lundi 29 octobre 2012

La justice empêche la construction d'une pharaonique Cité Administrative à Barracas [Actu]


L'année dernière, Mauricio Macri, le Chef du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, avait annoncé à grands renforts de trompette un projet insensé consistant à créer de toutes pièces une cité administrative dans le quartier populaire de Barracas, à proximité immédiate de trois hôpitaux, dont un célèbre établissement psychiatrique de pointe, qu'il laisse dans l'abandon budgétaire le plus total depuis son arrivée au pouvoir municipal en décembre 2007. On voyait gros comme une maison la méga-opération immobilière qui aurait, tôt ou tard, eu raison et de l'habitat populaire du coin et des trois hôpitaux, dont ce gouvernement local se serait débarrassé par la même occasion, pour réserver de plus en plus la ville de Buenos Aires à des classes sociales de plus en plus aisées, ce qui lui permet de rejeter dans la banlieue et donc de mettre à la charge de la Province de Buenos Aires, nettement moins gâtée économiquement que la capitale, les "pauvres" au pouvoir d'achat réduit.
Depuis un an, les habitants de Barracas et les personnels des hôpitaux, en particulier celui du Borda, le plus emblématique des trois, se battaient de toutes leurs forces pour entraver ce projet, qui aurait renchéri le terrain et les loyers dans tout le sud-est de la ville (sans parler des embarras automobiles qu'il aurait créés dans une zone qui n'en a vraiment pas besoin).

Or voilà qu'une juge vient de leur donner raison en relevant que le projet est situé sur une zone déclarée Monument Historique National, et qui donc bénéficie d'une protection légale (ce dont des décideurs comme Macri ne s'embarrassent guère et qu'ils ont en général les moyens économiques de contourner) et que le projet ne pouvait pas être publié en l'état puisqu'il manquait une étude obligatoire sur ses retombées environnementales et patrimoniales. En effet, la zone serait un important gisement archéologique, ce qui est tout à fait logique vu ce que l'on sait de l'histoire urbanistique de Buenos Aires depuis sa deuxième fondation (en 1580). Donc interdiction est faite désormais de lancer le chantier. Ce qui protège, au moins temporairement, les hôpitaux, les ateliers protégés qui fonctionnent sur le domaine appartenant au Borda, les espaces verts répandus sur toute le secteur, et les habitants du coin. Les opposants au projet espèrent qu'au regard des délais de construction, le projet est durablement condamné puisqu'il empêche que la cité soit debout en 2015, année où elle aurait servi à Macri. Donc à partir du moment où rien ne sera prêt en 2015, il est fort possible que la zone cesse brutalement de l'intéresser...

Le quotidien Página/12, qui milite bien sûr contre le projet de Macri, comme il milite contre toutes les initiatives de ce gouvernement ultra-libéral qui fait peu de cas de la constitution de la ville, de votes de son Parlement (Legislatura) et des décisions de sa justice, et même de celle des instances fédérales, qu'il ignore délibérément (1), faisait ce matin des gorges chaudes de cette décision judiciaire et en profitait pour se gausser de Macri, insinuant l'idée, fort vraisemblable par ailleurs, que ce dernier espérait pouvoir lancer sa candidature à la présidence de la Nation en 2015 depuis ces locaux flambant neuf et y mener l'ensemble de sa campagne qui s'annonce très bruyante (à la mode des campagnes électorales bourrées de fric qui sont de mise aux Etats-Unis). D'où le gros titre vengeur et un brin moqueur de ce matin : "Pas de nouveau joujou !"

Pour aller plus loin :
lire mon article du 8 septembre 2011 sur le projet tel qu'il avait été présenté il y a un an.


(1) Il y a quelques jours, Macri a mis son veto sur une loi votée par la Legislatura qui autorise l'avortement dans certains cas de viol, conformément à un arrêt de la Cour Suprême, donc au niveau fédéral, ce que toutes les entités fédérées doivent traduire dans leur droit et leur jurisprudence locale. Que nenni ! Buenos Aires restera en dehors...