mardi 31 juillet 2012

L'humour vache continue avec Atahualpa Yupanqui [Actu]

L'autre jour, je vous racontais le méchant gros titre où Página/12 utilisait un vers de Litto Nebbia pour se payer la tête du président sortant de la Sociedad Rural, Hugo Biolcati, qui veut désormais se consacrer à la politique.

C'est le dessinateur Daniel Paz et son compère Rudy qui en rajoutaient une couche ce matin avec ce dessin, lui aussi très drôle, qui s'appuie cette fois-ci sur une chanson, extrêmement connue là encore, de Atahualpa Yupanqui, El arriero (le bouvier), qui se lamente en menant le bétail :

Las penas y las vaquitas, (1)
Se van por la misma senda,
Las penas son de nosotros,
Las vaquitas son ajenas.
El arriero, Atahualpa Yupanqui

Les chagrins et les vaches
suivent le même sentier
Nous nous avons les chagrins
D'autres ont les vaches.
(Traduction Denise Anne Clavilier)



Et dans le dessin de Daniel Paz, où Biolcati est plus barbu que nature, Rudy inverse les termes : "Nous nous avons les vaches, d'autres ont les petits chagrins". Derrière les deux observateurs commentent : Biolcati a déjà son jingle de campagne électorale. (2)

Quel prouesse dans l'art de la caricature politique !

(1) Comme les Espagnols, les Argentins ont l'habitude d'utiliser beaucoup les diminutifs. Ici, vacas devient vaquitas.
(2) C'est une coutume en Argentine que chaque candidat ait son refrain ou sa chanson pendant la campagne électorale. Une pratique courante en Espagne aussi.

dimanche 29 juillet 2012

Une citation de rock cette fois-ci [Actu]


D'ordinaire, dans les gros titres de Página/12, je vous commente des citations de tango. Cette fois-ci, à l'occasion de la clôture du salon de l'agriculture de Buenos Aires, où Hugo Biolcati le très droitier président de la Sociedad Rural (on n'en attend pas moins de lui) a annoncé son retrait de ses fonctions de représentation du secteur patronal (1) pour entamer une carrière politique, où l'on se doute qu'il va souvent croiser le fer avec la présidente, le quotidien de gauche, qui soutient cette dernière, a choisi la plus célèbre chanson de Litto Nebbia pour tailler un costard au plus emblématique de ses adversaires politiques.

L'article est très drôle, mais c'est, si vous me passez l'expression, de l'humour vache, façon Guy Bedos dans sa revue de presse, cet exercice de décapage politique qui va tant nous manquer maintenant que Bedos a décidé de quitter la scène....

La phrase adultérée, con mi vaca yo me iré a naufragar (avec ma vache (2), moi, j'irai faire naufrage) (3), vient de La Balsa (le radeau), le premier rock à texte jamais écrit en langue espagnole. C'était en 1967 quand l'auteur-compositeur-interprète Litto Nebbia (4) voulait croire, et l'avenir lui a donné raison, que l'Argentine et les Argentins avaient tout à gagner à ne pas se laisser aller au fatalisme et à la résignation, en baissant la tête sous l'impérialisme de l'Oncle Sam qui détruisait les instruments de leur développement économique et culturel, guerre froide oblige.

La Balsa, qu'aujourd'hui encore, plus de quarante ans après sa création, Litto Nebbia ne peut jamais ne pas la chanter lorsqu'il est sur scène, sinon c'est l'émeute. C'est pourquoi je l'ai traduite dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, une anthologie bilingue que j'ai publiée en janvier 2011 chez Tarabuste Editions. Je vous laisse aller y découvrir tout le sel du formidable fromage qu'en fait Página/12. Et d'ici là, régalez-vous en dégustant la une que je vous mets en illustration. C'est drôle mais c'est vraiment méchant.

Pour aller plus loin :

(1) La Sociedad Rural est la principale, la plus puissante et la plus ancienne organisation patronale de propriétaires agricoles.
(2) En Argentine, pour parler en général des bovins, on ne parle pas de boeufs mais de vaches.
(3) Phrase originale : con mi balsa me iré a naufragar. Tout le monde sait chanter ça à tue-tête en Argentine et dans plusieurs pays d'Amérique Latine ! La phrase est associée à une série d'échecs politiques énumérés par Biolcati pendant son discours, tandis que dans la salle, il n'y avait qu'un seul leader de la droite qui lui avait fait la courtoisie de venir l'écouter (ce qui présage en effet assez mal de son intégration dans le personnel politique argentin), Mauricio Macri, le Chef du Gouvernement Portègne, en pleine bagarre avec le Gouvernement national qu'il veut obliger à prendre en charge des frais de fonctionnement qui reviennent légalement à la Ville (l'éclairage des monuments la nuit et la gestion du métro).
(4) Vous le connaissez bien parce que je vous en parle assez souvent et les lecteurs de l'anthologie homonyme à ce blog l'apprécient beaucoup puisqu'il est le producteur (et l'un des artistes) du disque qui accompagne mon livre (Barrio de Tango, Editions du Jasmin).

Taquetepa à Paris cette semaine [ici]


Le trio Taquetepa bien connu des lecteurs réguliers de Barrio de Tango sera prochainement de retour dans la capitale française.

Le mardi 31 juillet à 18h, ils se produiront à Bercy Village, Cour Saint-Emilion (métro homonyme sur la ligne 14). Gratuit.

Et le vendredi 3 août, à 20h et à 22h, avec deux invités, au Satellit Café, 44 rue de la Folie Mericourt, Paris 11, M° St-Ambroise ou Oberkampf. Entrée : 10 et 12 €.

Le chocolat arrive à Buenos Aires sur la pointe des Alpes [Actu]

S'il y a une chose qui manque à Buenos Aires, côté gastronomie, c'est bien le bon chocolat. Le chocolat industriel que l'on trouve dans les supermarchés est ignoble au palais de ressortissants de pays à forte tradition chocolatière comme la Belgique, la Suisse, la France et l'Espagne. Et le chocolat artisanal n'existe pratiquement pas. On le trouve en revanche à San Carlos de Bariloche, la célèbre station de ski des Andes Patagoniennes, qui en a fait une spécialité et une attraction touristique si marquante que l'article de Página/12 ne cite comme pays du chocolat que la Suisse. Entre montagnards, on se reconnaît !

