samedi 29 juin 2013

Barrio de Tango : les grandes vacances bis [ABT]

Comme tous les ans, le rythme de Barrio de Tango va ralentir pendant l'été septentrional, période au cours de laquelle je m'occupe de préparer la rentrée (ça ne va pas se faire tout seul, n'est-ce pas ?).

Plusieurs conférences pendant l'été à travers le midi de la France puis pendant l'hiver (austral celui-là) à travers l'immense capitale argentine, le programme du voyage culturel à Buenos Aires à peaufiner sur place en faisant le lien entre les agences réceptives et les opérateurs en France, un deuxième livre en préparation sur José de San Martín, autour de documents historiques en espagnol, en anglais et en français...

Retour au rythme normal de ce blog à la mi-septembre, après la Fête de l'Humanité où je présenterai mes ouvrages sur le stand des Editions du Jasmin, au Village du Livre.

Le premier Plenario de l'hiver [à l'affiche]

Le prochain Plenario de la Academia Nacional del Tango se tiendra lundi 1er juillet 2013 à 19h30 comme d'ordinaire dans le Salón de los Angelitos Horacio Ferrer, au Palacio Carlos Gardel, Avenida de Mayo 833, 1er étage.

La soirée s'ouvrira sur son tango rituel, en l'occurrence sur Comme il faut, de Eduardo Arolas dans un enregistrement de Aníbal Troilo et son orchestre, dont on célébrera l'anniversaire des premières notes puisque Pichuco a fait ses débuts de chef le 1er juillet 1937 au Marabú, à l'âge de vingt-trois ans. L'enregistrement qui ouvrira cette séance académique fait partie du premier disque qu'il a enregistré, c'était chez Odeón en 1938.

La première partie de la soirée suivra avec une nouvelle étape dans le cycle Las estrellas del Tango cuentan sus éxitos (les étoiles du tango racontent leurs succès) : le bandéoniste Daniel Binelli présentera sa biographie aux côtés de son auteur, l'écrivain Guillermo Stamponi.

L'espace artistique sera quant à lui occupé par le Maestro Binelli accompagné au piano par Poly Ferman.

Entrée libre et gratuite.

La Legislatura rend hommage à Claudio Espector [Actu]


Claudio Espector est l'initiateur et le directeur du programme des Orchestres d'enfants de la Ville de Buenos Aires, qui permet aux enfants des quartiers défavorisés d'apprendre la musique et de vivre une expérience d'intégration sociale à la portée de leur âge. C'est la Legislatura Porteña qui l'a élu Personnalité marquante de la Culture, au moment même où ce programme pédagogique est menacé dans son existence même par les coupes budgétaires exercées par le Gouvernement portègne, qui rogne sur toutes les politiques d'intégration socio-culturelle.

Ce chantier artistique a démarré en 1998 lors que Claudio Espector, professeur de musique diplômé à l'origine du Conservatoire supérieur Manuel de Falla, une des plus grandes institutions musicales du monde hispanophone, est rentré de Moscou où il était allé suivre une formation professionnelle au Conservatoire Tchaïkovsky.

Claudio Espector, musicien au look babacool et à la convivialité contagieuse, jouit d'un grand prestige sur tout le continent sud-américain et jusque dans de nombreux pays de l'hémisphère nord pour ce travail patient et généreux où les dimensions sociales, culturelles, pédagogiques et artistiques se conjuguent pour le bien des enfants.

La cérémonie de remise du titre se tient aujourd'hui, samedi 29 juin 2013, à 15h, au Salón Dorado, la salle des fêtes du Palais Législatif de la rue Perú, dans le quartier de Monserrat.

Un orchestre à La Boca

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 dans l'édition d'hier
Pour vous aider à lire des documents en langues étrangères, vous disposez du lien avec le traducteur en ligne Reverso, dans la rubrique Cambalache (casí ordenado) en bas de la Colonne de droite.

Pepe Mujica sur le sentier de la paix [Actu]

Le Président uruguayen Pepe Mujica vient de donner une interview exclusive à l'agence de presse officielle argentine, Télam, où il revendique avec force sa volonté de développer une relation harmonieuse avec le grand pays qu'est l'Argentine. Il y a quelques mois, un micro ouvert avait capté, à son insu, quelques propos pour le moins malheureux révélant son opinion personnelle de l'actuelle Présidente argentine et c'était particulièrement peu aimable.

Plus "oriental" que Pepe, tu meurs !
Tout y est : la grosse veste pour l'hiver,
le mate dans la pogne et surtout, surtout, el tercer brazo
ce thermos coincé au creux de son bras droit.

Il y a quelques jours, il a donc reçu, en temps que titulaire sortant de la présidence tournante du Mercosur, une équipe de Télam chez lui, à Montevideo, pour un entretien où il se dit prêt à défendre jusqu'à la mort la relation avec le voisin occidental (il en paye le prix fort politique dans le jeu interne dans son propre pays) et à appuyer l'intégration de l'Equateur et de la Bolivie comme membres à part entière de l'entité régionale. Il évoque aussi les enjeux de l'unité politique et commerciale du Mercosur face à la puissance économique de la Chine, qui devient un partenaire incontournable des pays d'Amérique Latine, avec un désavantage dans la négociation lorsqu'ils se présentent de façon isolée devant le géant asiatique.

Une interview pleine de la bonhomie habituelle chez cet homme tout en rondeurs apparentes, qui en joue parfois avec un soupçon de démagogie sur un fond de sincérité incontestable, que l'on peut lire sur le site de Télam et dont on peut aussi lire un résumé analytique dans Página/12.

Walter Hidalgo entre amis [à l'affiche]


Ce mercredi 3 juillet 2013, à 20h30, au Centro Cultural de la Cooperación Floreal Gorini (CCC pour les intimes), Corrientes 1543, le bandonéoniste Walter Hidalgo donnera un concert dans le cadre de Tango del Miércoles, dans la salle Pugliese, entouré par d'autres artistes amis, les chanteurs Vika Henriques, Giovana Fachinelli, Cucuza Castiello, Marisa Vázquez, accompagnés par les guitaristes Juan Pablo Esmok Lew et Lucho Sellan...

Présentation hier del Año Cortázar 2014 à la télévision publique [Actu]

Hier, 28 juin 2013, la télévision publique argentine a présenté le programme de El Año Cortázar qui se tiendra en 2014 pour le centième anniversaire de la naissance, à Bruxelles, de l'écrivain argentin. Cette année, on est en pleine célébration du cinquantième anniversaire de son roman phare, Rayuela. A Paris, la Maison de l'Argentine propose actuellement une exposition photographique collective autour de ce roman, dont l'action entremêle les villes de Paris et de Buenos Aires. A voir avant le 5 juillet (entrée libre et gratuite).

Accéder à la vidéo

Et il vous reste six mois pour lire Rayuela (traduit en français par La Marelle), dans l'une ou l'autre langue à votre guise. Vous serez alors prêts pour fêter l'Année Cortázar !

Le Club Homero Manzi menacé d'expulsion [Actu]

Le Club Homero Manzi, fondé il y a près de 30 ans, sous le tablier du pont autoroutier 25 de Mayo, au n° 1050 de la rue Beauchef (1), dans le quartier Parque Chacabuco, est menacé d'expulsion, car le Gouvernement portègne exige la restitution de l'espace qu'il occupe et que l'équipe valorise depuis 1985 et dont on se demande bien ce que la Ville va vouloir en faire (sous un pont pareil, à part un parking ou un supermarché, il n'y a pas grand-chose à faire – il faut vraiment passer dessous pour ce rendre compte de ce que c'est !).

Le Club a jusqu'au 15 juillet pour évacuer ses locaux, qui accueillent toutes les semaines trois cents gamins après l'école (ou sans école, car le Club a aussi une garderie d'enfants d'âge préscolaire) et soixante-dix retraités, pour des activités de toutes sortes dans la bonne vieille tradition des clubes barriales de Buenos Aires : musique, sport, danse, jeux de société, ateliers d'écriture et de lecture, bref tout ce qui permet à la vie de s'élever un peu au-dessus des contingences matérielles dans un quartier qui n'est pas parmi les plus privilégiés de la capitale argentine.

Dans la droite ligne de la politique culturelle de ce gouvernement décidément bien particulier.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 dans son édition d'hier.


