dimanche 6 janvier 2013

¿Festejar los Reyes como San Martín en Europa? – Fêter les Rois comme San Martín en Europe ? (Article-Nota n° 2900) [Coutumes]


Galette flamande (aujourd'hui). Photo Suzan Willemet

Durante largas horas de investigación sobre la vida del General San Martín y hasta la fecha porque nunca se termina investigar, me planteé varias veces el problema de que comía el prócer, que tomaba día a día, durante su infancia y juventud en Andalucía, los meses de otoño y invierno en Londres en el 1811, su tiempo en Buenos Aires, Tucumán, Mendoza, y más allá en Santiago y al fin en Lima... Cómo festejaba la Navidad, Día de Reyes en su ostracismo, en Bruselas, París y después, en Côte d'Opale (1)...

Tout en travaillant sur la vie du général José de San Martín pour les besoins des livres que je lui consacre, je me suis souvent posé la question de ses repas, au quotidien. Quelles étaient les recettes de son époque, dans les différents pays qu'il a traversés au cours de sa vie mouvementée, dans l'Andalousie de sa jeunesse, la Londres de l'hiver 1811 quand il attendait qu'un bâtiment puisse l'emmener avec d'autres officiers libéraux mener la révolution en Amérique du Sud, l'Argentine des années 1810, et plus tard la ville de Santiago, où l'on sait que les fruits ne coûtaient presque rien (2), et encore plus tard, à Lima, dont le climat altérait (croyait-il) si profondément sa santé (3) ? Quelles coutumes gastronomiques trouva-t-il en revenant en Europe au milieu des années 1820, en s'installant à Bruxelles puis à Paris et enfin à Boulogne-sur-Mer, dans une France qui cultivait alors fortement ses particularismes régionaux, ses manières de faire, ses produits locaux ? Il le fallait bien d'ailleurs, comment faire autrement avec les transports de ce temps-là ?

Hoy día resulta difícil encontrar la manera de festejar el día de Reyes de aquel entonces. Todos dicen y opinan que la galette des rois de París es algo muy tradicional y muy antiguo. Pero no. Es una torta oriunda del centro de Francia, la zona de Orléans, que se difundó por todo el país en una fecha bastante reciente (siglo 20) cuando lo que hacía París se hizo la norma en todo el territorio. Consiste en dos tapas (por lo general redondas) de hojaldre de manteca (4) rellenas con crema de almendra o frangipana, es decir una mezcla de yema, almendra en polvo o picadita fino fino y azucar. Hasta en Bruselas y toda la zona belga de habla flamenco, se dice que esta es la receta tradicional (con el nombre de Driekoningentaart en neerlandés y galette des rois en francés). ¡Pero por favor! Así no puede ser...

De nos jours, il est bien difficile de trouver la façon dont on fêtait alors les rois. On répète à satieté que la galette des rois est très traditionnelle et très ancienne. Ce qui est faux. Cette galette, originaire de Pithiviers, ne s'est imposée à tout le pays et au-delà, en Belgique par exemple, de part et d'autre de la frontière linguistique, qu'au cours du xxe siècle, quand Paris s'est mis à donner le ton à l'ensemble de sa zone d'influence, au détriment des traditions régionales, qui peu à peu refont surface aujourd'hui. Ainsi la galette des rois, que les Flamands appellent la driekoningentaart, a-t-elle effacé de la mémoire collective des tas d'autres spécialités que San Martín et ses contemporains ont dû connaître et sans doute apprécier...

Bruxelles - rue de la Fiancée (dans le Pentagone).
Photo (Louis Ghémar) prise en 1867, peu avant que la Senne ne soit couverte.
Au fond, j'ai un peu de mal à identifier cette église. Peut-être Notre-Dame du Finisterre.
San Martín a habité de 1825 à 1831 dans un appartement
situé dans ce long corps de bâtiment à gauche, au premier plan.
En face, à droite, des ateliers de brasseurs, tanneurs, tripiers et meuniers,
dont les eaux usées se déversaient dans la rivière.
Une véritable infection, qui conduisit les autorités à la recouvrir
à la grande époque de l'hygiénisme urbain qui avait inspiré Haussmann à Paris.

Así que investigué buscando algo verosímil y me parece que al pensar en los Días de Reyes que disfrutó San Martín varias veces en su destierro de Bruselas (entre 1825 y 1831, salvo en el 1829, cuando estaba viajando hacía Buenos Aires en ese intento de regreso frustrado) así como en Boulogne-sur-Mer, donde conoció sólo dos veces esta fiesta, el 6 de enero del 1849 y nuevamente en el invierno del 1850, podemos fijarnos en la receta de galette flamande, que todavía existe en la zona francesa de Flandres, es decir una parte importante de la Région Nord-Pas-de-Calais.