La bonne nouvelle, apportée donc en cette édition dominicale et hivernale du quotidien argentin, c'est que des artisans chocolatiers ont fait leur apparition dans la capitale où ils commencent à ouvrir des boutiques de luxe. Le tout grâce à un nouvel immigrant, un maître chocolatier helvète venu développer son art dans l'hémisphère sud comme un beau jour des années 1860, un vigneron de Pau apporta dans ces parages un cépage qui allait devenir l'emblème oenologique argentin, le malbec. Et d'ailleurs la journaliste fait elle-même le lien entre l'art de déguster et de valoriser les deux produits, qui sont parmi les plus élaborés des produits gastronomiques...

Pour aller plus loin :

jeudi 26 juillet 2012

Aujourd'hui, 60 ans après la mort d'Evita [Actu]


En fond, le panneau indicateur de la carte annonce "Junín", la ville et la région dont était originaire Evita avant son arrivée à Buenos Aires comme actrice.
La légende dit :
Elle attend sur le quai. Elle vient de consulter la voyante, qui lui a prédit :
Tu n'iras jamais en prison (1)
tu ne seras pas une grande actrice
tu n'auras pas d'enfant
un tremblement changera ta vie (2)
tu voyageras beaucoup, même après ta mort (3)
María Eva regrette d'avoir dépensé ces sous pour de telles bêtises. Quelle idiote, dit-elle. Elle prendra le train (4).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Tous les journaux en parlent, bien que le personnage en dégoûte plus d'un dans les oligopoles médiatiques.
La fracture politique du paysage journalistique argentin se voit aujourd'hui comme le nez au milieu de la figure. Página/12 fait un cahier d'éditoriaux militants, composés par des hommes politiques et des historiens de l'école révisionniste (5). Clarín et La Nación ont préféré publier des albums d'images, sans légende ou légendées a minima. S'ajoute à cela l'annonce officielle, faite par la présidente, de l'émission prochaine, d'ici deux semaines, d'un nouveau billet de 100 pesos à l'effigie d'Evita, nouveau billet qui va peu à peu remplacer celui qui a cours actuellement, à l'effigie de Julio Argentino Roca, premier président de la Generación del Ochenta (génération au pouvoir entre 1880 et 1916, longue période de corruption sans limite) et grand massacreur d'Indiens devant l'Eternel, un épisode sanglant et raciste que l'histoire officielle dissimule ou omet du mieux qu'elle peut (ce qui devient de plus en plus difficile au fur et à mesure que la démocratie progresse).

Bien entendu, cette décision se veut clairement un symbole politique, ce qui n'est guère étonnant, tous les pays du monde utilisent leur monnaie pour afficher des valeurs et une histoire nationales, donc politiques, depuis que l'homme bat monnaie (la seule devise qui fasse exception est l'euro, auquel les peuples d'Europe ont beaucoup de mal à s'attacher affectivement, parce que, disent les numismates, qui s'y connaissent, les billets ont été conçus pour respecter une insipide -et laide- neutralité, dont le fâcheux résultat est d'empêcher toute espèce d'identification des gens à la monnaie qu'ils ont dans leur porte-feuille). Clarín, hostile comme d'habitude au gouvernement en place, va jusqu'à s'offusquer du choix et de la circulation simultanée de deux coupures différentes pour une même valeur, dont il laisse entendre que ce serait le comble de l'incohérence (comme si cette pratique n'existait nulle part ailleurs) et tire aussi le signal d'alarme en subodorant dans l'opération une nouvelle corruption du gouvernement, sans toutefois avancer d'arguments bien précis pour justifier de soupçons aussi graves.

Página/12, lui, célèbre l'anniversaire à la hauteur de l'émotion populaire que l'événement déclencha en son temps et que la mort de Néstor Kirchner, il y a deux ans, a beaucoup rappelée. Dessin de Miguel Rep hier, ci-dessus. Vignette de Daniel Paz et Rudy ce matin, ci-dessous. Et ces cinq éditoriaux pour analyser le phénomène et ses retentissements dans l'actualité...

En voici les premières lignes, signées par Felipe Pigna, qui tape en plein dans le mil comme si souvent :

Lo imborrable de la historia
Desde su muerte se ha escrito mucho sobre Eva Perón. No pocos autores se han dedicado a subestimarla, a estudiarla como un fenómeno folklórico, como ocurre con las tradiciones y los mitos populares. Porque la historia del poder tiene una especie de fascinación por convertir a los protagonistas del lado popular de la historia en “mitos”, desvalorizándolos y arrojando desde ese rótulo sospechas sobre sus verdaderas ideas y acciones. No ocurre lo mismo, para dar un solo ejemplo, con el general de La Nación, Bartolomé Mitre, general mítico que no ganó en su vida una sola batalla. Pero, más allá y por encima de la voluntad de sus enemigos, Evita fue un sujeto político y compartió con Perón el liderazgo carismático del peronismo, demostró una gran capacidad de conducción y construcción política, llegando a manejar dos de las tres ramas del movimiento: la femenina y la sindical. A esta influencia decisiva se sumó su tarea social en la fundación, que la ubicó definitivamente en los sentimientos y en las razones de sus descamisados, llegando con su obra y también con su proselitismo hasta los últimos rincones del país.
Felipe Pigna, in Página/12

Ce qu'on ne peut effacer de l'histoire
Depuis sa mort, on a beaucoup écrit sur Eva Perón. Beaucoup d'auteurs se sont consacrés à la sous-estimer, à l'étudier comme un phénomène folklorique, comme cea se passe avec les traditions et les mythes populaires. Parce que l'histoire du pouvoir secrète une espèce de fascination pour transformer les protagonistes du côté populaire de l'histoire en "mythes", dévalorisant et jetant depuis cet intitulé le soupçon sur ses idées et ses actions véritables. Cela ne se passe pas ainsi, pour donner un seul exemple, avec le général de La Nación (6), Bartolomé Mitre, général mythique qui n'a jamais gagné une seule bataille sans sa vie (7). Mais au-delà et par dessus la volonté de ses ennemis, Evita a été un sujet politique et a partagé avec Perón la conduite charismatique du péronisme, a démontré une grande capacité d'animation et de construction politique, arrivant à diriger deux des trois branches du mouvement, la féminine et la syndicale. A cette influence décisive, s'ajouta ses tâches sociales au sein de la fondation [qui portait son nom], qui la mit définitivement au coeur des sentiments et de la raison de ses sans-chemises, parvenant avec son oeuvre et aussi avec son prosélytisme jusqu'aux coins les plus reculés du pays.
(Traduction Denise Anne Clavilier)


Le jeune type : cela fait 60 ans qu'Evita est morte.
Le représentant de l'oligarchie (8) : Quelle horreur... La justice, ici ! 60 ans et l'affaire Evita n'est toujours pas résolue.
Le jeune type : Elle était malade. On ne l'a pas tuée.
Le représentant de l'oligarchie : Ah bon ? Ah ouais ? Avec l'envie que nous avions de le faire ?
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :
lire les 5 éditoriaux de Página/12
voir le supplément de Clarín
voir l'article de La Nación sur le nouveau billet de 100 pesos.

