mercredi 31 octobre 2012

Réédition en CD d'enregistrements historiques de Piazzolla (1944-1964) [Disques & Livres]


Le label Universal, qui a racheté il y a plusieurs années les catalogues Philips et Polydor, a entrepris de rééditer sous forme de CD plusieurs albums historiques de Astor Piazzolla, qui n'avaient encore jamais réapparu depuis l'arrivée de cette nouvelle technologie.

Le premier double CD, sous le titre Astor Piazzolla completo en Philips y Polydor, reprend Veinte años de vanguardia con sus conjuntos, enregistré en 1964, et El Tango, ce disque que Piazzolla monta en 1965 avec des textes de Jorge Luis Borges (1) interprétés par Edmundo Rivero, à un moment où le compositeur ressentait le besoin d'entrer dans le monde du tango chanté avec des textes robustes, qui se faisaient de plus en plus rares dans ces années-là.

Cette réédition devrait compter à terme trois albums différents. Elle est conduite par Diego Fischerman, critique musical à Página/12 et grand spécialiste de Piazzolla, dont il a récemment publié une importante biographie (voir mon article du 15 juillet 2009 à ce sujet). Les disques sont accompagnés de commentaires critiques et des textes qui figuraient sur les pochettes originales. Ils restituent les matrices avec un travail de restauration sonore que Karina Micheletto, de Página/12, dit être exceptionnel.

Les différents volumes de cette réédition devraient être disponibles dès leur parution chez Zivals, le disquaire de Corrientes y Callao, et sa boutique en ligne (dont le lien permanent se trouve dans la rubrique Les commerçants du Barrio de Tango, dans le bas de la Colonne de droite).

Pour en savoir plus :


(1) De ce disque historique, qui précède le début de la collaboration révolutionnaire entre Piazzolla et Ferrer, qui devait complètement renouvelé le répertoire du tango à partir de 1968, deux letras se trouvent dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, que j'ai publié aux Editions du Jasmin en mai 2010 : Alguien le dice al Tango, p 299, et Jacinta Chiclana, p 329.

Ariel Prat samedi au Faro [à l'affiche]



L'auteur-compositeur interprète Ariel Prat, qui promène son talent de murguiste (1) entre son Argentine natale et la Catalogne espagnole où il s'est installé il y a quelques années, se prépare à donner son spectacle, Ariel Prat en el barrio de su orgullo (Ariel Prat dans le quartier qui fait sa fierté), le samedi 3 novembre 2012 à 22h, au Bar El Faro, esquina Constituyentes y La Pampa, que mes lecteurs connaissent bien désormais, dans le cadre de El Tango vuelve al Barrio (ETvaB pour les intimes), le cycle organisé à l'initiative de Cucuza dans ce lieu devenu en cinq ans un grand rendez-vous culturel portègne (il faut maintenant réserver à l'avance pour s'assurer d'avoir une table les soirs de spectacle).

Droit au spectacle : 40 $.

Après cette représentation à Villa Urquiza ou Villa Pueyrredón, pour être plus exact cadastralement, Ariel Prat se produira à San Telmo le 10 novembre (Los Chisperos, Carlos Calvo 240), le 24, il sera à Lomas de Zamora (Province de Buenos Aires) et à Rosario (Province de Santa Fe) le lendemain, dimanche 25 novembre, à El Aseradero, Montevideo 1518.


(1) D'après la propre définition-métaphore de Ariel Prat, la murga est la petite sœur bâtarde du tango, un art de la rue mêlant paroles, musique et critique sociale et politique assez vive, à l'occasion des carnavals tout d'abord et de quelques autres fêtes de part et d'autre du Río de la Plata (la murga est par exemple au programme des fêtes populaires du 18 juillet à Montevideo par exemple).

Mais où est passée la ponctualité suisse ? [ici]



Voilà que nos amis lausannois du Café Dominguez, milonga des bords de Léman, vont fêter Halloween avec deux jours de retard, le vendredi 2 novembre 2012 à 21h. Et ils vous y invitent avec des vers (cliquez sur l'image pour pouvoir les lire confortablement), ce qui méritait bien un coup de chapeau.

Que les Portègnes fêtent Halloween à la Toussaint à la Viruta, sur les rives des lacs de Palermo, passe encore, la ponctualité n'est pas leur fort... Mais les Vaudois !

Et pendant ce temps-là, les Français font le pont pendant les vacances scolaires...

Pour aller plus loin :

Ariel Ardit mène la danse à Soho Tango [à l'affiche]



Le chanteur Ariel Ardit, avec son orquesta típica et une communication simple pour une fois, débarque jeudi 1er novembre 2012 au Club Villa Malcom, avenida Córdoba 5064, en pleine milonga Soho Tango, à minuit et demi.

Le montant de l'entrée n'est pas indiqué dans l'annonce, ce qui est fréquent avec cet artiste.

Tous les jeudis, cette milonga propose une animation spéciale pour la soirée.

Pour en savoir plus :
consultez le blog de la milonga

Les prix artistiques de Buenos Aires toujours en souffrance [Actu]


Depuis les années 1930, la ville de Buenos Aires organise, tous les deux ans, des concours artistiques dont les premiers prix sont une modeste rente viagère pour chaque lauréat.
Depuis janvier 2010 (voir mon article du 6 février 2010), le Gouvernement de la Ville Autonome a suspendu le règlement des rentes à une trentaine de lauréats dont plusieurs sont aujourd'hui octogénaires. Les concours qui ont eu lieu l'année dernière n'ont même pas donné lieu au début d'un paiement de la moindre mensualité aux lauréats que le jury a pourtant informé dans les formes en temps et en heure et le ministère de la Culture de Buenos Aires fait la sourde oreille aux nombreuses réclamations qui ne cessent de venir depuis plus de deux ans des secteurs concernés (littérature, théâtre, arts plastiques, musique). Pourtant, les montants des rentes attribuées figurent toujours sur le budget officiel annuel de la Ville, tel qu'il a été voté par la Legislatura, la chambre législative locale. Où va donc cet argent, s'il n'est pas distribué à ses attributaires ?

Les artistes primés ont commencé à s'organiser. Les lauréats 2003-2009 (Premios Municipales 2003-2009) se sont même constitués en collectif qui s'est inscrit sur Facebook, où il compte déjà 1600 amis.

Comme à son habitude, Página/12 relaie dans son édition de ce matin les réclamations des artistes et du secteur culturel portègne, de plus en plus abandonnés par le gouvernement Macri un an après sa réélection en juillet 2011.

Pour aller plus loin :

mardi 30 octobre 2012

Toute la vie de San Martín en une seule case ! Un exploit de Rep- Article n° 2800 [Disques & Livres]


Ce n'était pas facile à faire et il l'a fait...

En piquant l'idée à un tableau ultra-kitch où l'on voit le vieux soldat, tel que nous l'a montré un daguerrotype réalisé à Paris dans l'hiver 1848 (ci-contre), dans une pose méditative, plus ou moins reprise dans la case, avec, en arrière-fond, des images nébuleuses ou floues rappelant quelques combats et batailles mémorables, Miguel Rep, qui est peintre autant que dessinateur de presse (dans les colonnes de Página/12), a réussi à résumer, de manière incontestablement plus complète que l'original (et beaucoup plus drôle), la vie très intense de José de San Martín (1778-1850) que vous racontera mon prochain livre, à paraître le 4 décembre 2012, aux Editions du Jasmin (et en souscription d'ici là, voir mon article du 23 octobre à ce sujet).


Ainsi donc, voici la traduction du texte bulle à bulle (les explications en français, vous les trouverez dans le bouquin !
Merci à Rep de m'avoir offert un si somptueux support pour ma promotion et celle de mon éditeur.


