vendredi 3 janvier 2014

1er et 2 mai à Buenos Aires : le Roman national argentin continue [Human Trip]

Patio du Museo Mitre, avec la statue du maître de maison
Nous poursuivons notre parcours culturel dans la capitale argentine avec l'agence de voyage équitable Human Trip, qui commercialise et opère depuis la France (Aix-en-Provence) ce séjour de deux semaines que j'ai conçu et que j'accompagnerai sur place, du 24 avril au 8 mai 2014, pour 2 740 € par personne (tout compris, à part quelques repas laissés libres), dans un bel hôtel du centre-ville (quartier de Monserrat).

Ces deux jours, au milieu du voyage, s'organiseront autour d'une journée libre (le 1er mai, férié comme presque partout ailleurs dans le monde) et d'une nouvelle journée thématique axée sur l'immigration massive entre 1880 et 1930 et les déclinaisons idéologiques et politiques que cet afflux de population pan-européenne, multilingue et pauvre a suscitées dans ce pays neuf en pleine construction.

Le jeudi 1er mai sera donc une journée de liberté puisque de nombreuses activités sont proposées dans Buenos Aires ce jour-là : certains musées sont ouverts, de nombreux restaurants aussi et même des commerces (mais évitez tout de même les magasins à touristes, c'est cher et la plupart des souvenirs sont made in China). Par ailleurs, à Palermo, à partir du 24 avril, se tiendra la quarantième Feria del Libro, le Salon du Livre de Buenos Aires, la plus grosse manifestation de ce type en Amérique du Sud, avec ses nombreux stands d'éditeurs et d'institutions (dont la Ville de Buenos Aires et le Secrétariat d'Etat national à la Culture), ses conférences, ses projections, ses rencontres avec des auteurs venus de tout le pays et bien au-delà présenter et signer leurs derniers ouvrages, le tout pendant deux grosses semaines d'activités incessantes.
On s'y rend facilement en métro, le centre des expositions se trouvant à deux pas de Plaza Italia, bien reconnaissable avec son monument à Garibaldi.
Des activités communes pourront être proposées au groupe en fonction des desiderata exprimés et des disponibilités du jour.

Arrivée du jour à l'hôtel des Immigrés à la fin du XIXe siècle

Le lendemain, nous aborderons donc cette période charnière de la construction nationale de l'Argentine qu'a été l'ouverture des frontières en grand et qui vit la capitale aussitôt débordée par l'afflux d'immigrants. A la même époque, en effet, après le baby-boom consécutif aux guerres napoléoniennes et l'amélioration rapide des conditions de vie grâce à la révolution industrielle, l'Europe souffrait d'un excédent démographique qui se déversait en flot continu dans les ports de New-York, de Sydney et de Buenos Aires... Et c'est donc à cette époque-clé que le tango a commencé à prendre sa forme définitive, comme j'aurai l'occasion de vous l'exposer dans ma prochaine conférence, mardi 7 janvier à 20h, à la Maison de l'Argentine à Paris (Cité Internationale Universitaire).

Ce 2 mai s'organisera donc autour de deux pôles complémentaires :
d'un côté, le port, tel qu'il est aujourd'hui (et il a bien changé) et la Grande Immigration,
de l'autre ce qu'on appelle traditionnellement la "république conservatrice", c'est-à-dire gouvernée par les patriciens portègnes (1), une droite anglophile, favorable au grand commerce et au libre-échange, tout droit descendue de Bernardino Rivadavia, fondateur de ce grand courant de l'époque révolutionnaire et que nous aurons rencontré à travers nos parcours autour de la Révolution de Mai et du Général San Martín.

La Douane Taylor (Aduana Taylor) au fond, en 1888,
et les lavandières travaillant sur la rive du Ríp de la Plata

Après le petit-déjeuner, que le Monserrat Apart Hotel propose sous forme d'un buffet libre-service, je vous dresserai une esquisse de cette époque mouvementée dans la salle de conférence de l'hôtel puis nous prendrons la direction du Vieux Port, l'actuel quartier, hyper-chic, de Puerto Madero, issue de la réhabilitation de luxe des vieux quais où toute cette population s'est déversée pendant cinq décennies avec une seule interruption, celle de la Grande Guerre. C'est là qu'est arrivée un jour une Française de Toulouse, nommée Berthe Gardes, son petit garçon de deux ans dans les bras, un bébé qui allait devenir le plus grand chanteur de tango de tous les temps. Il s'appellera Carlos Gardel, vous l'aviez deviné.