(1) Tout est vrai mais dit sous une forme d'une banalité à faire pleurer. Tous les Argentins savent que tout est vrai.
(2) Le tremblement en question (temblor pourrait aussi se traduire par frisson ou frémissement) est un séisme terrible qui a eu lieu dans la zone andine argentine en 1943. C'est au cours d'une soirée de bienfaisance pour les victimes au Luna Park à Buenos Aires qu'une petite actrice de théâtre radiophonique fut présentée, par le grand poète tanguero Homero Manzi, semble-t-il, au fringant et ambitieux Secrétaire au Travail, qui présidait la soirée. Pour les quelques uns qui ne l'auraient pas encore deviné, il s'appelait Juan Domingo Perón, il n'était encore que colonel (d'un régiment de chasseurs andins) et il était veuf.
(3) Allusion à l'odyssée macabre du corps embaumé d'Evita après le renversement de Perón en 1955. Le corps fut d'abord caché en Argentine par les syndicats argentins, il fut ensuite envoyé en Italie où il fut enterré anonymement sur décision d'un gouvernement anti-péroniste, il fut ensuite rendu, par charité chrétienne ou prétendue telle, à Perón qui vivait alors avec sa troisième femme en Espagne, puis retourna en Argentine où il passa des jardins de la résidence présidentielle de campagne, à Olivos, au caveau des Duarte au cimetière de la Recoleta, à Buenos Aires,  où il est maintenant honoré par des très nombreux admirateurs.
(4) Le train dans le langage courant est tout à la fois une métaphore du niveau de vie et du destin. Comme le quai qui peut rappeler ici cette résignation qui forme le fond de la désespérance argentine, selon la belle formule de Raúl Scalabrini Ortiz, en 1933, El hombre que está solo y espera (l'homme qui est seul et qui attend). En l'occurrence, ce train est sans doute celui qui l'emmène à Buenos Aires, pour son tout premier rôle. D'où sa petite valise et l'arrêt chez la voyante juste avant.
(5) Comme je l'ai expliqué dimanche dans un article consacré au nouveau livre de Felipe Pigna, une biographie politique de Eva Perón, en Argentine, on appelle révisionnisme une nouvelle école historique qui conteste la lecture dépolisante héritée de Bartolomé Mitre (1821-1906), dont les oeuvres furent publiées entre les années 1860 et 1890. Une vision très particulière et hautement contestable qui fait encore aujourd'hui la pluie et le beau temps dans les manuels scolaires, que l'on commence toujours à décaper, malgré une très grande résistance d'une bonne partie du personnel enseignant et d'un bon nombre d'institutions culturelles d'origine patricienne (au 19ème siècle).
(6) Sorte de jeu de mots entre le titre du quotidien, fondé par Mitre, et la réalité politique qu'est la Nation, dont toute la droite a toujours eu la bouche pleine. Or il se trouve que ce matin, La Nación titrait sur le "mythe" Evita. La rédaction en chef de La Nación aurait voulu donner raison à l'historien poil à gratter qu'est Pigna qu'elle ne s'y serait pas prise autrement. Jusqu'à présent, je n'ai guère vu Pigna interviewé dans les colonnes de La Nación ni ses bouquins y faire l'objet de critiques fréquentes.
(7) Cela, c'est pour l'opposé à des héros nettement populaires, comme San Martín ou Rosas, qui ont été militairement infiniment plus brillants.
(8) Toujours le même visage à l'abondante pilosité et toujours aussi bas de plafond. Pour bien comprendre les sous-entendus de cette caricature, il faut savoir qu'en Argentine, les anti-péronistes (forcément primaires) ont été surnommés, sous Perón, gorilas et le surnom reste de vigueur. Le débat politique en Argentine rappelle par la violence de son mode d'expression ce qu'il était dans la France d'avant la Seconde Guerre Mondiale.

mercredi 25 juillet 2012

Le retour de Flores Negras à la Biblioteca Café jeudi en huit [à l'affiche]


Flores Negras est un groupe de quatre chanteuses, dont la plus connue, en tout cas des lecteurs de ce blog, est Cecilia Bonardi, qui avait pris son envol en formant autour d'elle un groupe de musiciens qui l'accompagnait dans ses tours de chant.

Elle revient donc à son ancienne formation et se produit avec les copines jeudi 2 août, à 21h30, à La Biblioteca Café, M.T. De Alvear 1155, dans le quartier de Retiro.

Droit au spectacle : 45 $ (+ une consommation obligatoire de 35 $ minimum).

Pour en savoir plus sur Cecilia Bonardi, cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

Le vrai visage de Bolívar [Actu]


C'est très loin de l'Argentine, de l'Uruguay et du Río de la Plata mais le symbole est important. A la veille de l'anniversaire de naissance de Simón Bolívar, le président vénézuélien, Hugo Chávez, vient de rendre public le travail qu'une équipe de pathologistes ont fait sur les restes de Bolívar qui ont été exhumés il y a quelques temps pour être identifiés puis rendus à des honneurs magnifiés, dans la droite ligne de la politique de ce président qui se veut hériter du grand général des guerres d'indépendance de l'Amérique centrale, du Venezuela et de la Colombie (on peut discuter du rôle exact tenu par Bolívar en Equateur et en Bolivie, où son rôle de libérateur est pour le moins contestable).

Parmi les résultats révélés par Chávez, il y a ce portrait du visage reconstitué à partir des ossements retrouvés et il est étonnamment ressemblant avec de nombreux portraits posthumes. Il l'est moins avec le portrait officiel (ci-dessous), réalisé à Lima en 1828 par Gil de Castro, un peintre péruvien qui conservait encore un style proche de ce qui se faisait en Espagne au 16ème siècle, sous Charles Quint (que les Espagnols connaissent comme Carlos 1ro) et son fils, Philippe II (Felipe II).

Le problème de savoir à quoi ressemblait le héros se pose beaucoup moins pour San Martín en Argentine (voir mon article du 16 juillet 2012), parce qu'il a vécu plus longtemps (jusqu'en 1850) et qu'on a de lui des portraits réalisés en Europe, donc ressemblants, et même un daguerrotype, qui prouve que les portraits antérieurs étaient bien ressemblant. Sauf celui qui a été fait par Gil de Castro, en 1821 ou 1822, encore plus figé qu'en 1828 dans son esthétique archaïsante...


