mercredi 31 juillet 2013

Jacqueline Sigaut et Tango en Tres à Villa Crespo samedi [à l'affiche]


La chanteuse Jacqueline Sigaut, accompagnée de son habituel sextuor, partagera la soirée de l'Espace Culturel Oliviero Girondo, Vera 574, à deux pas de la station de métro Malabia-Osvaldo Pugliese, dans le quartier de Villa Crespo, avec le trio instrumental Tango en Tres, le samedi 3 août 2013, à partir de 21h30 (Tango en Tres d'abord, Jacqueline ensuite, deux heures plus tard).

Entrée : 40 $ (peso argentin).

Si vous suivez l'actualité sur ce blog, vous connaissez déjà très bien Jacqueline Sigaut (cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus). En reconnaissance, vous êtes moins familiers du groupe Tango en Tres mais eux aussi ont déjà fait l'objet de plusieurs articles dans ces pages.

La conférence de presse du Pape fait des vagues dans son pays natal [Actu]

Une du 30 juillet
(à comparer avec celle du lendemain)
L'image centrale se rapporte à des
désaccords dans une alliance électorale
Comme partout ailleurs dans le monde occidental, la conférence de presse improvisée par le Pape dans l'avion Rio-Roma, dans la nuit de dimanche à lundi, a fait et continue de faire pas mal de vagues dans la presse argentine. Comme presque partout ailleurs aussi, c'est surtout les déclarations sur l'homosexualité qui retiennent l'attention des journalistes (ça tourne à l'obsession dans la corporation).

Página/12 semble avoir été pris de court par les propos de François dont ce journal avait fait un homophobe aguerri, voire vindicatif, et qui se rend compte d'un seul coup que c'est faux. Il ne l'a jamais été et ses propos authentiques pendant la campagne d'opinion qui a précédé le vote de la loi du "mariage égalitaire" en Argentine ne l'ont jamais été non plus, mais ça, Página/12 ne peut pas le savoir : ses journalistes n'ont jamais écouté (ni lu) ce qu'il disait quand il était archevêque de Buenos Aires.
Du coup, la rédaction ouvre ses colonnes aux organisations militantes d'homosexuels et de transsexuels, qui se révèlent partagés, les uns se réjouissant de ce ton officiel nouveau à leur égard, les autres tombant à bras raccourcis sur ce Pape qui commet le crime (à leurs yeux) de ne pas adopter sans réserve leurs arguments pour faire de leurs sexualités atypiques des normes sociales avec assimilation totale à la monogamie hétérosexuelle, dans une complétude biologiquement féconde.

Dès hier, Clarín pour sa part a exploité la lettre qu'un ancien prêtre de Mendoza a envoyée à Rome pour réclamer cette assimilation des pratiques homosexuelles à la norme (pastorale et canonique) hétérosexuelle. Le bonhomme a lui-même quitté son ministère lorsqu'il s'est rendu compte, dit-il, que son goût pour les hommes ne lui permettait pas de vivre dans la chasteté.
A part l'album en ligne des cent meilleures photos de François aux JMJ, toute la stratégie éditoriale du journal autour du Pape relevait hier de cette thématique.

Presque rien, sauf cette manchette sur le côté gauche
où le Pape fait le pendant avec un transfert dan s le foot !

La Prensa a fait un peu plus original en revenant sur la nostalgie de sa bonne ville de Buenos Aires que le Pape a exprimée, brièvement et sobrement, aux journalistes qui voyageaient avec lui.

Le gros titre est pour le nouveau chef d'Etat-major
qui serait compromis dans un méchant scandale financier

Et c'est La Nación qui emporte le pompon grâce à sa correspondante à Rome, Elisabetta Piqué, qui, comme je le devinais lundi (voir mon article), volait effectivement avec le Pape et s'est dépêchée, dès qu'elle a atterri à Fiumicino, d'envoyer son papier, qui a paru en ligne lundi matin à Buenos Aires, après le bouclage de l'édition papier. Elle et sa rédaction traitent cette info comme on le ferait d'une exclusivité (alors que ce n'en est pas une mais elle a tout de même pu prendre la parole elle-même, aux côtés de l'un de ses confrères argentins).



Pour aller plus loin

Résumé de la conférence de presse en français par Radio Vatican, la source la plus fiable, avec L'Osservatore Romano. L'édition du quotidien, datée d'aujourd'hui mais parue hier, publie le contenu intégral, en italien, sur trois pages et une colonne et demie. Un travail de Romain, c'est le cas de le dire ! On peut y accéder sur le site Internet du journal.

Página/12 :

l'article de Elena Llorente, qui ne sait plus bien à quel saint se vouer devant une abondance de matière si peu habituelle dans ces exercices jusqu'à présent très calibrés et très circonscrits
l'article sur les réactions des associations gays argentines (l'article est plutôt rabat-joie et les réactions contrastées, à la limite de l'embarras)
l'article de Washington Uranga : très tendancieux, il tente une explication de texte de quelques paragraphes du catéchisme de l'Eglise catholique (avec une grille de lecture politique qui ne peut être pertinente sur des considérations spirituelles) – Voilà pour hier.
Ce matin :
l'article sur la lettre de l'ex-prêtre homosexuel mendocin (traitée par Clarín hier)
le billet d'opinion publié par un pasteur luthérien très hostile au Pape. Il lui reproche de s'ériger illégitimement en juge des mœurs de ses contemporains (alors que selon les normes catholiques, le Pape est avant tout un évêque et comme évêque, il est en effet un juge en même temps qu'un pasteur). Cette polémique anachronique semble arriver tout droit de la Renaissance lorsque, le schisme n'étant pas encore consommé, les protestants avaient besoin de déconsidérer les institutions catholiques pour construire, contre elles, leur identité naissante. Mais enfin, un demi-millénaire plus tard et à l'heure de l'œcuménisme, quel intérêt des luthériens auraient-ils à s'en prendre à ces signes distinctifs de l'identité catholique et à enfoncer une telle porte ouverte ? Au regard de la cordialité qui a régné entre les différentes confessions chrétiennes et les trois religions dites du Livre pendant cette semaine des JMJ, je pense qu'on peut voir dans ce billet la volonté acharnée du journal de trouver des motifs de critique à un moment où tous les gens un tant soit peu ouverts et tolérants, croyants ou non, expriment tous la même satisfaction et le même soulagement autour d'une voie (et d'une voix) de consensus sur un sujet difficile et douloureux pour tout le monde.