(1) Un peu d'histoire en passant : Joseph (José) Beauchef était un vétéran de Napoléon mis à la demi-solde par Louis XVIII. Il fait partie de ces militaires français qui à ce traitement humiliant préférèrent les risques du combat et qui rallièrent l'armée que le général San Martín constituait à Mendoza pour rendre sa liberté au Chili. Arrivé à Mendoza en 1815, Beauchef est mort au Chili en 1840. A Buenos Aires, il a le statut de héros argentin. Il a participé à la bataille de Chacabuco, où l'Armée des Andes, dont il était , a vaincu les pro-espagnols chiliens, le 12 février 1817. La topographie de Buenos Aires est parfois pleine de cohérence. Une vraie leçon d'histoire !

jeudi 27 juin 2013

Bouteille à la mer de Remo Carlotto pour son neveu Guido [Actu]

Remo Carlotto est le fils de Estela de Carlotto, la rayonnante présidente de Abuelas de Plaza de Mayo (1). Comme sa mère, il a souffert, au début de la Dictature, de la mort épouvantable de sa sœur, Laura, dont le corps sans vie et gravement mutilé a été rendu à la famille quelques semaines après son exécution, qui a dû suivre de très près son accouchement en détention.

Hier, le 26 juin 2013, c'était l'anniversaire de cette naissance clandestine. Laura avait accouché d'un garçon et la famille sait qu'elle avait voulu le nommer Guido.

Ce matin, Remo Carlotto, qui s'est engagé en politique et exerce aujourd'hui la présidence de la Commission des droits de l'Homme à la Chambre des Députés, a fait paraître dans Página/12 une lettre ouverte à ce Guido dont sa famille légitime ne sait rien (2).

No sé. Será porque voy a ser abuelo en unos meses que cuando te pienso ahora lo hago reconstruyendo ese último momento, ese instante final, cuando sentiste por única y última vez la diminuta mano regordeta de Guido aún inmerso en tu propio perfume.
Será que sólo puedo recordarte en ese instante en que lo miraste, en que te viste a vos y a él conjugados en un sueño. Será que lo acunaste amorosamente con un solo brazo, porque el otro estaba engrillado a la cama del lugar donde pariste. Será que te veo besándolo con ternura, celebrando el milagro de tenerlo en las peores condiciones, será que intuías lo peor. Será que la mano criminal te lo arrebató a las pocas horas y tus pechos hinchados de leche ya no tendrían sentido, será que lo viste por última vez y trataste de retener sus formas, sus muecas natales, su sorpresa ante el mundo. Será que hace exactamente 35 años la vida de todos nosotros, la tuya trágicamente, cambió para no ser nunca más la misma. La de Guido para sumirse en la oscuridad y la mentira, sin identidad.
Hoy te pienso y lo pienso a Guido todos los días.
Poder reparar, sentir mínimamente que encontrándolo vuelvas en nosotros a tocar su mano como ese día, el más inmenso y el más trágico.
Guido: ésta es una hoja al viento. Quizá la leas. Te buscamos, te esperamos, luchamos.
Tu abuela, tus tíos, tus primos, todos. Te amamos.
Remo Carlotto, in Página/12 (sous le lien, le billet original de ce matin).

Je ne sais pas. Peut-être parce que je vais être grand-père d'ici quelques mois ? mais quand je pense à toi maintenant, je le fais en reconstruisant ce tout dernier moment, cet instant final, où tu as senti pour l'unique et dernière fois la petite main grassouillette de Guido encore tout immergé dans ta propre odeur.
Peut-être que je ne peux me souvenir de toi que dans ce moment-là où tu l'as regardé, où tu t'es vue, toi, et lui aussi ensemble dans un rêve. Peut-être l'as-tu amoureusement bercé dans un seul bras, parce que l'autre était menotté au lit de l'endroit où tu avais accouché. Je te vois lui donner peut-être des baisers avec tendresse, pour célébrer le miracle de l'avoir dans les pires conditions, peut-être avais-tu l'intuition du pire. Peut-être la main criminelle l'a arraché à toi quelques heures après et tes seins gonflés de lait n'avaient déjà plus de sens. Peut-être le voyais-tu pour la dernière fois et tu auras cherché à retenir ses manières, ses expressions de nouveau-né, sa surprise devant le monde. Voilà que ça fait exactement 35 ans que notre vie à tous, la tienne de manière tragique, a changé et ne sera plus jamais la même. Celle de Guido s'est noyée dans l'obscurité et le mensonge, l'absence d'identité.
Aujourd'hui, je pense à toi et je pense à Guido tous les jours.
Pouvoir réparer, sentir si peu que ce soit que le trouver, ce serait te voir revenir en nous pour toucher sa main comme ce jour-là, le plus immense et le plus tragique.
Guido, voici une feuille qui vole au vent. Peut-être la liras-tu. Nous te cherchons, nous t'attendons, nous nous battons.
Ta grand-mère, tes oncles et tantes, tes cousins, tous. Nous t'aimons.
(Traduction Denise Anne Clavilier)


(1) Il y a deux ans, Estela de Carlotto avait déjà publié dans le même quotidien une lettre ouverte à ce petit-fils inconnu.
(2) Ce thème qui s'exprime ici dans les termes de la souffrance la plus intime inspire aujourd'hui aussi les poètes. Dans Deux cents ans après (Tarabuste Editions, janvier 2011), j'ai traduit trois tangos qui aborde ce sujet, l'un de Alejandro Szwarcman (sous l'angle du témoin hors de la famille), Raimundo Rosales et Marcela Bublik (sous l'angle du ressenti de l'enfant qui doute de l'identité qu'on lui a donnée lors de son adoption frauduleuse).

mercredi 26 juin 2013

Mariel Martínez prépare son quatrième disque [Disques & Livres]

Comme je vous en parlais déjà le 30 avril à l'occasion de la tournée de Mariel Martínez et Alejandro Picciano en Argentine, voilà l'annonce de leur prochain disque, qui sortira chez Melopea Discos (comme les trois précédents) et portera le joli titre de Esos otros Tangos (ces autres tangos d'autrefois).

La chanteuse et son accompagnateur-arrangeur préféré ont choisi cette fois-ci un répertoire ancien, qui fleure bon cette campagne dont le bitume de Buenos Aires n'a jamais perdu la nostalgie : sélection de tangos et de valses des années 1920.

Le disque est en cours d'élaboration. On attend sa sortie avec impatience...

Le Pape reçoit une délégation Qom [Actu]

Photo L'Osservatore Romano
Lundi, le Pape a reçu à Rome en audience privée le cacique Qom Félix Díaz, accompagné de son épouse ainsi que du Prix Nobel de la Paix argentin Adolfo Pérez Ezquivel, qui avait déjà été reçu en avril, et du Père Francisco Nazar, vicaire épiscopal pour les peuples amérindiens du diocèse de Formosa, la Province homonyme du nord-est de l'Argentine.

Le cacique Díaz milite actuellement pour le respect des droits de sa communauté sur ses terres ancestrales et pour le respect de sa culture. Un conflit politique l'oppose au Gouverneur de Formosa, sur lequel il a, en vain jusqu'ici, réclamé la médiation de la Présidente Cristina de Kirchner, qui n'a toujours pas accepté de le recevoir (elle semble vouloir ne surtout pas désavouer le Gouverneur, qui est de son camp politique).

Cette entrevue romaine n'avait pas d'autre but, semble-t-il, que de braquer le projecteur sur la situation des Améridiens qui luttent pour la reconnaissance de leurs droits non seulement en Argentine mais sur tout le sous-continent. Les trois personnalités ont ensuite donné une conférence de presse où il apparaît que le Pape n'interviendra pas dans le différent politique argentino-argentin mais espère sans doute inciter Cristina de Kirchner à faire un geste pour pacifier une situation de notoriété publique depuis plusieurs mois et que dénoncent les Indiens qoms depuis de nombreuses années.

Página/12, très kirchnériste mais proche par ailleurs des revendications des peuples originaires (comme on les désigne désormais dans le politiquement correct argentin), a rendu compte de manière très objective de la rencontre, en employant systématiquement l'expression complète de Pape François (alors que dans les articles hostiles, les journalistes de ce quotidien parlent sans aménité de "Bergoglio" tout court).

