samedi 30 mars 2013

Quand Macri joue les bons apôtres [Actu]

Traduction du slogan
"La Ville fête avec fierté et joie le Pape François"

Hier matin, pour le Vendredi Saint et ce qu'il reste de la Semaine Sainte, Mauricio Macri, qui vient d'augmenter le ticket de métro de manière vertigineuse (3,50 $ l'unité, contre un prix précédent en 2012 de 2,50 $ et un prix antérieur en 2011 de 1,10 $) et qui refuse de se plier aux conditions édictées par la Justice, à savoir de créer un tarif réduit accessible sous conditions de revenu (1) pour laisser les transports publics accessibles aux moins favorisés, Mauricio Macri vient de faire couvrir la façade d'un immeuble qui abrite des bureaux de son administration (Edificio La Plata), le long de Avenida 9 de Julio, dont il y a peu il a fait abattre de nombreux arbres (2) pour faire passer une ligne de tramway passablement inutile puisqu'elle doublonne la ligne de métro qui passe en-dessous, le tout sans aucune concertation avec les autres organes démocratiques (la Legislatura en particulier) en violation des dispositions constitutionnelles dont la Ville s'est pourvue, Mauricio Macri, donc, Chef du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, vient de recouvrir cette immense et quelconque façade de bureaux d'une bâche photographique quadrichrome représentant le Pape François sur fond bicolore national et sur une surface de 88 mètres de large sur 34 de haut. Le type se prend pour Michel Ange attelé aux fresques de la chapelle Sixtine...

Cette initiative de bas étage, si je puis m'exprimer ainsi pour un tel bâtiment, aurait pour objectif de marquer la fête de Pâques, prétend-il ! Drôle de manière de célébrer la Résurrection du Christ que ce slogan imbécile et sans imagination qui met en lumière le serviteur qui n'arrête pas de dire qu'il n'est pas celui qui compte, quand le cœur de l'affaire est précisément Quelqu'un d'Autre...

Tant qu'il y était, notre bon apôtre a refusé de révéler le coût de l'opération (on admire une nouvelle fois la performance démocratique) et, pour se dédouaner, il a annoncé qu'après l'opération, cette immense toile serait découpée et que les morceaux ainsi obtenus serviraient à confectionner des sacs qui seront vendus aux enchères (Idée de jocrisse ! Quel acheteur va vouloir mettre beaucoup d'argent dans un sac dont il n'aura que faire et dont le motif sera un morceau de menton dont il faudra expliquer à qui il appartient pour que ça ait un sens quelconque ? Ou pire, dans un simple sac monochrome blanc ou bleu ciel, ce qui occupe tout de même la majeure partie de l'image totale ?)
L'argent ainsi récolté irait au vicariat (3) des villas miserias de Buenos Aires (on demande à voir). N'eût-il pas été plus efficace de consacrer tout de suite cette somme à viabiliser, avant le retour de l'hiver, ces zones abandonnées de la ville en y faisant installer l'eau courante, le gaz et l'électricité, que tant et tant de gens réclament depuis des années et que même la justice portègne a exigé dans plusieurs arrêts qui n'ont jamais été suivis d'effet ?

Hier, la presse rendait compte de manière variée de cette écœurante tartuffe-rie : Página/12 en faisait un entrefilet méprisant (comment l'en blâmer ?) tandis que Clarín, que les scrupules n'ont jamais étouffé lorsqu'il s'agit du sort des plus démunis, semblait trouver l'idée charmante et se gardait bien d'aborder en aucune façon les aspects économiques de cette exploitation vulgaire d'une légitime émotion populaire, à laquelle Monseigneur Emil Tscherrig, nonce apostolique mais présenté comme actuel Administrateur diocésain (c'est lui qui préside les célébrations de la Semaine Sainte en l'absence d'archevêque titulaire), aura dû se prêter en assistant à l'inauguration de cette décoration plus électoraliste que pascale aux côtés du Chef de Gouvernement et sa vice-chef, tout aussi démagogue que lui.
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Pour aller plus loin :



(1) Voir mon article du 26 mars 2013 sur les recours judiciaires posés par des élus locaux et nationaux contre cette politique démente. Vous pouvez aussi lire tous ces articles en cliquant sur le mot-clé Subte (métro à Buenos Aires) que vous retrouverez aussi dans les articles concernés dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.
(2) Voir mon article du 13 février 2013 sur ce thème
(3) District territorial ou thématique (culture, prison, enfance...) à l'intérieur d'un diocèse.

vendredi 29 mars 2013

Allez dire à Jean : "Les aveugles voient" [Actu]

Etonnante une qui met en vedette la demande de dialogue
et l'entoure, en bas et à droite, de manchettes
constituées de propos hostiles au Gouvernement en place !

C'est un des récits que nous livrent l'Evangile selon saint Matthieu (chapitre 11) : Jean le Baptiste, enfermé dans les geôles d'Hérode (où il est un prisonnier politique) est saisi de doute sur la mission effective de son lointain parent Jésus qu'il a reconnu quelque mois plus tôt comme "celui qui devait venir". Son doute repose sur le fait que Jésus n'agit pas comme l'image que les Juifs s'étaient faite du Messie : un homme puissant, entouré d'une cour céleste, qui allait faire trembler la terre, la mer et les montagnes, et au fil du temps on avait imaginer qu'il mettrait en fuite l'occupant païen (bon débarras, qu'il fait bon vivre entre soi !) et, sous Tibère, qu'il allait secouer le cocotier dans le Temple de Jérusalem, aux mains d'une élite sacerdotale ultra-conservatrice et passablement gangrénée par toutes sortes de compromissions économiques et politiques avec le pouvoir en place, pour le dire dans des catégories qu'il nous est aisé d'identifier dans notre propre monde.
Jean envoie donc quelques uns de ses disciples vers Jésus pour lui demander quels signes il peut donner pour, en quelque sorte, accréditer sa qualité de Messie... Et Jésus leur répond avec une formule mystérieuse comme toujours au début de son ministère public : "Allez rapporter à Jean ce que vous voyez et entendez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres". (1)

C'est exactement le spectacle que donne ce matin la presse nationale argentine : voilà des années que Mgr. Jorge Bergoglio choisissait des lieux marginalisés dans Buenos Aires pour y célébrer la messe du Jeudi Saint sans avoir jamais intéressé les journalistes de la presse généraliste qui préféraient l'enfermer dans une image d'archevêque bien traditionnel et qui différait seulement en fonction de la couleur politique du quotidien. Or cette année, le même bonhomme fait la même chose à Rome, en se rendant dans une prison pour mineurs en proche banlieue, et là, miracle !, les journaux voient tout, y compris ce qu'ils n'ont pas vu puisque la presse n'a pas pu pénétrer dans cette enceinte de la justice pénale italienne. Même la rédaction de Página/12 a ouvert ses belles mirettes et rapporte le fait, avec des enjolivures que, pour ma part, je trouve inutiles et un brin méprisantes (2). Quant à Clarín, la journaliste (à moins que ce ne soit le titreur) oppose le choix par François d'une prison et donc de laissés pour compte de notre société (en insistant avec une complaisance condescendante sur les problèmes de violence que connaissent ces jeunes en manque manifeste de repères) au choix des papes précédents qui lavaient les pieds à des prêtres (comme si ça n'avait pas aussi un sens fort, quoique moins universel, je le concède bien volontiers).
Dans un cas comme dans l'autre, un peu plus dans Clarín que dans Página/12, les journalistes, qui sont dans les deux cas des femmes, soulignent la présence de deux jeunes filles parmi les 12 adolescents ayant participé au rite du lavement des pieds. La journaliste de Clarín y voit la perspective d'une réévaluation du rôle de la femme dans l'Eglise à venir. Elle n'a peut-être pas tort... Il y a en effet mille sortes de mesure à prendre ou à susciter que l'ordination des femmes pour que celles-ci, qui composent la moitié de l'humanité et, dans les pays industrialisés, largement plus que la moitié des fidèles, se voient accorder la visibilité dont la communauté croyante a besoin qu'elles l'aient pour se développer harmonieusement....