Pour cette raison, je me suis plongée à nouveau dans des recherches et j'ai été surprise de constater à quel point une information un tant soit peu vraisemblable était difficile à trouver. Sauf bien entendu pour les recettes parisiennes, car la galette des rois y est connue depuis le Moyen-Age comme un gâteau plat mêlant farine, beurre (ou autre matière grasse) et miel (ou autre produit sucrant), tout dépendait de l'époque et du pouvoir d'achat du consommateur, puisque la frangipane, arrivée en France à la Renaissance, avec nos reines italiennes, n'a dû gagner la galette populaire des Parisiens que sur le tard. La preuve en est que certains boulangers de Paris proposent encore aujourd'hui des galettes sèches, beaucoup moins chères que les fourrées. Je n'avais donc que médiocrement envie de me pencher sur ce produit trop passe-partout, et qui plus est galvaudé par l'industrie agro-alimentaire. Les grandes spécialités régionales m'intéressaient davantage : la couronne des rois à Bordeaux, le roscon des rois en Catalogne, des deux côtés des Pyrénées (et il y a un côté où il n'a jamais disparu, au sud), la galette bressane, ou, et voilà où je voulais en venir, la galette flamande, une spécialité du Nord-Pas-de-Calais qui résiste encore et toujours au parisianisme envahissant. Elle a quelques chances d'avoir un jour réjoui les papilles de San Martín, que ce soit dans une version bruxelloise (sept Epiphanies passées à Bruxelles) ou à Boulogne-sur-Mer, où il en connut deux, en 1849 et 1850.

Je suis donc allée fouiller dans la bibliothèque familiale et sur les grimoires du xixe siècle que la Bibliothèque Nationale (de France) met à disposition des internautes ainsi que sur quelques sites régionalistes ou culinaires, comme le blog de la Dunkerquoise Suzan Willemet, à qui j'ai emprunté la photo. Côté bibliographie : le Cours d'enseignement ménager par une Institutrice publique du département du Nord, cours moyen, 1902 (d'après les programmes officiels de 1882) vaut son pesant d'or, Le Nouveau manuel complet du Pâtissier par M. Leblanc en 1922 nous parle de la galette flamande comme d'un biscuit sec à la cannelle (peut-être une variante du spéculoos) et La vraie cuisine de l'Artois, de la Flandre et de la Picardie, Collection La Cuisine de Chez Nous », éditions Quartier Latin, La Rochelle, 1973 de Roger Lallemand (5), qui emploie de la levure chimique qui détrônait dans les années 60 et 70 la levure de boulanger, qu'a sauvée le processus de lyophilisation en en rendant l'emploi beaucoup plus commode pour nos emplois du temps modernes. Il est par ailleurs difficile de suivre les traités du début du XIXe siècle, parce qu'ils n'emploient pas les mêmes mesures que nous et ne respectent pas nos actuels critères de précision. A partir de toutes ces sources, j'ai tenté de reconstituer ce qui a pu exister.

Buscando en la biblioteca familiar y los antiguos libros de finales de siglo 19- principios del siglo 20 así como algunas páginas Internet costumbristas y gastronómicas, como el blog de la señora Suzan Willemet, de Dunkerque (foto arriba), logré reconstituir una receta que, según parece, podría ser fiel a la época...

Ingredientes (para una familia grande o para 15 o 16 porciones – Pour une grande famille ou 15 à 16 parts)

450 gr harina de trigo – 450 gr de farine de blé (de préférence T55, une farine trop fine pour les possibilités techniques contemporaines à la Monarchie de Juillet. Elle n'existait pas encore mais vive le progrès !)
3 huevos – 3 œufs
(hay recetas donde se reemplaza un huevo por cierta cantidad de líquido, como leche. Dans certaines recettes, on remplace un œuf par du lait.
Está muy probable que en aquel entonces, en este momento del año, pleno invierno, no había ni huevo ni leche y que el líquido podía ser cerveza, con poder para levar, y la grasa de la yema se reemplazaba por manteca de cerdo o un cantidad más de manteca de leche. Il est très probable que sous la Monarchie de Juillet, on n'employait ni œufs ni lait à cette époque de l'année. Le liquide devait donc être apporté par la bière, qui a un pouvoir levant grâce à ses levures, et le gras du jaune d'œuf par du saindoux ou une quantité supplémentaire de beurre.)
50 g azucar (lo mejor sería poner azucar cassonnade, él de remolacha, un azucar bien especifico del Norte de Francia, Bélgica y Paises Bajos). 50 g de cassonade, blonde si vous voulez vous rapprocher d'un dessert bourgeois, brune si vous préférez un résultat plus proche d'une nourriture populaire.
150 g manteca de leche – beurre.
50 g de levadura fresca – un cube de 50 gr de levure de boulanger fraîche ou un sachet de levure lyophilisée, soit 8 gr environ (le poids du sachet dépend des marques).
125 gr de pasas o frutas glaseadas como cáscaras de naranja por ejemplo – 125 gr de raisins secs ou de fruits confits, en particulier des écorces d'orange
1 pincelada de sal – 1 pincée de sel