Titre en rouge à gauche (sous la silhouette très reconnaissable du San Martín du Passage des Andes, avec son bicorne caractéristique) : le rêve du Libérateur
J'aimerais ouvrir une agence de voyage et offrir du tourisme-aventure aux Français
Une visite du circuit franc-maçon de Londres
Navigation sur l'Atlantique et le Pacifique
Vive Baylén by night !
Nous avons récréé [pour vous] l'aventure du clocher et du vieil arbre de San Lorenzo sur la rive du Paraná
Consultez-nous pour les modalités de paiement (1)
Une traversée épique de la Cordillère des Andes
Respirez l'air pur de Córdoba : idéal pour les asthmatiques de Boulogne-sur-Mer
Voyages Merceditas : maximes et conseils
Traversée unique en frégate pour observer les guerres intestines. Sans débarquer à Buenos Aires !
Week-end à Guayaquil : la route de l'échec n'a pas le même goût
Chili et Pérou : deux pays pour le prix d'un.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Vu comme ça, eu égard à l'ignorance qui est la nôtre en Europe francophone sur la vie de cet homme (2), je vous l'accorde, ce n'est pas très folichon. Mais quand vous refermerez San Martín, à rebours des conquistadors, revenez sur cet article et là, je vous promets le fou-rire de votre vie.

Ce qui tombe bien : San Martín avait lui-même beaucoup d'humour, ce que sa légende se garde bien de laisser jamais apparaître. A tel point que même les acteurs les plus conscients du fossé entre légende officielle et réalité historique jouent un personnage arrogant, autoritaire, éructant, insultant à tout bout de champ ses subordonnés, tel qu'il apparaît sous les traits de Rodrigo de La Serna dans Revolución, el cruce de los Andes, film magnifique pour ses paysages, ses reconstitutions historiques d'une armée multiraciale et ses cadrages mais très mitriste pour ce qui touche la construction psychologique des personnages (voir mon article sur le tournage, le 17 juillet 2009, lorsque le film ne portait pas encore son titre définitif, et la page du long-métrage sur le site de Canal Encuentro, la chaîne de télévision qui a assuré une bonne part de la production).

Ici, Rep jongle avec les polémiques et les stéréotypes qui abondent autour de la figure du Libertador.

Du côté des polémiques, en voici deux magnifiques :

- Les liens de San Martín avec la franc-maçonnerie. L'affaire est très complexe : d'un côté, il y a la droite catholique qui s'évertue à nier ce caractère franc-maçon de San Martín, avec des arguments aussi fragiles que ceux des uruguayennistes au sujet de la naissance de Carlos Gardel (voir mon dernier article sur cette question), de l'autre, il y a une découverte récente (1980), d'un document écossais lié aux réseaux maçonniques britanniques et qui aurait inspiré San Martín dans son parcours entre Buenos Aires, Mendoza, Santiago et Lima, mais cette source d'inspiration est très contestée. D'autres éléments tendraient à montrer que c'est avec son ami Tomás Guido qu'il conçut ce plan, pendant une célèbre convalescence à Córdoba en 1814.

- Des liens sulfureux et supposés avec Londres. Ici, on a une allusion à une querelle ignominieuse contre laquelle bataillent les historiens révisionnistes (entendez péronistes) du côté desquels Rep, de la rédaction de Página/12, se trouve. Cette querelle remonte à Bartolomé Mitre (1821-1906) qui laissa entendre en son temps, dans les années 1860, que San Martín avait inféodé son action politique aux intérêts de la Grande-Bretagne (il prêtait à San Martín une attitude qui était en fait la sienne et celles des hommes de droite de sa génération). Il y a quelques années, cette invraisemblable version a été remise au goût du jour par un pseudo-historien dans un livre, délibérément scandaleux, qui a déclenché une belle bagarre d'experts sans que les historiens aient pu faire éclater aux yeux de tous l'épouvantable supercherie d'une telle lecture de l'histoire. Cette faribole correspond en Argentine à ce qui existe en France autour de Jeanne d'Arc (liens de parenté supposés avec le Dauphin, le fait qu'elle était en réalité un homme, sa non-exécution en place publique à Rouen et toutes les fables du même acabit).

Du côté des images d'Epinal, on en a aussi deux belles dans ce dessin :

- Le clocher et l'arbre de San Lorenzo, la tarte à la crème de tous les livres scolaire, comme en France Saint-Louis rendant la justice sous le chêne de Vincennes, du temps où l'on apprenait encore la vie de Saint-Louis à l'école élémentaire (je suis assez vieille pour m'en souvenir).

- Les "maximes pour ma fille", Mercedes. Ces notes griffonnées pour lui seul sur une simple feuille de papier en 1825, quand la petite avait à peine neuf ans, sont souvent interprétées, à tort, comme une théorie sur l'éducation des filles (inutile de vous dire qu'il s'agit alors d'une théorie ultra-réactionnaire, qui n'était pas du tout dans l'esprit de San Martín mais bien dans celle de cette Argentine victorienne des années 1860-1910 qui l'a fait prisonnier du bronze des statues).

Et puis il y a une petite phrase que nous pouvons prendre pour une pique à notre égard mais qui, bien sûr, n'en est pas une. C'est l'allusion à Baylén (ou Bailén), la première défaite napoléonienne, infligée à l'armée d'occupation française en Espagne.
L'un des deux généraux vainqueurs, le marquis de Coupigny, avait San Martín lui-même pour aide-de-camp. Le soir même de ce 19 juillet et les jours qui suivirent, le jeune et brillant capitaine de trente ans eut droit, comme tous ses camarades de combat, à des réceptions sans nombre, des Te Deum à perdre souffle, une médaille, des cadeaux de toute sorte (il conserva par devers lui un petit chapelet offert par une religieuse). Les vainqueurs furent longuement acclamés par la population qui, en juillet 1808, était encore très massivement anti-française. Mais épuisé par son travail harassant d'instruction intensive des très nombreux volontaires qui s'étaient enrôlés dans l'armée patriote dès le début du mois de mai, San Martín ne profita pas longtemps des festivités : il se retrouva vite cloué au lit par sa première crise d'asthme, particulièrement spectaculaire, et ne put revenir au service actif, en opération, qu'au début de l'année 1809.

Quand ce dessin est paru sur la page d'accueil de Página/12, le 18 août dernier, j'étais à Buenos Aires où je me bagarrais avec mon agenda et les disponibilités de mes interlocuteurs pour enchaîner tous mes rendez-vous avec les musées que j'ai finalement pu mettre au programme de Buenos Aires, roman national argentin et culture populaire, auquel je mettais alors la dernière main avec l'agence Intermèdes, par mail interposé et en jonglant avec le décalage horaire.
C'était un samedi, lendemain de la date officielle du Día de San Martín, le 17 août, anniversaire de sa mort à Boulogne-sur-Mer en 1850, une fête patriotique qui, depuis quelques années, est célébrée le lundi suivant (jour férié) pour que le long week-end d'hiver favorise un peu le tourisme intérieur.

Pour en savoir plus sur José de San Martín, cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.
Ecoutez mon interview en français, donnée en août 2012 à Magdalena Arnoux au micro de RAE (Radio Nacional)
Ecoutez mon interview en espagnol, donnée le même jour à Leonardo Liberman à ce même micro
Pour en savoir plus sur la biographie qui sort tout prochainement aux Editions du Jasmin, cliquez sur le mot-clé SnM bio Jasmin, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search.
Pour en savoir plus sur Rep et ses dessins toujours si instructifs sur l'histoire argentine, ses réalités et ses clichés battus en brèche, cliquez sur son nom dans le même bloc Pour chercher.


(1) Vu la connaissance très fine de la vie de San Martín que révèle cette case, je soupçonne fort que Rep fasse là une allusion subtile aux graves difficultés financières qui assaillirent le général pendant les six premières années de son exil en Europe, notamment à Bruxelles.
(2) Rassurez-vous, même en Espagne, on connaît mal. Et parfois en Argentine, on est surpris de constater que certains épisodes sont inconnus, que les gens ne savent pas bien situer ni dans le temps ni dans l'espace les grandes batailles que furent Chacabuco et Maipú, qui baptisent pourtant un nombre considérable de rues et même de villes en Argentine. L'affaire de Londres est elle aussi loin d'être claire pour tout le monde, non pas tant à cause des inventions d'historiens mal intentionnés que parce que la plupart des Argentins ignorent que San Martín a séjourné à Londres à deux époques distinctes de sa vie (en 1811 et en 1824) et il en va de même pour son séjour à Bruxelles qui dura pourtant de 1825 à 1831. Dans une biographie de Sarmiento en BD, signée de l'historien Felipe Pigna, j'ai même vu San Martín installé à Boulogne-sur-Mer dès 1843 (alors qu'il n'y a pas mis un seul pied avant mars 1848)... Ce qui ne fait que rendre encore plus admirable le dessin très habile de Rep !