Edition du 31 juillet à comparer avec celle du 30 (en haut)
pour admirer l'art de la manchette des maquettistes.
La Une est consacrée à l'échec d'un recours procédural
de Mauricio Macri (photo) dans un de ses procès
où il est accusé de violences contre les sans-abris.
Clarín

L'article sur l'ex-prêtre mendocin et épistolier (précédent de 24h l'article de Página/12 sur le même sujet)
L'album-photo du Pape François à Rio.

La Prensa

L'entrefilet sur les sentiments du Pape envers sa ville natale et sa décision de privilégier l'Asie ou le Moyen-Orient pour son prochain voyage
L'article sur l'ensemble des propos tenus par le Pape dans l'avion

La Nación

L'analyse de l'éditorialiste Mariano de Vieda sur le changement de discours mais non de doctrine, avec vidéo de la conférence intégrée (Mariano de Vieda est l'auteur d'une très récente biographie du Pape, trop rapidement sortie pour constituer un travail sérieux mais en Argentine aussi, on fait des coups éditoriaux)
L'article de Elisabetta Piqué qui a bien fait de s'inscrire sur ce vol ! (Je plaisante mais il est très chouette, son article. Il y  perce une euphorie très naturelle, toute humaine). C'est le papier le plus complet de tous. Il est probable qu'elle a passé tout le vol à bosser au lieu de dormir pour livrer sa contribution à temps pour une parution à Buenos Aires dans la matinée !

Norberto Galasso à la tête d'un séminaire d'histoire optionnel à l'UBA [à l'affiche]

Dans dix jours, le samedi 10 août 2013, alors que commence le deuxième quadrimestre de l'année universitaire, qui se partage en deux sessions, l'économiste et historien Norberto Galasso, le Passionario de l'histoire dite révisionniste (1), entame un séminaire ouvert aux étudiants (à titre d'option pédagogique) et au grand public (auditeurs libres) à l'Université de Buenos Aires (UBA) dans les locaux de la Faculté de Philosophie et de Lettres, rue Puán 480, de 13h à 17h (Caballito).

L'intitulé, Los movimientos de liberación en la Argentina, est typique de ce courant historiographique, hyper-idéologisé, un brin binaire, fort intéressant au demeurant pour son combat fervent contre l'histoire scolaire, linéaire et simpliste, toujours et encore influencée par les grands intellectuels libéraux de la fin du XIXème siècle (Sarmiento et Mitre, en tête), qui imprègne aussi la plupart des guides touristiques publiés sur l'Argentine, notamment dans l'hémisphère nord (2). Un enjeu politico-scientifique dont j'aurai à traiter le 21 août au CCC lorsque j'y présenterai mes propres travaux sur San Martín, personnage central de l'identité argentine vu depuis la France. (3)

Norberto Galasso, octogénaire plein d'une émouvante bonhomie mais qui ne s'en laisse pas compter et parle avec la fougue d'un militant trentenaire, sera entouré d'une équipe d'historiens appartenant à l'UBA.

Le quotidien kirchneriste Página/12 ne pouvait pas manquer de signaler l'événement. Voici le début de l'article, pour vous donner le ton :

La historia es un arma de combate contra la sacralización de las clases dominantes.” La frase, una especie de estribillo existencial ineludible, pertenece a Norberto Galasso. El historiador y ensayista continúa refutando y demoliendo los candorosos santuarios erigidos por el liberalismo en cada artículo que escribe, en cada una de las páginas que integran una obra prolífica y arriesgada, en las numerosas charlas y debates en los que participa, en cada clase en que su figura menuda y su dicción serena se agigantan con estocadas implacables.
Página/12

"L'histoire est une arme de combat contre la sacralisation des classes dominantes". La phrase, une espèce de refrain existentiel incontournable, appartient à Norberto Galasso. L'historien et essayiste continue à réfuter et à démolir les sanctuaires candides érigés par le libéralisme dans chaque article qu'il écrit, dans chacune des pages qui font partie intégrante d'une œuvre prolifique et risquée, dans les nombreux débats et conférences auxquels il participe, dans chaque cours où sa figure grêle (4) et sa diction tranquille grandissent avec ses implacables estocades.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Les inscriptions seront ouvertes à partir du 5 août. Elles se font en ligne. Voir la dernière ligne de l'article de Página/12.


(1) Entendez surtout péroniste. En Argentine, cet adjectif n'a rien à voir avec la négation des crimes nazis.
(2) Véritable collection de préjugés d'un autre âge.
(3) C'est même le thème d'une de mes conférences sur l'histoire de l'Argentine (voir la page consacrée aux conférences sur mon site Internet).
(4) Norberto Galasso est de petite taille mais "menuda", c'est difficile à traduire en français pour qui veut rester exact. C'est un petit bonhomme rondouillard avec des faux airs de Grand Schtroumpf.

El Tata Cedrón sur grand écran au Museo Casa Carlos Gardel [à l'affiche]


Le chanteur, guitariste et compositeur Juan Tata Cedrón sera demain, jeudi 1er août 2013, à 18h30, la vedette de la nouvelle séance du cycle cinématographique Pasión de celuloide du Museo Casa Carlos Gardel, rue Jean Jaures 735, dans le quartier dit de l'Abasto.

Entrée libre et gratuite.

Coproduction franco-hispano-argentine, il s'agit d'un long métrage de 86 minutes sorti en 2011.

Abuelas et la CEA : le dialogue est ouvert [Actu]

Au début de la semaine, les JMJ à peine terminées, une délégation de Abuelas de Plaza de Mayo a rencontré l'archevêque de Santa Fe, Monseigneur José María Arancedo, président de la Conférence Episcopale Argentine (CEA), pour faire un point sur l'action de l'Eglise dans les recherches concernant les enfants enlevés à leurs parents disparus pendant la Dictature de 1976.

Cette entrevue, qui a donné beaucoup d'espoir à Estela de Carlotto, fait suite à la rencontre rapide de la présidente de Abuelas avec le Pape le 24 avril dernier (voir mon article à ce sujet), où le Saint Père lui avait promis la coopération de l'Eglise.


