grandes.
Litto Nebbia, in Página/12

On dirait que nous sommes face à une revendication de la première décennie du rock nacional : le pack de neufs disques édité par Melopea (5), votre discographie (6), avec la participation d'une dizaine de musiciens argentins, la réouverture du Bar La Perla, les festivités du Bicentenaire et maintenant, l'édition par Página/12 de deux disques qui rappellent cette représentation.
- Pour nous, ça nous a beaucoup marqués de jouer pour tant de monde, en plus d'entendre très bien notre musique et d'avoir constaté encore après qu'à la télévison ça s'écoutait incroyablement bien. Dans notre pays, ça a été un grand classique que le son d'un groupe à la télévision soit mauvais en direct. Mis à part notre satisfaction personnelle, je crois qu'avoir hissé le rock argentin en ouverture de cette fête historique donne au genre une reconnaissance d'origine populaire et il rejoint nos deux genres d'origine argentine, le tango et le folklore (7). Pour ce qui est de La Perla, c'est très bien. Tout ça est une formidable surprise. Je n'avais jamais imaginé que quelqu'un viendrait faire ça, c'est un truc vraiment super. Nous, nous venions ici parce que c'était le seul endroit qui était ouvert à 5 heures du matin. On finissait de jouer à La Cueva et on venait tous ici. On entrait parce que si on te voyait dans la rue, on te fichait en taule pour n'importe quoi : parce que tu avais les cheveux longs ou parce que tu te trouvais dans la rue aussi tard (8). A cette époque-là, il n'y avait rien d'ouvert à cette heure-là et puis nous n'avions pas non plus d'argent pour prendre un taxi. Alors on entrait parce qu'à La Perla, on passait inaperçu. Qu'une nouvelle salle s'ouvre où on peut jouer en public me rend très heureux. Qu'il y ait une bonne sono, des projecteurs et que des musiciens solistes ou des groupes très bons puissent jouer, ça me comble. D'autant plus en sachant quelle est la situation dans la Ville de Buenos Aires (9) où il n'y a pas de salle pour jouer, pour personne : pas plus les petites formations, que les moyennes ou les grandes.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Cómo fue el armado de todo lo que se pudo ver y escuchar en la 9 de Julio, el año pasado?
–Yo había hecho unos discos dedicados a la primera década del rock nacional, una caja de nueve discos con casi trescientas grabaciones nuevas. Y presentar todo ese material en vivo era muy difícil, porque teníamos que juntar a todos los músicos y se hacía imposible. Entonces, empecé a pensar que algo había que hacer. La idea era hacer algo que durara dos horas, y llamar a los que pudieran, a los que estuvieran libres en ese momento para tocar en vivo, aunque sea, dos canciones cada uno. Cuando terminamos eso, nunca me imaginé que iba a ser la apertura de los festejos por el Bicentenario. Imaginate la satisfacción para nosotros, que venimos de un inicio donde lo que hacíamos era perseguido, prohibido, subestimado y toda la cantidad de cosas desgraciadas que sabemos que sucedieron. Estamos muy orgullosos de saber que el folklore, el tango y rock argentino son la representatividad total de nuestra cultura en la música popular.
Litto Nebbia, in Página/12

Comment ça a été de monter tout ce qu'on a pu voir et entendre sur la Avenida 9 de Julio, l'an passé ?
- Moi, j'avais fait quelques disques consacrés à la première décennie du rock nacional, ce pack de 9 disques de presque 300 enregistrements nouveaux. Et présenter tout ce contenu en public, c'était très difficile, parce qu'il fallait rassembler tous les musiciens et ça se révélait impossible. Alors j'ai commencé à penser qu'il fallait faire un truc. L'idée était de faire un truc qui aurait duré deux heures, et appeler ceux qui pouvaient, ceux qui étaient libres à ce moment-là pour jouer en public, ne serait-ce que deux chansons chacun. Quand nous avons terminé ça, je n'ai jamais imaginé que ça allait être l'ouverture des festivités du Bicentenaire. Imagine-toi la satisfaction pour nous, qui venons d'un début où ce que nous faisions était persécuté, interdit, dévalorisé et toute la quantité de trucs horribles qui se sont passés, on le sait. Nous sommes très fiers d'apprendre que le folklore, le tango et le rock argentin forment la représentativité complète de notre culture pour la musique populaire.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Creía que esos festejos iban a ser tan masivos y que sería tan emotivo el recibimiento de la gente?
–No, nunca me lo imaginé. Creo que nadie pensó que esos festejos fueran a tener la resonancia que tuvieron. Sí, siempre se espera una cantidad de gente importante, pero fue algo muy grande lo que ocurrió durante esos días. La verdad es que fue un espectáculo maravilloso y emocionante, con millones de personas. Ahí yo me di cuenta de que eso había que publicarlo. Entonces, hablando con algunos de mis compañeros, me comentaron la idea de hacerlo a través de Página/12 y me pareció una idea buenísima que tuviera un precio accesible y que lo pudieran comprar todos. Además, suena divino, muy bien, y están Fito Páez, Rodolfo García y muchos más. A 40 años de su creación, el rock argentino tiene identidad, personalidad, y es un brazo más de nuestra cultura porque representa varios matices de nuestra idiosincrasia.
Litto Nebbia, in Página/12

Pensiez-vous que ces festivités allaient être un tel succès et que l'accueil des gens serait quelque chose d'aussi touchant ?
- Non, je n'ai jamais imaginé ça. Je crois que personne n'a pensé que ces festivités allaient avoir la résonnance qu'elles ont eue. Bien entendu, on espère toujours une grande quantité de gens mais ce qui s'est passé ces jours-là, ça a été un truc énorme. C'est vrai que ça a été un spectacle merveilleux et émouvant, avec des millions de personnes. C'est là que je me suis rendu compte que ça, il allait falloir le publier. Alors, en parlant avec quelques uns de mes confrères, on a avancé l'idée de le faire via Página/12 et ça m'a paru une idée excellente parce que ça donnerait un prix abordable et que tous pourraient l'acheter. En plus, ça sonne superbement, très, très bien, et il y a là Fito Páez, Rodolfo García et beaucoup d'autres. 40 ans après sa création, le rock argentin a une identité, une personnalité, et c'est une branche supplémentaire de notre culture, puisqu'il représente différentes nuances de notre idiosyncrasie.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

et ¡Viva la Patría! comme disent les Argentins en ce jour de fête nationale...