Cucuza et Moscato au Almagro Tango Club [à l'affiche]



Délogés (à ce qu'ils prétendent, c'est du second degré) du Bar el Faro, de Villa Pueyrredón, par leurs habituels partenaires, Chino Laborde et Dipi Kvtiko, qui s'y produiront vendredi 2 novembre 2012, à l'heure habituelle, le chanteur Cucuza Castiello et le guitariste Moscato Luna se replient (si l'on en croit leur promotion du jour !) sur le Almagro Tango Club pour donner leur récital d'un soir...

Almagro Tango Club, vendredi 2 novembre 2012, à 21h30
Medrano 688 (une salle où Noelia Moncada s'était produite il y a peu).
Droit au spectacle : 40 $.
Il est prudent de réserver.

lundi 29 octobre 2012

Un nouveau site Internet pour Chilo Tulissi [à l'affiche]


La palette de l'artiste en page d'accueil du site new-look

Le peintre portègne Chilo Tulissi nous a quittés à l'âge de 64 ans le 11 septembre dernier (voir mon article du 12 septembre 2012). Depuis, sa famille a refondu complètement son site Internet, dont vous aviez déjà depuis plusieurs années le lien permanent dans la Colonne de droite de ce blog (partie inférieure, comme pour tous les sites extérieurs). On y trouve maintenant une plus grande représentation de ses thématiques, avec en premier lieu ses dernières œuvres, des tableaux de chevaux, un sujet dans lequel il s'était lancé avec passion, en s'installant la moitié de l'année, depuis environ trois ans, dans un petit village de la Province de Córdoba, où il venait de finir de construire sa maison, avec un superbe atelier plein de lumière, où il donnait des cours payants et faisait aussi une fois la semaine un atelier ouvert pour les gens du voisinage, ce peuple de paysans de moyenne montagne en plein été...


Sur ce site refondu, on trouve aussi une belle collection de tableaux de danseurs (de tango) avec des jambes d'homme et de femme à perte de vue (il aimait lui-même danser et fréquentait de temps en temps les milongas de Buenos Aires, ce que je n'ai jamais eu l'occasion de faire en sa compagnie). On y trouve aussi ses portraits de grands artistes de tango, comme Aníbal Pichuco Troilo, Roberto Polaco Goyeneche ou Edmundo Rivero. Il aimait les chanteurs (et côté francophone, c'était un grand admirateur de Jacques Brel). Et ses paysages. Des vues de Buenos Aires en faux réalisme (mais il faut avoir vu les lieux pour apprécier ce décalage subtil entre la réalité et la vision qu'il en donne), par exemple avec ce panorama de Puerto Madero que je découvre à l'occasion de cette refonte posthume du site (et qui correspond si étonnamment à ce que je vous en disais dans mon article sur les jours 8 et 9 du séjour culturel que je propose dans cette ville), et des vues de Córdoba, avec ses reliefs, qui font la réputation des paysages de tout l'ouest argentin.

Vous reconnaissez Pichuco dans ses dernières années
(la cortisone, pour soigner ses articulations, avait boursouflé son visage)

La famille, que je salue affectueusement, a ajouté une page d'articles de presse et y a exposé les diplômes qu'il avait obtenus, notamment sous le précédent gouvernement de la Ville de Buenos Aires (gobierno Telerman) pour son activité culturelle au sein de son quartier, San Cristobal, où il vivait discrètement, dans une toute petite rue tranquille, à 100 mètres des ponts de la Autopista 25 de Mayo dont on ne perçoit chez lui aucun écho du trafic pourtant incessant...

Puerto Madero, vu par Chilo

Sur la gauche de la page, son profil est toujours là, avec le sourcil broussailleux et charbonné et cette lippe retroussée que nous lui avons tous connue, et cette pipe, magnifique, mais qui nous l'a tué... Sur la page d'accueil, quelques images vidéos de lui, peignant, dans son atelier de Buenos Aires, pour le peu que j'ai pu en juger, un peu trop prise par l'émotion de revoir ainsi ses gestes si habituels, à l'heure où j'apprends aussi la mort d'un autre ami argentin, Rodolfo Ghezzi, qui était mon homologue à Madrid, Académico correspondiente en España...

Pour aller plus loin :
visiter le site Internet de Chilo Tulissi, refondu.
Si vous êtes membre du réseau Facebook, vous pourrez vous y inscrire parmi ses "amis" et entrer en contact avec ses proches qui animent cette page.

Mis tardes con Gardel, ce soir [à l'affiche]



Ce soir, lundi 29 octobre 2012, à 18h30, au Museo Casa Carlos Gardel, Jean Jaurès 735, concert traditionnel du lundi en fin de journée avec deux groupes qui se relayeront :

le chanteur Fernando Cairo, qui sera accompagné à la guitare par notre ami Moscato Luna et Osvaldo Cairo
et le duo Sin Fueye (comprenez "Sans Bandonéon" en lunfardo, on voit la volonté militante d'un tango à rebours des clichés), composé d'un guitariste, Ezequiel Guffani, et d'un interprète d'instruments à vent (flûte, harmonica, clarinette), Milton Blanco, qui viennent tout droit d'un conservatoire supérieur de musique...

Les spectateurs en profiteront pour jeter un coup d'œil sur l'exposition temporaire actuelle, consacrée à la correspondance de la mère de l'artiste (voir mon article du 24 octobre dernier, sur cette exposition).

Entrée gratuite, comme d'habitude.

Le Museo Casa Carlos Gardel fait partie du programme du voyage culturel que je vous propose à Buenos Aires en mai 2013 (voir l'article correspondant sous ce lien).

La justice empêche la construction d'une pharaonique Cité Administrative à Barracas [Actu]


L'année dernière, Mauricio Macri, le Chef du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, avait annoncé à grands renforts de trompette un projet insensé consistant à créer de toutes pièces une cité administrative dans le quartier populaire de Barracas, à proximité immédiate de trois hôpitaux, dont un célèbre établissement psychiatrique de pointe, qu'il laisse dans l'abandon budgétaire le plus total depuis son arrivée au pouvoir municipal en décembre 2007. On voyait gros comme une maison la méga-opération immobilière qui aurait, tôt ou tard, eu raison et de l'habitat populaire du coin et des trois hôpitaux, dont ce gouvernement local se serait débarrassé par la même occasion, pour réserver de plus en plus la ville de Buenos Aires à des classes sociales de plus en plus aisées, ce qui lui permet de rejeter dans la banlieue et donc de mettre à la charge de la Province de Buenos Aires, nettement moins gâtée économiquement que la capitale, les "pauvres" au pouvoir d'achat réduit.
Depuis un an, les habitants de Barracas et les personnels des hôpitaux, en particulier celui du Borda, le plus emblématique des trois, se battaient de toutes leurs forces pour entraver ce projet, qui aurait renchéri le terrain et les loyers dans tout le sud-est de la ville (sans parler des embarras automobiles qu'il aurait créés dans une zone qui n'en a vraiment pas besoin).

