jeudi 27 octobre 2011

"L'Ange blond de la Mort" & Cie condamnés à perpétuité [Actu]


Le procès dit de l'ESMA vient de prendre fin à Comodoro Py, dans la banlieue de Buenos Aires, et pour une fois, voilà qu'il intéresse les médias français. Pourquoi ? Parce que parmi les 86 victimes pour lesquelles s'est tenu ce procès, ces 22 mois d'audience, avec ces 250 témoins qui ont défilé à la barre, il y avait deux religieuses... françaises.

Douze des 18 accusés, dont l'ex-capitaine de marine Astiz, qu'on avait surnommé à la fin des années 70 "l'Ange blond de la Mort" et qui est le seul à retenir l'attention des médias français dans toute cette bande d'affreux, ont été condamnés à perpétuité pour "privation illégale de liberté, tortures aggravées et homicides".


Deux autres accusés ont été condamnés à 25 ans de prison, un à 20 ans et le dernier à 18 ans. Il y a également eu deux relaxations pour le chef de crime contre l'humanité sur lequel ils étaient poursuivis mais les deux hommes restent en prison, pour des peines qu'ils purgent pour d'autres crimes dont ils ont été déclarés coupables précédemment.

Parmi les condamnés à perpétuité, il y a aussi l'assassin de l'écrivain et journaliste Raúl Walsh, une très grande figure d'intellectuel et de militant des droits de l'homme en Argentine, qui fait partie de ces 30 000 disparus de la Dictature.

A l'énoncé du verdict, il y a eu, comme c'est toujours le cas en Argentine, des manifestations de joie à l'intérieur de la salle d'audience comme à l'extérieur, de la part des militants des droits de l'homme qui se bataillent depuis 30 ans en Argentine pour que ces procès aient lieu.

C'était le premier procès intenté à des bourreaux du centre de détention et de torture clandestin que fut l'ESMA, l'Ecole Supérieure de Mécanique de la Marine (Armada), qui accueille aujourd'hui, dans le nord du quartier de Palermo, trois centres culturels, dont ECuNHi, le centre fondé par l'ONG Madres de Plaza de Mayo (les Mères de la Place de Mai).


Curieusement, en ces lendemains de triomphe électoral kirchneriste, tous les quotidiens, de quelque bord qu'ils soient, mettent ce verdict à leur une. En général, Página/12 y consace toute sa une, Clarín et La Nación se contentent d'une demie-une ou d'une simple manchette, et La Prensa ne l'évoque parfois même pas sur sa première page. Est-ce le signe que les verdicts de ces procès feraient vendre ? Auquel cas, cela sera vraiment un signe d'approfondissement de la conscience démocratique en Argentine, comme les élections primaires puis présidentielles et législatives viennent d'en donner une nouvelle preuve...

Comme vous le constaterez aussi en comparant les quatre unes de ce matin, tous les journaux ouvrent avec deux infos, ce verdict et l'anniversaire de la disparition de l'ancien président Néstor Kirchner.

Car ce verdict, très attendu, intervient à la veille de cet anniversaire, alors qu'on transfère aujourd'hui, lors d'une cérémonie intime, les restes de l'ancien président, du caveau familial du cimetière de Río Gallegos (Province patagonienne de Santa Cruz) à un mausolée qui lui sera consacré, au coeur de ce même cimetière. Or c'est Néstor Kirchner qui relança le processus judiciaire contre les criminels de la dictature, un processus interrompu par réalisme politique quelques années après le retour de la démocratie parce qu'il fallait bien que l'administration du pays puisse reprendre le cours de son activité. Néstor Kirchner, auquel même Mauricio Macri, l'un de ses plus tenaces adversaires politiques, rend hommage du bout des lèvres, mais tout de même, dans les colonnes de La Prensa.


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