Pour aller plus loin :
lire l'intégralité de l'interview dans Página/12

(1) La Balsa (le radeau) est considéré comme le premier rock à texte d'expression hispanique. C'est une chanson qui date de 1967. Je l'ai présenté en version bilingue, traduite par mes soins, dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, paru en janvier 2011 chez Tarabuste Editions (revue Triages), p. 86. Avec d'autres titres aussi célèbres du même auteur. La Balsa, vous pouvez en écouter plusieurs versions dans la liste d'écoute consacrée à cette anthologie sur ma page Myspace.
(2) Le naufrage dont il est question ici est une citation du texte de La Balsa (ce pour quoi je vous renvoie à la lecture de Deux cents ans après).
(3) Comme dans l'interview de Pipi Piazzolla de ce week-end, Litto Nebbia utilise ici l'expression typiquement rioplatense de viejo pour désigner son père, d'une manière qui est empreinte d'affection et de respect. Impossible de le traduire par notre "vieux" de l'argot parisien, particulièrement insolent.
(4) Son deuxième groupe de rock. Voir l'article que j'ai consacré au musicien le 20 mai 2009, pour la première annonce que j'ai faite des premiers récitals en France qu'il allait venir donner au mois de septembre suivant.
(5) Le journaliste fait ici allusion à une anthologie de rock publiée l'année dernière par la maison de disques fondée et dirigée par Litto Nebbia, Melopea Discos (le label auquel on doit le disque de 22 pistes qui accompagne mon premier recueil bilingue, Barrio de Tango, aux Editions du Jasmin, voir mon article du 15 mars 2010 à son sujet). Sur cette anthologie discographique de rock, se reporter à mon article du 19 avril 2010.
(6) Vous remarquerez qu'en général, les journalistes de Página/12 (et les autres aussi d'ailleurs) tutoient les artistes qu'ils interviewent. Mais les Troesmas (maestros en verlan), ce sont les Troesmas. Litto Nebbia, qui tutoie tout le monde avec une facilité déconcertante, a droit ici à la troisième personne de la déférence argentine...
(7) En Argentine, on appelle folklore la musique des régions rurales, qu'elle soit d'hier ou d'aujourd'hui. Le tango, le rock et le jazz sont, eux, des musiques urbaines. Dans tous ces genres, urbains et ruraux, se joue le même défi : construire l'identité culturelle du pays.
(8) Sur cette répression invraisemblable de la fin des années 60, voir aussi ce qu'en raconte l'acteur et metteur en scène Alfredo Arias, dans son autobiographie, L'écriture retrouvée, publiée aux Editions du Rocher. C'était une vie passablement cauchemardesque pour les artistes en général. Litto Nebbia lui-même m'a raconté quelques anecdotes du même tonneau, des choses passablement épouvantables qu'il a vécues à la même époque à Rosario, sa ville natale, qui était encore très marquée par le régime de terreur crapuleux qu'y avait fait régner dans les années 30 un truand sicilien, surnommé Chicho Grande, et dont parle Enrique Santos Discépolo dans Cambalache (que j'ai traduit dans Barrio de Tango, Ed. du Jasmin). Le type avait fini par être arrêté puis expulsé en 1935, après avoir pourri la ville jusqu'au trognon. Il est retourné vivre en Italie, où il est devenu un maître des basses oeuvres fascistes et a noué des liens d'amitié avec le Duce. Il est mort à la fin de la guerre, d'une crise cardiaque, pendant un bombardement nord-américain...
(9) Allusion très directe à la politique culturelle menée par Hernán Lombardi et l'ensemble du Gouvernement Portègne, dont vous entendez les échos dans bon nombre de mes articles reprenant des interviews d'artistes, notamment ceux que j'ai consacrés aux prises de position des organisateurs du Festival Indépendant qui se tient depuis deux ans au mois de mars à Buenos Aires.

Tango de Miércoles pour fête nationale [à l'affiche]

Photo diffusée par le CCC

Ce mercredi 25 mai 2011, à 20h30, le Centro Cultural de la Cooperación accueillera dans le cadre de ses concerts Tango del Miércoles le Cuarteto La Púa, avec leur chanteur, Black Rodríguez Méndez, qui a rejoint les guitaristes Leandro Angeli, Cristian Huillier, Juan Otero et le bassiste Pablo Sensottera (guitarrón criollo), dans le quatuor.

Entrée : 30 $.

Le groupe a déjà sorti deux disques, l'un en 2007, l'autre deux ans plus tard. Les chanteurs Lidia Borda et Walter "Chino" Laborde ont participé à l'enregistrement du premier d'entre eux. Dans le deuxième, ils peuvent s'enorgueillir de la présence du Maestro Leopoldo Federico, grand bandonéoniste s'il en est, et Ariel Ardit, qui fut longtemps le chanteur de El Arranque, avant de voler de ses propres ailes et de fonder son propre ensemble.

Pour en savoir plus :
connectez-vous sur le site Internet du groupe ou sur sa page Myspace.

Beaucoup de musique au Festival de Tarbes [ici]

Cet été, le festival de Tarbes offre une belle affiche en matière de musique, un avantage culturel pour cette manifestation qui se distingue de la majorité des festivals de France qui s'intéressent presque exclusivement à la danse.

A l'affiche à Tarbes, vous retrouverez l'harmoniciste Franco Luciani et son trio, le Quinteto Ramiro Gallo (l'ex-violoniste de l'orchestre El Arranque, qui est également compositeur), la Tubatango (une formation exclusive de tubas, de toutes les tessitures, qui s'adonne au tango) et l'orchestre international européen Orquesta Silencio, entre autres.

