jeudi 31 janvier 2013

Le Bicentenaire de la Asamblea del Año XIII [Actu]



Tandis que l'été bat son plein (1), dans une chaleur suffocante et en plein chassé-croisé entre janviéristes et févriéreins sur les autoroutes et dans les aéroports, une partie de l'Argentine, la gauche, fête aujourd'hui les deux cents ans de l'installation de la première assemblée législative des Provinces-Unis du Río de la Plata, encore liées à l'Espagne loyaliste qui se battait contre l'envahisseur français dans la Péninsule. En ce 31 janvier 1813, la Asamblea del Año XIII est un peu dans la mémoire populaire argentine l'équivalent de ce que fut en France la transformation des Etats-Généraux en Assemblée Nationale ou la Nuit du 4 août pendant l'été 1789 : la phase épanouie et heureuse de la Révolution, celle du consensus national qui rassemble toutes les classes de la société, avant que tout se gâte en une guerre civile traumatisante (comme ce fut le cas de la Terreur dans toute la France et de la guerre de Vendée et, là-bas, en Argentine, la lutte entre fédéraux et unitaires qui germe dans cette toute première assemblée élue). Et je suis heureuse que cet article soit aussi le n° 2913, ça ne s'invente pas !

Pourquoi est-ce essentiellement la gauche qui va faire la fête ce soir ? Parce que cette assemblée symbolise le courant de l'émancipation sociale au sein du vaste mouvement qui fit passer l'Amérique du Sud de l'Ancien Régime et de la condition de colonie à la souveraineté nationale et à la séparation avec l'Espagne. Or cette tension entre la priorité donné au progrès social et celle donnée à l'indépendance n'est toujours pas résolue aujourd'hui en Argentine et la droite est peu mobilisée pour célébrer une étape de la révolution qui vit la fin de l'esclavage par extinction (2), celle des servitudes auxquelles étaient soumis les Indiens (corvées, travail forcé, entrave à la liberté de résidence, etc.), celle des châtiments corporels à l'école (ce qui créa quelques problèmes de discipline que les instituteurs eurent bien du mal à se sortir tant il leur en coûta de modifier leurs méthodes pédagogiques), l'abolition de l'Inquisition (déjà abolie en Espagne depuis 1808), l'interdiction de la torture dans la procédure judiciaire pénale (3), l'égalité des enfants dans l'héritage quelque soit leur rang dans la fratrie et l'abolition des titres nobiliaires, ce qui n'était pas en Argentine le sujet le plus brûlant (la plupart des titres nobiliaires se trouvaient au Pérou et au Mexique et non dans l'extrême sud du continent).

Une grande fête se prépare à Buenos Aires, à partir de 16h30, sur Plaza de Mayo, avec une grande scène dressée du côté du Cabildo, tout près de l'endroit où se réunissait cette Assemblée, la Manzana de las Luces, à deux cents mètres de là...

Préparation de la scène hier devant le Cabildo (photo Télam)

Et pendant que La Nación et Clarín continuent à bêtifier en se préparant au couronnement (sic) de Máxima (voir mon article du 29 janvier 2013 sur le sujet), Página/12 a interviewé l'historienne Ema Cibotti, qui est d'autant plus intéressante que comme tant et tant d'historiens en Argentine elle a encore bien du mal à distinguer entre certains préjugés si sacro-saints qu'ils semblent hors d'atteinte de la critique méthodique propre à la discipline et la réalité de la recherche scientifique (4).

Extraits.

¿Cómo se gestó la Asamblea?
El 31 de marzo de 1813, un día domingo, quedó instalada en la ciudad de Buenos Aires. Fue un gran acontecimiento histórico. Sus promotores, todos integrantes de la Logia Lautaro, activos instauradores del Segundo Triunvirato, impulsaron reformas esenciales y aunque su objetivo final, sancionar una constitución, quedó incumplido, cada uno de sus actos soberanos afirmó la voluntad de enfrentar al despotismo y afianzar la emancipación.
Ema Cibotti, in Página/12

- Comment naquit l'Assemblée ?
- Le 31 mars 1813 (5), c'était un dimanche, l'Assemblée s'installa dans la ville de Buenos Aires. Ce fut un grand événement historique. Ses promoteurs, toujours membres de la Loge Lautaro (6), actifs instaurateurs du Second Triumvirat, impulsèrent des réformes essentielles et même si son objectif final, voter une constitution, ne fut jamais atteint, chacun de ses actes souverains affirma la volonté de s'opposer au despotisme et de soutenir l'émancipation.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

¿Cuál era el clima político del momento?
El ambiente general era de gran optimismo. Y esta etapa inicial que culmina en el mes de septiembre del mismo año, con la primera suspensión de las sesiones, es la más prolífica en el dictado de nuevos preceptos y leyes que reformaron de cuajo la vida civil de la ex colonia española. No había retroceso posible en el Río de la Plata. Como bien dijo Alberdi, algunos años más tarde, “el pasado no tenía defensores”.
Ema Cibotti, in Página/12

- Quel était le climat politique du moment ?
- L'atmosphère générale était fort à l'optimisme. Et cette étape initiale qui culmine au mois de septembre de la même année, avec la première suspension de session, est la plus prolifique dans l'élaboration de nouveaux concepts et de lois qui réformèrent de fond en comble la vie citoyenne de l'ex-colonie espagnole. Il n'y avait plus de retour en arrière possible sur le Río de la Plata. Comme le dit bien Alberdi, quelques années plus tard, "le passé n'avait personne pour le défendre".
(Traduction Denise Anne Clavilier)

¿Cuáles fueron las medidas más significativas que dictó?
El 2 de febrero, segunda sesión, se vota la libertad de vientres. En palabras de un contemporáneo, un ejemplo de equidad y justicia. No he encontrado una mejor definición de esclavitud que la que propone el mismo artículo: “Este bárbaro derecho del más fuerte que ha tenido en consternación a la naturaleza, desde que el hombre declaró la guerra a su misma especie”. El decreto o bando publicado en la Gazeta, el 5 de febrero, establecía: “Los niños que nacen en todo el territorio de las Provincias Unidas del Río de la Plata, sean considerados y tenidos por libres”. El rechazo a la esclavitud era una cuestión fundamental. El Primer Triunvirato ya había decretado –el 15 de mayo de 1812– la prohibición de introducir esclavos, y esta decisión compartida más allá de las disensiones revolucionarias, tenía el apoyo de los morenistas y de los rivadavianos, y explicita por qué San Martín o Belgrano hablaban de “emancipación” y no sólo de independencia. El documento advertía que la esclavitud debía desaparecer “de nuestro hemisferio”. La aclaración no era ingenua, por el contrario, señalaba, de una manera muy sutil, la deuda de la revolución de la independencia norteamericana.
Ema Cibotti, in Página/12

