samedi 5 avril 2014

Quand le destin de l'Amérique du Sud basculait, la France légitimiste regardait, incrédule et perplexe [Disques & Livres]

La bataille de Maipú
lithographie de Géricault,
datée de l'année de l'exposition du Radeau de la Méduse au Salon du Louvre
le peintre français n'a jamais mis les pieds sur place
ni rencontré les protagonistes
Le paysage sort comme l'ensemble de la scène de son imagination enflammée
par la lecture des journaux où il cherchait souvent ses sujets

Le 5 avril 1818, après la douloureuse surprise de Cancha Rayada, le 19 mars précédent où ses troupes avaient été surprises de nuit pendant une manœuvre et dispersées aux quatre coins de la province de Santiago (voir le préambule de mon article précédent sur la question), le général José de San Martín reprenait définitivement l'avantage contre les troupes coloniales pro-espagnoles, dans la plaine de Maipú, qu'on appelle aussi Maypo ou Maipo, à travers l'une des plus formidables batailles de toute la guerre d'indépendance, l'homérique bataille de Maipú, celle qui a donné son nom à une célèbre rue du centre de Buenos Aires, à des villes et des départements argentins, sans parler du champ de bataille lui-même qui se trouve au Chili et qui est à présent marqué par différents monuments commémoratifs auxquels on accède grâce à de larges avenues dans une vraie ville qui a pris la place de l'ancien domaine viticole ravagé par le combat en pleine époque de vendanges.

Le Journal des Débats du 7 juillet 1818
Le quotidien parisien raconte la surprise de Cancha Rayada qui date du 19 mars 1818

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San Martín par lui-même et par ses contemporains,
Denise Anne Clavilier,
sortie prévue en mai 2014, à 24,90 € en librairie,
en souscription jusqu'au 30 avril au prix de lancement de 20 €.
384 pages, 150 documents historiques d'origine hispanophone, anglophone et francophone, avec traduction en français en vis-à-vis pour les textes en espagnol et en anglais, soit une trentaine d'auteurs divers, reflétant l'éventail des amis, partenaires, supérieurs et subordonnés, adversaires et ennemis que San Martín croisa au cours des soixante-douze ans d'une vie qu'il acheva en France, à Boulogne-sur-Mer, le 17 août 1850.

Episode n° 8

Pour lire la totalité des articles de présentation de ce nouvel ouvrage, cliquez sur le mot-clé SnM ant Jasmin dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

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La nouvelle de la bataille de Maipú parvint en Europe en juillet 1818, par Londres.

Première mention de Maipú dans le Journal des Débats
Nous sommes le 15 juillet 1818 et le rédacteur est dubitatif.
Pour sa défense, il y avait de quoi eu égard
aux cris de victoires poussés par Osorio trois semaines plus tôt.
La Cité dont il est question ci-dessus est ce qu'on appelle aujourd'hui La City à Londres.

Pour un autre regard sur ce moment-clé de l'histoire américaine, je vous renvoie à un précédent article que j'avais publié dans ce blog sur le sujet lorsque je vous présentais San Martín à rebours des conquistadors, la biographie française du héros argentin.
Londres devait cette primeur des événements du Nouveau Monde à la maîtrise des mers que la Royal Navy avait conquise à Trafalgar, contre l'Espagne et la France, en 1805 et aux déjà nombreux officiers et commerçants britanniques qui travaillaient aux côtés des indépendantistes, comme j'en compte plusieurs parmi les auteurs rassemblés dans ce nouveau livre (Samuel Haigh, William Miller, Basil Hall... - voir l'article que je leur ai consacré le 21 février dernier)

En France, régnait alors Louis XVIII qui venait de faire rétablir à Paris, en grande pompe et devant le ban et l'arrière-ban du royaume, la statue de son ancêtre Henri IV, à l'emplacement que nous lui connaissons aujourd'hui, sur le Pont-Neuf.