Demain, on rendra hommage à une autre grande figure historique, mais plus proche de nous... Ce sera les 60 ans de la disparition de Eva Duarte de Perón, plus connue sous son surnom d'Evita.

Pour aller plus loin :
lire l'article de La República LR21 (quotidien uruguayen)
lire l'article de El Mundo (quotidien espagnol), qui donne en prime la vidéo de la présentation officielle faite par Chávez à Caracas.

mardi 24 juillet 2012

Une clôture en beauté cette année avec Gloria et Eduardo [à l'affiche]


Gloria Baraud et Eduardo Arquimbau, les danseurs de tango-salón légendaires qui font les scènes du monde entier ensemble depuis plus de 50 ans, seront à l'honneur à la fin août pour le final du Mundial de Tango de Buenos Aires.

Un hommage leur sera en effet rendu lors de la grande soirée de clôture du championnat au Luna Park, la salle mythique du bas Buenos Aires qui accueille tous les grands événements qui doivent briller de mille feux.

Gloria et Eduardo étaient le week-end dernier à Paris. Ils sont membres fondateurs de l'association professionnelle des professeurs, chorégraphes et danseurs de tango argentin, la AMBCTA, qui vient d'annoncer la nouvelle. D'autant plus volontiers que Eduardo Arquimbau est son actuel président.

Vous trouverez le lien vers l'Ambcta dans la Colonne de droite, dans la rubrique Eh bien, dansez maintenant !


Pour en savoir plus sur les artistes en français, cliquez sur leurs noms dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, ou en espagnol, allez sur leur propre site Internet (galerie de photos, vidéos sur leur page You Tube, informations).

Alan Haksten Grupp demain à la Oreja Negra [à l'affiche]

Demain, mercredi 25 juillet 2012, à 21h, à la Oreja Negra, Uriarte 1271, dans le quartier de Palermo, le Alan Haksten Grupp, un orchestre typique de jeunes musiciens pleins d'enthousiasme qui développe un répertoire original, partagera la scène avec l'ex-quatuor et maintenant quintette Timotteo, ensemble de tango bailable (tango à danser), qui mêle des pièces traditionnelles et de la musique composée par les membres du groupe.

Entrée : 30 $.

Guillermo Fernández demain au CCC [à l'affiche]


Mercredi 25 juillet 2012, à 21h (et pour une fois les portes de la salle seront fermées après, impossible d'entrer pour les retardataires), le chanteur, mais aussi auteur et compositeur, Guillermo Fernández, se produira au Centro Cultural de la Cooperación Floreal Gorini (CCC), Corrientes 1543, dans la salle Solidaridad.

Ce récital, où il sera accompagné par une très belle brochette d'amis confrères et consœurs, comme María Volonte, Franco Luciani, Alfredo Piro, Demoliendo Tangos, Los Hermanos Butaca, Cristián Zárate..., se tient pour saluer la nomination de l'artiste comme Haute Personnalité de la Culture (Personalidad Destacada de la Cultura), une distinction nationale très recherchée.

Entrée : 30 $.

La Biyuya et la Siniestra samedi rue Jean Jaurés [à l'affiche]

Le samedi 28 juillet 2012, à 23h, le groupe de tango contemporain La Biyuya présentera à nouveau dans la capitale son nouveau disque, sorti il y a quelques mois, De este lado del Puente (de ce côté-ci du Pont, sous entendu le pont Alsina qui marque l'une des frontières entre Buenos Aires et sa banlieue sud et populaire).

Le concert prendra place dans une série de soirées organisées par le groupe La Siniestra, à Guapachoza, Jean Jaures 715, tout près du Museo Casa Carlos Gardel, à 20 mètres au sud de chez le Zorzal Criollo (1)...

Entrée : 20 $

Pour en savoir plus sur les artistes, cliquez sur le nom du groupe dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, pour accéder à l'ensemble des articles que je leur ai consacrés. J'ai aussi inclus plusieurs des pièces de leur répertoire original dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, Tarabuste Editions, revue Triages, numéro spécial 2010 (disponible en commande auprès de tous les bons libraires de quartier ou directement chez l'éditeur, voir la Colonne de droite).

(1) surnom de Carlos Gardel (le rossignol argentin, même si en fait le zorzal est une grive et non un rossignol).

dimanche 22 juillet 2012

Felipe Pigna a encore frappé [Disques & Livres]

Jusqu'à présent, je n'ai pas eu beaucoup d'occasion de vous parler des historiens argentins, qui jouent pourtant un rôle-clé dans l'actuel aggiornamiento politico-culturel en Argentine, à travers ce qu'on appelle là-bas le "révisionnisme historique" (1). Je vous ai déjà parlé de Osvaldo Bayer, à l'occasion d'une conférence qu'il donna sur l'anarchisme au Festival de la République de la Boca l'année dernière (voir mon article du 23 novembre 2011) et en plusieurs autres occasions de même nature, et de Norberto Galasso, à l'occasion, notamment, de la sortie de son essai sur les mythes de la Revolution de Mai (1810), en 2010 pour le Bicentenaire (voir mon article du 22 juin 2010 à ce sujet). Je vous avais aussi parlé, mais dans des circonstances plus tristes, de l'historien radical Felix Luna, à l'occasion de son décès, en 2009 (lire mon article du 6 novembre 2009). Mais Felipe Pigna, jusqu'à présent, était inconnu au bataillon pour les lecteurs francophones de ce blog. Rassurez-vous, en Argentine, c'est loin d'être un inconnu. Il serait plutôt à classer parmi les personnalités médiatiques les plus en vue.

Felipe Pigna est avant tout un historien militant, qui cherche à populariser sa discipline, à arracher le public adulte aux poncifs scolaires et à créer un marché critique de l'histoire. Ce pourquoi il publie beaucoup, mais vraiment beaucoup, notamment aux Editions Planeta. Des essais, des biographies, de la vulgarisation en bande dessinées. Il dirige un site Internet, que je vous conseille d'aller visiter, vous constaterez qu'il y a là une équipe nombreuse : El Historiador. Il a aussi son propre site Web. Il est également très présent à la radio et à la télévision où, je vous prie de me croire, il a un sacré abattant. Il travaille à l'Université et au CONICET (l'organisme national de la recherche scientifique et technique). Et ce qui ne gâche rien, 1) il a un style très agréable à lire, très prenant, qui fait qu'on ne lâche pas facilement un des ses bouquins, 2) je crois avoir compris dans l'un de ses ouvrages qu'il connaît aussi très bien notre langue, puisqu'il y a traduit des textes fondateurs de la Révolution de 1789.