Du 20 au 28 août 2011.

Plus d'informations :
connectez-vous au site Internet de la ville de Tarbes et sur celui de l'association organisatrice, Tangueando Ibos.

lundi 23 mai 2011

Dédicace au Salon des Editeurs indépendants du Quartier Latin, ce week-end [Disques & Livres]


Encombrement sur mon agenda... En même temps qu'a lieu sur la place de la Mairie du 6ème arrondissement de Paris le 29ème Marché de la Poésie, du 27 au 30 mai 2011, se tiendra aussi ce week-end le 5ème Salon des Editeurs indépendants du Quartier Latin, qui s'installe cette année dans le cadre prestigieux du Lycée Henri IV, le samedi 28 et le dimanche 29 mai, de 14h à 22h le samedi et de 10h à 20h le dimanche.

Les Editions du Jasmin seront donc présentes au Lycée Henri IV, 23 rue Clovis, Paris 5ème, et j'y dédicacerai mes ouvrages dans l'après-midi. Je prévois d'être sur place à 16h au plus tard, les deux jours.

Le Salon ouvrira ses portes le samedi à 14h mais sera officiellement inauguré une heure plus tard. Nous ferons nocturne samedi et on sonnera le couvre-feu dimanche à 20h.

Par ailleurs, ces deux mêmes jours, je me trouverai aussi au Marché de la Poésie, sur le stand de Tarabuste, mais pas aux mêmes heures. Je compte arriver sur le marché vers 13h et je quitterai le stand des Editions Tarabuste (revue Triages) après 15h pour me rendre dans l'arrondissement voisin, dans lequel je pourrais presque me rendre à pied. Le Marché de la Poésie s'ouvre le vendredi après-midi et s'achève lundi 30 mai. Ensuite, le mardi, 31 mai, à 19h15, les Parisiens et Franciliens pourront encore me retrouver à l'Entrepôt où je donnerai une conférence gratuite sur l'histoire du tango (toujours à Paris, dans le 14ème arrondissement cette fois-ci, au M° Pernety).

Et pour les Franciliens non parisiens, Barrio de Tango et Deux cents ans après seront aussi disponibles sur le stand des Editions du Jasmin (sans moi, je suis désolée), à Voyages en Livres, le salon du livre de la ville de Châtenay-Malabry, dans les Hauts-de-Seine, du 27 au 29 mai 2011, à l'Espace omnisports Pierre Bérégovoy, 160 avenue de la Division Leclerc.

Dans tous les cas, l'entrée est libre et gratuite, naturellement.

Et si vous trouvez que ce n'est pas un week-end culturel, on en reparlera...

Pour en savoir plus sur les salons où mes livres seront disponibles, cliquez sur le mot-clé Jasmin dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

Ce soir, concert spécial Piazzolla avec Amelita Baltar à l'Hôtel Alvear [à l'affiche]

Ce soir, lundi 23 mai 2011, la chanteuse Amelita Baltar donnera un concert exceptionnel, 100% Astor Piazzolla, à l'Alvear Palace Hotel (1), l'un des grands hôtels historiques de Buenos Aires, situé dans le quartier de la Recoleta, où elle est née. Elle sera accompagnée, tout aussi exceptionnellement, par une formation de cordes composée de musiciens de l'orchestre symphonique de Buenos Aires, selon un rêve qui porte l'empreinte reconnaissable entre toutes de Astor Piazzolla (2) , lui qui avait renoué avec le tango ici, à Paris, en 1955... avec l'orchestre de l'Opéra de Paris, ni plus ni moins.

L'Alvear se trouve Avenida Alvear, au numéro 1891 (à ne pas confondre avec le Teatro Presidente Alvear, qui se trouve sur Avenida Corrientes. D'ailleurs, ce ne sont pas les mêmes bonhommes, celui de l'hôtel est beaucoup plus vieux que celui du théâtre !).

Plus tard, dans la semaine, Amelita Baltar s'en va à Zárate, tout au nord de la Province de Buenos Aires, sur les rives du Paraná, qui vit naître et grandir les frères Expósito (3). Avec ses musiciens, elle y participera à un autre hommage à son ex- et défunt mari, avec des intermèdes dansés (pour rendre hommage à Piazzolla, la chose est osée : sa musique est réputée indansable et d'ailleurs, elle n'est jamais utilisée là-bas dans les milongas. C'est pas fait pour, comme dirait l'autre).

En juin et juillet, le programme de la chanteuse est bien chargé aussi puisqu'elle reprendra son récital à deux voix, partagé avec Horacio Molina, à Clásica y Moderna, Nosotros, qui a fait pas mal causer à Buenos Aires en janvier dernier (voir mon article du 31 décembre 2010 à ce propos).

Et pendant tout ce temps, elle continue à préparer son prochain disque, qui comptera quelques morceaux dont elle a elle-même écrit les paroles, et où elle sera entourée de quelques grosses pointures du folklore et du rock nacional. Je pense que j'en saurai plus d'ici quelques mois...

Pour en savoir plus sur Piazzolla, voyez aussi l'article que j'ai publié hier sur un interview très développée donnée par son petit-fils, le jazzman Pipi Piazzolla, à l'occasion de la sortie de son disque, Piazzolla plays Piazzolla.
Pour découvrir ce monument du bon goût et de l'élégance patricienne portègne qu'est l'Alvear, visitez leur site Internet. Le restaurant de l'établissement est réputé comme l'un des tout premiers restaurants gastronomiques de cette vaste mégalopole.