Monseigneur Arancedo a remis à la petite délégation, composée de la Présidente, de la Vice-Présidente, Rosa Roisinblit, et de Buscarita Boa, un document établi par la CEA en novembre dernier, donc avant l'élection du Pape François, sur le sujet, invitant avec insistance l'ensemble des curés du territoire national à rechercher toutes les informations qui peuvent être tirés des registres de baptême et de sépulture quant à des faits suspects qui pourraient relever d'un crime contre l'humanité, comme le sont en droit argentin la soustraction des enfants mineurs à leurs parents, la falsification de leurs documents de naissance et l'assassinat des parents pendant leur incarcération clandestine dans les centres de torture du régime (lorsqu'ils n'ont pas été jetés dans une fosse commune ou précipités d'un avion dans l'océan ou le Río de la Plata, ils ont été enterrés sous des identités incomplètes ou un simple NN, pour inconnu).

Les grands-mères ont fait part à la presse et de leur satisfaction et de leur stupéfaction en découvrant l'action en cours déclenchée à leur insu par l'épiscopat.

Pendant que le reste de la presse nationale se régalait de la désertion d'un metteur en scène de renom qui ne veut plus participer au cycle culturel Teatro x Identidad, initié par Abuelas, par désaccord avec le Gouvernement national en pleine campagne électorale de mi-mandat, Página/12 a préféré s'intéresser depuis lundi soir au rapprochement ONG-Eglise.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 du 29 juillet 2013
lire l'article de Página/12 du 30 juillet 2013
lire l'article de Página/12 du 31 juillet 2013.
Página/12 publie aussi ce matin un entrefilet sur la lettre adressée par un dignitaire de la Curie, Monseigneur Becciu, de la Secrétairie d'Etat, à la femme d'un militaire argentin condamné pour ses agissements pendant la Dictature. Les phrases citées par le journal montrent clairement que le Saint Siège fait face, emploie toutes les ressources de la diplomatie épistolaire mais n'entend pas pour autant se laisser manipuler par ceux qui voudraient faire passer les bourreaux condamnés pour des prisonniers politiques incarcérés par un gouvernement illégitime. Et il est possible que les militants des droits de l'homme ne voient pas cela d'un bon œil. En général, ils supportent mal qu'on use de diplomatie avec "ces gens-là". En particulier Página/12.
Consulter aussi l'article en français de Radio Vatican sur le même sujet.

Diálogos del Tango de hoy au 36 Billares [à l'affiche]


Le Groupe Patricia Barone et Javier González reprendra son concert intitulé Diálogos del Tango de hoy (dialogues du tango d'aujourd'hui) le samedi 3 août 2013, à 21h30, au bar 36 Billares, Avenida de Mayo 1265.

Entrée : 70 $ (comptez les consommations en plus).
Réservation par mail possible.

Magnifique décor typiquement portègne pour un concert de tango contemporain grâce à un répertoire original, dû pour sa majeure partie à Javier González, qui travaille sur des grands textes des trente dernières années (Alejandro Szwarcman, Raimundo Rosales, Héctor Negro, etc.)

Pour en savoir :

mardi 30 juillet 2013

El último organito a quitté Boedo pour un autre quartier [Actu]


Le Maestro Acho Manzi, fils du poète Homero Manzi, et co-auteur avec lui de ce chef-d'œuvre qu'est El último organito (1), est décédé samedi dernier. On vient de m'en informer de Buenos Aires. Depuis de nombreuses années, Acho Manzi avait dû cesser ses activités publiques à cause d'une opération chirurgicale qui avait définitivement embarrassé sa diction. Il ne pouvait plus parcourir l'Argentine et le monde pour donner ses conférences, comme il l'avait fait pendant des années. Il s'était même retiré de la SADAIC, la société argentine des auteurs et compositeurs, où il avait longtemps occupé des fonctions électives, fidèle en cela comme en bien d'autres choses, au modèle d'un père très engagé dans la gestion des droits des artistes.

En 2009, il avait contribué au premier chef à un très beau film sur ce père si aimé et parti si tôt (en 1951) : Homero Manzi, un poeta en la tormenta (Homero Manzi, un poète dans l'orage), où il avait tenu à rétablir la complexité de cette biographie et en particulier la militance politique de son père, que les admirateurs de Malena, Sur et Milonga del 900 avaient passablement oubliée (voir mon article sur le film). Il en était le producteur. Il avait aussi prêté son concours à l'historien Horacio Salas lorsque celui-ci avait entrepris d'écrire la biographie de Barba (2), le surnom que lui avaient donné ses amis. Il était en effet le gardien de l'œuvre et de la mémoire de son père. Il avait aussi donné à Juan Tata Cedrón quelques letras orphelines du poète mort à 43 ans que le chanteur-compositeur avait mis en musique.

Acho Manzi était lui-même un excellent poète, quoique moins prolifique que son père. On lui doit quelques textes de premier rang. J'en ai traduit deux dans Barrio de Tango (Editions du Jasmin), l'un sur les clochards du sud de Buenos Aires dans les années 60 et l'autre qui est un hommage à Homero, écrit et composé en 1954, intitulé Padre (et cité hier intégralement par Clarín).

Ce père qui, en 1948, avait écrit la letra de El último organito pour que lui en compose la musique. A 15 ans. Ce père qui voulait, avant de partir, laisser à la postérité une chanson co-écrite avec son fils, comme vingt ans plus tôt, José González Castillo l'avait fait avec son propre fils, Cátulo Castillo, donnant naissance à Organito de la Tarde. Homero Manzi venait d'apprendre qu'il était atteint d'un cancer. A cette époque, c'était une maladie qui ne faisait pas de quartier. Acho Manzi en est décédé lui aussi, chargé d'ans et après une lutte bien plus longue.

Au lendemain de sa mort, qu'on m'autorise un souvenir personnel, celui que je garde d'une après-midi d'août 2007, année du centenaire de Homero Manzi, où Acho Manzi m'avait conduite dans tout le sud de la capitale argentine, avec son ami, le peintre Chilo Tulissi, à l'origine de notre rencontre, et lui aussi décédé il y aura un an le 11 septembre prochain. A la nuit tombée (elle tombe vite en août à Buenos Aires), nous avions achevé notre périple du souvenir à la Esquina Homero Manzi, où il avait table ouverte, au milieu de tous ces portraits de son père, à qui il ressemblait si fort. Il avait voulu savoir ce que je connaissais la genèse de ce tango de son adolescence. Quand il avait compris que j'avais perçu la similitude entre les démarches de son père et de González Castillo et les liens qui existaient entre les deux hommes, tout ce que j'explique dans Barrio de Tango, une grande vague d'émotion était passée dans son regard et sa voix. Pour lui, El último organito représentait une étape précieuse qui avait déterminé une grande partie de ce qu'il a déployé ensuite tout au long de sa vie.