Cette partie du port est désormais réservée à la navigation de plaisance. Les vacances en pleine cité urbaine : on se croirait sur la côte d'Azur ou la Costa Blanca. Le musée de l'immigration, que nous visiterons s'il est ouvert, occupe le bâtiment d'un ancien centre d'accueil fort peu accueillant, où s'entassaient les immigrants que n'attendaient ni amis ni famille (ce n'était pas le cas de Berthe Gardes, à qui ses amis sur place épargnèrent la promiscuité épouvantable de cet avant-goût de purgatoire). Le long des quais, de nos jours, sont amarrés deux splendides navires à voile et à moteur transformés en musées nationaux : l'ancien navire-école de la marine argentine, la frégate ARA Sarmiento, désarmée lorsque la Libertad a été mise en service (voir mon article sur le rapatriement il y a un an de ce somptueux trois-mâts de la Marine argentine) et un navire d'exploration antarctique, lui aussi désarmé, la corvette ARA Uruguay (2).

Pour le déjeuner, deux solutions s'offriront à nous : pique-niquer devant ce cocktail de gratte-ciels et d'eau qui composent un paysage improbable et peu bruyant, typiquement portègne, dont la classe possédante a fait disparaître toute trace de souffrance et d'humiliation sociale en transformant docks et grues en décor d'industrie élégante, ou déjeuner, un peu à la française, dans l'un des restaurants huppés du coin. Deux façons d'aborder cette ville profondément contrastée...

Dans l'après-midi, retour à Monserrat : nous visiterons le musée Mitre, dans la rue San Martín.
Un musée national établi au domicile de Bartolomé Mitre (1821-1906), grand intellectuel de la droite, inspirateur de la pensée dominante argentine, historien qui fixa l'interprétation officielle de la Révolution de Mai et les biographies des grands héros que furent San Martín, Belgrano et Pueyrredón, patron de presse (il a fondé le quotidien La Nación, toujours dirigé par l'un de ses descendants), officier unitaire portègne, Gouverneur de la Province de Buenos Aires (1860-1862) et même Président de la Nation (1862-1868).
Ce personnage ambigu et fondamental, nous l'aurons déjà découvert le premier jour, en visitant le musée national du Bicentenaire, sous la Casa Rosada.

Mitre aujourd'hui : sur le billet de 2 pesos
Au revers, la façade du musée Mitre, rue San Martín

Véritable bête noire de la gauche argentine actuellement à la barre, l'homme était pourtant un intellectuel brillant, un érudit, propriétaire d'une bibliothèque qui fait encore autorité à juste titre (et qu'on peut consulter tous les mercredis, à condition de prendre rendez-vous), étonnant auteur d'un dictionnaire bilingue pampa-espagnol (3) et si on lui reproche aujourd'hui ses écrits manipulatoires pleins de partis-pris (4), il se comporta la plupart du temps comme les historiens de son siècle, tous plus politiciens et militants que chercheurs scientifiques comme nous l'entendons aujourd'hui. En fait, après un début du XIXème siècle où l'on avait vu quelques esprits encore sous l'influence des philosophes des lumières tenter de se tenir à bonne distance de leur sujet d'étude (5), dans la seconde moitié du siècle on ne voyait dans l'histoire qu'un outil de gouvernance comme le sont aujourd'hui les promesses électorales qui n'existaient guère dans cette république reposant sur le suffrage ultra-censitaire et surtout oral (6).

Le musée est une maison typiquement patricienne à visiter pour elle-même. Elles sont peu nombreuses à Buenos Aires, où, heureusement pour nous, les demeures de Sarmiento (dans le quartier de Belgrano) et celle-ci ont été préservées.
Côté muséographique : l'exposition permanente se compose de deux collections distinctes, l'une sur la vie et l'œuvre politique et militaire du prócer (comme on appelle en Argentine les grands personnages historiques), l'autre est constituée de documents historiques rassemblés par Mitre lui-même, parmi les archives et les souvenirs de Belgrano, San Martín et Pueyrredón, qui lui ont été cédées par les familles respectives des trois héros (próceres eux aussi) et qu'il a longtemps considérés comme des curiosités participant de son patrimoine privé alors qu'il les avait obtenus en usant de son mandat officiel de président du pays ! (7)

Juan Vattuone au Torquato Tasso
(retrouvez-le dans l'écran de veille que je vous propose cette année)

Pour la soirée, nous irons écouter de la musique, dans un bistrot ou un centre culturel de quartier, comme le font les Argentins, qui y dînent avant le spectacle, à la bonne franquette et à des prix très abordables... Nous irons écouter ce que l'affiche nous proposera ce soir-là. Le droit au spectacle est inclus dans le prix du voyage, le repas reste libre.

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Pendant tout le voyage, nous séjournerons au Monserrat Apart Hotel, qui propose des chambres équipées d'une kitchenette, où il est donc permis de prendre un repas léger. Ce mode d'hébergement permet d'équilibrer le budget et le régime alimentaire de chacun (c'est nettement moins cher et beaucoup plus sain que de prendre tous ses repas au restaurant car cela évite les commissions léonines des intermédiaires en tout genre. Et Dieu sait s'ils sont gourmands !)
Vous pouvez consulter le site Internet de cet hôtel, les informations reflètent la réalité de l'établissement.
Le Monserrat Apart Hotel dispose aussi d'une page Facebook.