- Quelles furent les mesures les plus significatives qu'elle imposa ?
- Le 2 février, à la deuxième séance, on vota la liberté des ventres. Selon les dires d'un contemporain, un exemple d'équité et de justice. Je n'ai pas rencontré de meilleure définition de l'esclavage que celle que propose l'article lui-même : "Ce droit barbare du plus fort que a consterné la nature, depuis que l'homme a déclaré la guerre à sa propre espèce". Le décret ou avis publié dans la Gazette, le 5 février, établissait : "Les enfants qui naissent sur tout le territoire des Provinces-Unies du Río de la Plata, seront considérés et tenus comme libres". Le rejet de l'esclavage était une question fondamentale. Le premier Triumvirat avait déjà décrété, le 15 mai 1812, l'interdiction d'introduire des esclaves, et cette décision partagée au-delà des dissensions révolutionnaires, avait l'appui des morenistes et des rivadaviens (7) et explique pourquoi San Martín ou Belgrano (8) parlait d'émancipation et non pas seulement d'indépendance. Le document annonçait que l'esclavage devait disparaître de "notre hémisphère". Cette mise au point n'était pas naïve, tout au contraire, elle signalait, d'une manière très subtile, la dette de la révolution de l'indépendance nord-américaine (9).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pero no se suprime directamente la esclavitud en ese momento...
Es cierto que para la supresión de la esclavitud hay que esperar a 1853, pero eso se debe a la dificultad para la organización constitucional del país, y no a una voluntad esclavista.
Ema Cibotti, in Página/12

- Mais on ne supprime pas directement l'esclavage à ce moment-là...
- C'est sûr que pour la suppression de l'esclavage il faut attendre 1853 mais ceci est dû à la difficulté d'organisation constitutionnelle du pays, et non pas à une volonté esclavagiste. (10)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

¿Qué influencia tuvo en términos políticos?
En materia política, también anticipa lo que vendrá. La división tripartita de los poderes está claramente enunciada. Pero ¿bajo qué forma? Artigas da instrucciones el 13 de abril de 1813 a los diputados orientales para que no se admita otro sistema que el de la Confederación y una formal declaración de independencia absoluta con respecto a la corona y al Estado de España. El disenso se hace carne enseguida en el seno de la Asamblea, Alvear rechaza el artiguismo y promueve el Directorio, esto es, un poder centralizado. El contexto externo ha cambiado, en pocos meses los refuerzos realistas que llegan a Montevideo y la “rencorosa venganza” que todos vislumbran en las acciones de Fernando VII, priorizarán el esfuerzo de la guerra por sobre cualquier otra consideración política, y el debate constitucional que requiere de un clima de paz queda así interrumpido. Pero la Asamblea ha cumplido su función: debate de ideas y puesta en acción de la política pública que, a fuerza de construir una identidad de voluntaria agregación, se está convirtiendo en la base de una futura nación.
Ema Cibotti, in Página/12

- Quelle influence a-t-elle eue en termes politiques ?
- En matière politique, elle a aussi anticipé le futur. La division tripartite des pouvoirs était clairement énoncée (11). Mais sous quelle forme ? Artigas (12) donne des instructions le 13 avril 1813 aux députés orientaux pour qu'on n'admette pas d'autre système que celui de la Confédération et [pour obtenir] une déclaration formelle d'indépendance absolue para rapport à la couronne et à l'Etat espagnols. La dissension s'incarne immédiatement au sein de l'Assemblée. Alvear rejette l'artiguisme et promeut le Directoire, c'est-à-dire un pouvoir centralisé. Le contexte externe (13) avait changé, en peu de mois les renforts royalistes qui arrivaient à Montevideo et la vengeance pleine de rancœur que tous entrevoyaient dans les actions de Fernando VII. Ils prioriseront l'effort de guerre sur toute autre considération politique et le débat constitutionnel qui requiert un climat de paix se trouve presque interrompu. Mais l'Assemblée a rempli sa fonction : un débat d'idées et une mise en action de la politique publique qui, à force de construire une identité d'agrégation volontaire (14), se convertit peu à peu en la base d'une future Nation.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Fac-similé de la première page de l'édition du 5 février 1813
de la Gazeta Ministerial del Gobierno de Buenos Ayres (orthographe originale)
Cliquez sur l'image pour obtenir une meilleure résolution

Pour aller plus loin :
lire l'interview intégrale dans l'édition de Página/12
lire l'article sur les festivités de ce soir dans Página/12
lire la dépêche de Télam sur les festivités de Plaza de Mayo
lire l'analyse de l'historien Prudencio Bustos Argañaraz sur le blog cordobais Foro Sanmartiniano. Cette analyse est elle aussi partisane, vous le voyez dans le titre : les véritables acquis de l'Assemblée (revendiquer la vérité vous place d'emblée dans une posture polémique, puisque si vous dites la vérité, c'est que les autres mentent). Mais son point de vue est très différent de celui de Ema Cibotti. Il est beaucoup plus critique sur cette assemblée sans jamais expliquer clairement ce que signifient ces décalages qu'il dénonce entre les principes et la pratique de l'assemblée et des habitants qu'elle était censée représenter.
Voir aussi mes autres articles sur le bicentenaire en cliquant sur le mot-clé correspondant dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.