Clarín et La Nación y sont eux aussi allés de leur article, sous la plume respective de leurs correspondants à Rome, en mettant Cristina en joue tout en glosant sur l'appel répété du Pape au dialogue entre les différentes sensibilités politiques. C'est La Nación qui a fait cependant le plus fort dans l'acrobatie politicarde : l'article sur le Pape qu'elle a mis en relief ne concerne pas l'audience accordée à Félix Díaz mais le récit quelque peu allumé d'une soi-disant guérison miraculeuse d'une Argentine établie en Espagne et qui aurait été guérie d'un cancer (1) après une Audience générale où le Pape, à peine installé, l'a prise dans ses bras. Et le voici déjà fort expéditivement canonisé !


Extrait de L'Osservatore Romano, daté des 24 et 25 juin 2013

Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín sur la rencontre elle-même
lire l'article de Clarín sur l'analyse politique du fait (anti-kirchneriste bien entendu)
lire l'article de La Nación, qui met à disposition de ces lecteurs une vidéo de la conférence de presse donnée après l'entretien
lire l'article de Radio Vatican en espagnol (très succinct)
lire l'article de Radio Vatican en français (un tout petit peu plus dissert)
Et pour le folklore, l'article azymuté de La Nación sur le prétendu miracle.

(1) Cette dame était alors sous protocole de soins. Donc pour le miracle, on repassera. Il ne peut pas y avoir de déclaration de guérison inexplicable lorsque le malade est en cours de traitement. Et en plus, là, il s'agit d'un vivant. Tout en nous réjouissant de l'amélioration que cette dame déclare connaître dans sa santé (et après tout pourquoi pas ? la joie, la fierté, le patriotisme sont des médicaments très puissants), passons à autre chose.

La Vidú au Centro Cultural Chacra de los Remedios ce dimanche [à l'affiche]


La Orquesta Típica La Vidú se présentera ce dimanche, 30 juin 2013, à 18h (ou 17h, les sources se contredisent), au Centro Cultural Chacra de los Remedios, avenida Directorio y Lacarra, dans le quartier Parque Avellaneda.

Entrée libre et gratuite.

La OT La Vidú pendant La Semana de Boedo, en 2012

A voir !

Pour en savoir plus sur le groupe, rendez-vous sur son profil Facebook.

Meuniers et boulangers luttent contre la hausse des prix [Actu]

En bas, les pains dits Felipe, en haut à la hauteur de la vendeuse,
vous reconnaissez les criollitos dont je vous ai donné la recette il y a quelques semaines
et au premier plan, les pebetes, des sortes de pains au lait dont on fait de savoureux sandwiches
De manière endémique en Argentine, le marché intérieur manque de blé, de lait et de viande, un comble pour un pays qui est parmi les leaders mondiaux pour ces trois productions. Buenos Aires et sa banlieue sont souvent aux avant-postes de ces carences car la région rassemble un quart de la population de tout le pays et connaît donc de ce fait davantage de problèmes d'approvisionnement que dans le reste du territoire. Ces carences sont dues à la priorité que beaucoup de (gros) producteurs (1) accordent à leurs intérêts privés (exporter au prix fort, notamment grâce à la demande exponentielle des pays émergents, et engranger des devises) au détriment de ceux de la population locale. Chaque année, le gouvernement en place (Cristina Kirchner) retient pour le marché interne une partie de la récolte céréalière en contrôlant ou en tentant de contrôler les exportations, ce qui a d'ailleurs des effets sur notre propre consommation puisque nos propres prix alimentaires augmentent lorsque la production argentine sur le marché mondial du blé, des autres céréales (avoine et maïs en particulier), du lait et de la viande.

C'est sur ce fond qu'en pleine campagne électorale pour les législatives de mi-mandat, une fédération des industries meunières s'est mise d'accord avec son homologue des industries boulangères pour fournir aux points de vente de détail le pain de base, dit tipo Felipe, à un prix raisonnable sur la capitale fédérale et sa banlieue, soit entre 20 et 10 pesos le kilo, alors que ce pain se vend entre 30 et 40 $ (2).

En trois mois, à cause de la pénurie artificielle instaurée dans le pays par l'absence d'une politique d'Etat consentie par le secteur agricole, comme elle existe notamment en Europe, le prix du sac de 50 kg de farine livré par le meunier au boulanger ou à la fabrique agro-alimentaire serait passé d'environ 150 $ à 250 $ actuellement. Soit beaucoup plus que l'inflation globale sur la même période.

Les meuniers membres de la Fédération signataire viennent de s'engager à livrer aux boulangers de Buenos Aires et de sa ceinture la farine d'entrée de gamme (tipo Felipe) à prix coûtant pour que tous les Argentins puissent avoir du pain sur leur table. Les industries boulangères s'engagent elles aussi à modérer la répercussion de leurs coûts sur les prix de vente aux consommateurs. Dans leurs communiqués, les signataires reconnaissent que l'amélioration du niveau de vie argentin a beaucoup bénéficié à leurs secteurs respectifs et qu'ils peuvent donc se permettre cette mesure d'équité sociale et économique.

Deux interprétations antagonistes : la majorité y voit une bonne mesure de rationalisation du marché et un bon calcul de la part des acteurs économiques, l'opposition y voit une manœuvre démagogique suscitée en sous-main par un ministre dans le cadre de l'actuelle campagne électorale pour lutter artificiellement contre l'inflation. C'est tout de même un monde de voir ainsi le mal partout y compris sur des mesures qui peuvent aussi relever du simple bon sens et de la conscience du bien commun.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12, le plus détaillé en ce qui concerne l'analyse de la conjoncture économique (majorité)
lire la dépêche de Télam (majorité)
lire l'article de Clarín (opposition)
lire l'article de La Nación sur l'accord (opposition)
lire l'article de La Nación sur l'action du ministre Guillermo Moreno qui serait à l'origine de l'accord
lire l'article de La Prensa (opposition)


(1) En Argentine, le secteur agricole compte très peu de petits producteurs indépendants. L'immense majorité des domaines sont gigantesques et ressemblent plus à des entreprises cotées en bourse qu'aux exploitations familiales que nous connaissons en Europe.
(2) En août dernier, lors de mon séjour à Buenos Aires, si je me souviens bien, il était déjà au-delà des 20 $ le kilo dans les boulangeries de quartier où j'ai l'habitude de faire mes courses. Le prix était plus bas au supermarché Coto pour le pain frais produit par l'enseigne.

dimanche 23 juin 2013

Le Quinteto Negro La Boca bientôt dans le Valais, dans la Ville Rose puis dans la Ville Lumière [ici]


Le Quinteto Negro La Boca, dont je vous parle parfois dans ces colonnes, donnera un nouveau concert à Paris le dimanche 7 juillet 2013, à 20h30, au Studio de l'Ermitage, 8 rue de l'Ermitage, Paris 20, M° Jourdain ou Ménilmontant.

Ce quintette est l'une des formations représentatives de la nouvelle génération du tango qu'on appelle à Buenos Aires le Tango Nuevo (rien à voir avec le style de danse qu'on désigne ainsi en Europe) : c'est le tango d'après la grande crise de 2001, avec des artistes qui se réapproprient le tango comme l'expression par excellence d'un patrimoine national, à forte valeur politique au sens grec du terme. Des musiciens qui ont des choses à dire, à défendre et à inventer pour construire l'avenir de leur pays, de leur cité et de leur quartier (ils sont installés à La Boca comme leur nom l'indique).

Milonga para Severino, par le Quinteto Negro La Boca,
un hommage à un anarchiste assassiné pendant les années 30 en Argentine.
Le noir du Quinteto est celui de l'anarchisme, une idéologie reine dans le quartier de La Boca

Le concert sera suivi d'une intervention de la formation française Tangoleon.

Tarif plein : 10 €
Tarif réduit : 7 € (j'ignore à quoi correspond le tarif réduit).

La veille, le groupe aura joué aussi à Tangopostale, le festival international de tango de Toulouse, en donnant une conférence musicale (avec traduction en français), le 6 juillet (www.tangopostale.com). Le lendemain, à Toulouse, ce sera le grand bal de clôture de la manifestation.

Plus tôt encore, cette formation tournera dans le Valais suisse, à Martigny, le 28 juin, Place du Manoir, dans le cadre de la Journée des Cinq Continents (concert à 19h) et à Sierre, Place de l'Hôtel de Ville, pour une milonga-concert organisée par l'association Les Trottoirs de Buenos Sierre, de 11h à 15h, le dimanche 30 juin 2013. Raclette à l'issue de la milonga : en temps normal, ce n'est pas un plat de saison mais cette année  exceptionnellement... (d'ailleurs, les Trottoirs de Buenos Sierre ont même prévu un plan B en cas de mauvais temps le dimanche).