Il repose désormais à côté de son père, dans le caveau de la Sadaic, au cimetière de la Chacarita.

Ecoutons ce chef-d'œuvre. S'il ne fallait retenir qu'une seule chose du leg du Maître Acho Manzi, c'est ce tango...

"La Tana" (Susana Rinaldi) fait partie des plus exceptionnelles interprètes de ce morceau de légende.

Vous pouvez aussi vous reporter à la nécrologie publiée par Clarín hier matin et celle, minimaliste, que l'on trouve dans Página/12.

Ajout du 2 août 2013 :
Voyez aussi l'hommage personnel du poète Luis Alposta, sous le titre Adiós al amigo Acho Manzi, dans son blog Mosaicos Porteños (avec vidéos intégrées comme d'ordinaire).


(1) Il va sans dire que ce tango figure dans le corpus sélectionné pour constituer mon anthologie Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, avec le plein accord de Acho Manzi.
(2) Aux Editions Vergara, Buenos Aires.

Un grand jazzman argentin s'est éteint [Actu]


Le guitariste et compositeur Walter Malosetti avait 82 ans. Il luttait contre la maladie d'Alzeihmer. C'est son fils, le bassiste Javier Malosetti, qui a annoncé la nouvelle à travers le réseau Twitter, en remerciant le public pour tout l'amour qu'il a porté à l'artiste de son vivant.

Walter Malosetti était né à Córdoba, dans l'ouest de l'Argentine, en 1931, dans une famille très portée sur la musique, même si son père n'en vivait pas (comme beaucoup de musiciens, il lui avait fallu exercer un métier alimentaire, celui de cheminot, pour nourrir sa famille). C'est à travers la radio que Malosetti a découvert le jazz, dont il a fait la vocation de toute sa vie, composant, enregistrant, jouant en public et enseignant. Il avait même fondé une école de guitare en 1961.

Sa carrière a commencé dans les années 50. Sur scène, il s'était alors frotté à des jazzmen de la taille de Lalo Schiffrin et Oscar Alemán, considérés comme les pères fondateurs du genre dans le Cône Bleu. A partir des années 70, il est lui-même devenu une icône du jazz dans le pays. Le succès ne l'a jamais quitté depuis.

En 2002, il avait été nommé Personnalité de la Culture à Buenos Aires.


Malgré la maladie, Walter Malosetti avait encore enregistré l'année dernière. Esencia aura donc été son dernier disque. Et c'est Pablo Gignoli, le jeune directeur artistique du quatuor Derrotas Cadenas, dont il y a peu nous applaudissions la tournée en Europe, qui y tient le pupitre du bandonéon. L'ouverture du maître vers la jeunesse et son accueil envers la variété des genres musicaux populaires... Il a été enterré aujourd'hui au cimetière de la Chacarita, comme presque tous les artistes populaires.

Les quatre journaux nationaux lui rendent hommage et Página/12 lui consacre même (on pouvait s'y attendre) la une de ses pages culturelles (tout en haut).



Pour aller plus loin :
lire l'article de La Nación, que l'on doit à la plume d'un fin musicien, Gabriel Plaza, grand animateur des nuits tangueras dans Buenos Aires (il est un DJ de milonga très réputé parmi les artistes du Tango Nuevo, la musique de tango d'aujourd'hui).
Lire l'article de La Prensa (plus un entrefilet qu'un article digne de ce nom pour un personnage de cette taille).

lundi 29 juillet 2013

Paz et Rudy ne croient pas si bien dire [Actu]

Ce matin, sur la manchette de une de Página/12, les humoristes maison, Daniel Paz et Rudy, ont résumé à leur façon les discours adressés par le Pape François aux jeunes (et aux moins jeunes) au cours des JMJ à Rio, en pensant visiblement surtout à la rencontre avec les jeunes Argentins à la cathédrale Saint Sébastian (voir mon article du 27 juillet 2013).

Personnellement je trouve ça plutôt réussi. C'est drôle et c'est surtout très juste (sans doute beaucoup plus qu'ils ne peuvent l'imaginer eux-mêmes, plongés qu'ils sont dans la culture du provisoire que le magistère dénonce). Ce raisonnement n'est pas vraiment nouveau parmi les chrétiens un peu engagés et notamment les catholiques en Occident.


Le journaliste : Sa Sainteté a appelé les jeunes à faire du bazar (1), à être subversif.
L'évêque (argentin) lambda : Oui
Le journaliste : C'est quoi être subversif ?
L'évêque : Par exemple, si vous êtes hétérosexuel (2), vous marier et ne pas divorcer tout de suite après, c'est super-subversif.
(Traduction Denise Anne Clavilier)



(1) Cette expression du Pape (que hagan lio) a fait flores dans toute l'Amérique latine. Elle a laissé tout le monde bouche-bée. La presse francophone en Europe y a à peine prêté attention (mis à part les médias confessionnels bien entendu). De même qu'elle n'a pas rendu compte de la remise des clés de la ville de Rio, malgré le caractère très émouvant et très sobre de la cérémonie, tout en cordialité et en bons mots, moitié en portugais moitié en espagnol, entre le Pape, le maire de la ville et un champion paralympique, assis dans son fauteuil roulant, et à qui est revenu,sur le balcon de l'hôtel de ville, l'honneur de tendre au Saint Père une clé énorme et très théâtrale.
(2) Et ce matin, Paz et Rudy ne savaient pas que lors de sa première conférence de presse dans l'avion de retour, le Pape allait être conduit à exprimer sans ambage son refus très évangélique de porter un jugement de valeur sur les homosexuels. Qu'est-ce que ça aurait été, s'ils l'avaient su !