Autre signe qui nous montre que ces journaux récupèrent une vision que leurs engagements idéologiques divergents avaient réduite à une quasi-cécité : Página/12, si hostile à la conduite pastorale de Monseigneur Bergoglio (dont il ignorait tout), reproduit ce matin, sans les accompagner d'aucune observation acide, les propos mesurés du futur archevêque de Buenos Aires, Monseigneur Mario Poli, sur le cadre relationnel dans lequel il compte inscrire son nouveau ministère vis-à-vis du monde politique. Comme son prédécesseur : il appelle les Argentins au dialogue.

“Falta diálogo a los argentinos, falta diálogo en serio [...] En eso podemos hacer el aporte, porque la Iglesia tiene mucha sabiduría sobre el diálogo”
Mario Poli, cité par Página/12 (qui pense à la droite) et Clarín (qui pense à la gauche)

Le dialogue fait défaut aux Argentins, il fait vraiment défaut. [...] Là-dessus, nous pouvons avoir notre contribution parce que l'Eglise a une grande sagesse en matière de dialogue. (3)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

C'est exactement l'invitation lancée par le Pape le 19 mars dans la nuit, lorsqu'il a téléphoné au recteur de la cathédrale de Buenos Aires pour prendre congé des fidèles de son ancien diocèse avant la messe d'installation romaine (voir mon article du 19 mars 2013).

Pour ce qui est du gouvernement, l'actuel évêque de Santa Rosa a précisé qu'il veillerait à suivre une attitude de respect et de coopération avec les pouvoirs publics mais qu'il maintiendrait néanmoins la distance adéquate, parce que [nous occupons] deux terrains différents, le terrain des pasteurs n'étant pas politique même si la proximité avec les gens nous permet d'avoir des idées et d'émettre des propositions. Et le plus magnifique, c'est qu'on ne perçoive pas la moindre notion d'ironie ou de persiflage sous la plume du journaliste du quotidien kirchneriste. Il y a quinze jours, les mêmes propos auraient été rapportés comme des preuves flagrantes de l'hypocrisie monstrueuse du haut clergé et de sa complicité supposée avec l'oligarchie et pata couffin... Mieux encore, le journal s'offre le luxe de s'arrêter sur l'annonce officielle du nom du nouvel évêque faite par l'archidiocèse de Buenos Aires, où une joie authentique est perceptible sous le vocabulaire par ailleurs convenu de ce type de communication.
On sent néanmoins une minuscule pointe de méfiance résiduelle à la lecture d'un autre article publié ce matin et qui porte sur la première liste de béatifiés signée hier par le Pape. Elle ne comporte pas le nom de Carlos de Dios Murias, prêtre argentin tué par la Dictature dont Jorge Bergoglio avait soutenu l'ouverture de la cause en béatification en sa qualité de président de la Conférence épiscopale argentine... Avec la nomination de son successeur à Buenos Aires avant-hier et cette liste de nouveaux martyrs, nous arrivons bel et bien à ces premières décisions effectives que beaucoup d'observateurs attendaient pour juger de la nouvelle gouvernance de l'Eglise que l'on veut tant et de tout côté voir changer, encore que ce ne soit pas toujours exactement dans le même sens (cependant, la convergence est grande sur les axes majeurs, lesquels n'incluent pas les questions de mœurs, sur quoi le discours n'est contesté que par des courants très minoritaires à l'échelle monde mais très bruyants dans les pays industrialisés en voie de déchristianisation galopante).
Et on voit bien que le Pape est très vigilant à ne montrer aucune prédilection pour l'Argentine. Il semble vouloir éviter de susciter des jalousies (4). Mercredi matin, lors de l'audience générale, c'est en italien qu'il a salué toutes les délégations présentes sur la place, y compris les hispanophones, parmi lesquels de nombreux Argentins que cette salutation a douchés mais pour la bonne cause, à savoir empêcher les fidèles de tomber dans la vedettarisation de sa personne et ne pas favoriser cette papolâtrie chauvine que Jean-Paul II nous avait donné l'habitude de considérer comme normale lorsqu'il parlait aux Polonais dans leur langue, suscitant chez eux une forme d'appropriation nationale assez malsaine à la limite parfois d'une certaine xénophobie...
François ne fait rien dans ce sens-là. Il n'a même jamais encore privilégié la Vierge de Luján (et pourtant, Dieu sait si elle est importante là-bas !), même lorsqu'il est allé se remettre entre les mains de la Madonna à Sainte-Marie-Majeure, au lendemain de son élection. Tout au contraire, il reste arrimé au programme de gouvernement épiscopal qu'il a annoncé depuis la loggia de Saint-Pierre le 13 mars au soir. Il met un fort accent sur son travail à la tête du diocèse de Rome et hier matin, au cours de la messe chrismale, il a appelé les prêtres romains à être des "bergers qui sentent [un peu plus] la brebis", c'est-à-dire qu'ils aillent plus au contact des fidèles comme les bergers qui vivent au milieu des bêtes dont l'odeur finit par imprégner leurs vêtements. Il évangélise donc le diocèse de Rome pour que celui-ci puisse relever la vocation qui est la sienne depuis l'Antiquité, présider à la charité des [autres] églises (entendez diocèses) par l'exemplarité (5).

Il se pourrait que ce soit très dur à accepter pour les Argentins qui ont une habitude culturelle profondément ancrée de sur-valoriser ce qu'ils appellent nuestras cosas (nos trucs à nous) partout où ils vont, partout où ils sont. Je le perçois en ce moment même en constatant que mes amis [me] parlent moins du Pape François (Papa Francisco pour eux) que du papa argentino.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 sur la messe du Jeudi Saint
lire l'article de Página/12 sur les propos de Mgr. Mario Poli
lire l'article de Página/12 sur les béatifications acceptées hier par le Pape (des Espagnols et un Italien, ayant tous évolué à travers des troubles politiques, la guerre civile en Espagne et l'occupation nazie en Italie).
lire l'article de Clarín sur la messe du Jeudi Saint
lire l'article de Clarín sur les propos de Mgr. Mario Poli.



(1) Traduction liturgique de la Bible (Association épiscopale liturgique pour les pays francophones), 1994.
(2) L'article, rédigé par une journaliste installée à Rome et non plus par Eduardo Febbro qui est sans doute rentré au bercail, commence avec cette phrase des plus invraisemblables : "Algunos no sabían siquiera quién era el Papa, quién era este señor vestido de blanco que iría a visitarlos al Penal de Menores de Casal del Marmo, a algunos kilómetros del centro de Roma. Pero pese a no conocerlo, ni ser todos católicos, aceptaron participar en la capilla de la cárcel de la celebración del Jueves Santo que conmemora la Ultima Cena".
En français : "Quelques uns ne savaient même pas qui était le Pape, qui était ce monsieur habillé en blanc qui venait leur rendre visite dans le centre pénitentiaire de Casal del Marmo, à quelques kilomètres du centre de Rome. Mais bien qu'ils ne le connaissent pas et qu'ils ne soient pas tous catholiques, ils ont accepté de participer à la célébration du Jeudi Saint qui commémore la Dernière Cène, dans la chapelle de la prison" (Traduction Denise Anne Clavilier).
C'est vraiment prendre ces adolescents pour des crétins finis. S'ils ont réalisé dans l'atelier de menuiserie où ils apprennent un métier un crucifix et un lutrin pour en faire cadeau au Pape, ainsi que l'article le rapporte un peu plus loin, c'est qu'ils étaient parfaitement informés de l'identité de la personnalité qu'ils allaient recevoir. Pensez-vous que dans la promiscuité d'un centre de détention, un seul d'entre eux ait pu rester toute une semaine dans l'ignorance d'un évènement aussi retentissant ! D'autant qu'en Italie, le Pape est un personnage public qui appartient au pays, c'est à peine si les Italiens acceptent que le Pape ait aussi des responsabilités ailleurs que chez eux et dans le Latium, c'est encore pire... Vous me direz aussi que c'est un truc de journaliste, qu'il faut bien trouver une entrée en matière dynamique. Certes, mais on n'est pas dans un roman de gare. Il n'y a pas besoin de ridiculiser les gens, surtout si ce sont des mineurs et qui plus est incarcérés, ni de prendre les lecteurs pour des imbéciles. En revanche, que certains jeunes détenus, notamment parmi les musulmans, n'aient pas d'idée de ce qu'est le ministère pétrinien (ce qui n'est pas la même chose que la personne du pape), c'est plus qu'évident, vu que ces enfants ont atterri là pour avoir manqué d'abord et avant tout des soins éducatifs les plus élémentaires.
(3) L'expérience de l'Eglise en matière de dialogue est si reconnue que pendant la Dictature, lorsque les Etats-Unis cherchaient à adoucir les violences politiques commises par le régime qu'ils soutenaient en sous-main, l'Ambassadeur de l'Oncle Sam avait suggéré au ministre des affaires étrangères de la junte de passer par l'intermédiaire d'un évêque ou d'une communauté religieuse pour régler le problème de ces bébés volés dont il entendait parler, ce que l'autre avait fait semblant d'accepter et s'était bien gardé de faire... Et l'Ambassadeur avait de son côté fait semblant de ne pas s'en rendre compte. (Voir mon article du 1er février 2012)
(4) Or les Argentins eux-mêmes peuvent avoir des comportements très jaloux, restrictifs, exclusifs et même confiscatoires contre les étrangers. On le constate bien dans la fermeture sur elles-mêmes de certaines communautés installées à l'extérieur du pays. Chez eux, ils sont très ouverts, mais à l'étranger, c'est parfois une autre paire de manches.
(5) Il y a du pain sur la planche : à Rome, les prêtres sont présents en si grande quantité, à cause des innombrables et populeuses institutions de formation, que les diocésains se la coulent nettement plus douce que dans n'importe quelle autre ville au monde. Or cette attitude du Pape semble déjà porter du fruit. Lisez donc les déclarations de l'aumônier du centre de détention stupéfait et reconnaissant en même temps de la "leçon que le Pape vient de [nous] donner" (dans Clarín).