Pour aller plus loin :

Derrotas Cadenas à Paris et à Toulouse [ici]


Le quatuor Derrotas Cadenas sera à Paris, au Studio Buenos Aires, 54 avenue Philippe Auguste, Paris 11, M° Philippe Auguste ou Alexandre Dumas, le dimanche 30 juin 2013 de 18h à minuit.

La soirée commencera avec une conférence du leader du groupe, Pablo Gignoli, de 18h à 19h30.
PAF : 15 €
et se poursuivra avec un concert suivi d'une milonga, de 20h à minuit.
PAF : 15 €

C'est la première tournée en Europe de cette jeune formation, fondée en 2009 par Pablo Gignoli, le bandonéoniste du groupe, avec Bruno Giutini au violon, Rodrigo Loos à la contrebasse et Juan Pablo Marco au piano. Ils ont choisi pour nom quelques syllabes d'un des tout premiers vers de l'hymne national argentin (voir mon article du 11 mai 2013 sur ce texte historique et symbolique) dont ils font un jeu de mots aussi pessimistes que les squelettes auxquels ils s'identifient (de rotas cadenas : "de chaînes brisées", qui devient derrotas cadenas : "défaites chaînes"). Imaginez un groupe qui s'appellerait "Vos bas, Taïaut !" ou "Vos bas taillent haut" et vous aurez une idée de ce qui sonne dans l'oreille des Argentins (désolée, je ne parviens pas à trouver un exemple similaire avec La Brabançonne mais je suis sûre qu'il se trouve bien parmi mes lecteurs un Belge pour savoir le faire !).

Le Studio Buenos Aires, qui ne perd pas le nord à moins qu'en fait il perde le sud (1), conseille de réserver sa place par mail : studiobuenosaires54@gmail.com.

Auparavant, le même groupe se sera produit le vendredi 28 juin 2013, à 20h30, à la Maison de l'Argentine, à la Cité Internationale Universitaire de Paris, RER et T3 Cité Universitaire, au 27 A boulevard Jourdan (mais vous pouvez aussi entrer par la grille principale et tourner sur votre droite après avoir passé les arcades).
Entrée libre dans la limite des places disponibles.


La semaine suivante, le même quatuor se retrouvera à Toulouse, la cité natale de Carlos Gardel, pour participer au festival Tangopostale (www.tangopostale.comdu 1er au 7 juillet 2013, pour un concert le 3 juillet à 20h, à l'auditorium Saint-Pierre des Cuisines (entrée : 15, 13 et 12 €), festival où j'interviendrai moi-même, le premier jour, avec une conférence en français sur la figure historique qu'est le général José de San Martín (Salle Bellegarde, entrée libre et gratuite).

Le groupe continue sa tournée, avec un concert à Carcassonne le samedi 6 juillet 2013, à 21h, puis à Avignon, le lundi 8 juillet, à 21h (au 23 rue de la République, entrée par le 1 rue Mignard). Ils termineront leur trajectoire européenne dans le port de Tallinn, en Estonie, le samedi 13 juillet.


(1) J'espère que ce prix, très élevé pour une manifestation de ce type à Paris (30 € la soirée, c'est le prix d'un spectacle dans un théâtre ayant pignon sur la rue de la Gaîté), constitue la rétribution des artistes. Si c'est ça, je m'en félicite. C'est légèrement dissuasif, mais ce serait équitable. Et malheureusement, l'économie équitable est aussi dissuasive. Mais rien dans le tract de promotion du concert ne va dans ce sens. Il n'est pas précisé non plus dans quelle langue se tiendra la conférence, il est donc probable que ce sera en espagnol d'Argentine et sans traduction.

jeudi 20 juin 2013

Le Tango revient dans le quartier passer l'hiver au Phare [à l'affiche]

L'affiche composée par les artistes, sans aucune arrière-pensée, bien entendu !
Après trois mois d'interruption, voilà le cycle El Tango vuelve al Barrio (ETvaB) qui revient au Bar El Faro (restaurant-pizzeria sans façon) pour le premier soir de l'hiver, ce vendredi 21 juin 2013, à 21h30, "humblement et sans dire pardon" selon l'expression ordinaire de ses deux initiateurs, le chanteur Cucuza Castiello et le guitariste Moscato Luna, bien connus des lecteurs assidus de Barrio de Tango.

Pour demain soir, les deux artistes ont invité en outre les chanteurs Roberto Minondi et Marco Bellini ainsi que le trio de guitaristes (1) Va de nuevo (ce qu'on pourrait traduire par C'est reparti, mon quiqui !).

Le lieu est désormais connu : le bar notable El Faro, à l'angle des avenues Constituyentes y Pampa, à la jonction de trois quartiers ouest, Villa Urquiza, Villa Pueyrredón et Parque Chas.

Entrée : 50 $ (peso argentin). Pensez aussi aux consommations en sus, mais la carte est bon marché et roborative, surtout au cours d'un long week-end de fête patriotique. Nous sommes aujourd'hui le 20 juin, la Fête du Drapeau, en hommage à Manuel Belgrano, inventeur de ce drapeau et décédé le 20 juin 1820, et en cuisine, on doit préparer le locro (2). Demain, beaucoup de Portègnes font le pont et quelques uns sont déjà  à San Carlos de Bariloche dont la saison de ports d'hiver commence.

Cucuza et Moscato, dans El Ciruja (le clochard), à El Faro
au tout début de ETvaB, en novembre 2008.
Ils ont fait bien du chemin depuis et je m'en réjouis pour eux et pour le tango, qui les mérite bien !


(1) Je suppose qu'il s'agit de guitaristes car je vois mal fonctionner un trio d'alti. Mais le terme choisi par Cucuza dans son annonce est ambigu : viola (guitare en lunfardo, alto en espagnol).
(2) Une recette de locro sur Barrio de Tango, un article que j'ai publié en novembre 2009.

Lucrecia Merico chante à l'auditorium YMCA [à l'affiche]


La chanteuse Lucrecia Merico, accompagnée comme à son habitude par le trio Las Guitarras Saavedrinas, se produira le jeudi 27 juin 2013, à 19h30, à l'auditorium de YMCA, une association de jeunesse chrétienne originaire des Etats-Unis, très connue à Buenos Aires pour ses activités culturelles, Reconquista 439, dans le quartier de Monserrat.

Entrée libre et gratuite. Le cycle musical est patronné par le journal La Razón du groupe Clarín.

Lucrecia partagera la scène avec son invité, le chanteur Flavio Tagini, petit-fils d'un parolier de Carlos Gardel (Misa de Once pour ne citer que ce tango-là, le plus célèbre de ceux qu'il a écrits).

mercredi 19 juin 2013

Le 78e anniversaire de la mort de Gardel lundi [à l'affiche]


Ce lundi 24 juin 2013, on commémorera en Argentine et à Medellín en Colombie le 78ème anniversaire de la mort de Carlos Gardel (1890-1935). Pour l'occasion, l'après-midi musicale du lundi intitulée traditionnellement Mis tardes con Gardel commencera à 17h, au lieu de 18h habituellement, au Museo Casa Carlos Gardel, Jean Jaurés 735.

Au programme, une pléiade de chanteurs et de musiciens : les chanteurs Lulú, Esteban Riera et Jesús Hidalgo, les guitaristes Moscato Luna, Pablo Alessia, Joaquin Althave, Aníbal Corniglio, Nazareno Altamirano, et des danseurs qui interviendront à différents moments de cette grande fête de la musique.

Entrée libre et gratuite, dans la limite des places disponibles dans le patio (abrité) du Musée qui fut un jour la maison de Gardel et qui fera partie du programme-découverte de Buenos Aires que je vous propose avec l'agence Human Trip.

Carlos Gardel interprétant Por una cabeza (musique Gardel, paroles Le Pera) dans l'un des quatre films qu'il tourna à New-York dans les douze derniers mois de sa vie (1). L'extrait de film a été colorisé (dommage..)

(1) Por una cabeza est inclus dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, que j'ai publié aux Editions du Jasmin, en mai 2010.

Voyage à Buenos Aires : Human Trip travaille d'arrache-pied [ici]


L'agence de voyage Human Trip travaille dur pour vous préparer un séjour culturel aux petits oignons à Buenos Aires, dans un esprit d'économie durable et équitable (voir mon article du 1er mai 2013 sur le contenu proposé).