Mardi dernier, il présentait donc son dernier travail en date, une biographie de Evita Perón, intitulé Evita, Jirones de su vida (Evita, lambeaux de sa vie), au Museo Evita, situé à Palermo dans un ancien foyer pour enfants et mères en détresse fondé par Eva dans une vieille demeure patricienne (2). En général, les livres de Pigna provoquent des remous, ce qu'il y dit va trop souvent à l'encontre de ce que beaucoup de gens croient, sans que cette croyance soit appuyée sur des arguments bien solides, et relève d'une vision très profondément politique de la relation qu'une Nation doit avoir avec l'élaboration de sa propre histoire, ce qui est une pierre de fondation quand il s'agit de structurer un Etat démocratique. Et la plupart du temps, ce qu'il dit, il le dit de la manière la plus hétérodoxe qui soit, à dessein, pour provoquer ses concitoyens et les inciter à réfléchir sur l'histoire du pays.

En l'occurrence, Página/12 lui a consacré l'article principal de ses pages culturelles mercredi dernier. Et vous aurez déjà compris qu'entre Página/12 et Felipe Pigna, c'est un peu le même combat de l'anti-penser en rond.

Ce qui donne déjà cette image de couverture, qui vaut à elle toute seule tout un discours politique, difficile à décrypter pour un Européen mais qui saute aux yeux des Argentins. Tout dans cette photo va à l'encontre de la dignité que l'on attend d'un historien digne de ce nom, qui devrait paraître bien coiffé (c'est-à-dire avec les cheveux courts), avec une barbe bien taillée ou le visage parfaitement rasée, en costume cravate (c'est le minimum), sur fond de bibliothèque à volumes reliés en cuir et dorés sur tranche, et enfin avec, dans toute son attitude, la gravité empesée qui sied à la fonction. Je vous laisse jouer tout seul au jeu des sept erreurs avec cette une du cahier culture et spectacle ?

Ensuite, il y a l'interview où il y va franco comme d'habitude, en provoquant sans sourciller l'ire de ses homologues plus traditionnels.

Quelques extraits :

Sur son choix de titres, toujours en référence avec la culture ambiante (grandes oeuvres littéraires, chansons, films, citations célèbres...). Ce qui le rend parfois, malheureusement, un peu dificile à lire pour les étrangers (c'est le revers de la médaille de son talent et de sa flamme, mais il est vrai que comme la grande majorité des historiens révisionnistes, il ne travaille pas pour la gloire internationale, il travaille pour son pays et ses compatriotes, et cette manière d'écrire en est d'ailleurs la preuve).

“Me gusta mucho jugar con los títulos y subtítulos”, dice él, rodeado de libros y claridad solar en su oficina de Caballito. “Aunque a muchos les parezca poco académico, a mí me divierte y a los lectores también... es una forma de descomprimir cuando estás hablando de cosas fuertes. Lo hago porque me divierto y porque le falto el respeto a la autoridad constituida... es una forma de subversión cotidiana que está muy buena”
Felipe Pigna, in Página/12

J'aime beaucoup jouer avec les titres et les sous-titres, dit-il, entouré de livres et d'une luminosité solaire dans son bureau de Caballito (3). Bien que cela paraisse peu académique à beaucoup, moi, ça m'amuse et les lecteurs aussi (4)... C'est une manière de décomprimer quand tu es en train de parler de choses fortes. Je le fais parce que ça m'amuse et parce que je manque de respect pour l'autorité constituée. C'est une forme de subversion quotidienne qui est très bonne.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Por qué un libro sobre Evita, hoy?
–Hacía falta hablar de ella desde un punto de vista más político que pintoresco o de mito. Yo creo que pocas personas en la historia tienen una vida tan concreta y palpable en hechos como Evita, y que el mito fue construido posteriormente. Fue una de las personas que más hizo, que más actuó concretamente en la realidad. El libro plantea una Evita que construyó política, y por eso le doy mucho espacio a su palabra, para que la gente sepa qué pensaba ella, porque generalmente se la analiza sin darle la posibilidad de defenderse. La encaro como sujeto histórico, político, y no como personaje pintoresco, en suma, en el marco, como decía antes, de una biografía contextuada, con guiños a la literatura y esas licencias que otros historiadores no se pueden tomar.
Felipe Pigna, in Página/12

- Pourquoi un livre sur Evita, aujourd'hui ?
- Jusqu'à présent on n'avait pas parlé d'elle d'un point de vue plus politique que pittoresque ou comme un mythe. Moi je crois qu'il y a peu de personnes dans l'histoire qui ont une vie aussi concrète et palpable en faits qu'Evita et que le mythe a été construit par la suite. Elle a été une des personnes qui ont le plus fait, qui ont le plus agi concrètement dans la réalité. Le livre pose une Evita que a construit de la politique, et c'est pour ça que je laisse beaucoup de place à sa parole, pour que les gens sachent ce qu'elle pensait elle, parce que généralement on l'analyse sans lui donner la possibilité de se défendre. Je l'envisage comme un sujet historique, politique et non pas comme un personnage pittoresque (5), en somme, dans le cadre, comme je disais avant, d'une biographie contextualisée, avec des clins d'œil à la littérature et à ces licences que d'autres historiens ne peuvent pas se permettre. (6)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Cómo se posiciona entre ambos en este período de resignificación histórica que atraviesa la cultura política argentina?
–La verdad es que no creo en el evitismo, porque me parece que es un infantilismo. Creo que el peronismo hubiera sido tal sin Evita. El líder estaba, su construcción política existía, la capacidad política de Perón es innegable, pero indudablemente Evita le agrega un contenido que lo transforma en revolucionario y revulsivo para algunos. Tampoco creo que Evita haya sido un apéndice de Perón, como él mismo se lo da a entender a Tomás Eloy Martínez en el famoso reportaje de 1970. Creo que él tenía ciertos celos por esta cuestión del líder carismático que no quiere competencia. Igual, ese reportaje es muy de época, porque él está viendo el fenómeno de las juventudes que se vuelcan fuertemente a Evita, porque para ellas es más accesible, querible y con muchas menos contradicciones que Perón. Evita le presenta a la juventud montonera muchas menos contradicciones que Perón, porque es una militante revolucionaria muy vinculada con lo sindical, y Perón, bueno... el General era el General, pero Evita es la que se podía poner en el panteón de los setenta, junto al Che. Hubo un fuerte evitismo, y aún lo hay, que no tiene raigambre en la historia, porque Evita sola no podía ser nada. Lo digo con todo el cariño y el respeto que ella merece como sujeto político.
Felipe Pigna, in Página/12