Or voilà qu'une juge vient de leur donner raison en relevant que le projet est situé sur une zone déclarée Monument Historique National, et qui donc bénéficie d'une protection légale (ce dont des décideurs comme Macri ne s'embarrassent guère et qu'ils ont en général les moyens économiques de contourner) et que le projet ne pouvait pas être publié en l'état puisqu'il manquait une étude obligatoire sur ses retombées environnementales et patrimoniales. En effet, la zone serait un important gisement archéologique, ce qui est tout à fait logique vu ce que l'on sait de l'histoire urbanistique de Buenos Aires depuis sa deuxième fondation (en 1580). Donc interdiction est faite désormais de lancer le chantier. Ce qui protège, au moins temporairement, les hôpitaux, les ateliers protégés qui fonctionnent sur le domaine appartenant au Borda, les espaces verts répandus sur toute le secteur, et les habitants du coin. Les opposants au projet espèrent qu'au regard des délais de construction, le projet est durablement condamné puisqu'il empêche que la cité soit debout en 2015, année où elle aurait servi à Macri. Donc à partir du moment où rien ne sera prêt en 2015, il est fort possible que la zone cesse brutalement de l'intéresser...

Le quotidien Página/12, qui milite bien sûr contre le projet de Macri, comme il milite contre toutes les initiatives de ce gouvernement ultra-libéral qui fait peu de cas de la constitution de la ville, de votes de son Parlement (Legislatura) et des décisions de sa justice, et même de celle des instances fédérales, qu'il ignore délibérément (1), faisait ce matin des gorges chaudes de cette décision judiciaire et en profitait pour se gausser de Macri, insinuant l'idée, fort vraisemblable par ailleurs, que ce dernier espérait pouvoir lancer sa candidature à la présidence de la Nation en 2015 depuis ces locaux flambant neuf et y mener l'ensemble de sa campagne qui s'annonce très bruyante (à la mode des campagnes électorales bourrées de fric qui sont de mise aux Etats-Unis). D'où le gros titre vengeur et un brin moqueur de ce matin : "Pas de nouveau joujou !"

Pour aller plus loin :
lire mon article du 8 septembre 2011 sur le projet tel qu'il avait été présenté il y a un an.


(1) Il y a quelques jours, Macri a mis son veto sur une loi votée par la Legislatura qui autorise l'avortement dans certains cas de viol, conformément à un arrêt de la Cour Suprême, donc au niveau fédéral, ce que toutes les entités fédérées doivent traduire dans leur droit et leur jurisprudence locale. Que nenni ! Buenos Aires restera en dehors...

samedi 27 octobre 2012

Buenos Aires, le roman national argentin et la culture populaire : la fin du séjour [Agenda de Barrio de Tango]


L'un des deux patios du Museo Mitre

Ces deux derniers jours seront comme la conclusion de cette plongée de 11 jours consécutifs, déjà, dans l'histoire et la culture de Buenos Aires et en partie aussi de l'Argentine mais ici, je ne décrirai que l'avant-dernier jour, le dernier étant laissé totalement libre pour que vous en fassiez ce que vous voulez jusqu'à l'heure où le bus viendra nous chercher à l'hôtel pour nous ramener à Ezeiza, l'aéroport international d'où nous nous envolerons à nouveau pour Paris.

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Dernier épisode par conséquent de ma série d'articles, entamée le 18 septembre, pour vous décrire pas à pas ce séjour culturel que je vous propose à Buenos Aires en plein automne.

Rappel des épisodes précédents :
Synthèse initiale du programme des 14 jours (article du 18 septembre)
Programme des jours 2 et 3 (le jour 1 est celui du vol aller)
Programme des jours 4 et 5
Programme des jours 6 et 7
Programme des jours 8 et 9
Programme des jours 10 et 11
Tous ces articles sont rassemblés sous le mot-clé Viaje, sur lequel vous pouvez cliquez dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

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L'avant-dernier jour, considéré comme le n°12, je l'ai conçu comme un résumé de tout ce que nous aurons vu précédemment. Je l'ai intitulé Histoire et identité nationales : de l'oligarchie au peuple d'aujourd'hui.

Après le petit-déjeuner, nous irons ainsi à pied de notre hôtel de la rue Salta (sur l'hôtel, voir l'article de synthèse du séjour) jusqu'au Museo Mitre, situé dans la rue San Martín, à quelques cuadras de la cathédrale. Nous passerons donc par la statue du général Roca, tout près de la Manzana de las Luces (programme de la journée 3). Une statue dont le piédestal est continuellement couvert de grafittis et d'affiches protestataires contre la politique anti-indienne ou revendicatives des mouvements ouvriers (dont le PO, dont je vous parlais il y a peu au sujet d'une manifestation en souvenir de Mariano Esteban Ferreyra), des courants politiques dont Roca est la bête noire par excellence. C'est en effet lui qui conçut et conduisit cette épouvantable Conquista del Desierto (1878-1885) dans le but avoué de détruire les populations mapuches et tehuelches vivant alors en Patagonie pour en distribuer les terres (1) à ceux qui avaient déjà tout, les richissimes propriétaires fonciers qui allaient par la suite l'élire président de la Nation en remerciement de ses bons services. Roca personnifie tout ce que la gauche actuelle argentine exècre : le racisme, la violence d'Etat, la corruption, la concussion, les magouilles en tout genre, ce qui ne manque jamais de se voir sur ce piédestal dont la hauteur monstrueuse protège la statue des outrages des manifestants.
Roca fut le premier président de ce qu'on a appelé la Generación del Ochenta. L'emplacement de la statue, à quelques mètres de ce qui fut la maison provinciale des jésuites jusqu'en 1767, donc des premiers défenseurs des Indiens sur le territoire de l'actuelle Argentine, n'est sans doute pas un hasard !

De la statue de Roca jusqu'au Museo Mitre, il nous faudra passer une nouvelle fois sur la Plaza de Mayo, que nous connaissons déjà (voir le programme du jour 2).

Le Museo Mitre est installé dans ce qui fut la demeure privée de Bartolomé Mitre (1821-1909), qui fut président de la Nation (1862-1868), un combattant unitaire portègne dans la guerre civile contre les fédéraux (2) et, encore plus important, l'un des trois grands intellectuels de la droite argentine qui ont façonné la pensée dominante dans le pays dans la deuxième partie du 19ème siècle : Domingo Faustino Sarmiento (1811-1888), lui-même et Juan Bautista Alberdi (1810-1884).
Le premier est fut chantre d'une organisation sociale conservatrice tout en valorisant le rôle de l'instruction généralisée dès le plus jeune âge et pour les filles autant que pour les garçons, ce qui ne manquait pas d'audace, et en luttant de toutes ses forces contre les pratiques électorales frauduleuses qui, depuis la chute de Rosas, maintenaient au pouvoir une oligarchie dont la puissante économique, politique et sociale allait grandissant.
Le second fut le fondateur du premier quotidien argentin, le journal La Nación qui existe toujours (voir mon article sur les 140 ans de ce titre prestigieux), et un historien-idéologue (comme tous les historiens du 19ème siècle, soit dit en passant) qui fixa une histoire officielle nationale qui est toujours enseignée à l'école, jusqu'au baccalauréat, et qui régla leur sort à tous les révolutionnaires qui, dans les années 1810, secouèrent et dénoncèrent l'ordre social établi qui écartait du pouvoir politique les non-possédants, en donnant, à maintes reprises, la parole au peuple (Moreno, Belgrano, San Martín, Güemes, Artigas, pour ne citer que les cinq noms les plus maltraités dans l'œuvre de Mitre).
Le troisième est le plus attachant des trois car c'est le plus moderne, le plus proche de notre conception de la démocratie. Musicien, poète et écrivain, Alberdi fut un partisan en son temps des droits de l'homme (ce que les deux autres n'étaient pas vraiment), il ne fut pas raciste (ce qui était exceptionnel pour un homme blanc de sa génération, en Amérique comme en Europe), il sut respecter l'existence de courants antagonistes dans la révolution et se garda de travestir, comme les deux autres, les grands héros de cette période fondatrice. Pour toutes ces raisons, il eut souvent maille à partir avec les deux autres et mourut en France, exilé pour cette raison.