jeudi 28 mars 2013

Le changement de ton se confirme à Página/12 [Actu]


Qui aurait cru pouvoir trouver un jour dans les colonnes de Página/12, ce quotidien qui boulotte du curé tous les matins, des phrases comme celles-ci :

Jorge Bergoglio eligió en su reemplazo a Mario Aurelio Poli, hasta ahora obispo de Santa Rosa. Es un hombre cercano a su perspectiva y de su directa confianza, moderado y de bajo perfil. La designación deja fuera de juego al sector ultraconservador de la Iglesia.
Página/12, 28.03.2013

Jorge Bergoglio a choisi pour le remplacer Mario Aurelio Poli, jusqu'à présent évêque de Santa Rosa. C'est un homme proche de sa manière de voir et qui a sa confiance directe, [un homme] modéré au comportement discret. Cette désignation laisse hors jeu le secteur ultra-conservateur de l'Eglise. (1)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Or c'est bien ce que vient d'écrire un des rédacteurs idéologiquement très marqués, Washington Uranga, dans les pages intérieures de ce quotidien, sous le titre général Una sede que ya no está vacante - Un siège qui n'est déjà plus vacant, au sujet de la nomination du nouvel archevêque de Buenos Aires.

Monseigneur Mario Poli est né en novembre 1947 à Buenos Aires. Il a fait des études de théologie et s'est formé au service social. Ordonné prêtre en 1978 à Buenos Aires après dix années d'études pluridisciplinaires (donc presque aussi longues que celle d'un jésuite), il a d'abord été envoyé comme vicaire (simple prêtre) à la paroisse San Cayetano de Liniers, dont l'église, qui a rang de basilique, accueille un important flux de pèlerins composé essentiellement de personnes en difficulté sociale, économique et professionnelle (San Cayetano, que nous appelons saint Gaëtan, un évêque italien, est le patron des travailleurs et le saint auxquels les fidèles recourent lorsqu'ils cherchent du travail ou voient leur emploi menacé ou dégradé). En 2002, Monseigneur Poli a été ordonné évêque, toujours à Buenos Aires, par Monseigneur Bergoglio pour être l'un de ses auxiliaires, un ministère qu'il a rempli jusqu'en 2008, date à laquelle il a été nommé par Benoît XVI évêque de Santa Rosa, capitale de la Province de La Pampa, au sud-ouest de la Province de Buenos Aires...
Santa Rosa est un peu à l'Argentine ce que Pont-L'Evêque est à la France : c'est une région où l'on produit des fromages particulièrement appréciés dans le pays (et assez chers même si l'Argentine n'a pas encore développé la même notion de terroir que celle qui existe en Europe)...

A mon humble connaissance, ce choix constitue la toute première décision pastorale du nouveau Pape en dehors du diocèse de Rome et il donne le ton pour ce qui va venir. Les sceptiques, dont quelques journalistes de Página/12, disaient que les gestes d'humilité, c'était bien joli mais qu'on l'attendait désormais au tournant des décisions. Nous y sommes et celle-ci déjoue une nouvelle fois les pronostics puisque Mario Poli n'apparaissait pas dans la liste des candidats pressentis par la presse argentine et les cercles qui s'auto-définissent comme "bien informés".
La nomination, et c'est Página/12 qui le dit, a été bien accueillie par le Gouvernement actuel qui n'en fera donc pas un fromage (elle est lourde, je sais, mais avouez qu'elle était tentante, le jour où l'on célèbre le Dernière Cène, comprenez le dernier dîner du Seigneur).
Après le rude choc politique qu'a été l'élection du 13 mars 2013 et dont je vous ai abondamment parlé dans ce blog (cliquez sur le nom du Pape dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, pour accéder à l'ensemble des notes sur le sujet), il était important qu'il en soit ainsi et que soient minimisés pour l'avenir les risques de voir se répéter les mêmes erreurs stratégiques dans l'affrontement de points de vue qui ne manquera pas d'intervenir encore, un jour ou l'autre, entre le nouveau prélat et tout Gouvernement en place car ces frictions et ces conflits sont inhérents à la différence des enjeux, spirituels pour l'Eglise et politiques pour la conduite des Etats. Depuis la reconnaissance du catholicisme par l'empereur Constantin, ils n'ont cessé de se multiplier, avec des contentieux qui se sont plus ou moins bien résolus sous Philippe Le Bel, sous Henri VIII, sous Napoléon 1er ou avec le chancelier Bismarck pour ne citer qu'un petit nombre de querelles retentissantes...

Non content de reconnaître implicitement que Bergoglio n'appartenait donc pas à l'extrême-droite et qu'il en est même très éloigné, contrairement à tout ce qu'il a toujours affirmé jusqu'au 13 mars dernier, l'article de Página/12 va jusque se conclure par une citation, assez longue, exacte et complète, du Pape François telle que l'avait reprise Mario Poli le 15 mars, le lendemain de cette homélie papale, lors de la dernière ordination sacerdotale qu'il aura célébrée à Santa Rosa :

“Cuando caminamos sin la cruz, cuando edificamos sin la cruz y cuando confesamos un Cristo sin cruz, no somos discípulos del Señor: somos mundanos, somos obispos, sacerdotes, cardenales, papa, pero no discípulos del Señor. Quisiera que todos, después de estos días de gracia, tengamos el valor, precisamente el valor, de caminar en presencia del Señor, con la cruz del Señor; de edificar la Iglesia sobre la sangre del Señor, derramada en la cruz, y de confesar la única gloria: Cristo crucificado. Y así la Iglesia avanzará”

Quand nous marchons sans la croix, quand nous construisons sans la croix et quand nous confessons un Christ sans la croix, nous ne sommes pas disciples du Seigneur : nous sommes du monde, nous sommes évêques, prêtres, cardinaux, pape mais pas disciples du Seigneur. J'aimerais que tous, à compter de ces jours de grâce, nous ayons le courage, le courage oui vraiment, de marcher en présence du Seigneur, avec la croix du Seigneur, de construire l'Eglise sur le sang du Seigneur, répandu sur la croix, et de confesser la seule gloire [qui existe] : le Christ crucifié. Et de cette manière, l'Eglise avancera.
(Traduction Denise Anne Clavilier) (2)

Il y a trois jours, je n'aurais même pas osé imaginer retrouver des paroles aussi radicalement éloignées de la vision matérialiste du monde qui prévaut à Página/12 dans les colonnes de ce quotidien pour lequel j'ai un attachement profond parce qu'il y a chez les journalistes qui le font, jour après jour, une véritable recherche de la démocratie et ils sont, me semble-t-il, en train d'en faire une nouvelle fois la preuve en lâchant petit à petit leur dogmatisme erroné...
Ils m'épatent !