(1) J'en profite pour travailler sur les deux prochains livres, Tango Negro, de Juan Carlos Cáceres, avec une traduction et des commentaires de votre servante, qui doit paraître le mois prochain aux Editions du Jasmin (on est en plein dans le thème de la Asamblea del Año XIII, qui a beaucoup fait pour l'émancipation des Noirs dans ce qui allait devenir l'Argentine) et une anthologie de documents historiques, sud-américains, britanniques, nord-américains et français, autour de la figure de José de San Martín et de son œuvre politique et militaire d'il y a deux cents ans... Et à me préparer à une éventuelle intervention dans une émission de Radio Nacional lundi prochain.
(2) En droit, l'esclavage a vraiment été aboli en Argentine en 1853 et c'est l'œuvre de la première constitution effective, inspirée et presque rédigée par le grand intellectuel que fut Juan Bautista Alberdi. De fait, l'esclavage n'existait plus dans la Province de Buenos Aires dès le milieu des années 1835 et vers 1845, il n'y avait plus d'esclave sur l'actuel territoire argentin.
(3) Or on sait le cas qu'une partie de la droite argentine en a fait sous la dernière Dictature militaire entre 1976 et 1983 !
(4) C'est sur le plan technique la pierre d'achoppement la plus difficile à contourner dans mon travail d'adaptation de Tango Negro, de Cáceres, aux exigences du public français pour qui mélanger sans les distinguer les plans de la légende et de l'histoire constitue une faute méthodologique rédhibitoire, à la limite du sacrilège intellectuel, alors qu'en Argentine, cela reste monnaie courante et cela passe le plus souvent inaperçu.
(5) C'est sans doute une coquille. Le 31 janvier 1813, bien sûr.
(6) La légende montre le bout de son nez. Les initiateurs de l'Assemblée étaient en effet tous membres d'une organisation secrète qu'ils appellaient la Loge. On suppose qu'il s'agissait d'une loge maçonnique opérationnelle, sans beaucoup de travaux métaphysiques, une société secrète comme il y en a toujours dans les révolutions. Mais elle ne s'appelait sans doute pas Lautaro. San Martín et Carlos María de Alvear, les officiers qui avaient aidé à mettre en place le 12 octobre 1812 un nouveau gouvernement (Segundo Triumvirato), plus conciliant pour les intérêts des classes sociales inférieures, étaient les fondateurs de cette loge. Le 30 janvier 1813, San Martín était parti en mission vers le nord, avec 120 grenadiers à cheval déjà assez instruits pour aller au combat. Alvear était resté à Buenos Aires, il supervisait l'instruction des nouvelles recrues et assumait son mandat de député de la province de Misiones, devenant même dès le lendemain le président de cette Assemblée. Le 3 février, San Martín remportait une victoire politiquement écrasante sur les rives du Paraná, réussissant en un combat de 15 mn à sécuriser toute la région fluviale qui ne connut plus que deux timides incursions absolutistes qui ne tardèrent pas à battre retraite. A la fin février, San Martín était de retour à Buenos Aires et peu à peu les relations entre lui et Alvear s'envenimèrent. Très vite San Martín allait quitter la capitale et gagner Mendoza, dont il fut le gouverneur de septembre 1814 à la mi-1816, juste avant de partir avec l'Armée des Andes à la reconquête du Chili. C'est sans doute dans cet environnement qu'il fonda une autre loge, cette fois-ci main dans la main avec un officier chilien, Bernardo O'Higgins, et c'est sans doute alors qu'ils baptisèrent leur organisation du nom de ce premier chef mapuche qui avait combattu l'invasion espagnole dès le début de la colonisation du Chili. Mais la légende, fixée par Bartolomé Mitre dans les années 1860, a baptisé la loge de Buenos Aires de ce nom étrange, qui n'appartient pas à l'histoire de l'est des Andes. Depuis, bien peu nombreux sont les historiens et les guides qui savent mettre en doute cette tarte à la crème qu'est cette loge Lautaro manipulant en sous-main l'Assemblée et le Triumvirat... Légende et histoire, sans distinction.
(7) Mariano Moreno était le chef de file (désormais disparu) du courant social, partisan de l'égalité de tous, de l'ancrage dans une culture latine, ouverte à l'Espagne, l'Italie, la France... et de l'accès progressif et ordonné de toutes les classes sociales à l'exercice de la citoyenneté. Bernardino Rivadavia, qui a donné son nom à l'artère centrale de Buenos Aires, était le chef de file de la réaction et du statu- quo socio-économique, partisan de l'alliance avec la Grande-Bretagne qui entamait sa métamorphose impérialiste, et de plus en plus marqué par la haine de l'Espagne et de l'hispanité.
(8) Manuel Belgrano, grand juriste, spécialiste du commerce et de l'économie, devenu chef militaire sous la contrainte des événements révolutionnaires, chef de file du courant moreniste après la mort de Moreno en 1812.
(9) Un petit peu étrange à l'heure où le monde entier a les yeux rivés sur le film Lincoln et ses récompenses prochaines potentielles que de voir une historienne oublier que les Etats-Unis n'ont aboli l'esclavage que fort longtemps après avoir assuré leur indépendance... Là encore, ce que nous nous fixons comme critère de précision en Europe n'est pas au rendez-vous. Sous ce discours qui semble bien construit, coulent l'impensé et l'innommé. La question suivante de la journaliste relève peut-être de cette grande ignorance dans laquelle baigne encore le peuple argentin, qui a plus besoin de la légende, pour la liturgie qui développe la fierté d'appartenance à la collectivité nationale, que de l'histoire, dont les nuances font apparaître autant les zones d'ombre que les zones de lumière. Et les zones d'ombre, tant que la Nation n'est pas solidement construite, on évite d'aller y regarder de trop près. La réponse de l'historienne va renforcer cet aveuglement délibéré. Car si l'esclavage n'a pas été aboli en tant que tel, cela a bien à voir avec une volonté esclavagiste : il était impossible à cette société de maintenir son économie en se privant d'un seul coup de ce mode de production qu'était l'esclavage qui permet, pour un investissement initial (éventuellement élevé, un esclave fort et en bonne santé, ça coûtait cher), d'avoir une force de travail gratuite. En Europe à la même époque, il n'existait plus que de la force de travail à gage, chaque patron devait payer ouvriers, employés, commis, journaliers et chaque maître devait aussi rétribuer les services de ses domestiques. En Argentine, non... Et l'historienne va ouvertement nier cette réalité factuelle objective avec un argument dont la fragilité n'échappera à personne. Par ailleurs, la volonté esclavagiste très nette, notamment à Buenos Aires, est amplement attestée par la difficulté qu'a rencontrée San Martín en 1815 et 1816 pour incorporer dans son armée les esclaves aptes au service militaire. Les maîtres ne voulaient pas donner leurs biens (leurs esclaves) à l'armée. Un cheval encore, c'était envisageable, mais un esclave, non, puisqu'il n'y avait plus de trafic négrier et ni par conséquent de renouvellement du cheptel.
(10) Bien entendu, un jour de célébration comme celui d'aujourd'hui, où il s'agit bien d'être fier du passé national, il est peu opportun de regarder cet élément-là avec des yeux objectifs. D'autant que la Asamblea del Año XIII est comme toutes les institutions blanches en Amérique du Sud tétanisée par le souvenir de la révolte des esclaves à Haïti, une révolte qui a abouti à une victoire des Noirs contre le colonisateur blanc et contre le maître. Pas un mot dans cette interview de cette réalité qui pourtant hantait l'esprit de ces hommes. Alors que cette historienne pourrait tout aussi bien s'appuyer sur la vaine abolition de l'esclavage, généreuse certes mais ô combien naïve, par la Révolution Française qui aboutit rapidement à son rétablissement, encore plus rude et plus inhumain qu'avant par Napoléon, lui-même poussé par la nécessité économico-stratégique. Il fallait garder les terres françaises des Antilles, éviter que les colons français ne se jettent dans les bras des Anglais et pour cela, il fallait leur donner ce qu'ils réclamaient et sans quoi ils ne pouvaient économiquement survivre : leur rendre leur main d'œuvre gratuite...
(11) Ce que nous appelons en français la théorie de la séparation des pouvoirs, l'exécutif, le législatif et le judiciaire.
(12) Le principal chef de la révolution anti-absolutiste et indépendantiste de l'actuel Uruguay, qui appartenait encore aux Provinces-Unies du Río de la Plata, sous le nom de Banda Oriental.
(13) Sans crier gare, ce qui est extrêmement fréquent, ce qui contribue à la confusion, on a là un saisissant raccourci. Nous voilà en effet en 1814-1815, en pleine Restauration, en Espagne comme en France, après la chute de Napoléon. Fernando VII, prisonnier en France jusqu'à la chute de Napoléon, retrouve son trône et veut rétablir la situation d'avant 1808. Reste à savoir si un raccourci historique aussi anti-pédagogique est le fait de l'intervieweuse ou de l'interviewée. En février 1815, Alvear mène un coup d'Etat. Avec l'appui de la Loge, dont il est depuis le départ de San Martín le seul vrai maître, selon ce que les documents nous permettent de supposer, il renverse le Directeur suprême qu'il a fait mettre en place quelques mois auparavant, un sien parent, pourtant assez manœuvrable, il prend sa place et dissout aussitôt l'Assemblée. Lui-même sera renversé en avril, après avoir proposé de soumettre les Provinces-Unies au joug des Britanniques pour les sauver d'une reprise en main espagnole qui n'intervint jamais !
(14) Le caractère volontaire de cette agrégation mériterait une ample discussion. Là encore, une vision simplifiée, rose, un peu dorée d'une réalité beaucoup plus rude et moralement inconfortable...