- Comment vous positionnez-vous entre les deux [Evita et Perón] dans ce moment de rédéfinition de l'histoire qui parcourt la culture politique argentine ?
- Pour dire vrai, je ne crois pas dans l'évitisme, parce que ça me paraît un infantilisme. Je crois que le péronisme aurait été la même chose sans Evita. Le leader était là, sa construction politique existait, la capacité politique de Perón est inégalable, mais indubitablement Evita lui ajoute un contenu que le transforme en processus révolutionnaire et répulsifs pour quelques uns. Je ne crois pas non plus que Evita ait été un appendice de Perón, comme lui même le laisse entendre à Tomás Eloy Martínez dans le fameux reportage de 1970 (7). Je crois qu'il avait une certaine jalousie sur cette question de leadership charismatique et qu'il ne voulait pas de concurrence. D'ailleurs, je pense que ce reportage est très daté parce qu'il voit alors le phénomène de la jeunesse qui se tournait si ardemment vers Evita parce que pour elle elle est plus accressible, plus aimable et avec beaucoup moins de contradictions que Perón, parce qu'elle est une militante révolutionnaire très liée à la vie syndicales, et Perón, lui, bon... Le général, c'était le général, mais Evita, c'est celle qu'on pouvait placer dans le panthéon des années 70, avec le Che. Il y a eu un très fort évitisme et il y en a encore, qui a des racines dans l'histoire, parce que Evita toute seule ne pouvait rien devenir. Je le dis avec toute l'affection et le respect qu'elle mérite comme sujet politique.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Cómo se posiciona usted, como historiador, frente al peronismo?
–Como un movimiento que respeto, y al que no empiezo devaluando como hacen algunos cientistas políticos muy a la europea, que hablan de populismo y, por lo tanto, meten al peronismo en una subcategoría. El peronismo es el movimiento político más importante del siglo XX y, por lo tanto, hay que analizarlo con categorías políticas, porque realmente transformó la realidad social argentina en lo más importante, que es lo redistributivo. Incorpora masivamente a la población al consumo y a los derechos, lo cual le provoca serios problemas, porque de pronto ingresa al consumo una gran cantidad de gente que no consumía pan, leche o carne. Entonces hay una primera inflación, que es la del ’49, que tiene que ver con el ingreso masivo de gente que produce demanda y una Argentina que está formateada desde la Década Infame para que consuma la mitad de la población, bajo un empresariado “nacional” que no se anima a aumentar la producción y prefiere aumentar los precios.
Felipe Pigna, in Página/12

- Comment vous positionnez vous, comme historien, par rapport au péronisme ?
- Comme un mouvement que je respecte et que je ne me mets pas à dévaluer comme le font certains scientistes politiques très à l'européenne qui parle de populisme (8) et du coup collent le péronisme dans une sous-catégorie. Le péronisme est le mouvement politique le plus important du 20ème siècle (9) et par conséquent, il faut l'analyser à travers des catégories politiques, parce qu'il a réellement transformé la réalité sociale argentine dans ce qui est le plus important, la redistribution [des richesses] (10). Il incorpore massivement la population dans la consommation et les droits, ce qui provoque de sérieux problèmes, parce que d'un seul couop il intègre dans la consommation une grande quantité de gens qui ne consommait ni pain, ni lait, ni viande. Alors il y a une première inflation, celle de 1949, qui a à voir avec l'arrivée massive de gens qui produisent une demande et une Argentine qui est formatée depuis la Década Infame (11) pour que consomme [seulement] la moitié de la population, sous un patronat "national" qui ne se risque pas à augmenter la production mais préfère augmenter les prix.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12
Visiter la page de l'émission de Felipe Pigna sur Radio Nacional, Historias de nuestra historia, l'histoire qui décoiffe les Argentins le dimanche midi pendant trois quarts d'heure (possibilité de téléchargement en mp3)

(1) Attention au sens des mots. Comme tango nuevo ne se réfère pas à Buenos Aires à un style chorégraphique qui marie la salsa et le tango comme en Europe mais au nouveau courant musical né après Piazzolla, avec la nouvelle vague des années 1990, le terme révisionnisme historique n'a rien à voir avec la remise en cause des crimes fascistes et nazis. Il désigne une nouvelle façon d'envisager l'histoire de l'Argentine en la débarrassant des scories tenaces du mitrisme, cette idéologie européanisante qui fit fureur à partir des années 1860 et marque jusqu'à aujourd'hui l'histoire événementielle et linéaire, donc simpliste, qu'on enseigne aux enfants et aux adolescents jusqu'au bac et qui marque la conscience des adultes.
(2) Conseil au passage : si vous allez à Buenos Aires, visitez ce musée. C'est un des plus beaux de la capitale argentine et l'un des mieux aménagés du point de vue pédagogique et muséographique. Une vraie splendeur dont j'aurais l'occasion de vous reparler prochainement car les danseurs Aurora Lubiz et Luciano Bastos doivent y donner un spectacle au mois d'août.
(3) Un quartier de classe moyenne, à Buenos Aires.
(4) Je confirme. On s'amuse beaucoup en le lisant.
(5) Cette question me paraît fondamentale dans toute la problématique politique actuelle concernant la culture en Argentine. Faire passer ce domaine de la vie du pays du pittoresque au politique. C'est vrai pour le tango, qui a été réduit au pittoresque par les gouvernements pro-Etats-Unis d'après la chute de Perón, de 1955 à 1983 (et on peut y ajouter les années 1990 parce que la politique de Carlos Menem a été très ambigüe sur le sujet). C'est vrai pour l'histoire et pour le sport, notamment le football. C'est vrai pour la presse et l'audiovisuel. Toute la politique culturelle avait pour but de donner à l'extérieur une image lisse et propre du pays, totalement irréelle, et d'empêcher le peuple, à l'intérieur, de réfléchir librement, d'exercer son sens critique, bref de ne surtout chercher midi à quatorze heures, des fois que cela lui permette de se rendre compte de l'importance du mensonge qui gouvernait le pays.
(6) Lui se les permet parce qu'il a une telle notoriété et une telle assise médiatique et éditoriale qu'il peut prendre de très haut les critiques que ses confrères universitaires ne se privent pas de lui adresser. Son travail suscite en effet beaucoup de rejet et sans doute, sous les arguments méthodologiques qui ne tiennent guère la route, beaucoup de jalousie, comme en France celui du physico-chimiste Hervé This, qui a l'art et la manière d'expliquer dans ses conférences au grand public les mystères de la chimie en termes simples, clairs et amusants et se fait traiter de clown ou de zouave par une grande partie de la communauté scientifique dont les propos pontifiants et soporifiques ennuient copieusement leur audience.
(7) Perón vivait alors en exil dans l'Espagne franquiste.
(8) C'est un des gros problèmes d'incompréhension entre nous et l'Argentine, c'est qu'au lieu d'essayer de comprendre, on colle une étiquette, si possible mal sonnante et injurieuse, et on croit avec résolution la difficulté intellectuelle qu'on ne sait pas surmonter. Cette étiquette de populisme mis sur l'épopée politique qu'a été et que reste le péronisme, sous et après Perón, a l'art d'agacer et plus que cela les historiens révisionnistes, notamment Felipe Pigna et Norberto Galasso, qui ne manquent jamais l'occasion de le dénoncer, jusque chez leurs compatriotes.
(9) Il faut bien sûr restreindre le champ géographique à l'Amérique du Sud. Encore une fois, le combat et la militance de Felipe Pigna, c'est en Argentine et en Amérique latine que ça se joue. Pas à l'échelle du monde.
(10) C'est bien entendu toujours et encore le même problème aujourd'hui, ce que Felipe Pigna et le journaliste ne manquent pas de faire remarquer en conclusion de cette interview.
(11) Les gouvernements anticonstitutionnels des années 1930, téléguidés par les intérêts britanniques.