Pour aller plus loin :
lien avec le portrait de Mario Poli dans Info Región, le journal de la région métropolitaine bonaerense.
Je n'ai pas trouvé l'information ce matin (mais il est encore très tôt) sur le site Internet de l'Archidiocèse de Buenos Aires.


(1) Selon Página/12 (à prendre avec des pincettes par conséquent), le secteur ultra-conservateur de l'Eglise serait dirigé par Monseigneur Héctor Aguer, évêque de La Plata, qui a adopté des positions très fermes à plusieurs reprises sur des questions de mœurs, ce qui est encore et toujours le critère de référence du soi-disant progrès pour le quotidien portègne (et en général pour tous les courants athées qui ne comprennent pas que le cœur du message de l'Eglise ne se situe pas du tout dans cette zone conceptuelle). Mais bon, on ne peut pas tout avoir d'un seul coup.
(2) J'ai pris ici l'initiative de procéder moi-même à cette traduction parce que j'ai encore l'homélie en italien qui résonne à mes oreilles. Pour qui l'a écoutée une fois, il n'est pas très difficile de s'en souvenir toujours : simple, concise, courte, admirablement structurée et de vol stratosphérique, tout ça en même temps. Les internautes soucieux de connaître le texte intégral dans sa traduction française officielle se reporteront au site Internet www.vatican.va, sur les pages en français consacrées aux homélies du Saint Père à la date du 14 mars 2013 (homélie de la messe avec le collège des cardinaux célébrée dans la chapelle Sixtine au lendemain de l'élection).

mercredi 27 mars 2013

Mise en ligne de mon site Internet, www.denise-anne-clavilier.fr [Agenda de Barrio de Tango]



Depuis un bon mois, je travaillais d'arrache-pied sur une présentation globale et en ligne de mes activités et propositions culturelles autour de l'Argentine, sa musique, sa poésie, son histoire et son patrimoine, matériel et immatériel...

Depuis cet après-midi, toutes les pages sont accessibles. Il ne me manque plus que d'introduire quelques détails techniques et une poignée de gadgets de communication qui font joli mais ne présentent pas de valeur ajoutée par rapport au contenu culturel. Ils viendront en leur temps, peu à peu...

Sur www.denise-anne-clavilier.fr, vous trouverez
- un lien avec ce blog, qui s'ouvre dans une nouvelle fenêtre, ainsi qu'un flux RSS indiquant, dès la page d'accueil, les titres des derniers articles publiés
- une présentation complète de ma bibliographie, avec ouvrages déjà publiés et à paraître
- une autre de mes interviews radio qui offre à l'écoute quelques documents, en français et en anglais, qui ne figurent pas dans la Colonne de droite ici
- une autre de mes conférences, ateliers littéraires autour du répertoire du tango et débats autour de quelques films argentins
- une autre des voyages culturels à faire à Buenos Aires ou un peu partout entre Vieux Continent et Nouveau Monde sur les pas du général San Martín
- ainsi qu'une présentation des séminaires de réflexion managériale que je propose à partir de quelques épisodes de l'histoire de l'Argentine, qui n'est pas qu'une longue suite de coups d'Etat et autres dictatures peu ragoûtantes... L'histoire de ce pays a aussi ses réussites et ses bons côtés.

En plus de ces pages-là, vous trouverez la liste de mes activités publiques futures et passées au fur et à mesure que les modalités en sont fixées, dont un peu plus tôt que je ne les annonce sur Barrio de Tango, une page rassemblant les coupures de presse qui me sont consacrées et une page pour mes Recommandations du moment, où j'indique quelques évènements saillants de l'actualité francophone autour de la culture du Cône Bleu...

Et comme il est probable que, sauf très beau dessin de Rep à l'occasion du Vendredi Saint (c'est du plus probable cette année), je vais faire comme mes amis argentins, me plonger dans mes tradionnelles vacaciones de Semana Santa, j'ai un peu moins mauvaise conscience puisque je vous laisse avec plein de lecture pour ce pont qu'on pourrait plutôt appeler un viaduc...

Le gel des prix salue la nouvelle carte de crédit [Actu]

Dans les manchettes
A gauche toute : la vignette de Paz et Rudy
A gauche : l'annonce du prochain voyage
du Pape en Argentine (décembre 2013)
A droite : l'Argentine a fait match nul
contre la Bolivie
(La France a perdu devant l'Espagne
et les Diables Rouges eux ont gagné leur match)

En février, les chaînes de la grande distribution avaient signé un accord suscité par le Gouvernement pour geler les prix à la consommation en l'état de leurs linéaires à la date de la signature (voir mon article du 5 février 2013). La mesure arrivait à échéance dimanche 31 mars. Toutes les entreprises du secteur, y compris les supérettes indépendantes dites supermercados chinos et les distributeurs d'équipements de la maison, avaient adhéré au programme. Il vient d'être prolongé pour deux mois, assurant aux clients une stabilité des prix jusqu'à la fin du mois de mai. Et cette mesure semble avoir été efficace puisqu'au cours du mois de février, l'inflation n'aurait été que de 0,55%, ce qui n'est rien pour un pays à l'économie aussi ravagée que l'Argentine.

Du coup, le Gouvernement peut aussi lancer une nouvelle carte de crédit qui permettra aux clients des différentes enseignes de grande distribution d'accumuler des points en fonction de leurs achats. Ce sera la même carte pour tout le monde puisqu'en Argentine, la gestion de la dette oblige le Gouvernement à contrôler toute émission de monnaie et le crédit privé en fait partie. Ce nouvel instrument de paiement, doté d'un plafond de 3 000 pesos (c'est très haut) et d'un encours de crédit de 1 000 pesos, a été baptisée la Supercard et va remplacer différents programmes bancaires en partenariat avec les enseignes pour encourager la consommation grâce à des points de fidélité et des facilités de paiement sur compte courant.

Comme d'habitude, Página/12 encense la réussite du Gouvernement (avec une inflation de "super" en une) tandis que Clarín se cherche des tas de raisons pour faire la tête et bouder dans son coin et que La Nación enfile un beau paquet d'articles nous permettant de nous faire une idée du processus qui s'est joué (la négociation a commencé le 9 mars), avec l'analyse de l'opposition nationale. Détail amusant : Página/12 fait son premier article sur la Supercard et le second sur le maintien du gel des prix. Clarín parle des mêmes sujets mais dans l'ordre inverse...

Dans un premier temps, la carte ne sera acceptée que dans les enseignes des grandes chaînes : Carrefour, Wallmart, Disco, Coto, Jumbo, Dia% (marque Casino dans les pays hispanophones), etc. Pour eux, c'est l'assurance de voir baisser le paiement par carte bancaire des grandes marques internationales (Visa, Mastercard) qui leur valent des commissions très élevées et très variables d'une enseigne à l'autre, et ces différences de frais de gestion supportés par les uns et les autres crée une distorsion de la concurrence non négligeable. Dans un second temps, les enseignes d'équipement de la maison se joindront au programme.

La Supercard entrera en vigueur après les vacances de Semaine Sainte (en Argentine, les jeudi et vendredi saints sont fériés comme le samedi et le dimanche, un très long week-end qui favorise les réunions familiales et le tourisme intérieur).

Página/12 ajoute sur ce thème l'annonce de la parution du nouvel indice de suivi des prix élaboré par l'INDEC (l'institut national des statistiques et du recensement), un indice qu'il fallait impérativement toiletté parce que son maintien donnait des résultats trop éloignés des impressions du public et participait à la mauvaise réputation de l'institut. On verra si cela change quelque chose. En tout cas, le maintien du gel des prix est une bonne nouvelle, en particulier pour les Portègnes et les banlieusards, menacés par la hausse démentielle du voyage en métro dans la capitale (voir mon article d'hier).

