mardi 27 mars 2012

La Guerre des Malouines et l'humour (grinçant) de Miguel Rep [Actu]

La Guerre des Malouines a commencé il y a bientôt 30 ans. Elle allait sonner le glas de la dictature militaire, qui céda le pas à la démocratie en décembre 1983.

Les Malouines (Malvinas pour les Argentins, donc comme pour les Français qui les ont découvertes, et Falklands pour les Britanniques, qui ne font jamais rien comme tout le monde, c'est bien connu) sont un petit archipel d'îles, perdu au fin fond de l'Atlantique Sud, à quelques centaines de kilomètres de la côte patagonienne argentine. Une terre à moutons dont la laine, abondante, est très renommée... et surtout un verrou géostratégique sur les terres invisibles du 6ème continent, l'Antarctique et ses alléchantes réserves d'hydrocarbures... Dans le premier quart du 19ème siècle, qui vit l'Argentine accéder à l'indépendance (on le sait que c'est le Bicentenaire depuis deux ans !), ces îles lui appartenaient. Jusqu'à ce que les Britanniques envoient un corps expéditionnaire en prendre possession, contre une jeune nation qui n'avait guère l'équipement militaire pour faire face à la surpuissante Royal Navy. Par la suite, le droit international ayant été concocté par les grandes puissances mondiales, c'est-à-dire à la veille de la Première Guerre Mondiale le Royaume-Uni et la France rejointe par les Etats-Unis en décembre 1918, les réclamations argentines furent systématiquement traitées par le mépris, tant par la Société des Nations (SDN) que par l'ONU, l'Argentine n'ayant pris part à aucun des conflits mondiaux dont les vainqueurs, les deux fois, s'arrogèrent le droit de faire la police sur la planète (avec un succès contestable et contesté).

Sous la Dictature, une poignée de généraux crétins crut qu'il suffirait de remettre la main sur ces îles pour assurer une popularité à toute épreuve à leur régime de bourreaux et que la Dame de Fer, alliée de leur allié Ronald Reagan, laisserait faire, puisqu'aussi bien elle négociait alors le retour de Hong-Kong à la République populaire de Chine.

C'est ainsi que le 28 mars 1982, le navire amiral argentin quitta la côte continentale pour gagner les Malvines et en prendre possession au nom de la République Argentine, à la grande frayeur des braves citoyens britanniques, agriculteurs et éleveurs dans leur grande majorité, pas vraiment ravis de passer du jour au lendemain sous la coupe de la Junte de Buenos Aires (et on les comprend). Le 2 avril, Margaret Thatcher déclarait la guerre et envoyait une invraisemblable armada avec un prince de sang royal comme pilote d'un des hélicoptères de combat et des discours à la télévision où elle imitait Winston Churchill. Elle était ridicule mais elle n'en était pas moins terrifiante, dans cette virilité de mauvais aloi en permanente blonde.

Aux Malvines, un calvaire atroce allait commencer pour les troufions argentins, pauvres petits gars qui avaient la malchance d'effectuer à ce moment-là leur service militaire, souvent des natifs des provinces les plus septentrionales qui n'avaient jamais connu de températures en-dessous de 30° et qui subirent, avec leur tenue réglementaire d'hiver à Corrientes ou à Salta et leur fusil à deux coups sans munition, l'épouvantable froid de la mauvaise saison aux abords du cercle polaire sous les tirs de missiles britanniques.

Miguel Rep rappelle le triste sort de ces jeunes gens à la une de Página/12 aujourd'hui.


Il y a 30 ans.
A Corrientes, Arsenio est ravi
A Parque Chacabuco, Germán est ravi
A San Rafaél, Pablo est ravi
A Bahía Blanca, Juanito est ravi.
Demain 28 mars 1982, c'est la quille !
(traduction Denise Anne Clavilier)

Il a longtemps été habituel de croiser Arsenio, Germán, Pablo et Juanito faisant le pied de grue sous des banderoles revendicatives sur Plaza de Mayo pour réclamer le paiement des pensions et autres indemnités que la République argentine leur devait pour leur jeunesse gâchée à la guerre. La politique du gouvernement actuel a commencé à y mettre bon ordre et on entend un peu moins parler de leur mécontement. Pourtant le 27 mars 1982, c'est sûr qu'ils devaient être ravis...