Les dates du voyage ont maintenant été arrêtées pour assurer un tarif attractif sur le billet d'avion (le plus gros poste de dépense sur ce type de voyage) :
Le départ est prévu quelques jours après Pâques le 24 avril 2014 à 23h (de Roissy Charles de Gaulle, avec des possibilités de partir de différents aéroports régionaux sur commande spéciale) avec une arrivée le lendemain matin, à 8h (heure de Buenos Aires), à l'aéroport international d'Ezeiza.
Le retour aura lieu le 8 mai pour ceux qui ne prolongeront pas leur séjour au-delà du programme que j'accompagne. Nous verrons la Fête du Travail sur place...

Selon d'un principe cher à Human Trip, il est possible de profiter du tarif de groupe ainsi obtenu sur ces dates pour réaliser un circuit régional à la même époque en ne prenant qu'une ou deux journées du programme culturel proposé sur Buenos Aires et ses environs, dont trois mois ne suffiraient pas à épuiser les ressources touristiques (Human Trip est à la disposition de ses clients pour concevoir ce circuit sur mesure avec eux).

Dans le programme développé sur Buenos Aires et sa région, les clients Human Trip pourront inclure des expériences de terrain dans le champ solidaire (il y a beaucoup à faire et à découvrir là-bas). Dans cette perspective, le site Internet de l'agence va bientôt s'enrichir de propositions diversifiées.
Rendez-vous sur www.humantrip.fr.

Les pré-inscriptions se font auprès de Human Trip, par mail : info@humantrip.fr (ou par tout autre moyen que vous préféreriez, le site Internet vous donne toutes les coordonnées nécessaires à ce sujet).
Les pré-inscriptions ne représentent en aucun cas un engagement de votre part, elles ont simplement pour but de connaître les attentes des voyageurs qui constitueront le groupe restreint que nous formerons là-bas. Au lieu de composer un programme tout fait comme on peut les trouver sur catalogue (mais sur d'autres destinations), le voyagiste et moi tiendrons compte de chacun d'entre vous pour nous adapter à vos souhaits.
Un autre avantage : nous nous connaîtrons déjà bien dès notre décollage. Du temps gagné pour apprécier une ville qui fonctionne au coup de cœur et dans l'improvisation, comme vous l'avez remarqué si vous suivez son actualité sur ce blog (1).

Il va sans dire que je me tiens à votre disposition pour en parler de vive voix, notamment à l'issue de mes conférences sur les festivals de l'été (Toulouse, Roquebrune-Les Issambres, Nice) et sur les salons du livre qui reprendront à la rentrée avec la Fête de l'Humanité (voir mes différents rendez-vous en cliquant sur le mot-clé ABT -Activités Barrio de Tango- dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, ou sur l'Agenda complet de mon site Internet).


(1) La plupart des spectacles, y compris ceux des plus grands artistes, sont annoncés peu de temps à l'avance par rapport à nos pratiques européennes où l'on connaît les dates des concerts des mois à l'avance. Là-bas, rien de tel. Le Portègne s'adapte en permanence à ce que sa ville lui propose au jour le jour ou à peu près. Si nous voulons découvrir l'authenticité de Buenos Aires, qui reste cachée aux touristes classiques, nous devons nous aussi prendre ce pli. Nous y parviendrons d'autant mieux que nous nous connaîtrons déjà.

Taquetepa dimanche à Notre-Dame du Bon Conseil, à Paris [à l'affiche]


Nos amis de Taquetepa, le guitariste Daniel Pérez, la flûtiste Marie Crouzeix et le contrebassiste Fabrice Gouterot, se retrouvent à Paris une nouvelle fois le dimanche 23 juin 2013, à 15h30, à Notre-Dame du Bon Conseil, 140 rue de Clignancourt, 75018 Paris M° Simplon.

Entrée libre (participation à votre choix).

Le Trio en 2010

Pour en savoir plus :

mardi 18 juin 2013

La Rencontre Fédérale de Tango à Avellaneda [à l'affiche]

Le Secrétariat d'Etat a choisi le bandonéon de Osvaldo Piro
comme emblème de la Rencontre
Du jeudi 20 au dimanche 23 juin 2013 se tiendra à Avellaneda dans la proche banlieue sud de Buenos Aires une manifestation intitulée Encuentro Federal de Tango, organisée par le Secrétariat d'Etat à la Culture du Gouvernement national pour la troisième année consécutive.

Au programme, des concerts, des cours, des milongas, des conférences, des expositions...

Des invités prestigieux comme Horacio Ferrer, président de la Academia Nacional del Tango, le Sexteto Mayor qui fête cette année ses quarante ans, le bandonéoniste et compositeur Osvaldo Piro, l'orchestre de musique national Juan de Dios Filiberto, le chanteur Alberto Podestá et j'en oublie. L'orchestre de tango de la ville de Avellaneda sera naturellement de la fête. L'auteur-compositeur interprète Juan Vattuone aussi. Les trois jeunes Orquestas Típicas La Vidú, Misteriosa de Buenos Aires et Almagro également. Des danseurs seront là dont le couple Dinzel et Johana Copes avec son partenaire Julio Altez, et là encore j'en oublie...

Les manifestations sont gratuites, pour la plupart d'entre elles, et elles se tiennent au Teatro Roma, Sarmiento 101.

Qui dit fédéral en Argentine se réfère à l'idéologie populaire qui s'opposa très tôt dans l'histoire de l'Argentine indépendante à la politique des grands commerçants de Buenos Aires, à Juan Manuel de Rosas, à la guerre civile qui sévit dans le pays entre 1820 et 1852 et qui s'acheva dans la défaite de Rosas qui transforma sa figure en légende, comme l'exil de Sainte-Hélène pour Napoléon. Ce mouvement fit aussi la part belle aux Indiens de la Pampa et aux esclaves affranchis, il représente l'apogée d'une Argentine métissée qui devait disparaître dans la seconde partie du XIXème siècle. Rien d'étonnant à retrouver dans cette manifestation des artistes comme Juan Vattuone, grand militant de la négritude dans la musique et la culture argentine, et La Vidú, un des ensembles du Buenos Aires underground de l'autogestion artistique.

La manifestation fait partie du Plan de Promotion du Tango conduit par ce ministère. Elle est co-produite avec les Affaires culturelles de la Ville de Avellaneda.

Pour aller plus loin et découvrir la richesse du programme :
voir la page de la manifestation sur le site du Secrétariat d'Etat à la Culture

Pour changer un peu du tango [à l'affiche]

El Espacio Cultural del Sur, avenida Caseros 1750, dans le quartier de Barracas, propose le samedi 22 juin 2013 un concert gratuit du groupe Wauqe, pour un voyage musical imaginaire à travers les Andes : Argentine, Chili, Pérou, Bolivie. Aux instruments typiques de cette région de haute montagne et de forte culture amérindienne, ils ajoutent des timbres bien urbains et bien européens comme celui de la guitare électrique, de la basse et de la batterie...

La soirée s'intitule Los Andes, sonidos de ayer y de hoy (les Andes, sons d'hier et d'aujourd'hui).

Encore un lieu culturel qu'il me reste à découvrir ! Il y en a trop à Buenos Aires. Celui-ci fait partie de ceux qui dépendent du Ministère de la Culture de la Ville autonome de Buenos Aires.



Wauqe au Festival de Cosquín 2012

Noelia Moncada finaliste des Prix Gardel 2013 pour Marioneta [Disques & Livres]


La chanteuse Noelia Moncada concourt cette année pour les Premios Gardel pour son récent album Marioneta, qu'elle a présenté l'année dernière.

Félicitations !

Noelia chantant Marioneta, au Bar 36 Billares, avenida de Mayo, Buenos Aires

samedi 15 juin 2013

Marcapiel, le sextuor de Alan Haksten se présente au CCC [à l'affiche]


Le guitariste et compositeur Alan Haksten, un des grands de la jeune génération, présentera son sextuor de tango contemporain Marcapiel au CCC Floreal Gorini, Corrientes 1543, dans le cadre des soirées musicales Tango del Miércoles, le mercredi 19 juin 2013, à 20h30 (en général, les portes s'ouvrent à cette heure-là, le concert commence une heure plus tard).

Entrée : 40 $.