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 sur la Supercard
lire l'article de Página/12 sur le gel des prix
lire l'article de Clarín sur la Supercard
lire l'article de Clarín sur le gel des prix
lire les articles de La Nación sur la Supercard
lire aussi l'article de Página/12 sur le nouvel indice de l'INDEC

Premier Plenario de l'année 2013 ou poisson d'avril ? [à l'affiche]


La Academia Nacional del Tango reprend son rythme traditionnel lundi 1er avril 2013, lundi de Pâques qui n'est pas férié en Argentine (mais le Jeudi Saint et le Vendredi Saint, si, il faut choisir !).

Ainsi donc à 19h30, avec entrée libre et gratuite, la première séance académique de l'année aura pour héros l'auteur Francisco García Jiménez, l'un des grands letristas qui a travaillé avec tous les grands de l'âge d'or, à commencer par Carlos Gardel.

L'académicien Gustavo Provitina délivrera une causerie intitulée Una aproximación de su Obra...

En tango rituel, le choix est tombé sur Lunes (lundi), de Francisco García Jiménez (letra) et José Luis Padula (música), dans un enregistrement du chanteur Carlos Dante accompagné par Alfredo de Angelis et son orchestre...

Academia Nacional del Tango, avenida de Mayo, 833, 1er étage (vous n'aviez pas oublié depuis le temps ?).

Et Clarín se penche sur les préoccupations domestiques du Pape [Actu]


Et c'est une des raisons pour lesquelles Clarín est moins présent dans ces colonnes que son concurrent (et rude adversaire politique) Página/12 : la plupart du temps, Clarín choisit d'aborder l'actualité sous un angle anecdotique, pittoresque, là où Página/12 fait des analyses de fond, au risque de se tromper lourdement comme c'est systématiquement le cas sur les questions religieuses qu'il aborde comme des thématiques politiques. En procédant à sa façon, Clarín prend moins de risques, c'est sûr. Vous allez le voir ici...

Ce matin, le quotidien nous apprenait en effet ce que les observateurs avaient déjà deviné depuis belle lurette, depuis qu'ils avaient vu l'expression du visage du Pape pendant qu'il visitait les appartements pontificaux dans l'aile droite du palais apostolique. En toute cohérence avec le reste de ce qu'il fait et de ce qu'il dit, François a donc décidé de s'installer dans la Maison Sainte Marthe, cette résidence hôtelière située à l'intérieur du domaine du Vatican et conçue par Jean-Paul II pour recevoir tout au long de l'année un certain nombre d'ecclésiastiques et autres représentants des diocèses du monde entier en visite à Rome et, en période de vacance du Saint-Siège, offrir un toit et une communauté de vie priante aux cardinaux-électeurs pendant la durée du conclave.
Capture d'écran sur le site de Clarín

Le Pape a donc à présent quitté la chambre n° 201 que lui avait attribuée le sort des mains de Monseigneur Rey le 11 mars, à la veille de l'entrée dans la chapelle Sixtine, et il a aménagé dans une petite suite où il devrait vivre à titre permanent, au contact des résidents de passage, donc en relation constante avec la réalité mouvante du monde extra-vatican, et non plus dans le splendide et mortifère isolement des appartements officiels qui transformaient en deux temps trois mouvements un évêque normalement constitué en Pape-Pharaon intouchable et déconnecté de la réalité de tout un chacun...

Pour tout dire, l'article de Clarín ne casse pas trois pattes à un canard mais il a l'avantage de montrer la troisième facette de la papamania argentine, non plus l'acharnement idéologique (mais vacillant) de la gauche athée, non pas la ferveur spirituelle des croyants (que ce soit au San Lorenzo ou à la cathédrale), mais l'enthousiasme de Monsieur Tout le Monde, la joie, la fête, la fierté nationale aussi, qui n'a pas encore recouvert le marbre de Página/12, une papamania à la tonalité un peu différente de celle qui fleurit dans une Europe grelottant encore de froid, forme de culte de la personnalité jusqu'à présent admirablement endigué, voire même délicatement contrarié par le Souverain Pontife dont j'ai admiré dimanche qu'il ait réussi à traverser la Place Saint-Pierre jusqu'à l'obélisque central assis dans sa grande tenue liturgique rouge sang, à bord de son command-car (ex-papamobile débarrassée de ses hideux vitrages blindés) sans que la foule ne se mette à crier et à l'acclamer. Et il a réédité l'exploit ce matin, à sa première audience générale, où il est parvenu à empêcher les hispanophones de crier plus fort que tous les autres, alors qu'arrivé à la quatrième langue du jour, tout le monde était déjà bien échauffé et prêt à se lancer dans un concours de hurlements qui aurait pu atteindre des sommets acoustiques dignes des deux règnes précédents...

Au lieu de parler lui-même toutes les langues de la terre, ce qui a le don de déclencher l'hystérie collective et l'agitation frénétique de drapeaux et autres banderoles, il s'est entouré d'un beau symbole de la future collégialité du gouvernement de l'Eglise (attendue comme le Messie depuis au moins huit ans), à savoir une vigoureuse brochette multilingue d'évêques de la Curie auxquels il a confié cette tâche tandis que lui s'adressait à tous les groupes linguistiques, les uns après les autres, dans le même italien pour tous, ce qui a épargné à tout un chacun la tentation idolâtrique et rétabli le lien entre les audiences générales du XXIe siècle et les pratiques de l'Eglise antique : l'évêque offrant lui-même aux fidèles un temps de catéchèse, belle tradition de proximité avec le peuple que le successeur de saint Pierre assume en priorité sur Rome (Urbs en haut latin) et, par voie de conséquence seulement, sur le reste du monde (Orbs en latin tout court). Bref, ni l'Angelus ni l'audience générale ne sont plus des attractions touristiques dans la Ville Eternelle et personnellement, je m'en réjouis... Rome ne va pas disparaître, l'Urbs a d'autres atouts et d'autres atours à faire valoir et le Pape ne s'épuisera pas à faire du saute-mouton linguistique deux fois par semaine (à la longue, c'est épuisant et ce n'est pas ça qui va remonter l'Eglise du Seigneur, comme demandé à saint François d'Assise au XIIIe siècle et à son homonyme portègne aujourd'hui).

mardi 26 mars 2013

Lettre ouverte d'une Abuela au Pape ou prière publique à Dieu ? [Actu]


Ce matin, Página/12 a publié un éditorial signé d'une des Grands-Mères de la Place de Mai (Abuelas) sous forme d'une lettre ouverte au Pape, texte tout à la fois émouvant comme tous ceux où une vieille dame raconte le drame de sa vie, et irritant dans la mesure où elle en appelle au Pape comme s'il était investi du pouvoir magique de changer les cœurs (comme s'il était Dieu) ou comme si les partisans de la Dictature qui ont assassiné sa fille et son gendre et ont volé leur nourrisson étaient d'authentiques chrétiens sensibles à la parole du magistère, alors que ce ne sont que des crapules fanatiques qui ont instrumentalisé (et continuent à le faire lorsqu'ils sont encore de ce monde) une phraséologie catholicarde en vue de déguiser leurs crimes, comme d'autres abusent du nom de l'islam ou comme des bouddhistes (dont en Occident nous faisons si volontiers des apôtres de la non-violence) se revendiquaient de leur sagesse millénaire il n'y a pas si longtemps pour massacrer les hindouistes tamouls au Sri Lanka...
Bien entendu, puisque cette dame est âgée, qu'elle a beaucoup souffert et qu'à ce titre, elle mérite tout notre respect et notre empathie, il est très peu confortable de dénoncer ce qu'il y a sous cette lettre ouverte : une stratégie compassionnelle qui s'appuie sur la victimologie pour entretenir le doute sur la moralité du destinataire de façade (car le véritable destinataire de cette lettre, c'est le lecteur du journal, ce ne peut pas être le Pape. Lorsque l'on veut vraiment atteindre le Pape, on lui écrit sous pli scellé en passant de préférence par la voie hiérarchique, c'est-à-dire le curé puis l'évêque ou le cas échéant le Nonce). (1)