Le Museo Mitre restitue ce qu'était une maison patricienne dans la deuxième moitié du 19ème siècle. On y voit clairement la fascination qu'exerçait sur cette classe sociale le mode de vie victorien. Le musée expose une partie de la collection de documents historiques constituée par Mitre, notamment plusieurs pièces très émouvantes touchant José de San Martín, qui lui furent données par son gendre, Mariano Balcarce, dans les années 1860. D'autres concernent  Manuel Belgrano (voir le programme du jour 8), d'autres viennent de Juan Martín Pueyrredón - les trois révolutionnaires dont Mitre écrivit la biographie (très partisane et dont hautement contestable selon nos paramètres actuels, surtout pour les deux premiers). D'autres enfin retracent l'action politique et militaire de Mitre lui-même, dont on perçoit, à travers ces vitrines, l'exceptionnelle puissance intellectuelle (même si l'on conteste la manière dont il l'a mise en œuvre, mais attention aux anachronismes !). Il y a aussi des expositions temporaires, parfois en contradiction avec ce que fut la politique de Mitre (j'ai ainsi vu l'année dernière une exposition sur les Indiens de Terre-de-Feu). Sa bibliothèque personnelle est devenue une bibliothèque académique qui accueille des chercheurs de tout le pays et même des pays étrangers. Comme bibliothèque d'un particulier, elle est plus qu'imposante.

Après cette visite, nous prendrons avec notre mini-bus la direction de Palermo où nous visiterons le musée qui représente l'axe antagoniste de l'histoire et de la politique argentine : le Museo Evita, consacré à l'action politique et sociale de Eva Duarte de Perón, qui mit en place un embryon d'Etat-Providence dans les années de la guerre froide, avant sa mort très précoce en 1952, à l'âge de 32 ans. On quittera ce musée en ayant définitivement rayé de nos tablettes le stéréotype qu'une comédie musicale nous a mis en tête à propos de cette femme, qui, loin du personnage de la revue nord-américaine, était une militante révolutionnaire passionnée à laquelle l'historien (sympathisant péroniste) Felipe Pigna vient de consacrer une épaisse biographie (voir l'ensemble de mes articles sur elle en cliquant sur le mot-clé Evita dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus). Très beau musée, à la pointe des technologies nouvelles, consacré à la femme, à l'actrice, à l'épouse, à la militante, installé dans un ancien foyer social dont le luxe vous surprendra. Et ce luxe dans lequel elle faisait installer les plus nécessiteux a beaucoup fait et pour sa légende et pour la haine que continue de lui vouer la droite argentine.

Nous déjeunerons à notre guise dans le quartier, du côté de la toute proche Plaza Italia ou, pourquoi pas, au restaurant magnifique du musée. Splendide décor mais les prix ne sont pas donnés au regard du niveau de vie local (ceci dit, rien de bien nouveau sous le soleil. Si vous allez déjeuner ou dîner dans un musée ou un théâtre du 8ème ou du 16ème arrondissement de Paris, le phénomène est le même).


Dans l'après-midi, nous nous rendrons en mini-bus dans un autre coin de ce même quartier de Palermo (ce sera donc notre troisième journée passée dans ce quartier immense) : l'ex-ESMA, un ancien campus de formation et d'instruction de mécanique de la Marine qui fut converti en camp de détention clandestin, en centre de torture et d'exécution, pendant la Dictature (1973-1983) et est devenu aujourd'hui un vaste ensemble de centres culturels qui cultivent ensemble les arts et les droits de l'homme. La visite de l'ex-ESMA en elle-même dure trois heures. Nous nous contenterons donc de voir l'un des centres, celui dédié à l'écrivain Haroldo Conti, qui est l'un des 30 000 disparus de la Dictature. Nous pourrons nous entretenir avec les responsables de ce centre qui participent à célébrer la vie là où a régné la mort. Nous profiterons de la lumière du jour pour apprécier l'exposition du moment à la lumière naturelle qui tombent des immenses verrières donnant sur un parc magnifique.

La nuit tombante, nous finirons notre journée à l'église San Carlos y Santa María Auxiliadora au cœur du quartier de Almagro, là où Carlos Gardel (journée 10) chanta souvent dans le chœur scolaire qui lui offrit son premier apprentissage vocal et où Ceferino Namuncurá fit sa première communion.
Ceferino est le premier béatifié argentin (novembre 2007). Dans cette église, son autel occupe une petite chapelle latérale, avec deux images contradictoires, l'une qui en fait un étudiant oxfordien (alors qu'il étudiait à Rome lorsque la tuberculose a eu raison de sa vie) (3), l'autre qui le montre en prince mapuche qu'il était aussi. Je vous raconterai son histoire et celle de sa famille, qui s'opposa avec courage à Roca et ses troupes sanguinaires, et vous verrez combien, aujourd'hui encore, il s'avère compliqué pour les Argentins, ici les catholiques (mais c'est la même chose avec les libre-penseurs), d'intégrer cette population précolombienne dans le grand roman national argentin que le pays élabore depuis les années 1850.... (sur cette difficulté, voir mon article du 12 octobre 2012 sur la réédition de Taki Ongoy de Víctor Heredia)

Le dîner et la soirée seront libres (une dernière milonga ?) et toute la journée du lendemain également. Comme ce sera un jeudi, vous pourrez, si vous le souhaitez, aller vous régaler d'un dernier concert gratuit, au Teatro Presidente Alvear, sur Avenida Corrientes : à l'heure du déjeuner, la Gran Orquesta del Tango de la Ciudad de Buenos Aires y donne un concert avec au moins deux de ses trois chefs, Raúl Garello (le fondateur de la formation), Néstor Marconi et Juan Carlos Cuaccci...

Pour aller plus loin :
Visitez le site Internet de la paroisse San Carlos Borromeo (actuellement en construction)
Sur Ceferino Namuncurá, voir mon article du 21 août 2008 sur la vénération dont il fait l'objet et les contradictions qui la sous-tendent.


(1) On n'avait pas encore découvert les gisements pétroliers. Sinon, ça aurait été encore pire, encore plus sanglant, encore plus inhumain.
(2) Ce n'était pas un génie militaire. L'historien Felipe Pigna, qui le méprise, dit de lui, non sans humour, qu'il est un "général mythique qui n'a jamais gagné une seule bataille". Il l'oppose en cela à San Martín, général victorieux s'il en est, qu'il accuse volontiers Mitre de l'avoir maltraité dans ses travaux. Mais Mitre n'a rien d'un mythe, contrairement à San Martín, il est juste une figure historique ultra-valorisée par la droite argentine, et donc par l'école, depuis plus d'un siècle.
(3) Les intellectuels de droite ont martelé dans la pensée argentine une référence omniprésente à la supposée suprématie de l'Angleterre dans tous les domaines, y compris universitaire, comme nous l'aurons vu dans l'histoire de l'immigration. Voir mon article sur les jours 8 et 9.

jeudi 25 octobre 2012

Le cours de Patricia Barone à la Academia Nacional del Tango [Actu]



Les inscriptions sont ouvertes jusqu'au 12 novembre 2012 à la Academia Nacional del Tango, avenida de Mayo 833, pour la Master Class que donnera la chanteuse Patricia Barone, le mercredi 14 novembre 2012, de 18h à 21h, sous l'intitulé El arte de cantar Tango.

Au programme :
- Quelques réflexions sur les éléments essentiels du tango et sur l'histoire de son expression vocale
- Les types de répertoire avec des exemples d'intreprétation que donnera Patricia Barone
- Le choix par les stagiaires de leur propre répertoire et le développement d'un style personnel
- L'analyse des éléments techniques du chant
- Les techniques d'interprétation.

Cette master class s'adresse à des chanteurs professionnels, des amateurs et des élèves de chant (en conservatoire par exemple).

L'inscription se fait du lundi au vendredi de 17h à 19h.

Halloween à La Viruta, à temps et à contretemps [à l'affiche]


Halloween n'est pas à proprement parler une fête traditionnelle argentine. Elle ne prend qu'à moitié comme sur le continent européen. A tel point que la traditionnelle milonga du quartier de Palermo, La Viruta, Armenia 1366, organise sa soirée non pas dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, comme on le fait en Irlande et aux Etats-Unis, mais la nuit suivante, totalement oublieuse de la tradition catholique qui règne en pays latin, la Toussaint (qui n'est pas un jour férié en Argentine, alors seuls les pratiquants savent encore que cette solennité existe).