Au programme uniquement des œuvres des deux jeunes compositeurs que sont Alan Haksten, que mes lecteurs assidus connaissent désormais bien, et le contrebassiste Alejandro Abbonizzio. Et une musique au fil du rasoir, tranchante et coupante !
Les autres membres de la formation sont le violoniste Tomás Quindi, le violoncelliste Juan Pablo Zauner, le bandonéoniste Nicolás Codega et le pianiste Sebastián Napolitano. En invité d'honneur, le chanteur Abelardo Saravia les rejoindra sur la scène.

Le Alan Haksten Grupp à la Academia Nacional del Tango
en 2010 (Noche de los Museos)

Pour en savoir plus :
visitez le site Internet de la grande formation, Alan Haksten Grupp.

Le Groupe Barone-González au Bar 36 Billares [à l'affiche]


Jeudi prochain, le 20 juin 2013, à 21h, le Patricia Barone y Javier González Grupo se produira au Café Los 36 Billares, de Avenida de Mayo 1265, dans le quartier historique de Monserrat.

Entrée : 60 $ (prévoyez d'ajouter le prix des consommations).

Leur concert s'intitulé Diálogos del Tango de hoy et comporte essentiellement de la musique composée par Javier, sur des textes de différents poètes actuels, Raimundo Rosales, Alejandro Swarcman, Héctor Negro et d'autres de la même trempe (1).

Le sextuor (+ voix) se compose outre de la chanteuse Patricia Barone, bien connue des lecteurs de Barrio de Tango, et de son guitariste et compositeur de mari, Javier González, du pianiste Mariano Silva, du bandonéoniste Ariel Nürnberg, du bassiste Alejandro Ward, de la flûtiste Mariela Focas et du batteur-percussionniste Héctor Correa.

Le groupe interprète cette année Tiem-posmodernos, de González-Szwarcman
(traduit par mes soins dans Deux cents ans après).


(1) Les trois auteurs cités ici font partie des poètes et paroliers présentés dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, Tarabuste Editions, janvier 2011. Deux d'entre eux sont aussi dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, Editions du Jasmin, mai 2010.

Una vuelta más, le prochain disque de Alfredo Piro [à l'affiche]


Ce soir, samedi 15 juin 2013, à 22h, le chanteur Alfredo Piro présentera à Che Flores!, Arce 235, à Almagro, le répertoire et les arrangements qui composeront son prochain disque qu'il commence à enregistrer le 1er juillet aux Studios Ion, parmi les studios préférés des musiciens argentins.

Au programme de ce nouveau tour de chant intitulé Una vuelta más (encore un tour), beaucoup de morceaux qu'il a déjà rodés sur de nombreuses scènes mais dans des versions nouvelles trans-genres. Du rock chanté en tango, de la valse chantée en rock, de la milonga chantée en folklore etc... Sa sœur, la rockeuse Ligia Piro, est de l'aventure ainsi que la chanteuse Verónika Silva, qui a prêté sa voix au trio argentino-franco-suisse Gotan Project. Il y a presque deux ans, j'avais vu les premiers essais de cette démarche musicale à ECuNHi mais malheureusement, l'acoustique de cette salle improvisée dans une école de mécanique ne m'a pas permis de me faire une juste idée du projet...

jeudi 13 juin 2013

L'autre interview des 80 ans du Maestro Horacio Ferrer [Troesmas]

Horacio Ferrer dans sa bibliothèque, Photo Clarín/Lucía Merle

Cette interview accordée à Eduardo Parise est parue dans Clarín, dimanche 2 juin 2013, le jour même des quatre-vingts du Maestro Horacio Ferrer. Jusqu'à aujourd'hui, l'actualité à Buenos Aires, la préparation par ailleurs de mes conférences de cet été, celle du programme culturel que Human Trip peut proposer aux touristes francophones intéressés par la perspective de l'économie durable et de la solidarité ainsi que le monde d'une part de mes activités de la rentrée ne m'ont pas laissé beaucoup de disponibilité pour vous la présenter et vous la traduire mais aujourd'hui, on y va.

Cet entretien, parue avant celle que j'ai traduite lundi dernier, en est le complément idéal (voir mon article du 11 juin 2013). Si j'en crois le palmarès des articles les plus lus de la semaine, je suppose qu'elle a suscité quelque intérêt chez mes lecteurs. Celui-ci devrait faire de même. Le voici.

Es que no hay que disimular la cantidad de años; al contrario…. Llegué. Y me podía haber quedado tantas veces en el camino. Tengo doce operaciones, empezando por la cesárea que le hicieron a mi madre cuando nací y en la que participé activamente con un papel protagónico”, dice y se ríe con ganas, como festejando esa travesura semántica que se le acaba de ocurrir, mientras el sol de la tardecita porteña entra por la ventana de su “bulín de la calle Ayacucho”, en el octavo piso del Alvear Palace Hotel, donde vive hace más de cuarenta años.
Horacio Ferrer, interviewé par Eduardo Panise, in Clarín

"Pas question de cacher le nombre des années, tout au contraire... J'y suis. J'aurais pu m'arrêter en chemin tant de fois. J'ai eu douze opérations, à commencer par la césarienne qu'on a faite à ma mère quand je suis né et à laquelle j'ai participé activement dans un rôle de premier plan" (1), dit-il et il rit de bon cœur, comme pour fêter cette fredaine sémantique qui vient de lui passer par la tête, tandis que le soleil de ce début de soirée portègne (2) entre par la fenêtre de son Bulín de la calle Ayacucho (3), au huitième étage de l'hôtel Alvear Palace, où il vit depuis plus de quarante ans.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

- ¿Qué es eso de cumplir ocho décadas o cuatro veces veinte?
- Son ambas cosas y es sorprendente como le digo a Lulú, de quien soy el hombre y a quien no defino como mi mujer porque no la compré en ninguna subasta o remate. Es la mujer con la que comparto la vida desde hace 32 años cuando la conocí en el bar La Poesía, de Bolívar y Chile.
- ¿Eso hace a las ocho décadas o a las cuatro veces veinte?
- Claro, es una de las vivencias de las ocho décadas. En aquel momento yo tenía 48 años y ella 34. Lo llamativo es que todavía hoy le sigo llevando 14… (risas). Fue un encuentro maravilloso.
Horacio Ferrer, interviewé par Eduardo Panise, in Clarín

- Qu'est-ce que ça fait d'avoir huit décennies ou quatre fois vingt ?
- Les deux font quelque chose et c'est surprenant, comme je le dis à Lulú (4), dont je suis l'homme et que je ne définis pas comme ma femme, parce que je ne l'ai pas achetée aux enchères ou à la criée (5). C'est la femme avec laquelle je partage ma vie depuis trente-deux ans, depuis que je l'ai rencontrée au bar La Poesía, de Bolívar y Chile (6).
- On met ça où, dans les huit décennies ou les quatre fois vingt ?
- A coup sûr, c'est un des vécus des huit décades. A ce moment-là, moi j'avais 48 ans et elle 34. Le drôle dans cette affaire, c'est que j'ai toujours quatorze ans de plus qu'elle (rires). Cela a été une rencontre merveilleuse.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

- ¿Cómo entró el tango a tu vida?
- Creo que también fue destino. Que me gustara el tango no fue muy original porque estaba en la radio y todo eso. Pero creo que la afinidad vital que el tango tiene musicalmente, poéticamente, estéticamente, orquestalmente, es tanta y tan rica que me apasionó de entrada, tanto en Montevideo como en Buenos Aires. Yo tenía casa allá y aquí, que era la casa de la familia Ezcurra, la casa de mi mamá argentina, porteña y sobrina bisnieta de Juan Manuel de Rosas.
Horacio Ferrer, interviewé par Eduardo Panise, in Clarín

- Comment le tango a-t-il fait son entrée dans ta vie ?
- Je crois que ça aussi, c'était le destin. Que j'aime le tango, ça n'a rien de bien original parce qu'on l'entendait à la radio et tout ça. Mais je crois que l'affinité vitale que le tango possède sur le plan musical, poétique, esthétique, orchestral, est si ample et si riche qu'elle m'a passionnée d'emblée, autant à Montevideo qu'à Buenos Aires. J'avais une maison là-bas et ici et ici, c'était la maison de la famille Ezcurra (7), la maison de ma mère argentine, portègne et arrière-petite-nièce de Juan Manuel de Rosas.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