Avant de publier cette lettre (avec sa traduction), j'ai longtemps hésité.
En la publiant, est-ce que je ne participe pas à l'exploitation du pathos que je dénonce moi-même plus haut ? J'ai d'autant moins la réponse qu'en une autre occasion je vous ai présenté sans aucun état d'âme la lettre ouverte écrite par Estella de Carlotto, rayonnante présidente de Abuelas, à son petit-fils inconnu le jour de ses trente-trois ans (voir mon article du 26 juin 2011 avec son chapelet de références christiques plutôt pertinentes sous le plume de la militante). Par ailleurs, je sais que si j'enterre cette lettre et en garde la lecture pour moi, il est difficile à mon lecteur francophone de percevoir la manière dont les ONG argentines (2) s'y prennent pour maintenir leur pression anti-catholique et entretenir -sans cynisme, j'en suis convaincue (3)- la méfiance envers l'Eglise dans son ensemble tout en ciblant encore et toujours la même tête de Turc. C'est pourquoi, avant d'aller plus loin, je vous renvoie à l'article que j'ai mis en ligne quelques minutes après la présentation du nouveau pape le 13 mars. Vous y verrez que je craignais déjà un déchaînement d'hostilité de la part de ce secteur politique argentin, que par ailleurs je respecte, ai-je besoin de le répéter. L'opération prend cependant un tour plus subtil, plus insidieux que je ne l'aurais imaginé (avant, c'était nettement plus brutal). Et j'ai assez soutenu, dans ce blog, le combat honorable, franc, ouvert et juste de Abuelas et la finesse et la légitimité de leurs arguments juridiques, psychologiques, culturels et politiques pour dire franchement et clairement qu'à mon sens, ici, elles dévient du chemin qu'elles se sont tracé, en exerçant cette pression médiatique à mauvais escient.

Hélas, il est possible et il est même de plus en plus probable que certains petits-enfants ne soient jamais identifiés, que le rapt d'un certain nombre d'entre eux reste à jamais indétectable et que les criminels qui se sont rendus coupables de ces mensonges destructeurs restent impunis. Cette tragédie est incommensurable. Pour les survivants, il y a de quoi se taper la tête contre les murs. C'est une souffrance intolérable (et je parle en connaissance de cause, ayant moi-même vu les ravages causés dans ma propre famille par des drames similaires par la faute d'une autre dictature). Mais il est vain de penser en atténuer un tant soit peu la cruauté en entretenant une campagne d'opinion pour mettre en difficulté ou au défi une personnalité qui, tout éminente qu'elle soit et quelle que soit même sa bonne volonté, ne dispose pas d'un pouvoir relevant du champ politique... Cette démarche dans laquelle s'entête Página/12 ne ressemble pas du tout à l'engagement d'un dialogue constructif et loyal. Mais je vous laisse en juger vous-même.

Mi muy respetado Francisco:
Mi nombre es Sonia Herminia Torres y soy una de las tantas Abuelas de Plaza de Mayo de la Argentina. Vivo en Córdoba y a esta carta la escribo en esta fecha porque este 26 de marzo, hace 37 años, cambió mi vida en forma intempestiva, abrupta, definitiva. Esa fecha partió mi vida en dos.
Un 26 de marzo, hace exactamente 37 años, los militares de la dictadura más atroz que sufrió nuestro país se llevaron para siempre a mi hija Silvina Mónica Parodi, embarazada de seis meses y medio, y a su esposo Daniel Francisco Orozco. Ella tenía sólo 20 años y él 23. Toda la familia esperaba con amor y alegría la llegada del bebé. Desde esa tarde del 26 de marzo de 1976, los estoy buscando.

Mon très honoré François
Mon nom est Sonia Herminia Torres et je suis l'une des si nombreuses Grands-Mères de la Place de Mai de l'Argentine. J'habite à Córdoba et cette lettre, je l'écris en ce jour parce que ce 26 mars, il y a 37 ans, ma vie a changé d'une manière inattendue, abrupte et définitive. Cette date a coupé ma vie en deux.
Un 26 mars, il y a exactement 37 ans, les militaires de la dictature la plus atroce qu'a subie notre pays ont emmené à jamais ma fille Silvina Mónica Parodi, enceinte de six mois et demi, et son époux, Daniel Francisco Orozco. Elle n'avait que 20 ans et lui 23. Toute la famille attendait avec amour et joie l'arrivée du bébé. Depuis cette soirée du 26 mars 1976, je suis à leur recherche.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Sé con certeza que Silvina tuvo su hijo en cautiverio entre los últimos días de junio y los primeros de julio de aquel año terrible. Supe también que fue varón y que lo separaron de su madre y de toda su familia con posterioridad a su nacimiento.
Como tantos otros hijos de madres cautivas, los militares dispusieron de él como un objeto, dándolo a otra familia y condenándolo a caminar a tientas por la vida, sin saber su origen biológico y sin saber que esta abuela y su familia lo aman y lo han buscado incansablemente. Que lo siguen buscando.

Je sais de façon certaine que Silvina a eu son enfant en prison quelque part entre les derniers jours de juin et les premiers de juillet de cette année terrible. J'ai appris aussi que c'était un garçon et qu'on l'a séparé de sa mère et de toute sa famille après sa naissance.
Comme tant d'autres enfants de mères prisonnières, les militaires ont disposé de lui comme d'un objet, en le donnant à une autre famille et en le condamnant à passer sa vie un boulet au pied, sans connaître son origine biologique et sans savoir que cette grand-mère [que je suis] et sa famille l'aiment et l'ont cherché inlassablement. Qu'elles le cherchent encore et toujours.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Créame, Excmo. Francisco, que la desaparición forzada de esos seres tan amados se convirtió en un dolor indescriptible que me acompaña desde entonces.
Ya tengo 83 años, y cada día me levanto con la esperanza de encontrar a mi nieto. De que él llame a mi puerta y me diga: “Hola abuela, ¡aquí estoy!”.
No quisiera partir sin poder ver su cara. Sin poder recrear en sus gestos los de sus padres, mis hijos, que, desde esas fotos en blanco y negro que las Abuelas llevamos siempre en nuestras marchas, nos miran. Porque, suspendidas en el tiempo, sus miradas son un ruego, al igual que nuestro andar sin descanso.

Croyez, très estimé François, que la disparition forcée de ces êtres si chers s'est transformée en une douleur indescriptible, qui ne me quitte pas depuis lors.
J'ai maintenant 83 ans, et chaque jour, je me lève avec l'espoir de trouver mon petit-fils. Celui qu'il m'appelle à la porte et me dise : "Bonjour grand-mère, c'est moi !" (4)
Je ne voudrais pas partir sans avoir vu son visage. Sans pouvoir recréer dans ses gestes ceux de ses parents, mes enfants, qui nous regardent, dans cette photo en noir et blanc que nous autres les Grands-Mères nous emportons toujours pour défiler. Parce que, abolis (5) dans le temps, leurs regards sont une supplication, tout comme nos allées et venues sans répit.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Su llegada al Vaticano, Francisco, ha renovado las esperanzas sobre todo lo que puede el inmenso poder de Dios y de su Iglesia. Es por eso que me dirijo a Usted, como máximo representante de la Iglesia, para pedirle que actúe sobre aquellos que tienen un conocimiento directo de dónde están nuestros nietos y nos digan a quiénes se los entregaron y dónde enterraron a sus padres.
Estoy convencida de que Usted, en este momento histórico, irrepetible, puede interpelar sus conciencias para que reparen de alguna manera el daño que han infligido.
Después de años de tristeza y desazón que han dejado marcas profundas en mi alma y en mi espíritu, deposito mi esperanza en Usted, Santo Padre.