Y para el toque final, azucar impalpable, cáscaras de naranjas glaseadas o azucar candi (o pedazitos transparentes de azucar, muy especiales de esta zona de Europa). Pour le décor final, du sucre glace, des écorces d'orange confites ou du sucre candi, blanc ou noir à votre convenance (voir plus haut : à l'inverse d'aujourd'hui, les produits les plus sombres, donc les moins raffinés, étaient aussi les moins chers, donc les plus populaires. Comme ils sont aussi les plus goûteux, leur valeur marchande s'est renversée de nos jours).

Esponja de levadura
mezclar 40 gr de harina con un vasito de agua tibia, una pincelada de azucar y la levadura. Dejar que leve durante una media hora.

Levain
mélanger 40 gr de farine avec un fond de verre d'eau tiède, une pincée de sucre et délayer la levure dans ce mélange. Laisser reposer et lever pendant une demi-heure.

Bollo liso
Mezclar y amasar lentamente la harina, los huevos, el azucar y la esponja de levadura hasta conseguir una masa elástica y lisa, que no pegue a los dedos. Añadir agua (o leche, o cerveza) si falta líquido (depiende de la calidad de la harina). Seguir amasando al añadir la manteca a punto pomada.
Dejar que leve una hora como mínimo.

Pâte
Mélanger et pétrir la farine, les œufs, le sucre et le levain jusqu'à obtenir une belle pâte bien élastique et homogène qui ne colle pas aux doigts, ajouter, le cas échéant, du liquide (eau, lait, bière), tout dépend de la qualité de votre farine et de ses capacités d'absorption. Puis toujours en pétrissant, incorporer le beurre, en pommade ou en petits morceaux.
Laisser reposer et lever dans un endroit chaud pendant au moins une heure.

Segundo amasado
Una vez levado el bollo, repitir el amasado añandiendo une pincelada de sal y las frutas (pasas o cáscaras o frutas glaseadas). Lo probable es que en el tiempo de San Martín, se ponía también nueces, avellanedas y/o almendras picaditas, como se hace en el Christmas Pudding. Dejar levar otra hora más.

Second pétrissage
Une fois la pâte levée, répéter le pétrissage en ajoutant la pincée de sel et les fruits (raisins secs, écorces d'orange ou fruits confits).
Il est probable qu'au temps de San Martín, on enrichissait volontiers cette brioche (proche du cramique belge) avec des noix, des amandes, des noisettes hachées ou concassées, comme cela se fait pour le Christmas Pudding, de l'autre côté de la Manche.
Laissez lever une deuxième fois.

Mientras se calienta el horno (moderado), se forma la galette en un papel horno o una placa enmantecada como un disco redondo de 2 o 3 dedos de espesor. Dejar levar otra vez.
Antes de ponerlo en el horno se puede adornar pincelandolo con azucar diluida en leche o poniendole encima sucre candi o pedazos de cáscaras de naranja glaseadas dibujando una flor, una estrella o lo que quiera.
Se pone en el horno durante 45 mn, vigilandolo para que no se queme

Pendant que le four préchauffe (180°), former un disque de pâte de deux ou trois doigts d'épaisseur sur un papier-cuisson ou sur une plaquer beurrée. Laisser lever encore une fois.
Avant d'enfourner, on peut décorer le dessus du gâteau avec du lait additionné de sucre, des cristaux de sucre candi ou des lamelles d'écorce d'orange confite en dessinant selon votre goût une fleur, une étoile ou tout ce que vous voulez.
Enfournez pour 45 mn en surveillant la surface (elle ne doit pas brûler).

Dejar enfriar y cortar la torta en dos discos para rellenarla.

Laisser refroidir et couper la galette en deux pour pouvoir la fourrer.