(1) Amelita Baltar ne m'a pas donné d'informations particulières à ce sujet mais si Horacio Ferrer est actuellement à Buenos Aires, cela m'étonnerait que l'on ne voit pas apparaître sa barbiche napoléonienne dans cette soirée. L'Hôtel Alvear, c'est chez lui (il y loue une suite à l'année).
(2) Pour ceux qui s'embrouilleraient encore un peu les souvenirs au milieu de tous les noms d'artistes de tango, Amelita Baltar a été la deuxième femme de Piazzolla dont elle a partagé la vie entre 1968 et 1975, l'époque du trio légendaire qu'ils ont formé avec Horacio Ferrer et qui nous a donné tous les classiques (ou presque tous) du tango-canción signé Piazzolla (Balada para un loco, Chiquilín de Bachín, Paraguas de Buenos Aires, Preludio para el año 3001, El Gordo triste et Yo soy María, l'air le plus célèbre de María de Buenos Aires, pour ne citer que ceux dont j'ai déjà publié la traduction en France, dans l'un ou l'autre de mes deux anthologies ainsi que dans le n° 20 de la revue Triages en juin 2008, avec la bénédiction du Maestro... et de leur créatrice, à en croire ce mail que j'ai reçu il y a déjà quelques semaines et dont je vous restitue ici le programme artistique).
(3) Bon ! Pas tout à fait, soyons exacte. Homero est né à Campana, à quelques kilomètres de là, mais il a bien passé toute son enfance, et pas seulement son enfance, dans la confitería paternelle à Zárate. Son frère cadet, le pianiste et compositeur (et un peu chanteur) Virgilio, a, quant à lui, bel et bien vu le jour à Zárate même... Virgilio Expósito est présent dans le disque Melopea qui accompagne mon anthologie Barrio de Tango : il y chante en s'accompagnant lui-même au piano Naranjo en flor, composé sur un texte de son frère. On se croirait dans l'intimité du salon du vieux Maestro...

Mes ouvrages présents à Voyages en Livres, à Châtenay-Malabry, ce week-end [Disques & Livres]


Voyages en Livres est un salon du livre, organisé par la ville de Châtenay-Malabry. Il aura pour thème central cette année l'Afrique et les Caraïbes. Cela tombe bien : le tango rassemble dans son patrimoine des gènes africains, ceux du candombe, et des gènes cubains, ceux de la habanera (1).

Mon éditeur, ou plus exactement, l'un des mes deux éditeurs, le Jasmin, sera présent dans les travées montées dans l'Espace Omnisports Pierre-Bérégovoy, situé avenue de la Division-Leclerc, au numéro 160, de cette ville des Hauts-de-Seine. Vous trouverez sur son stand Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins avec son disque Melopea de 22 pistes, et Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango (paru dans la revue Triages publiée par Tarabuste Editions), et la belle collection de contes du monde entier, dont un très joli album de contes burkinabés, des contes du Maghreb, et d'autres ouvrages, pour les grands et les petits, qui font la richesse et l'originalité de cette maison d'édition qui s'est construit en une douzaine d'années une belle réputation de qualité culturelle à prix raisonnables.

Voyages en Livres ouvrira ses portes vendredi 27 mai 2011 à 9h et se clôturera le dimanche 29 à 18h. L'entrée est libre et gratuite, comme pour tous les salons du livre, à l'exception notable de celui de Paris, qui est, par dessus le marché, particulièrement hors de prix.

Au même moment, je me partagerai entre le Marché de la Poésie à Paris intra-muros (place Saint-Sulpice) du 27 au 30 mai, et le 5ème Salon des Editeurs Indépendants du Quartier Latin, au Lycée Henri IV, rue Clovis, du 28 au 29 mai (voir les articles réservés à chacun de ces salons en cliquant sur le mot-clé Jasmin dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, ou sur le mot-clé ABT, pour Agenda de Barrio de Tango).

Pour en savoir plus sur la quarantaine d'auteurs et d'éditeurs présents au Salon Voyages en Livres, visiter la page qui est consacrée à la manifestation sur le site Internet de la Ville de Châtenay-Malabry ou cliquer sur ce lien, qui vous ouvrira le programme complet en pdf.

(1) Pour en savoir plus à ce sujet, reportez-vous à mes conférences. J'en donnerai une nouvelle à Paris, le mardi 31 mai 2011, à 19h15, à l'Entrepôt, 7/9 rue Francis de Pressensé, M° Pernety. Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles.

dimanche 22 mai 2011

Interview de Pipi Piazzolla dans Radar, la semaine dernière [Disques & Livres]

C'est au sujet de la sortie de ce disque Piazzolla plays Piazzolla que Daniel "Pipi" Piazzolla se retrouve dans les colonnes de Radar, le supplément culturel dominical de Página/12, qui est décidément l'un des quotidiens argentins les plus intéressants pour ce qui est de la culture (les articles sont développés comme dans aucun autre titre de la presse quotidienne).

Verbatim de cette interview passionnante, rapportée par Mariano del Mazzo :

“Sí, es una presión. Y una rotura de huevos. Desde el jardín de infantes que vengo hablando de mi abuelo. Ahora por lo menos hay una excusa artística.” En su casa de Coghlan, rodeado de mujer e hijos, Daniel “Pipi” Piazzolla habla con cierta resignación del estigma del apellido, tan poderoso que ni su pueril apodo logra neutralizar. El “caso Pipi” puede ser analizado desde lo musical o desde el diván psicoanalítico. Lo concreto es que esquivó el tango como pudo, se dedicó a la batería y, recién después de cinco discos con la banda de jazz Escalandrum y casi 20 años de trayectoria en diferentes grupos [...], puede dar una entrevista él solito como lo que es: un Piazzolla.
Página/12

"Pour une pression, c'est une pression. Et un casse-couilles aussi (1). Depuis le jardin d'enfants, je me farcis de parler de mon grand-père. Maintenant, au moins, il y a une excuse artistique". Chez lui, dans le quartier de Coghlan, entouré par sa femme et ses enfants, Daniel Pipi Piazzolla parle avec une certaine résignation du stigmate de son patronyme, si puissant que même son surnom d'enfant ne parvient pas à le neutraliser. Le cas Pipi peut être analysé du point de vue musical ou depuis le divan du psychanalyste (2). Ce qui est sûr, c'est qu'il a échappé au tango comme il a pu, qu'il s'est consacré à la batterie et que seulement au bout de 5 disques avec le groupe de jazz Escalandrum et presque 20 ans de trajectoire dans des groupes différents, il peut donner un interview, lui tout seul, comme ce qu'il est : un Piazzolla.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

[...]