Le programme complet du séjour est disponible en format imprimable sur mon site Internet et en lecture en ligne sur le site de l'agence Human Trip, qui est à votre disposition pour répondre à toutes vos questions (conditions de vente, modalités de paiement et d'inscription et toutes les autres questions techniques).
Ce séjour comporte plusieurs soirées libres, notamment à l'intention des danseurs de tango qui souhaitent profiter des milongas portègnes.

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Grâce à son correspondant sur place, Human Trip peut vous proposer des extensions vers d'autres destinations, tant en Argentine que dans les pays limitrophes, à l'intérieur des dates prévues (vous pouvez sauter des étapes de notre séjour si vous le souhaitez), soit avant l'arrivée du groupe, le 25 avril, soit après son départ le 7 mai.
L'agence est à votre service
pour vous construire un programme sur mesure.
Contactez-la par mail (info@humantrip.fr
ou par téléphone (04 86 11 01 71).

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Pour en savoir plus sur les éléments de ces deux jours :
Visitez le site Internet de la Feria del Libro (quelques points du programme commencent à être annoncés)
Connectez-vous à la page Facebook de la manifestation

Pour en savoir plus sur les quartiers concernés par ces deux journées, cliquez sur leur nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.
Pour accéder à l'ensemble des articles concernant ce voyage, cliquez sur le mot-clé Human Trip.



(1) Cette époque est dominée par la politique unitariste, qui suivit la phase fédérale, avec l'impérialisme portègne de Rosas de 1835 à 1852 (voir mon article sur la journée à Palermo) suivi du fédéralisme de l'intérieur, sous l'impulsion du général Justo José Urquiza de 1852 à 1861. Général Urquiza que Mitre contribua à chasser définitivement du pouvoir à la bataille de Pavón (17 septembre 1861) : lassé par les soulèvements trop fréquents des partisans de l'unitarisme portègne, Urquiza préféra lui laisser la victoire pour éviter un massacre fratricide. Tant et si bien que Mitre est un général qui n'a jamais connu de vraies victoires, ce qui n'a pas empêché qu'il soit présenté aux écoliers argentins comme un immense héros militaire (qu'il n'a jamais été).
(2) Le sigle ARA précède les noms des bâtiments militaires. C'est l'abréviation de Armada de la República Argentina (Marine de la République argentine).
(3) La langue pampa est celle que parlaient les Amérindiens de la Province de Buenos Aires. De la part de Mitre, on s'attend à tout, sauf à cet intérêt pour un phénomène culturel aborigène tant sa politique fut hostile aux premiers habitants du Nouveau Monde, considérés pendant son mandat et longtemps après comme des sauvages sans aucun droit et bientôt comme des sous-hommes à exterminer (1870).
(4) Certains de ses contemporains eux-mêmes les avaient déjà dénoncés, notamment Carlos Guido Spano, considéré comme un grand poète de son temps. Il était le fils de Tomás Guido, compagnon politique et militaire de San Martín, et Mitre avait fait passer par pertes et profits le vieux révolutionnaire, qui avait travaillé aux côtés de Pueyrredón puis de San Martín, en Argentine, au Chili et au Pérou. Guido mourut en 1866 et Mitre, alors chef d'Etat, eût l'indécence de ne pas lui rendre hommage et s'abstint même de visiter la famille endeuillée, ce qui constituait un affront délibéré. Tout ça parce que Guido, comme San Martín, s'était abstenu de participer à la guerre civile entre fédéraux et unitaires, de son déclenchement en 1820 jusqu'à sa mort, alors que le conflit persistait. Inutile de vous préciser que les accusations portées par Carlos Guido Spano contre Mitre et ses adeptes, notamment dans la Revista de Buenos Aires, sont saignantes...
(5) J'en montrerai quelques exemples dans mon prochain livre qui approfondira la figure de José de San Martín.
(6) On parlait alors de voto cantado (vote chanté). On votait à haute voix, à main levée ou avec bulletin mais sans isoloir. Ainsi donc, dans le petit cercle des électeurs où tout le monde connaissait tout le monde, chacun savait ce que les autres votaient tant et si bien que le scrutin relevait souvent d'une entente préalable au sein d'un groupuscule dominant, tantôt à travers des discussions en loge maçonnique, tantôt au cours d'un déjeuner dominical d'après-messe présidé par le Nonce apostolique ou l'évêque du lieu, deux techniques impeccables qui permettaient de dégager facilement des majorités on ne peut plus confortables... A la même époque, en France, les collèges électoraux du Second Empire se chauffaient peu ou prou du même bois.
(7) Mitre est un exemple de la pratique ordinaire de la corruption et du népotisme dans cette belle société unitaire de Buenos Aires qui monta à des niveaux inouïs à l'époque suivante connue sous le nom de Generación del Ochenta (1880-1916).