El relleno :
Acá existe muchas variantes. Lo más moderno me parece lo de la mezcla de crème pâtissière y crème au beurre. Las fuentes dicen que eso es lo tradicional. Y a mí me parece una mentira. Porque hace muy poco tiempo que se puede hacer crème au beurre con manteca cruda de buena calidad en invierno, por la técnica del frío industrial. Antes, no se podía tener en invierno manteca de leche saborosa para usarla cruda en un postre (era salada, vieja, sólo podía comerse cocida). También porque esta mezcla está demasiado parecida a unas creaciones de la década 60, las de Alexandre Micka en Saint-Tropez (Tarte Tropézienne) y Gaston Lenôtre en París, que revolucionaron la pastelería francesa.
A principio del siglo 19, podría ser que no había relleno ninguno y que se ponía el hueso (6) que permite elegir al rey del día dentro de la masa, antes de levar por última vez y hornear, como existe todavía en galette bressane. Un poco más tarde en el siglo 19, parece que llegó la confitura de naranja y sólo después de la segunda guerra mundial esta crema espumosa, espesa y lujosa que se luce hoy, como competidora de la frangipana de la galette "nacional".

La garniture :
Ici, il existe de nombreuses variantes. Ce qu'on fait de plus moderne me semble être une garniture mêlant crème pâtissière et crème au beurre. Les sources que j'ai consultées en parlent comme de la garniture traditionnelle mais cela me paraît être une légende. En effet, il n'y a que peu de temps qu'on peut en plein hiver faire une crème au beurre, car elle demande du beurre cru d'excellente qualité. Or autrefois, le beurre d'hiver était du beurre salé et la plupart du temps ranci. On ne pouvait l'utiliser qu'en cuisson. Le beurre cru pâtissier en hiver est un progrès apporté par la technologie du froid industriel et domestique. C'est donc récent. Qui plus est, cette recette qui mélange les deux appareils me rappellent un peu trop les inventions d'Alexandre Micka avec sa célèbre tarte tropézienne et de Gaston Lenôtre, ce qui ne peut guère nous faire remonter au-delà des années 1960...
Au début du XIXe siècle, il est probable qu'il n'y avait pas de garniture dans cette galette, qu'on y mettait la fève avant la dernière levée de la pâte et donc avant la cuisson, comme on le pratique encore avec la galette bressane. Un peu plus tard dans le siècle, du vivant de San Martín, ou peut-être déjà après sa mort, il semble que la confiture d'orange ait fait son apparition. Ce qui n'a rien d'étonnant eu égard aux échanges commerciaux incessants avec la côte de la Manche sur le continent et, de l'autre côté, le Kent et le Pays de Galles dont la cuisine peut témoigner sur le littoral du continent. Et après la seconde guerre mondiale, pendant les Trente Glorieuses, avec la généralisation du réfrigérateur, cette garniture mousseuse et très riche a pu apparaître pour concurrencer l'épaisseur de la frangipane de l'autre galette qui envahissait alors tout le pays.

Gravure anonyme datant au plus tard de 1842 et où l'on reconnaît assez bien la Ville Haute telle qu'elle se présente aujourd'hui encore, avec les plots, les chaînes et les becs de gaz qui délimitent le trottoir. Le buste semble être celui d'Henri II, sous toute réserve.
En tout cas, grâce à ce croquis, on peut donc imaginer les promenades du vieux général, presque aveugle, au bras de ses deux petites-filles, qui étaient alors de jeunes demoiselles.


(1) Eso es un secreto francés. Se llama Côte d'Opale todo el litoral marítimo de Boulogne-sur-Mer... ¡Je je je!
(2) Ne disait-on pas à l'époque "valoir une pêche au Chili" comme on dit aujourd'hui en français "valoir trois fois rien" ?
(3) Il est plus que probable que ses problèmes de santé venaient davantage des charges de l'Etat qui lui répugnaient et de la détestable apathie des Péruviens dans cette première année de leur indépendance, que du climat météorologique à proprement parler.
(4) Para los lectores de España: manteca = mantequilla. No confunden con manteca de cerdo. En français : manteca ici, c'est le beurre. A ne pas confondre avec le saindoux (manteca en Espagne). Ah, les pièges linguistiques, ne m'en parlez pas !
(5) chef et professeur de cuisine, membre titulaire de l'Academie Culinaire de France (excusez du peu) mais les chances ne sont pas minces que cet ouvrage soit épuisé depuis belle lurette.
(6) Adentro de cada especialidad de Reyes, se pone un objetito duro y pequeño que al principio era un hueso de fruta o un poroto, alubía, judía etc. o una faba (fève) seca. En las casas ricas se ponía una moneda de plata u oro y desde hace algo más de un siglo se usa una figurita que puede representar cualquier cosa... El que la encuentra en su porción se reconoce como el rey de la fiesta y se lleva la corona de papel dorado que va con la galette. A ver todo este material festivo en la página Web de algun negocio que fabrica y vende fèves des rois en Francia.