“La cosa empezó cuando en un ensayo tocamos un tema de mi abuelo no muy conocido, ‘Lunfardo’. Lo terminamos, nos miramos y dijimos: ‘Guau, cómo sonó’. Y lo más importante: sin traicionar el estilo y el espíritu de la banda. Hay una parte que improvisamos, otra parte que no. La versión tiene un montón de capas... Conservamos nuestro sonido y al mismo tiempo respetamos el tema tal cual fue concebido. Lo complejo fue trasladar lo que hace el violín y el bandoneón a tres saxos. El tango es muy delicado: una melodía tanguera tocada con saxo en lugar de bandoneón suena grasa. Es horrible. Precisamente elegimos temas que no tengan esas cosas atacadas, duras, del fueye. ‘Lunfardo’ fue la semilla de este disco; era principios de 2008”
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Le truc a commencé quand, pendant une répétition, nous avons joué un morceau pas très connu de mon grand-père, Lunfardo. On a été jusqu'au bout, on s'est regardé et on a dit : "Waouh ! L'effet que ça donne !" Et le plus important : sans trahir le style et l'esprit du groupe. Il y avait une partie que nous avions improvisée, une autre non. Cette mouture a des tas de couches superposées... On garde notre sonorité et en même temps on respecte le morceau tel qu'il a été conçu. Le plus difficile, c'est de transposer ce que font le violon et le bandonéon pour trois saxos. Le tango, c'est très délicat : une mélodie de tango jouée au saxo au lieu du bandonéon, ça fait poseur. C'est horrible. Justement, on a choisi des morceaux qui ne comportent pas ces attaques, ces choses dures qu'il y a au bandonéon (3). Lunfardo a été le germe de ce disque. C'était au début 2008.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

[...]

Debe haber habido más de un conflicto con todo lo que representa el apellido, su peso...
–Es increíble, pero no. Incluso ellos quieren que yo cobre más, pero me niego. En una época no quería dar notas solo, pero eso se quebró. No pude sostenerlo. Lamentablemente los periodistas quieren entrevistas conmigo. Y la banda aprovecha: de pronto hay que ir a una radio a las dos de la mañana y... ¡tengo que ir yo! La última vez en Colombia llegamos a las seis de la mañana, a las ocho me metieron en un taxi y estuve dando notas hasta las seis de la tarde. Una locura, pero bueno... así se promocionan los shows y alguien lo tiene que hacer. Volviendo: lo que ocurre entre nosotros es mágico. Cero conflicto. Es que más allá del apellido, con el que seguramente conseguimos más trabajo, yo me quemo las pestañas estudiando y los chicos también. Hace ocho años que ensayamos todos juntos. Yo siempre traté de tener las cosas claras: quería estar al nivel familiar. Mi abuelo siempre me decía: “Estudiá, estudiá”. Mi viejo hipotecó la casa para que yo me fuera a estudiar a los Estados Unidos por un año.
Astor murió en 1992, Pipi es de 1972 y entre las enseñanzas de su padre Daniel –también músico, tocó en los ’70 en el Octeto Electrónico de Piazzolla– y la fama de su abuelo, se fue consumiendo su tierna infancia. “Los últimos tres años de Astor no se cuentan: tenía hemiplejia, no podía hablar. Pero hasta mis 17 construimos un lindo vínculo.”
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Il a dû y avoir plus d'un conflit [entre les musiciens de Escalandrum] avec tout ce que représente ton patronyme, son poids...
- C'est incroyable mais non. Et même eux veulent que je touche plus mais je refuse. A une époque, je ne voulais pas donner d'interview seul mais c'est passé. Je n'ai pas pu maintenir ça. C'est regrettable mais les journalistes veulent des interviews avec moi. Et le groupe en profite : d'un moment à l'autre, il faut aller à une station de radio à deux heures du matin... et c'est moi qui dois y aller, tout seul ! La dernière fois, en Colombie, on arrive à six heures du matin, à huit, on me fourre dans un taxi et je suis resté là à donner des interviews jusqu'à 6 heures de l'après-midi. Un truc de dingue mais bon... C'est comme ça qu'on fait la promotion de nos spectacles et il faut bien que quelqu'un le fasse. Pour en revenir à ce qu'on disait : ce qui se passe entre nous est magique. Aucun conflit. C'est qu'au-delà de mon patronyme, grâce auquel c'est sûr qu'on a plus de travail, je me tue au travail et les gars aussi. Cela fait huit ans que nous répétons tous ensemble. Moi, j'ai toujours essayé que les choses soient bien claires : je voulais être comme en famille. Mon grand-père me disait toujours : "Travaille, travaille" (4). Mon père (5) a hypothéqué la maison pour que je puisse aller faire un an d'études aux Etats-Unis.
Astor est mort en 1992. Pipi est né en 1972 et il a passé sa tendre enfance entre les leçons de son père Daniel -musicien lui aussi, il a joué dans les années 70 dans le Octeto Electrónico de Piazzolla- et la célébrité de son grand-père. Les trois dernières années d'Astor, on ne les compte pas : il était hémiplégique (6), il ne pouvait pas parler. Mais jusqu'à mes 17 ans, nous avons construit un lien sympa.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

¿Qué saltó en terapia?
–Uff... tanto... La búsqueda obsesiva de la perfección. Me ocurre cuando hago un café expreso como ahora o cuando Nico Guerschberg trae un tema que es una bossa nova y yo me paso toda la noche tratando de volverlo jazz argentino... Mi abuelo también buscaba la perfección, pero no porque en su familia hubiera alguien perfecto. El era así. En fin, no es fácil...
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Qu'est-ce qui est ressorti de la thérapie ?
- Ouf... tant de choses... La quête obsessive de la perfection. Cela me prend quand je fais un expresso comme maintenant ou quand Nico Guerschberg (7) apporte un morceau de bossa nova et que toute la nuit, je me tape de le transformer en jazz argentin... Mon grand-père aussi cherchait la perfection, mais pas parce que dans sa famille, il y avait eu quelqu'un de parfait (8). C'était lui qui était comme ça. Bref, c'est pas facile...
(Traduction Denise Anne Clavilier)