La France comptait déjà quelques quotidiens, beaucoup moins nombreux qu'en Grande-Bretagne. Le plus célèbre et le plus lu était sans doute le Journal des Débats, qui affichait alors des convictions légitimistes.
Comme vous pouvez l'imaginer, la nouvelle de la défaite du général espagnol Osorio défrisait cette France contre-révolutionnaire dont les messieurs qui se respectaient portaient à nouveau la perruque poudrée (1).
A Londres, le ton des journaux était tout autre : les victoires indépendantistes réjouissaient les députés des Communes comme les membres de la Chambre des Lords ainsi que les corporations, qui y voyaient la promesse de nouveaux marchés pour l'exportation de marchandises bon marché dont la révolution industrielle avait permis sur l'île la production à grande échelle.

En France, les gazetiers se plongeaient donc dans la lecture des quotidiens britanniques et en tiraient des articles qu'ils assaisonnaient de commentaires tendancieux. Le résultat ne manque pas de nous renvoyer à l'information souvent contestable ou approximative et parfois péremptoire dont nous bombardent nos médias modernes, malgré Internet et le temps réel à l'échelle de l'univers, sur les événements d'Ukraine, de Crimée, de Syrie ou du Venezuela.

Dans San Martín par lui-même et par ses contemporains, j'ai choisi de vous faire suivre ces événements à travers un journal francophone démocrate suisse, au ton très différent du réactionnaire Journal des Débats. Toute l'épopée est retracée en fin de volume, dans les annexes, à travers une trentaines d'articles qui s'étendent de juin 1817 à avril 1824.
Dans Barrio de Tango, je refuse que les campagnes de présentation que je développe autour de mes livres répètent les documents que j'ai traités dans les livres, car la masse du matériel disponible et inconnu chez nous ferait de cette stratégie un véritable gâchis (ou un chef-d'œuvre de paresse : moins j'en fais, mieux je me porte, délayons...).

Aujourd'hui, je préfère donc vous inviter à un voyage dans le temps : transportons-nous dans le Paris d'il y a deux siècles en lisant ce qui constitua l'information de nos lointains ancêtres dans un royaume de France encore occupé par les troupes coalisées, qui avaient définitivement battu Napoléon à Waterloo.

Le 18 juillet, le Journal des Débats se fait une raison et rend compte
de "la défaite de Maypo à 20 milles au sud de San-Jago"
Admirez la différence de taille entre cet article et celui du 7 juillet !

Dans le recueil à paraître en mai, vous pourrez constater à quel point les gazetiers européens de l'époque s'écartaient de la réalité des événements de ces lointaines contrées, les uns à cause de leur volonté de peindre en noir les faits (c'est le cas de notre Journal des Débats), les autres (c'est le cas du journal roman) à cause des maigres sources auxquelles le rédacteur avait accès et partant sa faible capacité de dresser une analyse critique valide des faits rapportés. Et pourtant, cette presse fut une des armes très efficaces que San Martín, de loin, sut utiliser pour mettre l'opinion publique européenne du côté des indépendantistes contre l'Espagne suffisante de la Restauration.

Le Journal des Débats reprend un article du Times le 19 juillet

Toutes les informations sur la souscription sont sur ce blog (mot-clé SnM ant Jasmin), sur mon site Internet et sur celui de mon éditeur, les Editions du Jasmin.
Nous serons d'ailleurs, l'éditeur et moi, présents demain à la Fête des Enfants organisée par le Lions Club d'Antony en faveur des enfants de cette ville des Hauts-de-Seine.

Le 15 août 1818, le Journal des Débats rend compte d'une lettre datée de Rio de Janeiro
plutôt acide à l'égard de San Martín, que l'on taxe de démagogie.
Je vous laisse découvrir les faits exacts
dans San Martín par lui-même et par ses contemporains.
Ici, on a peut-être affaire à une entreprise d'enfumage
de la part de Carlos de Alvear ou de l'un de ses sbires.