Si vous êtes danseur et présent à Buenos Aires, cette nuit-là, allez donc, avec le déguisement le plus macabre possible (c'est ce qu'on demande sur l'affiche) et offrez-vous quelques (fausses) frayeurs à La Viruta. Sinon, repassez-vous un bon vieux classique en DVD ou sur une chaîne de cinéma à la demande : Arsenic et Vieilles Dentelles. Toute l'action se passe dans le courant de la nuit de Halloween et c'est en noir et blanc (ça nous change de la couleur citrouille dont nos vitrines de pâtisserie s'encombrent depuis quelques jours).

mercredi 24 octobre 2012

Les lettres de Berthe Gardes au Museo Casa Carlos Gardel [à l'affiche]



Aux antipodes de la thèse uruguayenniste (1) dont je vous parlais il y a quelques jours avec une nouvelle polémique ouverte par Martina Iñíguez dans El País (voir mon article du 22 octobre 2012 à ce propos), le Museo Casa Carlos Gardel, Jean Jaurès 735, inaugurera demain, jeudi 25 octobre 2012, une exposition des lettres de Berthe Gardes, la mère de Carlos Gardel. (2)

Ces lettres appartiennent à un fonds d'archives dit Colección Gardel-Defino, du nom du dernier fondé de pouvoir de l'artiste, que Berthe Gardés institua son légataire universel à sa propre mort, en 1943. Dans sa correspondance, avec son fils, avec sa famille restée à Toulouse, avec des amies, Berthe Gardés parle abondamment et avec tendresse de son fils et le sujet redouble après la tragédie de Medellín, le 24 juin 1935, lorsqu'il trouva la mort accidentellement alors qu'elle-même se trouvait chez son frère à Toulouse.

L'inauguration aura lieu demain à 19h (entrée libre et gratuite). Et vendredi 26 octobre, le lendemain, se donnera une double conférence dans le patio du musée :
Laura Orsi parlera du contenu de la correspondance, sous le titre Siempre lo espero (je l'attends encore et toujours), une phrase que la mère répétait souvent après juin 1935.
Adriana Guraieb parlera elle de la vie de Berthe Gardes et en particulier du fait de sa maternité hors mariage qui la porta à immigrer en Argentine où elle put se faire passer pour veuve, une situation honorable, alors que celle de fille-mère dans une ville modeste comme la Toulouse de la fin du 19ème siècle. Le titre de la conférence : Berthe, pionera (3) de la familia monoparental – el estigma social de la madre soltera y la migración. Donc une vision plus socio-historique dans le cadre de cette exposition.

Il y a fort à parier qu'elle sera émouvante à regarder, cette expo, qui durera un mois, jusqu'au 25 novembre 2012, de 11h à 18h. Entrée : 1 $ (peso argentin), sauf le mercredi où le musée est gratuit.

Son titre, En fin, reprend une expression avec laquelle elle débutait souvent ses lettres, en français comme en espagnol. Enfant, elle avait vécu au Venezuela où sa mère, séparée de son père mais non encore divorcée, et son amant, qui allait devenir son second mari plus tard, étaient allés cacher une grossesse adultérine. Toute la famille, Berthe, son frère aîné, Jean, le petit Charles, leur demi-frère, qui allait mourir sur le front le 11 octobre 1918, la mère et son compagnon, avait vécu plusieurs années en Amérique du Sud, avant de revenir en France, à Bordeaux, où on ne les connaissait pas et quelques années après, à l'âge de 25 ans, le même malheur s'abattait sur Berthe, avec une nouvelle grossesse hors mariage. La mère, folle de colère, rompit les liens avec sa fille, qui dut s'enfuir à Toulouse pour y mener sa grossesse à terme et y accoucher comme une pécheresse à l'hôpital Saint-Joseph de Grave, une honte à une époque où toutes les femmes honorables donnaient la vie chez elles, avec au moins des voisines pour les assister si elles n'avaient pas assez d'argent pour faire venir ne serait-ce qu'une sage-femme. Et comme toutes les filles-mères de ces années-là, c'est Berthe elle-même, tout juste accouchée, qui dut aller déclarer la naissance de son fils à la mairie, dans les trois jours comme la loi le veut.

Cette déclaration est actuellement conservée aux archives départementales, comme tous les documents administratifs passé un certain délai, et les employés ont l'habitude d'aller en chercher le registre dès qu'un citoyen argentin pointe son nez dans le service. Tous les historiens du tango connaissent cet acte de naissance comme beaucoup d'entre eux connaissent aussi l'acte de baptême célébré à la sauvette par l'aumônier de Saint-Joseph, devenu aujourd'hui un hôpital public tout ce qu'il a de bien équipé et d'efficace mais qui a conservé le sévère aspect carcéral qu'il avait à sa fondation, quand un hôpital servait à séparer la lie du peuple des braves gens (c'est contagieux, la pauvreté), avec le mépris et la bonne conscience des bien-pensants repus et charitables qui faisaient tourner l'établissement.


(1) Le Museo Casa Carlos Gardel est en effet, comme il est légitime, gardien de la version historique, celle où Gardel est né à Toulouse le 11 décembre 1890. Parmi les pièces de l'exposition permanente, il y a en effet le testament autographe de Gardel qu'il ouvre sur la reconnaissance de sa nationalité française et de sa naissance à Toulouse, ce qui constituait un aveu dangereux à la fin 1932 puisqu'il voyageait toujours avec des papiers officiels le disant né à Tacuarembó, en Uruguay, et il avait bien raison de les avoir conservés puisque, même en 1932, il n'était pas dit qu'il pourrait échapper en toute quiétude à l'attitude quelque peu revancharde de chauvins français (qui d'ailleurs n'étaient pas toujours ceux qui avaient risqué leur peau dans les tranchées). En 1936, cela aurait été plus simple car les menaces de guerre se faisant plus précises et plus concrètes, les patriotards de tous poils étaient plus enclins à un pacifisme qui fut d'ailleurs de très mauvais aloi... Ce testament fait partie des pièces plus que contestées par les uruguayennistes.
(2) Dans la thèse uruguayenniste, la pauvre femme en voit de toutes les couleurs. Bien évidemment, sa maternité ne colle pas avec la naissance à Tacuarembó puisqu'elle est française et que personne ne peut nier qu'elle ait accouché à Toulouse. On en fait donc la plupart du temps une prostituée qu'elle ne fut jamais et à qui les parents adultérins de Carlos Gardel aurait confié l'éducation de leur enfant. Comme si on confiait un nouveau-né à une prostituée. Et de là, un échafaudage impressionnant de circonstances pour tenter de démontrer qu'elle était bien à des dates qui varient présente dans les environs de Tacuarembó pour que cette substitution de mélodrame ait pu se réaliser...
(3) Pionnière, elle ne le fut guère. Dans ces années-là, c'était une situation de famille beaucoup plus courante qu'on ne le croit, tant en France qu'à Buenos Aires. Mais elle est certainement une référence en la matière pour la société actuelle où cette situation a acquis un autre statut et relève d'une multitude de circonstances, qui n'existaient pratiquement pas à l'époque (concubinage définitif, séparations de fait, divorces...)

Luis Filipelli aux 36 Billares le 1er novembre [à l'affiche]



Le chanteur Luis Filipelli présentera son disque Utopía, le cinquième de ses quarante ans de carrière (1), au Café Los 36 Billares, avenida de Mayo 1265, le jeudi 1er novembre 2012, à 21h.

Entrée : 60 $.