- ¿Hay diferencias entre la vida actual y aquella, cuando realmente tenías 40 o 20?
- Pasa que he disfrutado de la vida en todas mis edades. Disfruté de la amistad de mis amigos, de las reuniones en Montevideo o en Buenos Aires. Son cosas que uno trae, la propensión a la conversa, a la reunión, a escuchar música juntos… Igual, hay diferencias entre aquellos días y el tiempo actual. La juventud es un fenómeno espiritual. El decrépito puede ser el cuerpo pero la juventud es un fenómeno espiritual. Tengo un espíritu emprendedor y, para mi bien o para mi mal, sigo inventando cosas, sigo escribiendo y eso es perduración y vocación de una obsesión hermosa que se llama poesía. En este lugar mágico, tengo una bibliotequita de mis poetas predilectos y sigo leyendo poesía para seguir aprendiendo, porque su prodigio es insondable. Y bendigo que el Señor Dios me haya dotado con alguna condición para ser poeta.
Horacio Ferrer, interviewé par Eduardo Panise, in Clarín

- Y-a-t-il des différences entre la vie actuelle et celle d'avant, quand vous aviez vraiment 40 ou 20 ans ?
- Il se trouve que j'ai apprécié la vie à tous les âges. J'ai apprécié l'amitié de mes amis, les soirées entre amis à Montevideo ou à Buenos Aires. Ce sont des choses qu'on porte en soi, cette propension à converser, à passer du temps avec les amis, à écouter ensemble de la musique... N'empêche, il y a des différences entre ce temps-là et maintenant. La jeunesse est un phénomène spirituel. La décrépitude peut atteindre le corps mais la jeunesse est un phénomène spirituel. J'ai un esprit entrepreneur et pour mon bien ou pour mon malheur, j'invente toujours des choses, j'écris toujours et tout cela c'est la persistance et la vocation d'une belle obsession qui s'appelle poésie. Dans cet endroit magique, j'ai une petite bibliothèque de mes poètes de prédilection et je continue à lire de la poésie pour continuer d'apprendre, parce qu'elle est un insondable prodige. Je bénis le Seigneur Dieu de m'avoir doté d'une certaine condition pour être poète.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

- O sea que te definís de profesión poeta…
- Soy un poeta por naturaleza. En lo que llamaba declamación, mi mamá era hija de Alfonsina Storni. Entonces, yo vengo a ser nieto de Alfonsina Storni porque aprendí a recitar con mi madre. Eso es tener mucha suerte en la vida. Haber tenido conexión con una poeta tan maravillosa y la posibilidad de trasmitir mis versos recitándolos. Los versos no son para leer, son para oír, como la música. Es el dominio del aire en la música y la poesía que, a su vez, están juntas en el tango. Por ejemplo: “Fue a conciencia pura que perdí tu amor, nada más que por salvarte”(canta). Allí está la palabra y la música unida y es difícil sustraerse cuando uno la escucha.
Horacio Ferrer, interviewé par Eduardo Panise, in Clarín

- Est-ce à dire que tu te définis comme poète de métier...
- Je suis un poète par nature. Pour ce qu'on appelait déclamation, ma mère (8) était fille de Alfonsina Storni (9), je me trouve donc petit-fils de Alfonsina Storni puisque j'ai appris la récitation avec ma mère (10). C'est là avoir eu beaucoup de chance dans la vie. Avoir un lien avec une poète aussi merveilleuse et la possibilité de transmettre mes vers en les récitant. Les vers ne sont pas faits pour être lus, ils sont faits pour être écoutés, comme la musique. C'est le règne du souffle dans la musique et la poésie qui, elles aussi, sont liées dans le tango. Par exemple : "Fue a conciencia pura que perdí tu amour, nada más que por salvarme" (chante-t-il) (11). Les mots et la musique ne font qu'une et il est difficile de la laisser de côté [la musique] quand on l'écoute.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

- Acabás de salir de un problema grave de salud.
- Sí, fue algo serio porque estuve muy grave (un golpe en la cabeza por una caída obligó a una operación delicada). Pero tengo una glándula que me funciona siempre: la de la voluntad. Puse mucha para mejorarme porque creo que a los médicos hay que ayudarlos, hay que chamuyarlos, orientarlos, porque el enfermo es uno y uno quiere ser curado. Entonces, hay que abrir las compuertas, ser dócil, escuchar y dejarse llevar. Eso es el significado de la palabra “paciente”… Sí... el paciente inglés. Soy el paciente criollo, pero dio resultado.
Volvamos al tema de los 80. ¿El número redondo golpea?
Para nada. Es lo mismo cumplir 79, 80, 81. Lo que pasa es que uno tiene la perspectiva de lo vivido desde una torrecita más alta. Y puede verlo en perspectiva y pensar con satisfacción que las macanas han sido pocas.
Horacio Ferrer, interviewé par Eduardo Panise, in Clarín

- Tu sors tout juste d'un grave problème de santé.
- Oui, ça a été quelque chose de sérieux puisque j'ai été gravement malade (un coup à la tête à la suite d'une chute m'a obligé à subir une opération délicate). Mais j'ai une glande qui ne m'abandonne jamais : celle de la volonté. J'en ai mis beaucoup pour aller mieux parce que je crois que les médecins, il faut les aider, il faut leur faire un brin de causette, les orienter, parce le malade c'est toi et toi, tu veux guérir. Alors il faut ouvrir la maison, être docile, écouter et se laisser faire. - C'est le sens du mot patient... Eh oui, le patient anglais. Moi, c'est le patient criollo, mais ça donne des bons résultats.
- Revenons à vos quatre-vingts ans. Le chiffre rond, ça frappe ?
- Pas du tout. Avoir 79, 80 ou 81 ans, c'est la même chose. Il se trouve qu'on voit le vécu mis en perspective depuis une tourelle plus haute. Et qu'on peut le voir en perspective et penser avec satisfaction qu'il n'y a pas eu de gros pépins.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

¿Y qué se ve en esa perspectiva?
La paz de no haber hecho ninguna hazaña al revés. Y la felicidad de haber hecho las cosas bien o, al menos, haber intentado hacerlas bien. Y tener una impecable foja familiar y de amigos. La perspectiva permite ver para atrás, y también para adelante… Siempre miré mucho lo que estaba por venir. Y ahora está introducida la figura de la muerte Pero la figura de la muerte está siempre. Es la única certeza que uno tiene desde que nace Es verdad, te puede pisar un colectivo, pero es más probable que una persona mayor capote. Tiene que ver con la perspectiva con que se miran las cosas y siempre me importó eso. Siempre busqué disfrutar lo que tenía de gentil, de bueno, de esperanzado y de ilusionado. Siempre he sido un iluso al que se le dieron muchas cosas de sus ilusiones. Es muy grande tener una compañera como Lulú, un hábitat como éste, haber emprendido una novela sorprendente de poder fundar una Academia Nacional. Hay que tener mucho tarro, buena compañía y perseverancia para poder ver que yo, que no nací en la Argentina pero que me siento muy argentino, pueda ofrecerle a la Argentina una Academia Nacional del Tango.
Horacio Ferrer, interviewé par Eduardo Panise, in Clarín

- Et qu'est-ce qu'on voit dans cette perspective-là ?
- La paix de n'avoir à son actif aucune action sens dessus-dessous. Et le bonheur d'avoir fait les choses bien ou au moins d'avoir essayé de les faire bien. Et avoir d'impeccables états de service de famille et d'amitié. La mise en perspective permet de regarder en arrière et aussi devant soi... J'ai toujours beaucoup regardé ce qui m'attendait. Et maintenant la figure de la mort est entrée dans le paysage. Mais la figure de la mort, elle est toujours là. C'est la seule certitude qu'on a depuis notre naissance. C'est vrai, un bus peut t'écraser, mais c'est plus probable qu'une personne âgée chavire. Cela dépend de la perspective dans laquelle on regarde les choses et c'est quelque chose qui m'a toujours importé, ça. J'ai toujours cherché à faire mon miel de ce que [la vie] avait d'aimable, de bon, de porteur d'espérance et de rêve. J'ai toujours été un rêveur qui a beaucoup reçu de ses rêves. C'est très imposant d'avoir une compagne comme Lulú, habiter un lieu comme celui-ci, avoir entrepris ce roman aussi surprenant que de pouvoir fonder une Académie Nationale (12). Il faut avoir de la corde de pendu, être bien accompagné et avoir de la persévérance pour qu'on puisse un jour me voir, moi qui ne suis pas né en Argentine mais qui me sens très argentin, en mesure d'offrir à l'Argentine une Academia Nacional del Tango.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