¿Qué cosa no es fácil?
–Nada. Es bravo: me siento a tocar la batería y hay diez tipos que miran qué carajo voy a hacer. Yo lo sé, siempre fue así, convivo con eso. Es una presencia, una observación permanente. Después te bajás y te encaran: “Yo era amigo de tu abuelo”. ¡Siempre hay un amigo de mi abuelo! (risas). Toco 250 veces por año, te imaginás...
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Qu'est-ce qui n'est pas facile ?
- Tout. C'est vache : je m'asseois pour jouer de la batterie et il y a 10 types qui regardent quelle bourde je vais faire (9). Je le sais, ça a toujours été comme ça, je cohabite avec ça. C'est une présence, un regard qui m'observe en permanence. Après tu te lèves et les yeux dans les yeux : moi, j'étais un ami de ton grand-père. Il faut toujours qu'il y ait un ami de mon grand-père (rires). Je joue 250 fois par an, tu t'imagines... (10)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Vos sos el nieto de Astor, pero Daniel es el padre de Pipi... Claramente superaste musicalmente a tu viejo.
–Sí, él mismo lo dice. Lo que pasa es que mi papá no se dedicó más a la música. Pero no me olvido de que yo estoy en esto gracias a él... El me alentó, me dio guita. Un capo. Y mi abuelo también: tocaba el timbre y le gritaba a mi viejo: “Bajame a Danielito”. Y me llevaba a los conciertos, a los ensayos, al camarín... Estuve por ejemplo en el Colón, en el famoso concierto de 1983. La relación entre mi abuelo y mi padre fue muy profunda. Además de haber tocado con él, mi papá fue un gran apoyo. Astor se separó varias veces, tuvo muchos lapsos de soledad... Era capaz de pagarle un pasaje a mi papá a Milán porque no quería estar solo. Eran muy culo y calzón.
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Toi, tu es le petit-fils de Astor, mais Daniel est le père de Pipi... De toute évidence, tu as surpassé musicalement ton père.
- Oui, il le dit lui-même. Le fait est que mon père (11) ne fait plus de musique maintenant. Mais je n'oublie pas que moi je suis dedans grâce à lui... Il m'a encouragé, il m'a donné des sous. C'est quelqu'un. Et mon grand-père aussi. Il sonnait à la porte de la maison et il criait à mon père : Amène-moi Daniel en bas. Et il m'emmenait à ses concerts, à ses répétitions, dans sa loge.. Par exemple, j'étais au Teatro Colón, pour ce fameux concert de 1983 (12). La relation entre mon grand-père et mon père était très profonde. En plus d'avoir joué avec lui, mon père l'a beaucoup soutenu. Astor a connu de nombreuses ruptures sentimentales, il a eu beaucoup d'intervalles de solitude... Il était capable de payer un billet d'avion à mon père pour Milan parce qu'il ne voulait pas rester seul (13). Ils étaient comme cul et chemise.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pipi Piazzolla raconte alors ses premiers pas en musique et de premières études de piano.

¿Cómo llegaste a la batería?
–Por la hinchada de River... Nosotros vivíamos sobre Libertador, cerca de la cancha. Yo soy fanático, de local voy siempre. Bueno, la cosa es que la primera vez que fui a la cancha vi esos bombos, esos platillos... ¿viste cuando entran Los Borrachos del Tablón? Esos bombos, ese sonido, me llevaron a la percusión. Siempre me interesó y me movilizó lo popular. Un día fui a ver un recital de Rod Stewart y en el solo de batería me di cuenta de que estaban todos los elementos de la hinchada de River. Me saltó la ficha. Mirá que yo había visto de al lado tocar al Zurdo Roizner en los conciertos de mi abuelo... Pero me atacó por ahí. Dije: “Basta de piano, yo quiero eso”. Empecé a estudiar con un tipo muy grosso, Rolando “Oso” Picardi. Iba tres veces por semana. Yo pintaba para batero de rock, me gustaba Pink Floyd, The Police... pero el Oso me dio para escuchar Four & More, el disco en vivo de Miles Davis de 1964. Y me partió la cabeza. Tony Williams estaba sacado ese día. Ahí me metí de lleno en el jazz. Estaba juntando la guita para comprarme la batería, pero no llegaba más. Al final me la regaló mi abuelo.
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Comment es-tu venu à la batterie ?
- Par le club des supporters de River... (14). J'ai pété les plombs. Imagine-toi que depuis les coulisses j'avais vu jouer Roizner le Gaucher au cours des concerts de mon grand-père... Mais ça m'a pris là-bas. J'ai dit : "Marre du piano, c'est ça que je veux". J'ai commencé à travailler avec un type qui était un géant, Rolando Oso Picardi. J'y allais trois fois par semaine. Je me voyais batteur de rock, j'aimais les Pink Floyd, The Police... mais el Oso [l'ours] m'a fait écouter Four & More, le disque enregistré en public de Miles Davis en 1964. Et ça m'a emporté la tête. Tony Williams n'était pas de la partie ce jour-là. Là, je me suis fourré à plein dans le jazz. Je mettais de côté des sous pour m'acheter une batterie mais je n'y arrivais pas. Pour finir, c'est mon grand-père qui me l'a offerte.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