Pour en savoir plus sur l'artiste, cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

(1) Cette situation est symptomatique de la crise qu'a traversée le tango des années 1960 à la fin des années 1980. Les artistes ont beaucoup trimé et mangé de la vache enragée tous les jours que Dieu a faits !

mardi 23 octobre 2012

San Martín, à rebours des conquistadors – biographie en souscription [Disques & Livres]


Couverture originale de Juliette Laude
(Juliette a travaillé à partir d'un portrait exécuté à Bruxelles, vers 1827 ou 1829,
et attribué à Jean-Baptiste Madou
aujourd'hui exposé au Museo Histórico National à Buenos Aires)

José de San Martín, je vous en ai quelques fois parlé dans ces colonnes : c'est un personnage essentiel pour qui veut comprendre quelque chose à l'Argentine, même si, et le paradoxe n'est pas mince eu égard aux statues sans nombre et à tous les patelins qui portent son nom dans le pays, les Argentins eux-mêmes le connaissent fort mal.
C'est qu'en Argentine, il n'y a pas plus rasoir à l'école que le cours d'histoire et ce, jusqu'au baccalauréat. Un vrai remède à l'amour et d'ailleurs, dans ce sens-là, c'est assez efficace : il y a peu de bons historiens en Argentine. La faute à une longue tradition qui prend racine dans les années 1860 lorsque les intellectuels de droite, Sarmiento, Mitre et compagnie, ont commencé à fixer une histoire officielle, linéaire, simpliste, avec des bons d'un côté, inodores et insipides, et des méchants de l'autre, sauvages et hirsutes, de l'autre, le tout étant, vous l'imaginez, fort éloigné de la réalité historique et du souvenir que le peuple gardait d'événements qui s'étaient tout de même déroulé près d'un demi-siècle plus tôt... Mais il y a cependant en Argentine un public, sans aucun doute d'intellectuels penchant nettement à gauche, qui en connaît un rayon sur le sujet parce que le peintre et dessinateur de presse Miguel Rep s'amuse à jongler avec les topos sanmartiniens, comme je vous le montrerai demain ou après-demain (pas tout le même jour, il faut garder de la place pour le dessert...).

Le vrai personnage historique est attachant comme il y en a peu dans cette période révolutionnaire propice aux manœuvres douteuses. Un courage physique et politique rare et constant. Un général d'une profonde humanité, fraternel envers tous ses semblables, imperméable au racisme qui était alors la norme dans la société tant en Espagne qu'en Amérique, amant (comme on disait alors) désintéressé des lettres, de la philosophie et de la musique...

José de San Martín (1778-1850) est né dans l'actuelle Argentine, en plein pays producteur de yerba mate (voir mon article du 20 octobre 2012 sur le mate), dans l'actuelle Province de Corrientes, tout au nord du pays, dans une petite ville qui s'appelait Yapeyú et qui a été détruite en 1817 par les Brésiliens, une zone située dans les anciennes Missions jésuites où s'était développée une société indienne guaranie des plus prospères, jusqu'à ce que les colons espagnols détruisent tout après l'expulsion de la Compagnie de Jésus (1767-1773)..
C'est donc là qu'il est né, le 25 février 1778, en été, deux ans après la création formelle du Vice-Royaume du Río de la Plata, un an et demi après la déclaration d'indépendance des Etats-Unis et quatre ans après l'avènement de Louis XVI à Versailles. Très vite, il n'avait pas encore six ans, sa famille est retournée vivre en Espagne, où il a fait toute sa scolarité en sautant les étapes comme un enfant précoce avant d'incorporer extrêmement tôt l'armée comme cadet, à 12 ans, et comme officier d'active, à 15 ans et demi, en pleine guerre du Roussillon où il menait des offensives d'une audace déjà ahurissante. Le jeune officier a en effet très vite été remarqué par le haut commandement qui n'hésite pas à le promouvoir d'année en année, ce qui relève d'un véritable exploit vu la manière dont le roi d'Espagne d'alors, le très benêt Carlos IV, distribue les places dans les régiments... A une date incertaine mais en pleine jeunesse à coup sûr, dans cette Espagne percluse d'absolutisme et macérée dans un catholicisme qui sent de plus en plus le renfermé depuis l'expulsion violente des jésuites en 1767, San Martín adhère aux idéaux humanistes et libéraux de la Révolution Française mais c'est dans les rangs des patriotes espagnols qu'il combat la France lorsque Napoléon lance ses troupes contre la Péninsule. De telle sorte qu'il peut se compter parmi les premiers vainqueurs de l'armée impériale, le 19 juillet 1808, à Bailén... Pourtant, malgré les victoires sur le champ de bataille, l'Espagne, épuisée par le règne imbécile de Carlos IV, se rend peu à peu, par pans entiers, à Joseph Bonaparte, et à l'automne 1811, San Martín, qui voit perdu tout espoir d'un nouveau régime de liberté dans le pays, décide de rejoindre l'Amérique où la Révolution vient de se déclencher, à Caracas en avril et à Buenos Aires en mai 1810.

Il arrive ainsi à Buenos Aires, en provenance de Londres, le 9 mars 1812, comme je vous l'ai raconté cet hiver (voir mon article du 9 mars 2012). C'est un homme d'une prestance et d'un charisme incroyable. Malgré la réticence plus que marquée à son égard du nouveau gouvernement de Buenos Aires, il ne met qu'une semaine à le convaincre de lui confier la création du premier régiment professionnel du Río de la Plata : le régiment des grenadiers à cheval, dont je vous ai un peu parlé pour les journées 4 et 5 du séjour culturel que je vous propose à Buenos Aires, jusqu'à la fin de ce mois d'octobre, en partenariat avec Intermèdes.
C'est avec ce régiment des grenadiers à cheval (Granaderos a Caballo), moins d'un an après sa fondation, qu'il remporte l'éclatante victoire de San Lorenzo dont on fêtera le bicentenaire le dimanche 3 février 2013.
C'est encore avec le noyau dur de ce régiment et quelque 3 000 autres soldats engagés de fraîche date dans l'immense Province de Cuyo (1), qu'il réalise le plus grand exploit militaire de l'indépendance du continent : la traversée des Andes en armes, avec parc d'artillerie et canons, du 15 janvier au 11 février 1817, pour libérer le territoire chilien de ses occupants absolutistes. Une sorte de D-Day du 19ème siècle naissant. Qui fit en Europe les gros titres de la presse encore balbutiante.
Le général San Martín acheva son épopée révolutionnaire comme premier Chef d'Etat du Pérou indépendant, sous le titre de Protecteur de la Liberté du Pérou. Et après avoir exercé ces fonctions un an et 19 jours, il démissionna, le 20 septembre 1822, laissant stupéfaits les Péruviens et jusqu'à ses plus proches collaborateurs qui mirent longtemps à comprendre pourquoi un tel génie politique et militaire pouvait ainsi renoncer à l'exercice du pouvoir que personne ne lui contestait (encore) et que lui avaient gagné ses exploits guerriers inouïs.

L'histoire personnelle de Don José, cet homme nourri du lait des écrivains français des Lumières, prend alors une couleur on ne peut plus romantique.
Il rentre chez lui, à Mendoza, plein de joie et d'espérance à l'idée de vivre tranquillement à la campagne avec sa femme, Remedios de Escalada, qu'il avait épousée le 12 septembre 1812 (voir mon article du 19 septembre 2012 à ce sujet), leur fille Mercedes et les autres enfants qu'il envisage encore d'avoir. Et tout s'effondre. Lui-même tombe malade d'épuisement, après plus de vingt ans de lutte incessante. Il fait une sorte de burn-out, comme on dit aujourd'hui. A Buenos Aires, ses ennemis, en particulier l'ignoble Bernardino Rivadavia, sont au pouvoir; ils lui font mener une vie infernale et lui interdisent l'accès à Buenos Aires, où sa femme, qui y vit retirée dans sa famille, se meurt de phtisie. Remedios s'éteint le 3 août 1823, à 25 ans, en prononçant son nom. Le lendemain, on la porte au cimetière de la Recoleta, où elle repose toujours aujourd'hui. C'est la plus vieille tombe de ce vieux cimetière, l'une des plus sobres et la plus émouvante sans doute pour qui connaît un peu les histoires de ceux qui dorment dans cette grande nécropole.