vendredi 20 juillet 2012

Hommage à Ignacio Corsini demain dans sa rue [Actu]


Ignacio Corsini était un chanteur strictement contemporain de Carlos Gardel, qui resta plus que lui fidèle à la tradition esthétique des payadores, dans la manière de chanter notamment, tandis que Gardel tirait peu à peu le tango vers une esthétique plus européanisante avec l'introduction des techniques du bel canto dans l'art vocal utilisé.

Ignacio Corsini était né en Sicile, le 13 février 1891, et mourut à Buenos Aires, après une belle carrière de chanteur et de comédien, le 26 juillet 1967. Comme Carlos Gardel, il était un enfant naturel né de père inconnu et arriva très tôt, à 5 ans, en Argentine.

Très engagé politiquement, il fut le créateur de la série de morceaux de Enrique Maciel et Pedro Blomberg (1) que l'on appelle el ciclo federal, pleins de la nostalgie de l'époque (dite fédéral) de Juan Manuel de Rosas (1835-1852), où les noirs connurent leur apogée politique, sociale et culturelle en Argentine, avant de subir des mesures de rétorsion sans nombre à partir de 1852, après la défaite par les armes de Rosas. Corsini fut aussi et c'est très cohérent historiquement parlant un partisan du président Yrigoyen, le premier président de gauche du pays, élu en 1916, après 36 ans de l'épouvantable régime de la Generación del Ochenta (génération de l'année 1880).

Demain, samedi 21 juillet 2012, une plaque fileteada sera aposée au numéro 676 de la rue Otamendi, à 11h30, dans le quartier d'Almagro, où il vécut. C'est là que sa mère s'installa à son arrivée. Ils partirent ensuite vivre à la campagne (une expérience que ne fit pas Carlos Gardel, ce qui explique sans doute les rapports différents que les deux hommes eurent avec l'héritage des payadores, des artistes qui furent essentiellement des musiciens des champs plus que des villes). C'est là aussi qu'il revint vivre en 1907 et qu'il connut alors le grand payador qui habitait ce quartier (et dont le souvenir est toujours palpable dans plusieurs de ces rues), José Betinotti. C'est là qu'il habita presque jusqu'à sa mort.

Je ne vois pas de signature sur la photo de la plaque (le cadrage l'omet) mais je veux bien parier qu'il s'agit d'une oeuvre du fileteador Luis Zorz. C'est d'ailleurs lui en général qui obtient ces commandes pour des plaques souvenirs en extérieur. Un des très bons maîtres de cette discipline plastique si typique de Buenos Aires. Et comme vous le lisez sur le texte d'accompagnement envoyé par le Musée Casa Carlos Gardel, la plaque est posée dans le cadre de l'exposition consacrée à Corsini et cette série de chansons du Cycle Fédéral.

(1) Plusieurs de ces morceaux qu'il contribua à rendre célèbres et vivants jusqu'à aujourd'hui ont été traduits par mes soins dans Barrio de Tango, l'anthologie que j'ai publiée en mai 2010 aux Editions du Jasmin.

Hommage à Aníbal Arias ce soir à la Scala de San Telmo [à l'affiche]


Le grand guitariste de tango Aníbal Arias est mort l'année dernière. Aujourd'hui, 20 juillet 2012, il aurait fêté ses 90 ans. Il lui sera rendu hommage ce soir, à 20h, à la Scala de San Telmo, une belle salle traditionnelle du quartier de San Telmo, Pasaje Giufra, 371, par les professeurs de la Escuela de Música Popular Argentina (EMPA) qu'il avait participé à fonder et qu'il a dirigée, à Avellaneda, dans la banlieue ouvrière de Buenos Aires.

Entrée : 60 $ (au bénéfice de l'association coopérative Aníbal Arias de l'EMPA).

China Cruel à El Faro demain soir [à l'affiche]


L'orchestre féminin et typique China Cruel (1) se produira, avec sa chanteuse en titre, Viviana Scarlassa, qui fait aussi carrière de soliste de son côté, au Bar El Faro, dont tous mes lecteurs réguliers connaissent la localisation à Buenos Aires : esquina La Pampa y Constituyentes (deux avenues, ça se voit sur une carte !), à la frontière entre les quartiers Villa Urquiza, Villa Puyerredón et Parque Chas, dans l'ouest de la capitale argentine.

Le concert commencera à 22h (environ), donc après-dîner (on évite les bruits de couverts pour écouter vraiment la musique), samedi 21 juillet 2012.

Droit au spectacle : 30$ (pour les petits nouveaux qui découvrent ce blog, $ ici, c'est le symbole du peso, pas du dollar).

(1) China Cruel est l'un des jeunes groupes montants dans le tango nuevo (le tango post-piazzollien, qui a jailli à partir de 1990) dont j'ai traduit quelques textes (de la pianiste et compositrice Verónica Bellini) dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, paru en janvier 2011, comme numéro spécial 2010 de la revue Triages (Tarabuste Editions).