¿Para vos existe el “nuevo jazz argentino”?
–Por supuesto. Un turista que viene a Buenos Aires no compra un disco de Miles Davis... porque es absurdo. Compra un disco nuestro y nos va a ver a nosotros o a otros grupos de acá. Es así. Aquí se compone, se cita al folklore, al rock... qué sé yo, me parece tan obvio. Creo que finalmente hay músicos que les da vergüenza ser argentinos. Un jazz compuesto por argentinos, que no tiene el groove típico de jazz de los Estados Unidos, ¿qué es? Algunos sectores lo discuten... Son los que también piensan que el jazz latino es una mierda. Andá, sentate a tocarlo. En fin, hay tipos que leen muchos libros, que son muy intelectuales... A mí me interesa lo que piensan, no sé, Guillermo Klein, Richard Nant, Juan Cruz de Urquiza.
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D'après toi, ça existe le nouveau jazz argentin ?
- Bien sûr. Un touriste qui vient à Buenos Aries n'achète pas un disque de Miles Davis... parce que c'est absurde. Il achète un disque à nous et il vient nous voir nous ou à d'autres groupes d'ici. C'est comme ça. Ici, on compose, on fait référence au folklore, au rock et tout ce que tu veux. Cela me paraît tellement évident. Je crois que en définitive, il y a des musiciens qui ont honte d'être argentins. Un jazz composé par des Argentins, qui n'a pas le groove typique du jazz des Etats-Unis, c'est quoi ? Il y a des endroits où on conteste ça... Ce sont aussi les mêmes qui pensent que le jazz latino c'est nul. Essaye donc, tiens, assieds-toi et joue. Et puis, il y a des types qui lisent beaucoup, qui sont très intellectuels... Moi ça m'intéresse, ce qu'ils pensent, tu vois, Guillermo Klein, Richard Nant, Juan Cruz de Urquiza.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Después de “Lunfardo”, ¿cómo completaron el disco?
–Por votación: cada uno eligió sus quince temas preferidos de mi abuelo. Y quedó un mix entre temas no muy conocidos como “Vayamos al diablo” y clásicos como “Adiós, Nonino” y “Libertango”. Quedaron muchos afuera. A mí me hubiera gustado hacer “Fracanapa”, “La Camorra I”, “Decarísimo”.

¿Pensás en un Piazzolla plays Piazzolla II?
–No. De hecho ya estamos empezando a componer para nuestro noveno disco y va a ser con temas propios, tal vez un poco más urbanos. Vamos a ver. Escalandrum es un grupo de jazz. Yo escucho a Davis, a Shorter, a Mehldau... no escucho Troilo. Lo de mi abuelo lo tomo como una excepción. Aunque lo de él fue distinto.

A Astor Piazzolla sí lo escuchás...
–Sí.

¿Todavía?
–Sí. En el auto siempre llevo dos CDs de él.

¿Y qué te pasa cuando lo escuchás?
–¿La verdad? Se me pone la piel de gallina.
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En plus de Lunfardo, comment avez-vous complété le disque ?
- On a voté. Chacun a choisi ses 15 morceaux préférés de mon grand-père. Et il en est résulté un mix parmi des morceaux pas très connus comme Vayamos al diablo et des clasiques comme Adiós Nonino (15) et Libertango. Il y en a beaucoup qui sont restés au vestiaire. Moi, j'aurais aimé jouer Fracanapa, La Camorra I, Decarísimo.

Tu penses faire un Piazzolla plays Piazzolla 2 ?
- Non. En fait, on est en train de commencer à composer pour notre neuvième disque et ce sera un disque de morceaux originaux, peut-être un peu plus urbains. On va voir. Escalandrum est un groupe de jazz. Moi, j'écoute Davis, Shorter, Mehldau... Je n'écoute pas Troilo. La musique de mon grand-père, je la prends à titre d'exception. Encore que la sienne était autre chose.

Astor Piazzolla, lui, tu l'écoutes ?
- Oui.

Maintenant encore ?
- Oui. En voiture, j'ai toujours deux CD de lui.

Et qu'est-ce qu'il se passe quand tu l'écoutes ?
- Tu veux que je te dise ? Çe me donne la chair de poule.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Escalandrum présentera officiellement son nouveau disque, Piazzolla plays Piazzolla, le 15 juin prochain, au Gran Rex, sur Avenida Corrientes, à quelques pas de l'Obélisque, avec comme invité le saxophoniste cubain Paquito D'Rivera pour 7 morceaux et la chanteuse Susana Rinaldi, pour une chanson (qui pourrait bien être Oblivión ou Libertango, mais je n'ai pas d'information privilégiée, c'est juste un jeu de devinette en fonction du contenu du disque).

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 in extenso
Se reporter à mon article de présentation du disque paru dans Barrio de Tango le 4 mai 2011.