Semaine de Tango Canyengue du 4 au 7 février à Monserrat [à l'affiche]



Pour son dixième anniversaire, le Mouvement Culturel Canyengue (1) Argentin, MoCCA pour les intimes, propose la semaine prochaine, de lundi à jeudi, à Buenos Aires une série d'ateliers et de cours intensifs pour aborder les différents aspects, techniques et esthétiques, du tango canyengue dans son expression dansée.

A l'attention à nos amateurs francophones, je ne répéterai jamais assez : le style canyengue ne se limite pas à la danse. Il concerne aussi la musique. Il concerne même aussi dans une bonne mesure une partie de la poésie du tango. Il est bon de le dire et de le redire quand, avec l'appui de medias très moutonniers comme d'habitude quand il s'agit de l'Argentine, un spectacle hyper-commercial, à gros budget et au marketing particulièrement bien huilé, cherche à nous faire croire le contraire actuellement aux Folies Bergère (à Paris) : le tango n'est pas une danse. C'est un système culturel complet. La danse séparée de son contexte ne sera jamais qu'une triste mascarade.

Toutes les activités se passent dans le quartier de Monserrat et sont répartis sur deux lieux, rue Junín et avenue Rivadavia (sur le parcours de la ligne A du métro dont vous savez qu'elle est fermée, si vous avez visité ce blog pendant ce mois de janvier).

Pour vous inscrire, à condition bien sûr de vous trouver actuellement à Buenos Aires (ça va, la canicule ? Vous êtes toujours vivants ?), vous disposez d'un numéro de téléphone portable sur l'affiche...

Jolie manifestation en perspective, à condition toutefois d'y participer avec humilité. Vous verrez sur le site Internet les professeurs vous dirent que c'est un style facile à danser. C'est vrai... pour les Argentins dont c'est la manière de vivre au quotidien. C'est beaucoup moins vrai pour les Européens qui ont à faire d'abord l'effort d'un déplacement culturel, sans quoi on n'obtient qu'un seul résultat : un mélange de ridicule et d'insondable vulgarité. Mais enfin, l'humilité n'est-elle pas la condition sine qua non d'un apprentissage efficace quelle que soit la discipline ? (2)

Pour en savoir plus :
connectez-vous au site Internet de l'association.



(1) Pour tous ces termes pratiquement intraduisibles et propres à des réalités culturelles argentines, voir la rubrique Trousse lexicale d'urgence dans la partie médiane de la Colonne de droite.
(2) Il y a deux ans, j'ai trouvé dans un mensuel de tango danse à Buenos Aires un article d'un professeur argentin exerçant sur place et qui faisait le portrait de toutes ces attitudes qui gâchent de plus en plus les cours et les milongas à Buenos Aires et qu'y apportent les danseurs touristes venus le plus souvent de l'hémisphère nord et qui se comportent là-bas comme en pays conquis. Et croyez-moi, étant donné la place des étrangers dans le chiffre d'affaires d'un prof de tango danse à Buenos Aires, il faut être sérieusement excédé pour écrire un article aussi sévère dans une revue spécialisée ! Et c'est aussi un peu la faute de tous ces spectacles de tango for export qui polluent l'image du genre un peu partout en Europe, en Asie et en Amérique anglosaxonne.

mardi 29 janvier 2013

Leve de Koningin! o Lo que saldrá... Después [Actu]



Au creux des grandes vacances, la nouvelle a intéressé une partie (une partie seulement) de l'Argentine : le 30 avril prochain, immédiatement après l'abdication de la reine Beatrix, qui deviendra dès lors la princesse Beatrix, l'actuel Prince d'Orange deviendra roi des Pays-Bas et par conséquent son épouse, la princesse Máxima (les Néerlandais ont conservé l'accent espagnol sur le a de son prénom, eux !) deviendra reine consort. C'est ainsi que pour la première fois, une Argentine va accéder au prédicat de Majesté royale et ce, dans un pays fondateur de l'Union Européenne. C'est peu dire que la perspective flatte l'Argentin béat d'admiration devant notre vieille Europe.

Tandis que la presse des Pays-Bas s'intéresse surtout aujourd'hui à la Reine elle-même -c'est la moindre des choses après 33 ans de bons et loyaux services-, la presse argentine, y compris Página/12, se penche sur celle dont on attendait l'avènement depuis février 2002, date de son mariage.

Tandis qu'en une, Clarín (1) nous la joue convenue et terriblement nunuche, avec un ton et un contenu digne d'une midinette de 16 ans, La Nación consacre à la princesse héritière des Pays-Bas un véritable dossier d'une tenue convenable (en une aussi) pendant que Página/12 relègue l'info au fin fond de ses pages intérieures, en rappelant d'une manière assez insistante les liens familiaux de la dame avec la Junte militaire des années 1976-1983 (on s'en souvient, Jorge Zorreguieta, son père, fut un ministre de l'Agriculture de la Dictature, à l'heure où ce portefeuille était tenu de fait par la Sociedad Rural, dont il avait été l'un des principaux dignitaires, ce qui le rend passablement antipathique aux yeux des militants des droits de l'homme et de la gauche dans son ensemble).
La dépêche de l'agence nationale Télam est encore ce qu'on fait de plus objectif sur cette nouvelle...

Quelque soit le ton de la presse argentine ce matin sur la question, il est bon de rappeler que la princesse a su se faire aimer de ses concitoyens néerlandais, qu'elle a accepté de réserver à la plus stricte intimité ses relations avec ses parents et qu'elle a fait oublier à la majorité de ses compatriotes cette sulfureuse ascendance dans un pays qui, de son côté, voit lui-même fondre comme un glacier au soleil une bonne part de son ancienne et légendaire tolérance politico-culturelle que le reste de l'Europe admirait tant...

Ayant reçu l'éducation typique d'une fille de la Rural, c'est-à-dire de la plus haute société argentine, la princesse Máxima a fréquenté à Buenos Aires des écoles huppées (privées, cela va sans dire) où elle a été notamment éduquée en anglais dès son âge tendre. Elle semble d'ailleurs en conserver un soupçon de brits accent lorsqu'elle s'exprime en néerlandais, ce qu'elle fait avec beaucoup d'aisance. J'ai tenu à aller ce matin vérifier ce qu'il en était sur Internet et, pour dire la vérité, elle est tout à fait bluffante ! Elle est issue d'un cursus de l'Université Catholique de Buenos Aires (une citadelle de la société patricienne, à Puerto Madero) et s'est mariée dans l'église protestante lors d'une cérémonie tintée d'œcuménisme. Or, si je me souviens bien de ce qu'avait dit le pasteur pendant la cérémonie, l'église des Pays-Bas avait tenu à ce qu'elle garde son obédience catholique, puisque par ailleurs elle acceptait que ses enfants soient éduqués dans la religion réformée.

L'investiture (c'est le terme officiel) du roi Willem-Alexander aura lieu le mardi 30 avril, actuelle Fête de la Reine (Koninginnedaag). On peut être à peu près sûr que bon nombre d'Argentins ce jour-là jetteront un coup d'œil appuyé à leur téléviseur. Pour l'heure, la princesse rend visite à la Marine royale dans le cadre de ses activités officielles avec un agenda bien rempli toute cette semaine, tandis que son mari gère sa succession sur ses différentes missions de prince héritier, qu'il ne pourra plus exercer d'ici quelques semaines et que sa fille aînée ne pourra pas exercer non plus (elle est toute petite).