Yunta Brava ce soir à Che Flores, pour la fête des Amis [à l'affiche]


La Yunta Brava, ce qu'on peut traduire comme Sacré Attelage, se compose de la chanteuse Jacqueline Sigaut et du chanteur Luis Filipelli, mes lecteurs habituels qui retrouvent un petit bout de blog en cet été pas si estival que prévu ou souhaité (par beaucoup) les avaient reconnus !

Ils se produiront ce soir, vendredi 20 juillet 2012, jour de la Fête des Amis dans toute l'hispanité, au bar Che Flores, dans le quartier de... Palermo, Arce 235, tout près du terrain de polo !

Le pianiste Franco Polimeni les accompagnera (l'annonce de Jacqueline dit avec plus de fantaisie qu'il "tempérera la névrose des deux chanteurs").

Entrée libre et gratuite (on évite d'être radin avec les consommations dans ce cas-là et aussi avec le chapeau quand il y en a un).

Pour aller plus loin:
visiter le site de l'établissement qui accueille depuis une année pas mal d'artistes de tango et propose aussi une milonga et des cours.

lundi 16 juillet 2012

Nouvelle dédicace à Paris [ici]

Ajout du 21 juillet 2012 : la dédicace est annulée pour raison de santé (c'est l'automne en plein été depuis plusieurs semaines dans la majeure partie de la France et les microbes hivernaux sont à la fête dans tout le pays, sauf sur la Côte d'Azur). A ma connaissance, il n'y a aucun autre changement au programme de cette journée festivalière et parisienne, entre cours, milonga et spectacle...

Alors que je travaille encore sur la dernière étape du dernier manuscrit des trois livres auxquels je consacre une bonne partie du temps que je donne d'ordinaire à ce blog, depuis la mi-octobre, voici une nouvelle séance de dédicace de Barrio de Tango, le livre (ed. du Jasmin) et de Deux cents ans après (Tarabuste éditions) qui va me faire lever le nez de mon clavier et de mon écran...

Ce sera à l'occasion du 8ème Festival de Tango de Paris, qui tiendra son spectacle de gala, le samedi 21 octobre 2012, au Théâtre Trianon, 80 boulevard de Rochechouart, Paris 18, M° Anvers. Je m'y trouverai de 17h30 jusqu'à la sortie du spectacle, où l'on attend quelques très grands danseurs, dont le couple légendaire formé par Eduardo et Gloria Arquimbau, 50 ans de scène ensemble et partout dans le monde...

L'événement est organisé par Almatango et Alain de Caro...

La fin du procès de Comodoro Py [Actu]


Le 5 juillet 2012, le tribunal de Comodoro Py a condamné neufs responsables politiques de la dictature militaire de 1976-1983, dont Jorge Videla, le putchiste de 1976, pour le plan de vol systématique des bébés des opposants arrêtés et assassinés. Le procès avait commencé l'année dernière. La sentence a été dans l'ensemble bien accueillie par les organisations des droits de l'homme.

J'ai retenu surtout trois articles parus dans Página/12, le quotidien indépendant des grands groupes médiatiques si contestés depuis maintenant de nombreuses années...



Pour aller plus loin :
lire l'interview du 8 juilletEstela de Carlotto, présidente de Abuelas de Plaza de Mayo, analyse le verdict.

Quelques événements de la vie culturelle dans Página/12 dans cette première quinzaine de juillet [Troesmas]


Riche quinzaine dans les colonnes du quotidien de gauche hyper-culturel qu'est Página/12.

Un hommage à Astor Piazzolla dont on célébrait le 4 juillet les 20 ans de la disparition (à lire sous le lien)
Un nouveau disque de Osvaldo Pugliese, avec la sortie du seul 33 tours qu'il a pu enregistré dans son studio indépendant avant que celui-ci soit incendié par une milice anti-communiste. L'album vient d'être réédité avec quelques bonus, dont le journaliste Diego Fischerman semble s'être régalé (lire son article sous le lien).
Enfin une longue et belle interview de Litto Nebbia, dans les pages Espectaculos y Cultura du dimanche 8 juillet, avant qu'il ne parte pour une tournée d'une dizaine de jours dans la région de Bariloche, la grande station de ski des Andes. A lire là encore sous le lien.

Le prochain concert de La Petitera au CAFF vendredi soir [à l'affiche]


Avec toute cette pile de travail qu'il fallait finir avant le 31 juillet, voilà bien longtemps que je ne vous avais pas parlé de l'auteur-compositeur-interprète Dema et son orchestre baptisée La petitera, une allusion à un célèbre café des quartiers chics, Le Petit Café, qui rassemblaient les jeunes gens de la bonne société dans les années de la présidence de Perón. C'est le surnom que le peuple (péroniste) leur avait donné et ça sonne sérieusement scarcastique...

Ils se produiront donc vendredi 20 juillet, au CAFF, dans le quartie dit El Abasto, rue Sánchez de Bustamante, 764, à 23h.

Entrée : 30 $.

Bonne soirée. Couvrez-vous bien, il doit faire assez froid en ce moment dans le grand hangar du CAFF. Heureusement, les empanadas de la maison sont servies bien chaudes et tiennent au corps !

Le buzz est parti vendredi soir... [Disques & Livres]


Vendredi sur la page Facebook consacrée à sa collection de biographies, Lignes de Vie, les Editions du Jasmin ont lancé vendredi soir, veille du 14 juillet, le signal annonçant mon prochain livre à paraître...

"San Martín, vous connaissez ? Il fera bientôt l'objet d'une biographie aux Editions du Jasmin".

Dans l'attente de la sortie du livre, prévue à la fin de l'automne, je laisse les lecteurs de Barrio de Tango, le blog, chercher ce que j'ai déjà pu dire sur cette personnalité historique tout à fait fondatrice pour l'Argentine. Vous disposez d'un moteur de recheche sur tous les blogs de Blogger (c'en est un), en haut à droite de l'écran, dans une configuration Windows en tout cas (ça peut être différent avec d'autres systèmes...)

Entre l'automne et le printemps prochain, trois livres devraient paraître, un sur l'histoire du tango, un sur San Martín et un autre sur... Bon, vous verrez bien ! Je vous laisse méditer sur le choix de l'illustration ?

A la rentrée prochaine, je devrais donc pouvoir reprendre le fil de l'actualité culturelle à Buenos Aires sur ce blog, qui a été quelque peu malmené depuis la mi-octobre et le début de ce marathon de la recherche et de l'écriture qui, avec le recul, me paraît légèrement cinglé mais je l'ai fait tout de même...