samedi 23 février 2013

La mort du poète Ricardo Ostuni [Actu]

Archives La Nación

Poète, essayiste et homme politique, l'Uruguayen naturalisé argentin Ricardo Ostuni vient de nous quitter, jeudi, à Buenos Aires, où il avait élu domicile il y a de très longues années. Sa mort, intervenue après un long combat contre la maladie, semble avoir surpris tout le monde car les journaux n'y font que de rares mentions...

Avec son œuvre littéraire, l'homme avait gagné sa place à la Academia Porteña del Lunfardo. Il avait illustré la vocation poétique de cette version rioplatense de l'espagnol, métissé d'italien et de tout ce que l'Europe compte de langues nationales, locales et même argotiques... Avec ces travaux d'historiographies, il avait gagné celle d'académicien de la Academia de la Historia, ce qui n'est pas rien à Buenos Aires.

Du côté politique, il avait été très investi dans la mouvance radicale à Buenos Aires où il avait été très proche, entre autres, de Fernando de la Rúa, un ancien chef du Gouvernement de Buenos Aires qui fut démis par la Legislatura à cause de ses malversations. Inutile de vous dire que cette proximité ne lui avait pas valu que des amis parmi les Argentins et notamment les Portègnes et je suis témoin que la défiance qu'un bon nombre d'entre eux témoignaient à son sujet. Mais comme dit Todo Tango, dont il était un collaborateur attiré : nul n'est parfait !

Du côté du football, ce qui compte autant sinon plus que la politique, il était un supporter du Boca Juniors et c'est vraiment une identité, la carte de supporter de ce club du sud de la ville...

A son engagement politique contestable il ajoutait une militance acharnée dans la cause uruguayenniste, où il était un allié inséparable de Martina Iníguez (voir mon article du 22 octobre 2012) : il croyait fermement que Carlos Gardel était né en Uruguay, à Tacuarembó, une thèse qui passe très très très mal dans le milieu tanguero à Buenos Aires mais dont une majorité d'Uruguayens, où qu'ils vivent dans le monde, y compris souvent lorsqu'ils se sont établis en France, ne peuvent pas se détacher... Ostuni avait même consacré à cette question une monographie de 300 pages qui constitue l'essai le plus complet sur cette fable, présentée par lui comme une vérité historique. C'est très agaçant pour les cartésiens que nous sommes mais force est de constater que pour les Uruguayens, c'est une cause sacrée, qui n'est pas sans nous rappeler les rivalités inouïes (avec échanges de noms d'oiseaux de temps en temps) qui opposent aujourd'hui en France les partisans du site d'Alesia à Alise-Sainte-Reine en Bourgogne (Côte d'Or, 21) et ceux de la localisation dans les Alpes, à Chaux-des-Crotenay, dans le Jura, ou les disputes homériques qui se sont déployées pendant parfois des siècles tout au long du Moyen-Age entre deux villes voisines sur l'authenticité d'une écharde de la Sainte-Croix que toutes les deux prétendaient détenir, pour mieux attirer le flux des pèlerins, qui comme aujourd'hui faisaient tourner la vie économique du coin...

Depuis son retrait de la vie politique, en 2001, il consacrait toutes ses forces au tango, avec une passion qui nous laisse ébahis, même si sur certains thèmes elle ne nous convainc pas.

Ricardo Otsuni a été inhumé au cimetière de la Chacarita à Buenos Aires dans la journée d'hier.

Pour aller plus loin :
Voir la notice auteur dans Todo Tango (elle n'a pas encore été mise à jour)