San Martín renonce à l'idée d'éduquer sa fille seul, en Argentine, où sa vie même est menacée parce qu'il refuse de prendre part à la guerre civile. Il part avec elle à Londres, où un ami écossais l'attend depuis la guerre d'Espagne. De Londres, il passe à Bruxelles, où la vie est moins chère qu'en Angleterre, car les premières années d'exil sont bien difficiles pour cet homme qui, tout au long de sa carrière publique, a obstinément refusé de faire la moindre fortune. Et quand le libéralisme triomphe enfin à Paris, grâce à la Révolution de Juillet en 1830, il quitte la Belgique, elle-même en plein processus d'indépendance, pour s'installer à Paris où il vivra discrètement, en patriarche lettré, dans son jardin d'Evry (Grand-Bourg), entourée de sa fille, de son gendre, de ses petites-filles et de nombreux amis qui vont et viennent entre les deux continents. En février 1848, les troubles parisiens et la violence d'une nouvelle révolution, qui détrône Louis-Philippe, l'engagent à se rapprocher de l'Angleterre. On ne sait jamais. Il est vieux, il est quasiment aveugle, il a traversé beaucoup d'horreurs dans sa longue vie et il veut protéger sa famille et surtout ses deux petites-filles de 15 et 12 ans. Il s'installe à Boulogne-sur-Mer, dans la maison d'un avocat, Adolphe Gérard. C'est là qu'il meurt, le 17 août 1850, au cours d'une semaine pluvieuse et venteuse, ce qui fera de cette sous-préfecture du Pas-de-Calais la ville la plus argentine de France et d'Europe (voir mon article du 10 août 2012, n° 2700).

Sa vie n'avait pas été racontée en français, pour autant que je le sache, depuis la nécrologie qu'Adolphe Gérard lui avait dédiée le 21 août 1850 dans L'Impartial, le quotidien boulonnais de ce temps-là. Elle a été racontée, et souvent, et parfois à faux, en espagnol, surtout en espagnol d'Argentine. Elle a été racontée et analysée en profondeur en anglais par un des meilleurs historiens de la période, l'Anglais John Lynch, de l'Université de Londres. Mais en français et sous une forme accessible au grand public qui plus est, rien. Il fallait donc le faire, car le personnage est passionnant et il a beaucoup à dire à notre temps. Beaucoup à dire sur les droits de l'homme, dont San Martín fut un combattant ardent et inlassable. Beaucoup à dire sur la paix civile et le dialogue que les adversaires politiques doivent savoir entretenir en démocratie. Beaucoup à dire sur ce que signifie bâtir une nation et une souveraineté, bâtir un pays, construire une solidarité nationale et nous savons, en Europe, combien c'est complexe, avec ou sans Prix Nobel de la Paix. Beaucoup à dire sur ce qu'est l'honneur (notion fort galvaudée de nos jours et dont on se gausse volontiers), ce qu'est l'intégrité et le respect des autres, ce que sont les valeurs morales, ce qu'est l'argent et le pouvoir...

Ajoutez à cela que mon bouquin devait répondre aux règles bien précises et, mine de rien, très contraignantes de la collection dans lequel il paraît. Ce qui fut un défi à relever à travers lequel j'ai beaucoup appris, ce dont je tire toujours une immense satisfaction personnelle.
Dans la collection Signe de vie, les Editions du Jasmin ne proposent en effet que de vraies biographies appuyés sur des faits avérés. Les inventions romanesques n'y sont pas de mise. Mais il faut cependant aussi que le récit se lise comme un roman et qu'il soit accessible à un large public, selon une politique culturelle constante dans cette maison où l'originalité et la cohérence font bon ménage. Donc pas de note en bas de page. Pas de références aux sources, à l'exact inverse de ce qui se passe dans une biographie érudite. Ce fut donc pour moi un vrai travail d'écriture, mis et remis sur le métier plusieurs mois durant, avec bonheur (est-il nécessaire de le répéter), pour concilier l'exactitude de mon propos sur un sujet totalement inconnu de mes futurs lecteurs et une fluidité de style qui conviennent autant à des lecteurs assidus, déjà très calés en histoire, qu'à des adolescents au moment où ils se construisent le bagage culturel qui les accompagnera toute leur vie.
Comme vous le devinez donc de mon côté, ce fut une aventure exaltante, tout à la fois littéraire et historique. Et pour le lecteur -c'est mon souhait le plus cher en tout cas-, ce sera une nouvelle découverte, celle d'un autre visage argentin, encore quelque chose d'inconnu et d'inattendu en provenance de ce pays, comme ce dont parle ce blog d'actualité culturelle et mes deux précédents ouvrages qui portent sur la littérature du tango, Barrio de Tango (ed. du Jasmin) et Deux cents ans après (Tarabuste Editions)...

Le livre, 216 pages, en format 15x19 cm, paraîtra le 4 décembre 2012 aux Editions du Jasmin, au prix de 16 € TTC.
(En France, rappelons que le prix du livre est réglementé par la loi Lang depuis plus de 30 ans, qu'afin de protéger le réseau des libraires indépendants, le prix est aposé obligatoirement sur la quatrième de couverture et qu'aucun libraire ni éditeur ne peut vendre en dessous de 95% de ce prix).

A partir d'aujourd'hui et jusqu'au 3 décembre 2012 dernier délai, cette biographie est néanmoins disponible, mais en souscription, donc obligatoirement avant parution, au prix de 14 € TTC.


Le bulletin de souscription est disponible en format pdf chez l'éditeur.
Vous pouvez aussi l'imprimer directement chez vous en cliquant sur le formulaire en format jpg ci-dessus (la résolution  de l'image devrait donner un document correct et lisible à l'impression).
Vers la mi-novembre, le site Internet des Editions du Jasmin (www.editions-du-jasmin.com) sera mis à jour des parutions récentes de cette rentrée et des livres à venir. Pour l'heure, San Martín, à rebours des conquistadors n'est annoncé que sur la page qui m'est consacrée comme auteur de la maison.
Bien entendu, je présenterai aussi cette biographie lors des deux prochains salons auxquels je participerai d'ici la fin de l'année civile, sur le stand de mon éditeur, comme d'habitude, à Contrexéville, les 10 et 11 novembre et à Colmar, les 24 et 25 novembre 2012.

L'ensemble des articles (à venir) qui traiteront de cette biographie seront rassemblés sous le mot-clé SnM bio Jasmin, comme ceux qui traitent de Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins sont rassemblés sous le mot-clé Ant Jasmin. Sous le mot-clé San Martin, vous trouverez, comme auparavant, les articles portant sur la personne de José de San Martín et son poids culturel en Amérique du Sud (coutumes, traditions, célébrations, histoire, bicentenaire, etc...). Et à partir du 4 décembre 2012, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search comme dans la Colonne de droite, le mot-clé Jasmin servira à signaler les lieux et occasions où vous procurer l'ensemble de mes livres parus aux Editions du Jasmin, sans distinction de titre (Barrio de Tango, San Martín - à rebours des conquistadors, et les deux suivants, dont la sortie est programmée courant 2013).

En février 2013, aura lieu la présentation officielle du livre, avec pains surprises et autres amandes salées, en commun avec celle des deux autres prochains titres de la collection, un Jaurés et un Beaumarchais. Ce sera à Paris, au MODIF. Je vous en parlerai en temps utile.

Pour aller plus loin :
écouter mon interview en français sur San Martín donnée en août dernier à Magdalena Arnoux, au micro de Radiodifusión Argentina al Exterior (RAE)
écouter mon interview en espagnol sur San Martín aussi, mais sur d'autres points de sa vie et de sa personnalité, donnée le même jour à Leonardo Liberman, au micro de RAE, la station internationale de Radio Nacional Argentina.


(1) La Province de Cuyo, dont San Martín fut un gouverneur d'heureuse mémoire jusqu'à nos jours, est répartie maintenant en trois provinces : Mendoza, San Juan et San Luis. Cuyo incluait aussi une partie de l'actuelle province de La Rioja. Toutes les quatre sont des provinces agricoles, viticoles, oléïcoles et horticoles (maraîchages et vergers). Le nom de Cuyo désigne aujourd'hui une région géographique.