Et pour comprendre le sens des termes espagnols qui font le titre de cet article, je vous suggère d'aller écouter sur Todotango cet enregistrement -vous allez reconnaître tout de suite le morceau- de Lo que vendrá (ce qu'on peut traduire soit en "Ce qui nous attend", soit en "Ce qui pourrait bien nous tomber dessus") d'un certain Astor Piazzolla (compositeur qui accompagna la cérémonie nuptiale de Nieuwe Kerk en février 2002, avec Karel Kraaienhoff au bandonéon) et Después ("Plus tard"), de Hugo Gutiérrez et Homero Manzi (ici chanté, l'année dernière, par Raúl Lavié accompagné par le Sexteto Mayor, ¡versión de lujo!)
Quant au début du titre, vous aviez deviné le sens avant que je traduise quoi que ce soit. Vive la reine bien sûr (j'ai quelques fidèles lecteurs aux Pays-Bas et en Flandre belge. Un grand merci à eux pour leurs visites fréquentes sur Barrio de Tango).

Pour plus d'infos :
connectez-vous au site Internet officiel trilingue (néerlandais, anglais, allemand) de la Maison Royale des Pays-Bas, où vous trouverez plein de trucs, dont des documents d'archive sur les thèmes historiques, patrimoniaux et culturels les plus variés et des vidéos téléchargeables gratuitement et systématiquement sous-titrées (2) en néerlandais pour malentendants (ce qui en fait un outil superbe pour ceux qui veulent améliorer leur maîtrise de la langue. Qu'attend-on en France pour faire de même avec nos documents audio officiels pour promouvoir la francophonie ?)

(1) Vous aurez remarqué sur la une un gros titre sur les augmentations des planchers pour les pensions de retraite et le revenu imposable. Surprenante sobriété venant de ce titre à un moment où toute l'opposition voit dans l'annonce faite hier par la Présidente le coup d'envoi de la campagne électorale pour les législatives du printemps prochain. Mais ceci dit, c'est l'époque de ce genre d'annonce, la seule différence avec les années précédentes résidant dans l'annonce d'un relèvement du revenu minimum imposable, une concession non négligeable à une revendication syndicale de longue date dans le cadre des négociations paritaires annuelles en cours sur le montant du salaire minimum.
(2) Sauf pour la vidéo du discours d'hier. Le webmaster n'a pas dû avoir encore le temps d'intégrer les sous-titres ou alors il était trop pressé de mettre le document en ligne.

dimanche 27 janvier 2013

Charmes musicaux en vue pour démarrer l'année [à l'affiche]



Les auteurs-compositrices interprètes (cantautoras) Claudia Levy, Cecilia Gauna, Paola Gamberale et Dorita Chávez partageront à nouveau leur cercle de sorcières (círculo de brujas) les samedis 2 et 9 février 2013 au Centro Cultural Caras y Caretas, Venezuela 330, dans le quartier de Monserrat.

L'entrée est fixée à 40 $ (tout à fait raisonnable).

Lucrecia Merico inaugure l'année à Barracas [à l'affiche]


La chanteuse Lucrecia Merico donnera son premier récital de l'année 2013 le samedi 2 février à 22h au Bar Notable Los Laureles, de Iriarte 2290, dans le quartier de Barracas.

L'entrée est libre et gratuite.

La chanteuse sera accompagnée comme si souvent par Las Guitarras Saavedrinas, le trio que les lecteurs de Barrio de Tango connaissent bien, à savoir Juan Colombo à la guitare basse, Germán Layna à la guitare et Juan Ignacio Iruzubieta, qui est le premier guitariste, l'arrangeur et le directeur musical de la formation.

Lucrecia Merico profitera de cette première prestation de l'année pour présenter son nouveau répertoire, maintenant qu'elle s'est détachée du duo détonnant des Minas del Tango Reo.
Pour l'occasion, elle a invité une interprète de folclore, la chanteuse María de los Angeles Ledesma, avec laquelle elle a déjà travaillé plusieurs fois, comme les articles de ce blog en font foi.

Manuels idéographiques [Actu]


D'après Página/12, deux semaines après la fermeture de la ligne A du métro de Buenos Aires (mot-clé subte dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus), les employés n'ont toujours pas commencé à mettre en route les nouveaux wagons chinois pour lesquels Mauricio Macri a décidé de retirer du service les monuments historiques qu'étaient et que demeurent les voitures La Burgeoise des années 1913 et suivantes...

La cause ? Rien de plus simple.

Les manuels techniques ont été livrés en idéogrammes chinois et personne n'en a encore réalisé la traduction en espagnol... alors évidemment pour faire les branchements, c'est dur !

Ce qui nous explique peut-être pourquoi Mauricio Macri a cru bon de paralyser la ligne pendant les deux mois d'été, au cœur de la saison touristique, sans aucun service de bus de remplacement pour compenser cet arrêt...

Le quotidien publie donc ce matin un petit dossier sur l'affaire, avec une analyse des difficultés techniques et linguistiques qui affectent la coopération entre les opérateurs argentins et chinois (doivent être contents du voyage, les gars de l'Empire du Milieu !), l'absence de réponse du gouvernement portègne au chômage forcé auquel sont abandonnés les tenanciers des kiosques qui animent les quais de la ligne fermée (marchands de journaux, de vêtements, d'accessoires et de snacks divers et variés) qui sont en train de perdre le chiffre d'affaires de toute la saison sans aucune mesure compensatrice et quelques nouvelles des anciens wagons dont on a vu une poignée d'exemplaires parcourir quelques avenues de Buenos Aires pour gagner, du haut d'une remorque de camion, un atelier technique de la ligne H, situé à Parque Patricios... L'été 2013 restera dans les annales comme l'un des plus excentriques de la gestion Macri....

Pour aller plus loin :

mercredi 16 janvier 2013

Décision judiciaire pour protéger les voitures La Brugeoise [Actu]

Photo Página/12 - Sandra Cartasso

Une juge du tribunal du Contentieux administratif de la Ville Autonome de Buenos Aires vient de donner raison à une députée de la Legislatura (voir Trousse lexicale d'urgence en Colonne de droite) qui voulait obtenir la garantie de sauvegarde de ce patrimoine que représentent les 95 wagons dits La Brugeoise (qu'ils soient vraiment sortis des ateliers belges La Brugeoise avant la Grande Guerre ou qu'ils aient été fabriqués en Argentine après que le conflit avait interrompu les livraisons en provenance de Bruges). Ces wagons circulaient sur la ligne A du métro (subte). Depuis samedi, ils sont en cours de retrait et ce retrait, le Gouvernement portègne l'a annoncé comme définitif, avec force cynisme et mauvaise foi (voir les épisodes précédents en cliquant sur le mot-clé subte dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus).

