vendredi 26 avril 2013

Litto Nebbia, 65 ans, 140 disques [Disques & Livres]


Gros titre : A bon entendeur...

Litto Nebbia, vous le connaissez déjà un peu si vous suivez ce blog et encore plus si vous avez acheté mon tout premier livre, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins (Ed. du Jasmin). C'est lui qui a produit le disque qui accompagne le livre et on l'y entend chanter ce chef d'œuvre du répertoire qu'est Fuimos et y interpréter Los Nocturnos, un instrumental de sa composition.

Litto Nebbia, c'est un grand de la musique populaire contemporaine de l'Argentine (1) : premier rockeur à avoir chanté du rock à texte dans la langue de Cervantes (La Balsa, 1967), musicien prolifique (plus de 1300 titres différents à son actif) et artiste multi-genre qui a roulé sa bosse dans le rock, le tango, le folclore, la musique de film et de théâtre...

Jusqu'à novembre, le voilà occupé, à bientôt 65 ans, à rééditer chez Melopea Discos, le label indépendant qu'il a fondé en 1990 à Buenos Aires, l'ensemble ou presque de ses 140 disques déjà sortis. Seuls 5 albums, les cinq premiers, ceux de son tout premier groupe, Los Gatos (entendez les petits gars de rien du tout) échapperont à cette grande rétrospective. Ils sont malheureusement toujours placés sous les contrats léonins signés avec des grosses firmes qui conservent les droits ad vitam eternam...

Página/12 en profitait avant-hier, mercredi 25 avril 2013, pour faire sur lui la une de ses pages culturelles (ci-dessus), avec une interview à la clé, comme presque toujours...

Extraits :

“Me lo impiden los contratos leoninos que firmé de adolescente, la necedad y el desinterés de los actuales directivos. Los contratos de la mayoría de estas compañías, y mucho más en esa época, son tramposos, usan mucho la ‘letra chica’ y abusan de la ignorancia que generalmente el músico tiene sobre lo que es un contrato. Por cualquier lugar que se lean biografías de músicos de rock de todos los tiempos y estilos se encuentran anécdotas de que los han estafado: sea The Kinks de Inglaterra, The Byrds en Estados Unidos, Los Shakers de Uruguay o Los Gatos y Almendra en Argentina”, sentencia el principio motor –a tracción humana– del rock argentino.
Litto Nebbia, in Página/12

Le journaliste l'interroge sur l'absence des 5 disques des Gatos dans la future édition de la discographie complète :

Ce sont les contrats léonins que j'ai signé adolescent, l'imbécilité et le désintérêt des dirigeants actuels [de ses premiers labels] qui m'empêchent [de le faire]. Les contrats de la majorité de ces sociétés et encore plus à cette époque-là sont trompeurs, ils recourent beaucoup aux petits caractères et ils abusent de l'ignorance du musicien en général sur ce qu'est un contrat. Partout où on lit une biographie de musicien de rocks de tous les temps et tous les styles, on trouve des anecdotes sur les escroqueries dont ils ont été victimes, que ce soit The Kings en Angleterre, The Byrds aux Etats-Unis, Los Shakers en Uruguay ou Los Gatos et Almendra en Argentine, lance la première locomotive -à traction humaine (2)- du rock argentin.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–El yo, no el otro, del Señor Negocios...
–(Risas.) Los otros días leí una nota que le hicieron a uno de estos perversos y no lo podía creer. El tipo decía algo así como “mis artistas nunca ganan menos que el sello discográfico”. Increíble, porque esos contratos están hechos de tal manera que no vencen nunca... y eso ya es ilegal, mucho más cuando el sello no argumenta qué es lo que va a hacer por vos. Estos contratos ni siquiera dicen que los álbumes deben estar publicados todo el tiempo, porque si los discos no se publican, esto perjudica la carrera y la obra del artista. El artista, al no tener su disco a la venta, pierde promoción de su imagen, de su música y de sus derechos autorales por todos lados. Siendo más claro: las ventas de discos son las que movilizan la actuación en vivo de un artista y, junto con los derechos autorales y regalías por discos, son la entrada salarial de cualquier músico. La última vez que aparecieron los discos de Los Gatos fue aquella edición que realizó Página/12 hace unos años (2002). Esa vez se vendieron aproximadamente 60 mil CD y el sello me pagó 0,03 centavos por disco. No es mucho, ¿no? (risas), es raro tener un socio que se lleva el 98 por ciento y a vos te da el 2 por ciento... así se manejan las discográficas, en general.
Litto Nebbia, in Página/12

- Le moi (3), pas l'autre, de Monsieur Business...
- (Rires) L'autre jour, j'ai lu un article qu'on a fait sur l'un de ces tordus et je n'arrivais à en croire mes yeux. Le type disait quelque chose dans le genre : "Mes artistes n'ont jamais gagné moins que le label discographique". Incroyable, parce que ces contrats sont faits de telle sorte qu'ils n'ont jamais de fin... Et ça, d'abord c'est illégal, encore plus quand le label ne donne aucun argument sur ce qu'il va faire pour toi. Ces contrats ne disent même pas que les albums doivent être disponibles tout le temps parce que si les disques ne sont pas disponibles, ça fait du tort à la carrière et à l'œuvre de l'artiste. L'artiste, s'il n'a pas son disque sur le marché, manque la promotion de son image, de sa musique, de ses droits d'auteur sur tous les plans. Soyons plus clair : la vente de disques, c'est ce qui mobilise les prestations publiques d'un artiste et, avec les droits d'auteur et les royalties des disques, c'est le revenu salarial de n'importe quel musicien. La dernière fois que sont sortis les disques de Los Gatos, c'est cette édition qu'a réalisée Página/12 il y a quelques années (2002). Cette fois-là, on a vendu approximativement soixante mille CD et le label m'a payé 0,03 centimes de peso le disque. C'est pas terrible, hein ? C'est bizarre d'avoir un partenaire qui se prend 98% et à toi, il te donne 2%... C'est comme ça que les discographies sont gérées, en général.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

[...]