- Tal vez ese sea tu mayor logro. Ahora, ¿cuál es tu asignatura pendiente?
- Muchas… la poesía. Quiero seguir escribiendo poesía. Después de mi larga enfermedad, de la que estoy totalmente sano y repuesto gracias a los médicos que me operaron y los enfermeros que me atendieron y gracias a mi médico personal que es Arturo Famulari, estoy contento porque me sanaron y me reiniciaron en el camino de la vida, de la existencia. Entre existir y vivir hay unas diferencias importantes pero para poder vivir primero hay que existir.
Horacio Ferrer, interviewé par Eduardo Panise, in Clarín

- Peut-être est-ce là ta plus grande réussite. Mais maintenant, qu'est-ce que tu as comme pain sur la planche ?
- Plein de choses... La poésie. Je veux continuer à écrire de la poésie. Après ma longue maladie, dont je suis totalement rétabli (13) grâce aux médecins qui m'ont opéré et aux infirmiers qui se sont occupé de moi et grâce à mon médecin personnel qui est Arturo Famulari, je suis ravi parce qu'on m'a guéri et fait reprendre le chemin de la vie, de l'existence. Entre exister et vivre, il y a des différences importantes mais pour pouvoir vivre, il faut d'abord exister.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

- De la larga serie de tangos que hiciste, ¿cuál es el mejor?
- Sin dudas “Balada para un loco”, porque eso fue un cambio de estética, una cosa aventurada, audaz. Fue una canción con ritmo y estética de un tango muy renovado. Fue un triunfo muy lindo que el público finalmente la adoptara como una expresión de un tango diferente. Piazzolla también lo disfrutó mucho.
- ¿Y el próximo tango no podría ser el mejor?
- No lo sé. Tengo un montón de tangos en ciernes, pero los tengo allí, en una especie de verborario o de sortilegio por ser. Siempre tengo ideas y nunca me canso de buscar novedades en el tango porque por su armonía, su ductilidad, su temática, siempre permite hacer cosas nuevas.
Horacio Ferrer, interviewé par Eduardo Panise, in Clarín

- De la longue suite de tangos que tu as faits, lequel est le meilleur ?
- Sans aucune doute Balada para un loco, parce que ce fut un changement d'esthétique, une chose aventureuse, audacieuse (14). C'était une chanson avec un rythme et une esthétique de tango très rénové. Cela a été un triomphe très chouette que le public a fini par adopter comme une expression de tango différente. Piazzolla lui aussi l'a beaucoup aimé.
- Et n'est-ce pas le prochain tango qui pourrait être le meilleur ?
- Je ne sais pas. J'ai un tas de tangos en gestation mais je les ai ici, dans une espèce de verbier (15) ou de sortilège à venir. J'ai toujours des idées et je ne me lasse jamais de chercher des nouveautés dans le tango parce que son harmonie, sa plasticité, ses thématiques permettent toujours de faire des choses nouvelles.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :


(1) Il y fait une allusion très discrète au début de Balada para el año 3001, un tango écrit pour Astor Piazzolla, traduit en français dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, Tarabuste Editions, janvier 2011.
(2) Allusion à la phrase la plus célèbre de Horacio Ferrer : "Las tardecitas de Buenos Aires tienen ese... ¿que sé ho? ¿Viste? Salis de tu casa", etc. C'est le début de Balada para un loco, qui date de 1969, et que les Argentins aujourd'hui ne laissent jamais passer, sur scène, sans interrompre pour applaudir avec frénésie. Balada para un loco est traduit en français, p 316, dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, Editions du Jasmin, mai 2010 (et ce tango est repris sur le disque Melopea offert avec le livre : il y est récité par Horacio Ferrer accompagné au piano par Osvaldo Tarantino).
(3) Titre d'un célèbre tango écrit par Celedonio Esteban Flores, lui aussi traduit dans Barrio de Tango, ouvrage cité. Etant donné qu'on retrouve cette allusion à plusieurs reprises dans les célébrations des quatre-vingts ans du poète, je suppose que c'est lui qui présente ainsi la suite qu'il occupe dans cet hôtel du quartier de Recoleta. Cela lui ressemble bien.
(4) L'artiste peintre Lucía Michelli, surnommée Lulú, comme un personnage du tango des années 1930...
(5) Ce commentaire suit toujours le nom de Lulú dans la bouche de son mari. C'est un vrai rite chez lui. Et en plus, c'est élégamment vrai.
(6) Ce bar existe toujours à la même esquina, que Horacio Ferrer situe à San Telmo comme presque tout le monde à Buenos Aires (en fait, Bolívar y Chile se trouve encore officiellement dans le quartier de Monserrat). Horacio Ferre a fait une allusion limpide à cette rencontre dans la valse Lulú (musique de Raúl Garello), un des rares textes sans jeu de mot ni néologisme dans sa vaste production poétique, et dont vous trouverez une version bilingue espagnol-français dans Barrio de Tango, ouvrage cité. La Poesía a été reconnu d'intérêt culturel par la Legislatura Porteña au printemps 2009 (voir mon article du 25 septembre 2009).
(7) La famille Ezcurra est une grande et très ancienne famille patricienne de Buenos Aires. Dans les années 1820-1850, elle a joué un rôle historique et politique très important en Argentine. C'est de cette famille qu'étaient issues deux sœurs qui furent respectivement l'épouse de Juan Manuel de Rosas (1793-1877) et la maîtresse de Manuel Belgrano (1770-1820). C'est peu de dire que Horacio Ferrer est fier d'appartenir à cette famille qui a joué un grand rôle dans la fédération argentine. Sur le plan historique, il y a bien sûr plusieurs maisons Ezcurra à Buenos Aires, tout dépendant de la branche de la famille concerné et de l'époque que l'on considère.
(8) En Argentine, on dit plus facilement Mamá et Papá là où en France, en Belgique, en Suisse, on emploie un Mère ou Père moins intime.
(9) Grande poète argentine, connue notamment pour son appartenance au cercle des intellectuels et artistes qui fréquentaient assiduement le Gran Café Tortoni de Avenida de Mayo, au-dessus duquel la Academia Nacional del Tango dispose de son siège social. Elle était née en Suisse, dans le canton italophone de Lugano, en 1892, et elle s'est suicidée, pour éviter de mourir d'un cancer qui venait d'être diagnostiqué, en se noyant dans l'océan à Mar del Plata en 1938. Elle a laissé un grand héritage littéraire et esthétique.
(10) Le style du récitant qu'est Horacio Ferrer est tout à fait particulier que vous pouvez écouter dans les deux enregistrements de lui que Litto Nebbia a intégré dans le disque offert avec mon anthologie Barrio de Tango, ouvrage cité.
(11) Les trois premiers vers de Confesión, musique de Enrique Santos Discépolo et texte de Enrique Santos Discépolo et Luis César Amadori, présenté en version bilingue dans Barrio de Tango, ouvrage cité, p 188.
(12) Cette fondation a été une vraie saga en 1990. Horacio Ferrer en ruminait l'idée depuis de longues années lorsque l'occasion s'est présentée soudain avec l'obtention providentielle d'une audience auprès de Carlos Menem, qui venait tout juste d'arriver à la Casa Rosada. C'est le seul truc positif qui restera des deux mandats par ailleurs catastrophiques de Menem : il a permis la fondation de la Academia Nacional del Tango et ensuite il s'est occupé de couler le pays entier.
(13) C'est très nettement l'impression que me laissent ces deux interviews ultra-brillantes et où il est en pleine possession de ses moyens intellectuels et cognitifs, de son humour, de sa spontanéité, de sa culture et de sa mémoire. Je reconnais parfaitement l'homme que je connais, avec sa verve et son dynamisme. Chapeau, l'artiste !
(14) Les historiens du tango date de 1969 et de ce morceau le renouveau de la poésie du tango, après la première date qui est sans doute 1916 avec Mi noche triste de Pascual Contursi et les années 30 avec l'apparition de Homero Manzi qui invente deux thèmes essentiels dans le répertoire du tango, celui du quartier et celui de la nostalgie.
(15) La spécialité du Maestro : le néologisme. Il forme ici son terme sur le modèle de substantif herbier, en espagnol. Pour une fois, ça marche aussi en français. Au grand soulagement de la traductrice.