A Buenos Aires, il se murmure déjà que, ne pouvant pas tous être stockés dans l'espace couvert des ateliers de maintenance Polvorín, un certain nombre de ces wagons seraient destinés au futur atelier Mariano Acosta qui, pour l'heure, n'est qu'un simple terrain vague à l'air libre, ce qui soumettrait ces véhicules presque centenaires aux intempéries les plus variées ("tempêtes de soleil" comme les Portègnes surnomment les canicules, pluies diluviennes, chutes de grêle les jours d'orage...).

La juge, siégeant en session d'urgence, car nous sommes en pleine vacance judiciaire (on est en plein été dans l'hémisphère sud), a donc ordonné au Gouvernement portègne de mettre en œuvre "toutes les mesures" propres à "protéger et préserver intégralement" l'ensemble de cette flotte historique et à la "maintenir en état de marche". Elle ordonne que le Gouvernement portègne rende compte "de manière publique et régulière" de toutes les mesures "matérielles et juridiques" prises au sujet de ces voitures et de "donner à toutes les organisations d'usagers, aux associations culturelles et aux parlementaires l'accès à toute l'information relative à chaque élément de la flotte et aux lieux physiques où elle est entreposée". Elle impose enfin au Gouvernement de lui fournir d'ici deux jours les éléments qui justifient selon lui la fermeture totale de la ligne pendant 56 jours d'affilée et les alternatives qu'il a envisagées avant de décider cette fermeture (on suppose en effet qu'aucune alternative n'a jamais été examinée, vu le manque total de mesure mise en place pour assurer un service de remplacement).

Bref, elle vient de prendre un ensemble de décisions de nature démocratique. Il y a fort à parier que le Gouvernement n'en appliquera aucune, puisque Mauricio Macri n'a jamais respecté les injonctions de la justice locale dont il relève.

Dans sa décision, la juge a rappelé une autre de ses interventions en référé suite à une plainte de certains danseurs du Teatro Colón pendant les travaux de restauration, achevés en avril 2010. Elle avait dû protéger les planches de la scène de cette grande institution lyrique que la société privée en charge des travaux découpait en petits morceaux pour les offrir comme cadeaux d'affaire à ses clients dans le monde entier. Le plancher original posé en 1908, lors de la construction de l'Opéra !

A l'énoncé de la décision, la députée María Rachid, auteur du dépôt de plainte (1), l'a commentée en ces termes, cités par Página/12 :

La ciudad de Buenos Aires debe conservar su patrimonio cultural, como lo hacen muchas ciudades en el mundo, constituido no sólo por estos coches históricos sino también por su funcionamiento, que constituye en sí mismo la vivencia histórica de nuestra identidad cultural. Los mismos pueden refaccionarse, adaptarse y funcionar, si no todos los días, al menos los fines de semana y feriados”
María Rachid (in Página/12)

La Ville de Buenos Aires doit conserver son patrimoine culturel, comme le font de nombreuses villes dans le monde, constitué non seulement par ces voitures historiques mais aussi par leur fonctionnement qui constitue en soi la continuité historique de notre identité culturelle (2). Ces voitures peuvent être restaurées, adaptées et marcher sinon tous les jours au moins le week-ends et les jours fériés.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :
La députée tient un blog mais la dernière mise à jour datant du 25 septembre dernier, je ne vous y renvoie pas puisque ça ne présente aucun intérêt dans cette affaire.


(1) Il y a eu plusieurs référés au sujet de cette rénovation de la ligne A, dont au moins deux à l'initiative de députées de la Legislatura, toutes deux du Frente para la Victoria (parti kirchneriste).
(2) Lire le plaidoyer très clair et très argumenté du Directeur de la Bibliothèque Nationale, Horacio González, que je vous ai intégralement traduit dans mon article du 8 janvier 2013.

mardi 15 janvier 2013

L'augmentite aigüe de Mauricio Macri épinglée par le duo Rudy y Paz [Actu]


Il y a quelques jours, je vous annonçais les craintes des Portègnes quant à une nouvelle augmentation du ticket de métro (subte) dont des rumeurs, lancées par le Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, laissaient entendre qu'elle pourrait monter jusqu'à 6 $ l'unité... Voir mon article du 2 janvier 2013 à ce propos.
Un comble de folie !
Pour vous faire une idée du rapport de ce ticket de métro de luxe avec le coût général de la vie à Buenos Aires, imaginez un ticket de métro d'une de nos grandes villes, Bruxelles, Lyon, Marseille, Paris... au prix d'un sandwich, entre 5 et 7 € l'unité...

Mais le Gouvernement portègne continue à distiller les rumeurs tandis qu'une partie du service public est suspendu puisque la ligne A est fermée depuis samedi dernier, malgré le référé d'une députée contre cette mesure absurde... Alors les deux humoristes de Página/12 ne lâchent pas l'affaire et ils en ont fait ce matin le sujet de leur vignette, à la une du journal.

Le journaliste : On (1) avait déjà augmenté le métro à 2,50.... Maintenant, on veut le monter à 3,50 et une autre hausse en plus aux heures de pointe...
Mauricio Macri : Oui...
Le journaliste : Vous n'avez jamais pensé aller aux "Augmentiques Anonymes" ?
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Il ne manque plus que ce soit un psychiatre de l'hôpital Borda (2) qui lui pose à la question !


(1) Difficile de savoir s'il faut ici traduire par ce on impersonnel ou par le vous pluriel (donc la majorité macriste). Le texte argentin maintient les deux possibilités. En revanche, il est sans ambiguïté ensuite avec la troisième personne du singulier, qui est la forme hispanophone (mais aussi italienne, allemande, néerlandaise...) du notre seconde personne du pluriel de politesse. J'ai donc décidé d'utiliser la tournure impersonnelle pour traduire la première bulle.
(2) Grand et prestigieux hôpital psychiatrique du sud de la ville (quartier de Barracas), auquel l'actuel gouvernement local accorde un budget de fonctionnement si misérable qu'en hiver (juin, juillet, août), il n'y a pas de chauffage dans les salles, que ce soit en consultation ou en atelier d'art-thérapie, une pratique thérapeutique dont cet établissement s'est fait l'un des leaders en Argentine et en Amérique du Sud...

Séminaire estival d'interprétation à ECuNHi [à l'affiche]


Le séminaire de 2012

La chanteuse Lucrecia Merico propose un séminaire intensif d'interprétation du tango du 23 janvier au 27 février 2013, tous les mercredis de 18h à 21h30, à ECuNHi, le Centre Culturel de l'association Madres de Plaza de Mayo, dans l'ex-ESMA, devenu le grand centre culturel dédié aux droits de l'homme à Palermo.

Tarif : 300 $ pour l'ensemble du séminaire.

Les inscriptions se font directement auprès d'ECuNHi, sur son site Internet (www.nuestroshijos.org.ar).

Comme les années précédentes, l'atelier, qui portera sur le chant et le jeu théâtral de l'interprétation vocale et scénique, sera accompagné par le guitariste Juan Ignacio "Nacho" Iruzubieta, qui est le partenaire de prédilection de Lucrecia Merico.

L'atelier est ouvert à toutes les personnes qui ont l'envie de chanter et de chanter bien, sans acception de sexe ni d'âge, "de 18 à 120 ans", selon l'expression employée par Lucrecia elle-même.
Au programme pour commencer, exercices et jeux pour désinhiber les participants avant toute chose pour ouvrir la voie à l'intégration et à la créativité, puis exercice de placement de la voix, de prise de conscience corporelle, techniques vocales et interprétatives, recherche d'un style propre, travail littéraire sur les textes du répertoire (1).
A la fin du séminaire, les participants pourront participer à un show collectif où ils interpréteront des tangos de leur choix...