Mérites diététiques du mate dans le supplément féminin de Clarín [Coutumes]

Sous la forme d'une liste de questions-réponses, avec sept propositions fausses et trois vraies, le quotidien Clarín présentait le 26 juillet dernier quelques mythes relatifs à cette boisson nationale qu'est le mate en Argentine (et en Uruguay, sans oublier le Paraguay et le Chili).


Très utiles pour faire connaître le breuvage (1) aux béotiens que nous sommes en dépit des deux matés offerts au Pape le long du boulevard de l'Atlantique à Rio et dont personne par chez nous n'a compris la signification. Toutefois les deux gestes successifs n'ont pas échappé à la RAI, pour qui le Pape est un patrimoine national. Alors, même au lendemain d'une catastrophe routière, il y a encore de la place dans les Telegionali pour traiter la question.

- Est-ce que le mate empêche de dormir ?
- Apporte-t-il des oligo-éléments et si oui, lesquels ?
- Faut-il le compter dans nos deux litres d'eau quotidiens ?
- Peut-il constituer un petit-déjeuner à lui tout seul ?
- Favorise-t-il la cellulite ? (2)
- Vaut-il mieux le boire nature ou sucré ? (3)
- Le mate favorise-t-il l'amincissement ? etc.

Où l'on constate que les magazines féminins argentins supposent à leurs lectrices les mêmes préoccupations  hautement intellectuelles que la presse homologue en Europe.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín (Entre Mujeres)
Pour la traduction en français, vous pouvez avoir recours à des traducteurs en ligne (il y en a un, Reverso, dans la rubrique Cambalache casí ordenado en bas de la Colonne de droite de ce blog).

(1) Pour se procurer la plante à infuser, voir dans la rubrique Les commerçants, dans la partie inférieure de la Colonne de droite (le site de www.yerba-mate.fr).
(2) Sur ce dernier point, je vous donne tout de suite la réponse. C'est non. Rien à voir. Ouf, nous sommes sauvées !
(3) La réponse tombe sous le sens !

Viviana Scarlassa et Luis Filipelli avec la Juan de Dios Filiberto au Globo [à l'affiche]

Les chanteurs Viviana Scarlassa et Luis Filipelli se produiront comme invités de la Orquesta Nacional de Música Argentina Juan de Dios Filiberto au Teatro del Globo, Marcelo T. de Alvear, 1155, dans le quartier de Palermo, le mercredi 31 juillet 2013, à 20h30, entrée libre et gratuite.

On peut retirer les places au guichet du théâtre le jour même à partir de 18h30.

Trois millions de fidèles, quatre chefs d'Etat et demi et des chaussons de bébé, ça fait du foin dans la presse argentine [Actu]


La dernière journée du Pape François à Rio de Janeiro a quelque peu mobilisé la presse argentine. Le contraire eût été inquiétant.

Si au chiffre de pèlerins sur la plage de Copacabana hier matin très élevé et qui fait donc l'événement à lui tout seul (plus de 3 millions - le Pape lui-même dit avoir du mal à y croire malgré ce que ses yeux ont vu du haut de l'autel), vous ajoutez l'invitation adressée par Dilma Roussef à ses homologues de la région, laquelle s'est vu acceptée entre autre par la Présidente argentine (ainsi que par Evo Morales et le Président du Surinam, minuscule pays du nord du sous-continent, ainsi que par le vice-président uruguayen, venu en représentation de Pepe Mujica, un peu converti mais encore très circonspect), on ne s'étonnera pas que ce matin les quotidiens nationaux à Buenos Aires abondent et rivalisent en articles divers et variés, reportages, analyses, éditoriaux et même caricatures...

Et Página/12 qui appelle "notre" Henri IV à la rescousse de ses titreurs.
C'est pas beau, ça !

Ajoutez encore qu'en apprenant à la mi-juillet la naissance du premier petit-fils de Cristina de Kirchner, un petit garçon arrivé le 14 juillet, le Pape avait poussé la délicatesse jusqu'à faire acheter un petit cadeau pour le bébé. Une paire de souliers blancs avec chaussettes assorties offerts à la jeune et très expansive grand-mère que le geste a émue jusqu'à l'euphorie, celle qu'on lui connaît désormais bien dès qu'il s'agit du Pape (argentin) et qui agace si fort le Président uruguayen (voir mes articles du 19 mars 2013 et du 6 juillet 2013 sur le sujet).

Quand Abuelita ouvre ses cadeaux ! Le Pape n'est pas son cousin, comme dirait l'adage.
(photo Présidence de la Nation argentine)

Franciscomania à tout va dans les kiosques de Buenos Aires (et de tout le pays) !

Pour aller plus loin :
lire l'article principal de Página/12 (qui en publie quatre en tout sur le sujet ce matin)
lire l'article principal de La Nación (qui en publie une demi-douzaine, dont un entrefilet creux et stupide sur la réaction du Pape lorsqu'un journaliste de la rédaction l'a interpellé par surprise comme cela se faisait à Buenos Aires, en le saluant comme "Padre Jorge" et non pas "Santo Padre"). L'article principal est, quant à lui, signé de l'habituelle correspondante à Rome. Elle l'a rédigé à l'avance, sans doute pour pouvoir l'envoyer avant le bouclage et du coup, il contient une inexactitude qui fait tache (1) et que la rédaction en chef aurait pu corriger.
lire l'article principal de Clarín (qui en publie lui aussi une demi-douzaine).

Dans tous ces articles, on perçoit la distance culturelle qui existe entre le Brésil et l'Argentine et la rivalité sous-jacente qui persiste entre les deux géants de l'Amérique du Sud. Il y en a un des deux qui n'est pas mécontent d'avoir coiffé l'autre au poteau et l'autre en question n'est pas beau joueur à 100 %.