Avant ces faits inouïs, personne n'imaginait que
San Martín tenterait d'éviter les vivats de la foule.
D'où vient à ce curieux informateur une pareille analyse ?
San Martín est arrivé à Buenos Aires dans la nuit du 10 au 11 mai.
Inutile de vous dire que le 2 juin à Rio,
l'affaire était sans doute déjà connue dans ses moindres détails.
L'anecdote n'a d'ailleurs pas tardé à faire le tour du continent américain
comme un trait de caractère du général.

Pour lire d'autres documents historiques concernant ce grand personnage de l'histoire argentine, sud-américaine et occidentale dans ce blog :

Sur sa famille (les documents sont rares à nous être parvenus) :
San Martín en grand-père avec ses petites-filles, dans son exil à Evry – vous savez, la ville dont le nouveau Premier ministre français a été le flamboyant maire (bonus du blog en complément du livre)
Portrait par petites touches de son épouse, Remedios de Escalada (1797-1823), un autre bonus pour les lecteurs de mon blog
Mon article consacré au bicentenaire de leur mariage à Buenos Aires les 12 et 19 septembre 1812

Sur son action militaire :
Le code d'honneur qu'il imposa aux officiers de son régiment d'élite, les Grenadiers à cheval, aujourd'hui Escorte présidentielle (bonus en complément du livre)
Le combat de San Lorenzo (3 février 1813) raconté par San Martín dans son rapport au Gouvernement provisoire des Provinces Unies du Río de la Plata (figurera parmi les documents de San Martín par lui-même et par ses contemporains)
La bataille de Chacabuco (12 février 1817) en espagnol triomphant dans la Gazette de Buenos Aires (dont les textes figureront dans San Martín par lui-même et par ses contemporains) et en français grimaçant dans le Journal des Débats (bonus en complément du livre)

Sur la campagne libératrice du Pérou (1820-1821) :
Le général en chef au quotidien, tel que l'a observé l'officier écossais Basil Hall au large de Lima (1820-1821), un nouveau bonus en complément du livre
La stratégie de la campagne expliquée par San Martín lui-même à notre observateur britannique (le dernier bonus du blog en complément du livre sur ce point)

Sur son action politique :
Le jugement enthousiaste du cabildo de Mendoza (le conseil municipal d'Ancien Régime encore en vigueur) sur l'action du Gouverneur San Martín (bonus)
La campagne du Pérou vue de l'Espagne pendant la révolution libérale qui mit à l'écart le roi Fernando VII (Diario Constitucional de Barcelona), un autre bonus
Le gouvernement du Pérou analysé vingt ans après par un témoin français, Gabriel Lafond (un troisième bonus sur la question)

sur le mythe de San Martín :
Mon article sur le bicentenaire de son arrivée à Buenos Aires, le 9 mars 1812 (un entrefilet de la Gazette de Buenos Aires qui figurera dans San Martín par lui-même et par ses contemporains)
L'hymne au Général Libérateur José de San Martín (Himno al General Libertador José de San Martín)
La Marche de San Lorenzo (Marcha de San Lorenzo, avec en prime un dessin animé jubilatoire destinés aux écoliers argentins, pour les aider à mémoriser ce monument du répertoire patriotique)
L'inauguration d'une salle San Martín au Museo Histórico Nacional de Buenos Aires dans les séries Chroniques de Buenos Aires et Retours sur Images
Le programme de la journée consacrée à San Martín dans le voyage culturel que je vous propose à Buenos Aires avec l'agence de tourisme solidaire Human Trip (bientôt de nouvelles dates, pour un départ en novembre 2014)

San Martín par lui-même et par ses contemporains
la 4ème de couverture


(1) Ces mêmes perruques d'un autre temps que des galapiats de poètes romantiques, mené par cet agité de Théophile Gautier, allaient pêcher à la canne et à l'hameçon au parterre de la Comédie Française pendant les représentations d'Hernani, le drame de leur ami Victor Hugo, douze ans plus tard. Mais en 1818, ils étaient encore tous légitimistes et fiers de l'être. Un groupe de légitimistes dont Géricault faisait alors encore partie malgré certaines prises de distance dont Le Radeau de la Méduse est un des symptômes.