Pour en savoir plus sur Lucrecia Merico, cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.




(1) Voir Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, que j'ai publié en mai 2010 aux Editions du Jasmin (France) - www.editions-du-jasmin.com. Voir les informations en Colonne de droite.

dimanche 13 janvier 2013

La Casa de Santa Fe accueille Taquetepa [ici]



Le trio Taquetepa enregistre actuellement son deuxième disque. Ses trois membres, bien connus des lecteurs de Barrio de Tango, Daniel Perez (guitare, bandonéon et composition), Marie Crouzeix (flûtes de toutes tailles et toutes formes) et Fabrice Gouterot (contrebasse), présenteront ce nouveau répertoire et leur précédent disque, Au Taquet, ce vendredi 18 janvier 2013, à 21h, à la Maison de l'Amérique Latine, 217 bd Saint-Germain, à Paris (M° Solférino).

Ils seront accueillis à Paris par l'association La Casa de Santa Fe en París pour un concert intitulé L'Argentine en Musiques.

La réservation est obligatoire : au téléphone (01 45 72 09 08) ou par mail (casasantafeparis@yahoo.fr).

Participation aux frais : 10 € (tarif réduit réservé aux membres de l'association, aux étudiants et aux chômeurs : 5 €).

Pour en savoir plus sur le trio,
visiter son tout nouveau blog où vous pouvez écouter aussi de la musique !

jeudi 10 janvier 2013

La Libertad vuelve al Puerto [Actu]

La frégate au moment où elle entre dans le port sous un ciel voilé.
Depuis plusieurs semaines, la saison estivale de Mar del Plata est gâchée par le mauvais temps.
Photo Lagos pour Télam
Imaginez que le navire école de la Marine belge s'appelle La Brabançonne ou celui de la Marine française La Marseillaise, et que ce magnifique voilier - les navires-écoles sont toujours de magnifiques voiliers- ait été retenu dans un port étranger et menacé d'être vendu à l'encan sur un autre continent et voilà qu'arraché aux serres de ces rapaces, le majestueux bâtiment revient accoster dans la plus grande rade militaire de la Patrie... Imaginez la fête !

C'est ce qui est arrivé hier en Argentine avec le retour à Mar del Plata de la frégate Libertad, baptisée du mot le plus emblématique de l'hymne national et élevée, en mai 2001, à la dignité de navire ambassadeur. Elle a regagné le pays au moteur, pour aller plus vite, après sept mois d'absence dont près de trois de séquestre. Elle est donc revenue les voiles repliées. Le spectacle aurait été encore plus glorieux si elle avait déployé sa splendide voilure blanche...

¡Oíd, mortales!, el grito sagrado:
¡libertad!, ¡libertad!, ¡libertad!
Oíd el ruido de rotas cadenas
ved en trono a la noble igualdad.

Oyez, mortels, le cri sacré :
Liberté ! Liberté ! Liberté !
Oyez le bruit des chaînes brisées
Voyez monter sur le trône la noble égalité... (1)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

La Libertad vuelve al Puerto... Mes lecteurs auront reconnu le clin d'œil à un désormais célèbre cycle de soirées tangueras qui se tient, à Buenos Aires, au Bar el Faro, tous les week-ends de l'année scolaire : El Tango vuelve al Barrio...

La Libertad au moment où elle est remorquée dans le port et saluée par une unité aéronavale
Il y a quatre mois à peu près, la saisie de cette frégate lors d'une escale au Ghana avait mis en lumière un certain nombre de dysfonctionnements graves dans la chaîne de commandement des forces navales, conduisant deux des plus hauts responsables à la démission. Une fois ces incidents dépassés, l'aventure du bâtiment avait galvanisé les secteurs politiques au pouvoir et les sympathisants autour des négociations tentées par les diplomates puis les plaidoiries des avocats à Hambourg. C'est donc à grand renfort de discours, d'embrassades, de roulements de tambours, de sauts en parachute bannière nationale attachée à la combinaison du parachutiste, de survols aériens en rase-mâts, de feux de Bengale, de jets d'eau et de feux d'artifice que la Libertad est rentrée à la maison, dans la plus importante ville côtière du pays, puisqu'elle est la station balnéaire la plus emblématique de l'été argentin et qu'elle abrite aussi une rade militaire, le premier port de pêche en tonnage et un élégant port de plaisance d'où partent de nombreuses régates et autres manifestations sportives de cette façade océanique dont l'Argentine est si fière...


Bien entendu, aucun ténor de l'opposition n'a été invité à la cérémonie ni ne s'y est invité. L'Argentine n'a encore jamais mise en œuvre la convivialité plurielle démocratique (2) et les grandes occasions sont immanquablement accaparées par le pouvoir en place qui s'en sert pour faire valoir son action (3) et bien entendu, l'opposition, qui se serait comportée exactement de la même manière si elle avait été aux affaires, n'a pas de mots assez durs ce matin pour stigmatiser la "petite fête à la noix" de la Présidente et la confiscation des réjouissances par la "propagande officielle". Mais si propagande officielle il y a, elle n'existe que parce qu'eux, les opposants, la laissent prospérer en acceptant ce boycott convenu des occasions patriotiques. Qu'ils prennent l'initiative d'y participer en s'y imposant, nom d'une pipe, et qu'ils arrêtent une bonne fois de se plaindre... Rien n'était plus facile pour les ténors (4) des groupes parlementaires de l'opposition, au Sénat et à la Chambre des Députes, que de faire une démarche publique et tonitruante auprès de la Présidence de la Nation en lui annonçant leur présence à Mar del Plata pour les cérémonies du 9 janvier à 20 h 30 (5). Cristina de Kirchner aurait eu bonne mine de s'offusquer de leur démarche patriotique. Alors qu'en étant restés les bras croisés, les opposants trouvent encore le moyen de jouer ici, de très mauvaise foi, le rôle des victimes d'une prétendue despote. Ils sont indécrottables !

Pour aller plus loin :
vous trouverez les informations neutres et factuelles sur le site Internet de la Marine argentine (ARA, Armada de la República Argentina). Tenez compte du décalage horaire pour la mise à jour.
La Marine Argentine a aussi monté un mini-site entièrement consacré à la frégate Libertad.
Vous trouverez le point de vue du gouvernement sur Télam et Página/12
Vous trouverez le point de vue de l'opposition sur La Nación et La Prensa, qui prennent toutefois le temps de se réjouir, sans arrière-pensée, du retour de la Libertad, tout en décochant quelques flèches bien senties vers la Casa Rosada, et vous trouverez le comble de la mauvaise foi dans les colonnes de Clarín, ce qui ne vous étonnera pas puisque vous savez que Clarín et le Gouvernement sont à couteaux tirés sur la situation hégémonique médiatique du groupe Clarín, position que le gouvernement cherche précisément à déconstruire.
Les liens vers les journaux et l'agence de presse se trouvent dans la rubrique Actus dans la Colonne de droite (partie basse).