(1) Elisabetta Piqué vit en Italie (elle porte d'ailleurs un prénom italien). Dans son article, elle écrit que Dilma Roussef était à l'aéroport pour prendre congé du Pape, ce qui était effectivement prévu mais ne s'est pas fait (et ça s'est bien vu). C'est en effet le vice-président brésilien qui a tenu ce rôle protocolaire, Dilma étant empêchée par une forte grippe à laquelle il semblerait qu'elle ait eu bien du mérite de résister le matin même pendant la messe. Au Brésil, c'est l'hiver et en plus il y souffle une vague de froid très inhabituel. Il est peu probable que sa maladie soit politique. Les journalistes accrédités auprès du Saint Père pour ce voyage n'ont pas assisté à ces adieux, car au même moment, ils montaient à bord de l'avion du retour. Si les journaux pour lesquels Elisabetta Picqué travaille lui ont offert cette accréditation (ça coûte assez cher de pouvoir voyager avec le Pape), elle aura raconté la cérémonie à partir du dossier de presse mais en employant le vocabulaire du témoin oculaire.

samedi 27 juillet 2013

Matinée théâtrale au Museo Casa Carlos Gardel demain [à l'affiche]


Demain, dimanche 28 juillet 2013, à 17 h, se tiendra au Museo Casa Carlos Gardel que mes lecteurs assidus connaissent comme leur poche, Jean Jaurès 735, une lecture à deux voix de la pièce de théâtre Las dos Malenas, de Roque Vega... Pour les mordus de la culture de Buenos Aires et les bons locuteurs d'espagnol argentin.

Entrée libre et gratuite dans le cadre des activités dominicales de ce musée consacré au souvenir de Carlos Gardel, qui y vécut les dernières années passées dans la capitale argentine avant sa tournée fatale.

Présentation de San Martín, à rebours des conquistadors au CCC – Article n° 3200 [à l'affiche]

Le mercredi 21 août 2013, à 19h, je présenterai à Buenos Aires mon travail de recherche historique et ses premiers résultats, à savoir cette première biographie en français (1) du Général San Martín, parue en décembre dernier aux Editions du Jasmin (www.editions-du-jasmin.com) sous le titre de San Martín, à rebours des conquistadors. Cette présentation prendra la forme d'une causerie qui se tiendra au Centro Cultural de la Cooperación Floreal Gorini (CCC), dont je vous parle régulièrement à l'occasion de la série de concerts qui s'intitule Miércoles de Tango en salle Pugliese.

Le CCC n'a pas changé d'adresse, il est toujours planté Corrientes 1543, en face du Teatro San Martín (ça ne s'invente pas !). La rencontre aura lieu en Sala Dubrovsky.

Entrée libre et gratuite.
Informations sur l'agenda virtuel du CCC.

J'ai prévu d'agrémenter mon intervention d'un diaporama de paysages français actuels, pour faire un petit plaisir aux Portègnes qui rêvent de notre pays matin, midi et soir... et puis, j'apporterai aussi quelques spécialités du Nord-Pas-de-Calais. On sera quelques jours après le Día de San Martín, lui qui est mort à Boulogne-sur-Mer, le 17 août 1850.


Au cours de ce prochain séjour dans ma ville préférée des antipodes, il est aussi prévu un ou deux passages à la radio (RAE) et une autre rencontre avec le public dans un musée des plus emblématiques du quartier de Palermo. Les informations suivront au fur et à mesure que mon calendrier se précisera, comme d'habitude.


(1) Il s'agit de la première biographie sortie en librairie. Il existe en effet quelques travaux savants, peu nombreux, mais ils ont été publiés dans des revues universitaires disponibles par abonnement.

La rencontre des jeunes Argentins avec le Pape à Rio côté rotatives à Buenos Aires [Actu]

"Finalement, le Pape a fait son premier miracle :
qu'un Argentin soit adoré au Brésil"
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Nik est le gagman de La Nación
et il est vrai que les Argentins ont mauvaise
presse dans les pays limitrophes.
Avant-hier à Rio, après avoir rendu visite aux habitants de la favela de Varginha dans la matinée, le Pape François a passé quelques minutes à la cathédrale Saint Sébastien pour saluer les Argentins rassemblés là en foule depuis la veille au soir, dans le cadre des JMJ. Environ 5 000 pèlerins l'attendaient à l'intérieur et plus de 30 000 étaient groupés sur le parvis sous une pluie abondante et froide.

L'accueil, lui, a été plus que chaleureux, de la part des jeunes comme de celle des évêques, visiblement réjouis de retrouver l'un des leurs. L'archevêque de Rosario, qui a succédé au cardinal Bergoglio il y a environ deux ans à la présidence de la conférence épiscopale argentine, a délivré un petit discours de bienvenue qu'il a conclu en tutoyant le Saint Père, d'une manière volontaire, parfaitement maîtrisée, sur un ton à la fois presque sacramentel et très naturel. Il ne fait d'ailleurs aucun doute que ces prélats se tutoient tous, comme le font aussi leurs homologues francophones au sein de leurs propres conférences.

C'est ensuite le Pape qui s'est adressé aux participants, avec une allocution non écrite, énergique, ultra-concentrée et semée d'argentinismes, dont celui qui a retenu l'attention de toute la presse, y compris des journalistes du Vatican : "hacer lio" ("faire du foin", "du vacarme", "des vagues", voire "mettre le souk", "le bazar"), ce que l'évêque de Rome a dit attendre des jeunes catholiques dans leurs diocèses respectifs, pour ne pas dire la mission qu'il leur a confiée. Il a terminé ses propos déjà bien subversifs en disant à ses interlocuteurs combien il regrettait de les voir "en cage" (enjaulados), derrière les barrières de sécurité qui les empêchaient, pour des raisons d'ordre public compréhensibles, de se rencontrer librement (1), leur confiant, après une ou deux secondes d'hésitation, que lui-même savait désormais combien il était "moche" (feo) d'être derrière des barreaux. Pas de salves d'applaudissements après cette plaisanterie amère sur le mode de vie qui lui est imposé depuis son élection au trône de Pierre, aucun rire. Pour ma part, à travers la retransmission télévisée (2), j'ai plutôt perçu une forme de respect et peut-être même d'empathie de la part de l'assemblée.

Texte intégral de l'allocution, traduit en italien dans L'Osservatore Romano, daté du 27 juillet 2013
sous le titre : "Faites-vous entendre".
Cliquez sur l'image pour obtenir une résolution de lecture.

Hier matin, la presse argentine rendait compte de l'événement, sur lequel les médias européens non confessionnels semblent bien avoir fait l'impasse totale, y compris en langue espagnole (pourtant ce discours était aussi puissant que celui tenu le même jour sur la plage de Copacabana, pour la rencontre festive de l'accueil des JMJ, mais il est vrai qu'une autre actualité, tragique celle-ci, occupe encore la majeure partie des médias en Espagne).