Votre arrivée au Vatican, François, a renouvelé les espoirs sur tout ce que peut l'immense pouvoir de Dieu et de son Eglise. C'est pourquoi je m'adresse à Vous, comme au plus haut représentant de l'Eglise, pour vous demander d'agir sur ceux-là qui ont une connaissance directe de l'endroit où sont nos petits-enfants et qu'ils nous disent à qui ils les ont livrés et où ils ont enterré leurs parents.
Je suis convaincue que Vous, dans ce moment historique, unique, pouvez en appeler à leur conscience pour qu'ils réparent d'une certaine manière le mal qu'ils ont fait.
Après des années de tristesse et de désarroi qui ont laissé des marques profondes dans mon âme et mon esprit, je dépose mon espoir en Vous, Saint Père.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Ya no me queda mucho tiempo. Quisiera rogarle que antes de mi viaje final me ayude a reencontrarme con mi nieto para que juntos podamos ponerles una flor a sus padres, contarle su historia, la mía propia, y juntarnos en el abrazo eterno que sólo permite el amor. Enseñarle que el amor crea mundos o los vuelve a refundar hasta de sus ruinas.
Confío en su corazón y en su inteligencia y en el nuevo lugar que Dios ha elegido para su vida. Sé que para Dios no hay cosas imposibles y que de su mano se podría lograr lo que tanto ansiamos las Abuelas de Plaza de Mayo. Es esa certeza la que me ha impulsado a escribirle desde el humilde lugar de madre y abuela.
Con todo mi respeto y con una gran esperanza, le envío mis mejores deseos en su tan trascendente misión.

Il ne me reste plus beaucoup de temps [à vivre]. Je voudrais vous prier de m'aider, avant mon dernier voyage, à retrouver mon petit-fils pour qu'ensemble nous puissions mettre des fleurs [sur le cénotaphe de] ses parents, lui raconter leur histoire, la mienne et nous jeter pour toujours dans les bras l'un de l'autre comme seul l'amour le permet. Lui apprendre que l'amour crée des mondes ou les refonde jusque sur leurs ruines.
J'ai confiance dans votre cœur et votre intelligence et dans le nouveau lieu de vie que Dieu a choisi pour vous. Je sais que pour Dieu il n'y a rien d'impossible et que de sa main il serait possible d'obtenir ce que nous désirons tant, nous les Grands-Mères de la Place de Mai (6). C'est cette certitude qui m'a poussée à vous écrire depuis mon humble place de mère et de grand-mère.
Avec tout mon respect et un grand espoir, je vous adresse mes meilleurs vœux pour votre mission si transcendante.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Dans la même édition, il y a un autre article à la construction quelque peu décousue où Página/12 rassemble un certain nombre de propos tenus à la radio, à l'occasion de l'anniversaire du coup d'Etat de 1976, qui tombait dimanche dernier (Dimanche des Rameaux), par Estela de Carlotto, présidente de Abuelas de Plaza de Mayo, et Nora Cortiñas, de Madres de Plaza de Mayo Linea Fundadora (7). Cet article reprend des mises en cause du comportement de Jorge Bergoglio sous la dictature, toujours jugé à l'aune du type d'action qu'on attend d'un évêque (rappelons qu'il n'a été ordonné évêque que le 27 juin 1992 et qu'il n'était à la tête du diocèse de Buenos Aires que depuis février 1998 (8), alors que la dictature a pris fin officiellement le 10 décembre 1983).
Parmi les déclarations choisies par le quotidien et où je crois sentir un malaise (comme si ces femmes persistaient dans leurs propos mais en y allant à reculons), il y en a une qui me laisse pantoise : Estela de Carlotto dit que Abuelas a toujours désiré parler avec Jorge Bergoglio mais que lui ne s'est jamais manifesté auprès d'elles.
Est-il possible que cette femme, intelligente, fine, dynamique et droite, croie en toute bonne foi qu'un évêque, quand bien même il serait cardinal et jésuite par-dessus le marché, possède un diplôme de lecture dans le marc de café ? Car la présidente de Abuelas ne dit pas qu'elles ont demandé une audience qui ne leur a pas été accordée, comme elle le dit et le répète pour d'autres personnalités (notamment dans le cas des enfants Noble Herrera). Elle dit juste qu'elle aurait bien aimé lui serrer la main (dar una mano) et qu'elle n'a jamais pu le faire parce qu'il ne les a pas invitées à venir le voir (9). Peut-elle sérieusement lui reprocher de ne pas avoir deviné les intentions non manifestées d'une ONG par ailleurs très proche du couple Kirchner, lequel semble bien avoir animé en sous-main, à partir de 2005, la campagne de diffamation contre lui, histoire de discréditer la seule voix un peu solide qui n'allait pas dans leur sens dans l'ensemble du pays ? (10) Les bras m'en tombent !

Pour aller plus loin :


(1) Autre chose qui ne manque pas de frapper dans cette lettre, c'est le caractère sommaire de la foi qui y est confessée, son absence de référence aux personnes de la sainte Trinité, ce qui est étonnant dans une lettre adressée par un particulier au Pape (en revanche c'est classique dans une lettre officielle venant d'un mandataire politique). On croirait entendre le catéchisme appris par cœur par la petite fille de six ou huit ans qui ne comprenait pas grand-chose aux concepts abscons cachés sous les formules que le curé avait débitées cette semaine-là à la marmaille rassemblée dans la salle paroissiale... A aucun moment, cette dame ne se recommande à la prière du Pape, ni pour elle-même, ni pour son petit-fils ou ses enfants, ni pour l'association à laquelle elle appartient. Elle s'adresse à un homme de pouvoir, pas au "serviteur des serviteurs" et elle le flatte, tentant d'aller dans ce qu'elle pense être "son" sens à lui. Elle n'a pas écouté ce qu'il a dit pendant son homélie d'installation le 19 mars sur la nature du pouvoir (potere en italien, poder en espagnol) de sa charge ou elle n'a pas bien compris, à moins que l'interprète de la télé se soit planté (ce serait surprenant pour un interprète argentin traduisant de l'italien). Elle a le droit de ne pas avoir compris mais c'est une drôle de démarche que de s'adresser à quelqu'un sans prendre la précaution d'écouter auparavant ce qu'il dit de sa "fonction" (pour parler comme elle) ou de son "ministère" (pour parler comme lui).
(2) Une ONG française, belge, suisse, italienne ou allemande agirait peut-être de même dans un contexte similaire. Je suis assez frappée de la montée du compassionnel dans la communication institutionnelle des ONG, par exemple dans leurs campagnes de collecte de fonds, comme si nous étions devenus incapables de réfléchir avec notre raison : lettre prétendument manuscrite d'un enfant malade ou d'un petit amputé de guerre ou d'une maman célibataire glissée dans un courrier avec une plaque-cadeau d'étiquettes personnalisées à votre nom (avec parfois patronyme ou prénom écorché), discours prêté à un lépreux défiguré par la maladie sur une grande affiche placardée sur les murs de nos villes... En France, le Secours Catholique (antenne française de Caritas internationale) semble depuis quelques années prendre le contre-pied de ce type de communication mais les autres...
(3) Voir plus bas mes commentaires sur les propos de Estela de Carlotto.
(4) Pour l'expression de cette tragédie à travers l'émotion, voir dans Deux cents ans après (Tarabuste Editions) le tango écrit par Marcela Bublik, Soy. C'est poignant, comment pourrait-il en être autrement ? Et bien entendu, les retrouvailles ne se passent jamais avec ce naturel-là. La phase de prise de contact est souvent très douloureuse des deux côtés car ce sont des étrangers qui se découvrent et qui n'ont aucun souvenir à partager en commun.
(5) Suspender en Argentine a un sens beaucoup plus fort que "suspendre" en français.
(6) A cette lettre, si une autorité ecclésiale argentine (type évêque de Córdoba pour prendre un exemple au hasard) répondait en adressant à cette dame une invitation à la prière, par exemple à travers une intention particulière à la grande prière universelle du Vendredi Saint à laquelle elle pourrait s'unir en allant à cet office ou en pensée en restant chez elle (vu son grand âge), ou une neuvaine à l'Esprit Saint entre Ascension (à la date du jeudi) et Pentecôte, à Córdoba ou à Luján (grand sanctuaire marial dédié à la sainte Patronne du pays) ou n'importe quel autre exercice spirituel de pratique courante et de cet ordre, je ne serai pas étonnée que l'association demanderesse l'interprète comme une esquive de l'Eglise. Alors que ce serait prendre au mot la demande telle qu'elle est exprimée. Puisqu'on peut tout obtenir de la main de Dieu, demandons-le lui. N'hésitons pas, surtout si on est sûr qu'il nous exauce toujours (ce qui est exact). C'est tout à fait à quoi le Pape a appelé les gens rassemblés sur Plaza de Mayo mardi 19 mars dans la nuit (voir mon article du 19 mars 2013).
(7) Les deux associations sont idéologiquement et tactiquement très proches l'une de l'autre.
(8) Or 1998, c'est précisément l'année où Jean-Paul II, qui avait donc nommé Bergoglio à ce ministère au début de l'année, a enfin reçu Abuelas. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il me semble difficile d'écarter une influence du dialogue entre Bergoglio et Jean-Paul II dans la mise en œuvre de cette rencontre, puisque par ailleurs Estela de Carlotto se plaint que le pape polonais ne leur avait pas prêté attention pendant son voyage en Argentine !
(9) L'ayant vu de très près lors d'une messe de semaine un soir d'août 2009 à San Carlos y María Auxiliadora (Almagro), je peux affirmer qu'il suffisait à n'importe qui d'aller à une messe qu'il présidait pour pouvoir lui parler. Pou rma part, si j'avais voulu profiter de l'occasion, je l'aurais salué et je suis sûre que la conversation se serait engagée.
(10) Quand je parle de "seule voix solide", c'est parce que les propos des politiciens de l'opposition manquent singulièrement de contenu. L'opposition tient le plus souvent un discours assez creux, comme on l'a vu récemment sur un thème où il était pourtant facile de construire une argumentation soutenue, celui de l'ouverture du droit de vote aux mineurs (voir mon article du 1er novembre 2012 à ce sujet). Alors bien entendu, un intellectuel de son gabarit avec un verbe dont on a pu apprécier la clarté brillait comme le soleil à côté de cette médiocrité de l'opposition, qu'elle parle politique, société, économie, culture ou éthique...

