mercredi 9 novembre 2011

Après le Mexique, levée de boucliers uruguayens contre le "petit Nicolas" [Actu]

Il n'y a pas de doute, il sait y faire pour nous rendre odieux aux autres peuples !

Dans sa croisade contre les paradis fiscaux, croisade dont les Français, pour la grande majorité d'entre eux, n'est pas dupe le moins du monde, Nicolas Sarkozy a profité du G20, vendredi dernier, pour envoyer quelques exocets de sa fabrication contre l'Uruguay, désigné comme l'un de ces lieux où l'argent serait roi à son plus grand dégoût moral.

Son homologue uruguayen, José Mujica, a immédiatement envoyé un message à l'Elysée pour demander des explications sur des propos qui remplissent de fureur le personnel politique et la presse uruguayenne depuis lundi matin, un scandale politique qu'ignore totalement le peuple français, que "Sarko" cherchait pourtant à flatter avec cette sortie peu diplomatique, surtout en présence des deux voisins de l'Uruguay, l'Argentine et le Brésil, qui n'ont guère apprécié mais n'ont pas non plus eu la parole médiatique pour dire quoi que ce soit... Vous pensez ! A Cannes, quand Sarkozy fait des pieds et des mains pour passer en interview à la télé française avec "son ami" Barack Obama en prime-time...

Dès lundi, l'Uruguay a rappelé son ambassadeur et le diplomate restera à Montevideo jusque la France ait apporté une explication satisfaisante à la Présidence ou au Ministère des Affaires étrangères. Pour le moment, Sarkozy se contente de dire qu'il n'a fait que citer l'Uruguay parmi les paradis fiscaux qu'il faut éliminer parce que ce pays figure sur la liste dressé par le Forum Fiscal Mondial (c'est comme ça qu'on fait des relations internationales, sur la Croisette) et que ses déclarations n'étaient pas dirigées contre un pays en particulier. Ben voyons !

En plaisantant à demi (mais à demi seulement), Pepe Mujica, débonnaire Chef d'Etat qui connut les prisons de la Dictature, a précisé hier que son pays n'allait pas déclarer la guerre à la France mais préférait resserrer ses liens avec ses voisins pour présenter un front uni face à l'Europe, dont l'impérialisme est durement ressenti en Amérique du Sud à chaque comportement de ce genre de la part de nos dirigeants. Une allusion claire aux propos récents de son prédécesseur, qui avait confié, le mois dernier, au scandale de tout le pays, qu'il avait envisagé la guerre contre l'Argentine pour défendre une usine à papier sur les rives de l'Uruguay (voir mon article du 16 octobre 2011 à ce propos).

Les propos de Nicolas Sarkozy sont d'autant plus offensants pour l'Uruguay que le pays est en pleine réforme de ses systèmes financiers pour se défaire peu à peu, en veillant à ne pas nuire à son évolution économique (1), de pratiques qui favorisent l'évasion fiscale des ressortissants des pays voisins (comme je l'exposais dans un article du 27 octobre dernier). Hier, le Sénat a même approuvé un nouvel accord fiscal avec... l'Allemagne. Et il faut rappeler que la fraude fiscale en Amérique latine se pratique avant tout par impunité du non-paiement des impôts, faute de moyens de contrôle par l'Etat, une tradition de très longue date dans ces pays dont les trésors publics souffrent, paradis fiscal à proximité ou non ! Il est possible que des fonds européens aillent se réfugier en Uruguay, mais il semblerait que d'autres destinations aient nettement plus leur faveur, et de celles qui ne sont pas toujours gouvernés par des démocrates s'efforçant à mette en place une plus juste répartition de la richesse entre tous les habitants...

Pour aller plus loin :
lire l'article de La República d'aujourd'hui (voir dans les archives de ce quotidien pour découvrir l'ampleur et la gravité de la bronca que ces propos ont soulevée en Uruguay)
lire l'article de La República sur le vote du Sénat de l'accord fiscal avec l'Allemagne

(1) Comme l'a dit hier Pepe Mujica à l'opposition, pour lui rappeler ses responsabilités civiques et condamner sa guéguerre systématique et de mauvaise foi contre le gouvernement, "c'est le pain de beaucoup de gens qui est en jeu".