(1) Le texte de l'hymne daterait dans sa toute première version de 1812 ou 1811, il est de Vicente López y Planes (celui-là même qui a donné son nom au minuscule petit musée de la Sadaic, la société des auteurs et compositeurs argentins). Quoi qu'il en soit dans ce cas, ces paroles auraient été remaniées en 1813, pour répondre à l'appel lancée par la première assemblée législative élue (Asamblea del Año XIII), puisque dans sa version originale qui n'est plus utilisée officiellement, le texte fait allusion à la victoire de San Martín à San Lorenzo, qui a eu lieu le 3 février 1813. Ce texte montre ici et là des points communs (donc sans doute une connaissance, directe ou indirecte) avec les chants révolutionnaires français, dont la Marche Consulaire et la Marche de l'Armée du Rhin, notre future Marseillaise. La musique est de Blas Perera, qui était espagnol et il faut le souligner, car, contrairement à ce que répète depuis les années 1880 l'histoire officielle enseignée à l'école, il y eut bel et bien des Espagnols parmi les révolutionnaires de 1810. Cette partition date de 1813. L'histoire, ou peut-être la légende, veut que ce qu'on n'appelait encore que la "chanson patriotique" ait été créée chez Mariquita Sánchez de Thompson, une des quatorze dames de la Société Patriotique Féminine fondée à l'initiative de Remedios de Escalada, alors fiancée au lieutenant-colonel José de San Martín (voir mon article du 27 avril 2012 sur une exposition sur l'histoire de la musique argentine). La légende veut aussi (et elle est fort vraisemblable) que les deux époux assistaient à cette réception historique chez les Thompson (j'aurais bien aimé être une petite souris dans cette belle demeure pour voir la tête qu'a faite San Martín en entendant sa propre victoire citée dans le texte. L'homme s'est toujours singularisé parmi ses contemporains par sa discrétion sur ses propres mérites)... Depuis 1813, le texte a été largement remanié puis il a été abrégé à la croisée des 19e et 20e siècles pour donner l'hymne officiel tel qu'il existe aujourd'hui. Une transformation à peu près similaire a réduit la Marseillaise des manifestations officielles à deux couplets (et encore pas toujours), elle qui en compte toute une ribambelle... Je traduis Oíd par Oyez car ce verbe (oír), sous cette forme d'impératif de seconde personne du pluriel, sonne très archaïque aux oreilles des Argentins dont la langue a beaucoup changé en deux cents ans. Elle s'est largement deshispanisée et métissée et la seconde personne du pluriel a disparu des tableaux de conjugaison (alors qu'elle s'est maintenue en Espagne). Au pluriel, l'Argentine ne connaît plus que deux personnes, la première (nous / nosotros) et la troisième (ustedes, qui sert aussi pour s'adresser à un groupe de personnes que l'on tutoie). Aujourd'hui, à la place de Oíd, on dirait Escuchen.
(2) Un jour, non pas délibérément (je n'aurais pas pris le risque) mais au hasard des arrivées et des départs dans ce café où j'avais convié tous mes amis la veille de mon départ, j'ai réuni autour de ma table un social-démocrate et un péroniste, tous deux en charge de responsabilités effectives. Sachant très bien qu'ils n'étaient pas du même bord et qu'ils appartenaient à des partis dont les membres passent leur temps à se lancer des noms d'oiseaux, j'ai tout de suite mis cartes sur table et je leur ai dit que je me réjouissais de leur rencontre fortuite parce que c'était ça aussi, la démocratie. Et le péroniste a dit alors quelque chose qui m'a beaucoup frappée : qu'on voyait bien dans mes paroles que j'étais française, que ce type de dialogue restait une perspective étrangère à la mentalité des Argentins, que nous, en France, nous avions de la chance, car nous avions des écoles où l'on apprenait à faire des lois et à administrer la chose publique, que nous avions pour nous guider dans la gestion de l'Etat une longue tradition de pratiques démocratiques (et il avait raison !), qu'eux, en Argentine, n'avaient pas tout cet outillage intellectuel, procédural, pédagogique, et qu'ils appliquaient le système D, qu'ils inventaient au fur et à mesure, qu'ils tâtonnaient, que leurs lois étaient bigrement mal faites et leurs institutions très peu efficaces, alors apprendre en plus à dialoguer entre responsables ou militants de bords différents, c'était trop leur demander. Et ils étaient d'accord tous les deux là-dessus et ils ont parlé ensemble, avec courtoisie et en faisant, par amitié pour moi, beaucoup d'efforts de tolérance réciproque...
(3) C'est aussi le cas chez nous ! Et c'est légitime. Après tout, le retour de cette frégate emblématique et cruciale pour la défense du pays à long terme, c'est bien un succès diplomatique et politique de ce Gouvernement qui a fait ce qu'il fallait pour l'obtenir, et c'était son devoir. Que l'on sache, ce n'est pas l'opposition qui a fait revenir ce bâtiment. Elle n'a soutenu le gouvernement que du bout des lèvres alors qu'elle aurait dû pour tout le temps qu'allait durer la crise décréter l'union sacrée avec lui si elle avait, comme elle le prétend, le sens des responsabilités et celui de la démocratie.
(4) Et croyez-moi, les types et les bonnes femmes en question sont de sacrées grandes gueules, il n'y a pas d'autres termes pour les qualifier. Pour parler fort et faire des effets de manche, ils n'ont pas besoin de venir prendre des leçons à Sciences-Po ou à l'ENA...
(5) Ajout du 11 janvier 2013 : la situation est même pire, d'après Página/12 (édition de ce jour), puisque les leaders de l'opposition auraient été bel et bien invités à Mar del Plata par la Présidence pour se joindre à la manifestation, au nom de la solidarité nationale, et que ce serait eux qui auraient refusé de s'y rendre. Ce n'est pas parce que Página/12 le dit qu'il faut aveuglément le croire, en tout cas dans les termes indiqués par ce quotidien kirchneriste en diable, mais cela serait assez bien dans la manière de la Présidente. C'est une politicienne rouée, terriblement habile, le contraire d'une naïve. Si elle a effectivement fait cette invitation, il est fort possible qu'elle ne soit pas mécontente de pouvoir lancer maintenant ses partisans dans la mission de prouver le cynisme et la mauvaise foi de la partie adverse. Par ailleurs, la manœuvre politique est toujours là de sa part : elle vient de choisir ce jour, qui voit le retrait définitif et dommageable des regrettés wagons de La Brugeoise sur le métro de Buenos Aires, pour annoncer un grand plan de rénovation des lignes de chemins de fer Mitre et Sarmiento, qui assurent la liaison entre Buenos Aires et sa grande ceinture et qui sont confiées à des concessionnaires privés mais dont la modernisation relève toujours de l'Etat national. Elle va faire mettre en place du matériel roulant chinois flambant neuf mais cette fois-ci, ce sera pour remplacer un matériel authentiquement vétuste, sale, déglingué, dangereux et sans valeur historique ni patrimoniale. Comme quoi, elle est elle aussi dans la manipulation des symboles et le montage incessant d'opérations qui tendent à dénoncer l'incurie de l'opposition tant au niveau national (avec l'affaire de la Libertad) qu'au niveau de la capitale (avec cette décision absurde qui consiste à fermer pour deux mois une ligne de métro entière).