La bataille judiciaire contre l'augmentation du métro [Actu]

Cette une rappelle bigrement un disque
du groupe argentin Les Luthiers : Laxaton Cantata !
Je vous recommande cet album : à mourir de rire, en pastiche de musique classique.

Les Portègnes continuent à se battre avec tous les moyens à leur disposition contre la hausse démentielle du ticket de métro décidée par Mauricio Macri après qu'il avait enfin accepté de prendre en charge, comme la loi lui en fait obligation, la gestion du réseau souterrain de Buenos Aires. Mais il assume cette compétence territoriale en supprimant la subvention d'Etat qui était attachée au prix du billet comme c'est le cas pour tous les services publics : il y a une partie du coût d'exploitation qui est payé par l'entité publique et non pas par l'utilisateur en tant que tel, dans la santé, l'éducation, les transports, la culture... Avec cette suppression de l'aide publique, on se demande d'ailleurs où passe l'argent des impôts locaux qu'il a régulièrement augmentés tous les ans depuis qu'il est Chef de gouvernement de la Ville. Pourtant, il n'y a jamais d'argent dans les caisses pour subvenir à la bonne marche quotidienne de la ville, des quartiers, des théâtres, des radios, le chauffage des écoles et des hôpitaux l'hiver, l'éclairage des monuments la nuit... Et après il s'étonne qu'on le soupçonne de corruption !

Le prix est donc maintenant, officiellement, de 3,5 $ (à peu près le prix d'un sandwich).

Un certain nombre d'acteurs politiques ont donc déposé des recours devant la justice de Buenos Aires, parlementaires locaux, voire élus nationaux, et associations de défense des contribuables (ou usagers des services publics).

Et la justice leur donne régulièrement raison, exigeant du Gouvernement portègne qu'il justifie cette augmentation démentielle. Ce qu'il ne fait pas, comme à son habitude.

Le juge Pablo Mantaras a donc maintenu hier la mesure conservatoire de gel du prix du ticket de métro à son montant antérieur, au lieu des 3,5 $ qui devaient entrer en vigueur mercredi dernier, en estimant que les explications fournies par le Gouvernement n'étaient pas satisfaisantes. La Vice Chef de Gouvernement, qui suit les traces de Macri, vient de traiter cette décision de justice de démagogique (en Argentine, il est très fréquent de voir contester publiquement une décision de justice, y compris par un élu au pouvoir, ce qui ferait un scandale monstrueux en Europe, comme on l'a vu en Italie avec les rodomontades de Berlusconi) et elle a annoncé que la Ville allait faire appel...

On n'est pas sorti de l'auberge !

Pour en savoir plus :
vous pouvez remonter l'histoire abracadabrante de cette gestion du métro qui a été le feuilleton politique de l'été en cliquant sur le mot-clé Subte dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.
Vous pouvez aussi lire l'article paru ce matin dans Página/12 (opposition à Macri).

Miguel Rep se fait un sang d'encre pour nous [Actu]


Croyant encore ou faisant semblant de croire que le Pape est choisi selon des critères purement européens alors que les Européens viennent de découvrir qu'ils ne sont plus le centre rayonnant de l'Eglise catholique, Rep publie ce matin sur Página/12 un dessin qui fera sourire à coup sûr les Argentins (qui se sortent peu à peu de ce cauchemar) mais risque de nous ficher le moral à zéro. Lequel suit naturellement une courbe exactement inverse à celle du chômage !

Vous savez tous désormais qu'archevêque de Buenos Aires, le Pape François -et la gauche argentine de Página/12 ne l'a appris que le 13 mars (c'est donc tout nouveau pour elle)- avait l'habitude d'être très présent dans les villas miserias (bidonvilles) (1) parsemées sur le territoire de son diocèse (c'est-à-dire la ville de Buenos Aires intra muros si l'on peut s'exprimer d'une manière si française pour une ville qui l'est si peu).

Ce qui nous donne un dessin que Rep relie à la célébration du Dimanche des Rameaux (voir la petite palme à côté de l'adresse de son blog, au-dessus de la case...)


Pour une Europe du futur, pleine de bidonvilles... un pape des bidonvilles.
Le pape (sur sa trottinette et toujours aussi peu souriant) (2) : Ils m'ont pris à mon propre jeu. Je vais être multiplié par des millions. (3)

Et puisque nous sommes dans la sinistrose, je vous propose de nous laisser couler jusqu'au fond, dans une immersion totale dans du tango 100% discépolien (plus neurasthénique que ça, vous ne trouverez jamais) et une fois au fond, on donnera un grand coup de pied et on remontera en surface : Yira yira, chanté par Carlos Gardel (4) et ensuite vous vous enfilez d'une seule traite sans respirer toute la liste des œuvres (bien déprimées) de Enrique Santos Discépolo présentée dans l'audiothèque de Todo Tango en cliquant sur son nom et vous serez vacciné pour un bon moment !



(1) Il va d'ailleurs au long de son pontificat conserver un certain nombre de ces bonnes habitudes d'aller là où en général on ne va pas. Jeudi Saint, il célébrera la Cène du Seigneur avec des prisonniers, dans un centre de détention pour mineurs des environs de Rome. Il semblerait que cette première messe du Triduum pascal soit retransmise en direct par la RAI dans l'après-midi (17h30, ai-je cru comprendre), pendant qu'à l'Elysée, François Hollande sera en train de bachoter son intervention périlleuse au JT de France 2, et que notre  David Pujadas national se fera tout beau pour l'occasion.
(2) Voir la précédente caricature où Rep l'a déjà représenté avec ce visage renfrogné (mon article du 23 mars 2013).
(3) Rep orthographie en imitant l'accent villero (l'accent des quartiers). Au lieu de llamaron (verbe llamar), il écrit "yamaron" (ce qui suggère une prononciation un peu plus mouillée encore que notre "j" français) et au lieu de millones, il écrit "miyones".
(4) Traduction en français dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, Editions du Jasmin, p 23.