(1) Le parler populaire argentin est beaucoup plus gaillard que le nôtre. En français, une telle expression sonne tout à fait vulgaire. Sans être particulièrement élégante ni susceptible de bien passer dans les dîners en ville, dans la bouche de Pipi Piazzolla, elle n'a pourtant rien de vulgaire. Mais elle est bien plébéienne !
(2) Un peu plus bas, le journaliste rappelle que l'artiste a fait une véritable analyse à trois séances la semaine pendant 5 ans, jusqu'en 2008.
(3) ici, Piazzolla n'emploie pas le terme courant de bandoneón, mais la synecdoque (la partie pour le tout) ultra-familière à Buenos Aires qui le désigne : fueye (soufflet).
(4) En fait le verbe utilisé ici est estudiar (étudier, au sens du musicien qui se pose toujours en posture d'apprentissage). En français, pour cela, on utilise le verbe travailler, ce qui est ambigu parce qu'on peut l'entendre dans l'acception économique. Ce qui n'est pas le cas ici.
(5) Je traduis ici mon père pour une expression intraduisible et typiquement portègne, mi viejo. L'argot mon vieux correspond littéralement mais n'a rien à voir avec la couleur familière, affectueuse et respecteuse du mot à Buenos Aires. C'est le caractère respectueux qui fait le plus défaut dans l'expression argotique. Le père dont il parle ici est Daniel Piazzolla, né en 1944, le fils que Astor Piazzolla a eu avec sa première femme, dont il a divorcé assez tôt. Daniel Piazzolla s'est essayé lui-même comme compositeur et arrangeur de tango mais le personnalité artistique de son père l'a totalement écrasé. Il est le compositeur d'un hommage que Horacio Ferrer a écrit en 1994, deux ans après la mort de Piazzolla, Mi viejo Piazzolla, dont le titre est en soi un jeu de mot (mi viejo est à comprendre de deux façons différentes selon qu'on le met dans la bouche du poète, auquel cas il s'agit d'un bon vieux pote, ou dans la bouche du compositeur, auquel cas il s'agit de "mon père", presque de "Papa"). J'ai traduit Mi viejo Piazzolla dans un cahier consacré à Ferrer paru aux éditions Tarabuste, dans le n° 20 de la revue Triages, et je me souviens que Horacio Ferrer, pour les 75 ans duquel c'était une forme de cadeau, a été touché que j'aie pu penser à inclure ce texte, qui lui est visiblement cher.
(6) Astor Piazzolla a fait un AVC en 1990, après plusieurs alertes cardiaques depuis les années 70.
(7) Nicolás Guerschberg est le pianiste du groupe Escalandrum.
(8) Si on en croit néanmoins Diana Piazzolla, la fille de Piazzolla, donc la tante du musicien dont nous lisons l'interview, Astor Piazzolla avait néanmoins subi pendant toute son enfance la tyrannie des ambitions que son père avait pour et sur lui, son père qui voulait faire de son fiston le plus grand bandonéoniste qui ait jamais foulé le sol de la planète. Et qui s'est vu exaucé. Non sans que le fiston en question ait beaucoup regimbé jusqu'à ses 16 ans, jusqu'à ce déclic grâce à un passage à la radio du violoniste Vardaro qui réconcilie l'adolescent turbulent et velléitaire avec le tango adoré par ses parents. Lire à ce propos Astor, par Diana Piazzolla, traduit en français par Françoise Thanas aux Editions Atlantica, Anglet, 2002, ou en version originale, chez Corregidor, Buenos Aires, 2005 (l'ouvrage a connu une 1ère édition en 1987, l'édition de 2005 est celle augmentée à l'occasion de la parution en France, après la disparition de Piazzolla). Diana est elle-même décédée en juillet 2009 (voir mon article du 19 juillet 2009, publié ce matin-là, après que j'avais appris la nouvelle en consultant ma messagerie. Le soir même, c'est ma grand-mère qui s'en allait à son tour, à près de 101 ans. Ce jour-là, c'était le premier anniversaire de ce blog...)
(9) carajo : le vocabulaire est plus proche de connerie que de bourde. Mais là encore, il y a dans l'expression française un degré de vulgarité qui n'existe pas dans l'expression argentine, même si le terme appartient à l'origine au vocabulaire désignant les parties génitales, ce qui ne l'apparente donc pas au registre distingué du langage admis dans les salons bien fréquentés (ici, celles de l'homme et non pas de la femme).
(10) Bien entendu, il ne s'agit pas d'amis véritables mais de gens qui tâchent de se donner de l'importance. Mutatis mutandis, j'ai moi-même connu ça à Buenos Aires avec des gens qui m'approchaient en me faisant croire qu'ils avaient intimement connu un tel ou un autre tel. C'est déjà assez difficilement supportable quand c'est rare, alors j'imagine ce que ça peut être lorsque ça se produit tous les soirs où vous êtes avec le public. D'autant que ces gens n'ont bien entendu rien d'intéressant à dire sur la personnalité dont ils ont paraît-il été l'intime. Alors aller faire ça à un membre de la famille... On comprend qu'il ait eu besoin d'une cure analytique de 5 ans...
(11) Impossible de traduire littéralement. En français, "mon papa", c'est une expression réservée au fils de Sarkozy quand il avait 6 ans. Rien d'infantile dans l'expression de Pipi Piazzolla, alors que la même expression, mi papá, ferait un brin nunuche dans la bouche d'un adulte en Espagne. En Argentine, non. C'est une manière tout à fait ordinaire de s'exprimer, très adulte, très affectueuse et très respectueuse.
(12) Ce concert a donné lieu à l'édition d'un disque, actuellement en réapprovisionnement sur la boutique en ligne de Zivals (Tangostore, à trouver en lien dans la Colonne de droite) mais sans doute disponible dans des éditions européennes chez de nombreux disquaires par chez nous. De nombreux grands du tango ont eu leur soirée de consécration au Teatro Colón, qui est l'opéra de Buenos Aires, et qui se porte si mal en ce moment : Osvaldo Pugliese, Aníbal Troilo, Leopoldo Federico, Horacio Salgan, la Gran Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires, El Cafe de los Maestros...
(13) Après sa rupture avec Amelita Baltar, en 1975, alors que l'Argentine basculait peu à peu dans ce qui allait bientôt être une véritable dictature, Astor Piazzolla est allé s'installer à Milan et de là, il a rayonné dans le monde entier.
(14) L'équipe de River Plate (Río de la Plata en anglais) est l'équipe résidente du quartier plutôt huppé de Palermo. Le stade, le stade monumental, qui abrita la finale de la coupe du monde 1978, se situe à l'extrêmité ouest de Avenida del Libertador, une énorme avenue, d'une dizaine de couloirs dans les deux sens, bordée d'immeubles cosus qui font face au Parque del 3 de Febrero. Horacio Ferrer y fait une allusion mordante dans Don Quijote del Arrabal (Don Quichotte de la Zone ou des Faubourgs), une transposition dans la mythologie urbaine que le tango a créé à Buenos Aires du roman de Cervantes. Je l'ai présenté et traduit dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, Tarabuste Editions, revue Triages supplément 2010, janvier 2011.
(15) Adiós Nonino est le morceau que Astor Piazzolla a composé à la mort de son père. Nono, c'est le nom affectueux que les Italiens donnent à leur grand-père. Et le père de Piazzolla était un fils d'immigrants napolitains. Il avait donc reçu ce surnom sans doute à la naissance de Diana. L'article où apparaît cette interview de son petit-fils s'intitule Hola Nonino (Salut Pépé !)