–La edición irá acompañada de un librito, algo que naturalmente se incorpora a la necesidad de registrar todo...
–Sí, lo del libro fue un “invento” mío, algo que siempre quiero agregarles a los discos: escritos, detalles o cualquier cosa que los transforme en un elemento más comunicativo. En el libro original había algunos dibujitos míos acompañando una sección de acordes para guitarra para tocar las canciones, pero la editorial que lo publicó hizo un par de reediciones y luego lo dejó anclado. Hay cosas graciosas y extrañas con este librito: hablo del estado de la música popular y parece que lo hubiera escrito hoy (risas). Muerte en la Catedral pasó a ser un álbum clásico de mi carrera, nunca paró de venderse y ciertos temas han pasado a la eternidad.
Litto Nebbia, in Página/12

- L'édition sera accompagnée d'un livret, quelque chose qui naturellement se joint à la nécessité de repasser tout en détail...
- Oui, le truc du livre, c'est une invention à moi, quelque chose que j'aime toujours ajouter aux disques : des écrits, des détails ou n'importe quoi qui en font un élément plus communicatif. Dans le livre original, il y avait des petits dessins à moi pour accompagner une suite d'accords pour guitare pour jouer les chansons, mais la maison d'édition que l'a publié a fait une ou deux rééditions et après elle a tout laissé tomber. Il y a des choses drôles et bizarres dans ce livret : j'y parle de la situation de la musique populaire et on croirait que j'ai écrit ça aujourd'hui (rires). Muerte en la Catedral est devenu un album classique dans ma carrière, il n'a jamais cessé de se vendre et certains thèmes sont devenus immortels.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

[...]

Mientras estaba haciendo la banda sonora de Flop, estaba produciendo ya algunos discos para Melopea. Entonces me venía a ver Adriana Varela para ver si podía grabar. Yo tenía el primer casete que me había enviado, donde cantaba temas de Fito, Silvio, Spinetta y algunos míos... pero claro, ya tenía esa voz bien climática de tango que le conocemos. Entonces, entre las “rarezas” que tenía que escribir y ambientar para la película, que transcurre tipo en los años ‘20, tenía que hacer una especie de zarzuela (que canta Pinti en el film), y también necesitábamos una mujer que cantara un tanguito bien arrabalero, en una especie de vaudeville de la época. Inmediatamente se me ocurrió que Adriana daba perfecto para esto. Aceptó, pero el problema fue que yo, el día que se filmaba, no podía tocar porque andaba por el interior. Así fue que lo metí a tocar al guitarrista del grupo Nuevos Aires, Fernando Egozcue, que recién habían grabado en Melopea... cosas que pasan (risas).
Litto Nebbia, in Página/12

Pendant que je travaillais sur la musique de Flop (4), je produisais déjà quelques disques pour Melopea. Et Adriana Varela (5) venait me voir alors pour voir si elle pouvait faire des enregistrements. Moi j'avais la première cassette qu'elle m'avait envoyée où elle chantait des morceaux de Fito, Silvio, Spinetta (6) et quelques uns de moi... mais bon, elle avait déjà cette voix bien acclimatée au tango que nous lui connaissons. Alors entre les bizarreries que je devais écrire et mettre en atmosphère pour le film, qui se passe vers les années 20, il fallait que je fasse une espèce de zarzuela (que chante Pinti dans le film) et nous avions aussi besoin d'une femme pour chanter un petit tango des familles, bien faubourien, dans une espèce de vaudeville de l'époque. Immédiatement, j'ai eu l'idée que Adriana allait être parfaite là-dedans. Et c'est comme ça que j'ai lancé dans l'aventure le guitariste du groupe Nuevos Aires, Fernando Egozcue, qui venait d'enregistrer à Melopea... c'est des trucs qui arrivent, ça (rires).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Lire l'interview intégrale sur Página/12 en cliquant sur ce lien.

Litto Nebbia chantant La Balsa en mai 2012
dans l'un des auditoriums de Radio Nacional (Buenos Aires)

(1) C'est à ce titre que j'ai introduit plusieurs de ses chansons dans mon autre anthologie bilingue, Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango (Tarabuste Editions), parmi lesquelles La Balsa qui est un incontournable en Argentine aujourd'hui...
(2) En Argentine, pour la traction animale, on parle de tracción a sangre. Mais c'est vraiment réservé aux chevaux et aux bœufs. Le journaliste, Cristián Vitale, a trop de respect pour oser l'expression. Donc il la transforme.
(3) Toute la rédaction de Página/12 biberonne à la psychanalyse pur sucre, version Freud ou version Lacan selon les cas.
(4) Un film. Litto Nebbia a composé beaucoup de musique de film, pour le grand écran mais aussi pour la télévision.
(5) Une des grandes voix féminines du tango aujourd'hui. Son style d'interprétation a ses admirateurs et ses détracteurs. Litto Nebbia fait partie des premiers. C'est même lui qui lui a mis le pied à l'étrier en matière de tango et lui a permis de travailler avec Enrique Cadícamo d'une part et avec Roberto Goyeneche d'autre part.
(6) Différents grands du rock argentin (rock nacional).