Et oh surprise, hier matin, c'est Clarín qui relevait le mieux le contenu anticonformiste de ce discours, dans deux analyses distinctes, qui complètent un reportage sur l'événement, le tout sans jugement de valeur (3), alors que Página/12 restait à la traîne avec un seul et unique article contenant plus de récit anecdotique que d'analyse ! Le monde à l'envers.

Source : service de presse de la Conférence Episcopale d'Argentine

Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín sur la rencontre
lire l'analyse du discours du Pape dans Clarín (à se frotter les yeux et à relire deux fois avant de se convaincre qu'on ne se trompe pas)
lire l'autre analyse du discours du Pape, toujours de la même eau, dans Clarín (et re-frottage des yeux)
lire l'article de La Nación sur les réactions des jeunes argentins réunis dans la cathédrale de Rio

Dans un autre genre, il y avait aussi un à-côté portègnes des JMJ qui vaut son pesant de cacahuètes dans la presse argentine d'hier : les infructueuses tentatives d'interview du Commandant de la Garde Suisse et de l'un de ses subordonnées, qui étaient avant-hier à Buenos Aires pour le vernissage d'une exposition photographique sur leur historique régiment. C'est un vrai gag, car les deux militaires sont aussi bavards que des carpes, comme il sied d'ailleurs à leur fonction et à leur tradition (ils appartiennent tous deux à la petite Muette, 110 bonhommes en fraise, armés de hallebardes, mais entraînés comme des troupes d'élite) :
même gag sur Clarín, qui a lui aussi essayé de leur tirer les vers du nez et tente tant bien que mal de monter en mayonnaise les deux ou trois banalités arrachées à ces deux citoyens aussi discrets qu'Helvètes.
Le même sujet est abordé par La Nación, celui des trois qui se sort le mieux de cet exercice hors norme. Le caractère gaguesque de l'interview impossible n'apparaît plus dans cet article, le plus riche des trois en contenu, mais ne vous attendez pas à des révélations fracassantes. Le fonds demeure tout de même assez mince.

Enfin, un autre coup de chapeau à La Nación, le seul des journaux à se fendre d'un petit entrefilet, avec vidéo intégrée, sur la pause-maté du Pape sur son parcours le long de la plage de Copacabana, dans la nuit hivernale carioca.

Le Pape François buvant au mate (pour éléphant ou camélidé à la veille de traverser le désert)
qu'on lui a tendu dans la foule.
C'est très mal élevé de refuser un mate offert et, en plus, il faut tout boire. Donc ça dure un moment.

Visionner la scène sur TN via La Nación (les médias européens, la commentatrice anglophone de Radio Vatican incluse, n'ont pas compris grand-chose à ce qu'il se passait. Pourtant, ce n'es pas bien sorcier de savoir ce que c'est que le mate quand on est journaliste).

On peut comparer le contenu des articles argentins avec les sources vaticanes.
La différence est considérable, dans tous les sens.
Lire l'article de Radio Vatican en français (qui a traduit hacer lio par un doux euphémisme dans un français châtié du meilleur effet et titré sur l'aveu de souffrance du grand patron) (4). Il y a des sensibilités qui varient selon le point de vue du rédacteur.
Lire l'article du blog du VIS (Vatican Information Service), en français
Lire l'article de Radio Vatican en espagnol, avec audio intégré
Lire l'article du blog du VIS, en espagnol (attention aux citations du Pape, c'est de l'argentin dans le texte)


(1) En Argentine, lors des rassemblements de jeunes, le cardinal Bergoglio se mêlait sans aucun formaliste aux participants, laïcs et ordonnés. L'allusion au passé et à ces bonnes habitudes était transparente. Le fait qu'il ait pensé à la notion de cage en dit long sur ce qu'il a dû ressentir à son entrée dans ce bouillon de culture argentin, avec chants liturgiques des rassemblements de jeunesse et une grande agitation d'emblèmes nationaux en tout genre.
(2) J'ai regardé la rencontre sur le canal Internet du Centre Télévisuel du Vatican (CTV) en choisissant le son original et nu, sans le commentaire de Radio Vatican, pour capter le plus possible l'ambiance à l'intérieur de la cathédrale. D'après les journalistes argentins présents au milieu des pèlerins, il semblerait que la sonorisation intérieure était assez mauvaise, au contraire du signal sonore capté par le CTV, aussi bon que d'ordinaire. Les réverbérations de la sono sont peut-être à l'origine du peu de cas que la presse papier fait de cette douloureuse et discrète confidence finale. Les envoyés spéciaux n'ont peut-être pas bien capté ce qui se disait à ce moment-là.
(3) Les propos du Pape ne sont critiqués ni en bonne ni en mauvaise part. Cependant l'analyse des rédacteurs est claire : l'histoire se répète et l'allocution d'hier leur rappelle de très près les bouleversements venus de Vatican II qui, dans les années 70, ont fait naître sur leur continent la théologie de la Libération, avec tout ce que cela a impliqué par la suite sur le plan ecclésial et politique en Amérique Latine.
(4) Même licuar la fe a été difficile à traduire. Licuar : liquéfier (en l'occurrence, faire passer un aliment de l'état solide, qu'il faut se donner la peine de découper et de mastiquer pour l'ingérer, à l'état liquide, un simple jus qu'il n'y a plus qu'à boire sans avoir à mâcher). Je pense donc qu'il aurait mieux valu traduire par "faire de la foi une purée" ou "une compote". Brefs, des petits pots pour bébé à avaler à la cuillère.

vendredi 26 juillet 2013

Hugo Rivas présente son sixième disque au Torquato Tasso [Disques & Livres]

Ce soir, vendredi 26 et samedi 27 juillet 2013, à 21h, au Centro Cultural Torquato Tasso, Defensa 1575, face au Parque Lezama de San Telmo, le guitariste et compositeur Hugo Rivas présentera son nouveau disque, dans lequel il s'est adjoint des partenaires de luxe, le violoniste Pablo Agri, le guitariste Luis Salinas et les bandonéonistes Leopoldo Federico, Julio Pane, Raúl Garello et Ernesto Baffa. La crème de la crème.

Página/12 pour l'occasion lui consacre une interview dans ses pages culturelles de ce jour.

Mélange de répertoire et de composition personnelle sur ce sixième album d'un musicien assez prolifique.

Pour aller plus loin :

jeudi 25 juillet 2013

Social Tango au Teatro de la Ribera [à l'affiche]

Depuis le 13 juillet 2013, du jeudi au samedi, à 20h, et le dimanche à 19h, se donne au Teatro de la Ribera un spectacle conçu comme un hommage à la milonga et aux danseurs de tango qui le pratiquent pour le plaisir, pour la rencontre, pour la convivialité.


C'est le travail conjoint d'une chorégraphe, Agustina Videla, et d'une photographe, Nora Lezano, collaboratrice de la rédaction de Página/12. Quatorze artistes sur scène, avec les plus grands classiques du tango dansé en bande-son pour une soirée de soixante-dix minutes environ, au Teatro de la Ribera, tout à côté du Museo de Bellas Artes de la Boca Quinquela Martín, sur le port de la Boca (Pedro de Mendoza 1821), le théâtre public que le Gouvernement Portègne a depuis quelques années consacré, à ce qu'il dit, au tango (dans la réalité, on demande à voir !).

Le spectacle a fait l'objet d'une importante couverture de presse, que l'on peut consulter intégralement sur le site du spectacle (où l'on peut aussi directement acheter ses places, avec un envoi vers le système de réservation du théâtre), avec des extraits-vidéos et des photos de la première.

Le spectacle se fait autour d'un fil narratif, toujours le même : un homme connaît une certaine évolution personnelle, en se découvrant lui-même, grâce à son expérience du tango, l'écoute de l'autre, la découverte de la femme danseuse, etc... Rien de bien original en soi, c'est le traitement auquel cette idée donne lieu qui fait la différence avec les spectacles de Tango for Export (tango pour les gogos étrangers) qui viennent faire des tournées régulières en Europe et qui sont essentiellement constitués de prouesses techniques et de costumes invraisemblables.

Voici la présentation officielle publiée par les deux créatrices :

SOCIAL TANGO
La transformación de un hombre a partir de su descubrimiento del tango es el punto de partida de este espectáculo que tiene a Buenos Aires y sus milongas como escenario.
Danza, actuación, video y fotografía se integran para rescatar los movimientos más genuinos del tango social como el abrazo, la caminata y las figuras a tierra, pero con la plasticidad y el concepto de grupo característicos de la danza contemporánea.
Social Tango invita al espectador a vincularse con una música y una danza que le pertenecen, que le son propios. Pero pretende observar ese universo desde el presente, desde nuestra contemporaneidad. E intenta ser, además, un homenaje a todos esos milongueros anónimos, los “desconocidos del tango” que lo bailan todos los días.
Agustina Videla y Nora Lezano

Tango de loisir
La transformation d'un homme à partir de sa découverte du tango, tel est le point de départ de ce spectacle qui a pour décor Buenos Aires et ses milongas.
Danse, jeu théâtral, vidéo et photographie se mélange pour souligner les mouvements les plus authentiques du tango de loisir comme l'abrazo, la caminata (1) et les figures au sol mais avec la plastique et la notion de groupe qui caractérisent la danse contemporaine.
Social Tango invite les spectateurs à entrer en contact avec une musique et une danse qui leur appartiennent, qui sont leur patrimoine (2). Mais il entend observer cet univers depuis le temps présent, depuis notre contemporanéité. Et il chercher à être, en outre, un hommage à tous ces danseurs anonymes, les inconnus du tango qui dansent au jour le jour.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Entrée : de 30 à 45 $ (ce n'est vraiment pas cher), sauf le jeudi, qui est le jour du tarif réduit (día popular), où les places s'emportent à 25 $, à l'orchestre comme au balcon.

Quelques extraits de l'interview sortie ce matin sur Página/12 :

“La milonga es un lugar para compartir; ahí se vive el tango [...] Es un espacio atemporal, donde se encuentran personas de culturas y generaciones distintas. Como muestran las fotografías [...], un chico de 18 años y un hombre de 80 se encuentran en el mismo lugar un sábado a la noche. No importa si sos feo, lindo o flaco, de dónde venís, ni cómo estás vestido, lo único que importa es cómo bailás.”
Agustina Videla, in Página/12

La milonga est un lieu où on partage, c'est là que l'on vit le tango [...] C'est un espace atemporel, où se rencontrent des personnes de différentes cultures et d'âges différents. Comme le montrent les photos [...] un jeune de 18 ans et un homme de 80 se rencontrent au même endroit le samedi soir. Qu'importe que tu sois laid, beau ou pas costaud, d'où tu viens, comment tu es habillé, tout ce qui compte c'est la manière dont tu danses. (3)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

“El tango permite un lugar de expresión creativa muy fuerte que te permite producir un hecho artístico. La posibilidad de improvisar que tiene es muy compleja; es una danza muy rica, que además te conecta con un otro. Es un triángulo poderoso el que surge de la relación entre la música, ese otro y la creatividad, y la gente se transforma con eso. Es movilizador el hecho de abrazarte con alguien desconocido y compartir cosas emocionalmente fuertes con una persona que no sabés ni cómo se llama.”
Página/12

"Le tango offre un lieu d'expression créative très fort qui te permet de produire quelque chose d'artistique. La possibilité d'improviser du tango est très complexe, c'est une danse très riche qui en outre te lie avec quelqu'un d'autre. C'est un triangle puissant qui surgit de la relation entre la musique, l'autre et la créativité et les gens se transforment avec ça. C'est mobilisateur le fait d'étreindre quelqu'un d'inconnu et de partager ces choses émotionnellement fortes avec une personne dont tu ne sais même pas comme elle s'appelle."
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :


(1) Je ne traduis pas les termes techniques. Les danseurs les connaissent dans le texte et aux non-danseurs, même une traduction ne dirait pas grand-chose.
(2) Le spectacle a été pensé pour les Argentins, pas pour les touristes. C'est un très très très bon point ! Allez-y !
(3) Cette vision est de moins en moins conforme à la réalité dans les milongas du centre de Buenos Aires, de plus en plus gagnées par l'esprit de compétition et de discourtoisie qui existe dans les milongas des grandes villes d'Europe et d'Amérique du Nord, car le nombre de touristes qui les fréquentent est très important. Il faut maintenant se déporter dans les quartiers périphériques de l'ouest portègne et quelques milongas alternatives pour trouver ce climat cordial et accueillant.