jeudi 18 décembre 2014

Mate, milonga e auguri, Piazza San Pietro, Roma [Actu]

Qué vida, l'un des compléments de La República, à Montevideo
Edition de ce jour
Hier, vers 11h20, à l'issue de l'Audience Générale, environ 2 500 personnes (d'après le Vatican), répondant au mot d'ordre (au reste passablement arrogant) (1) d'une animatrice de la communauté tango de Ravenne, se sont lancées dans une milonga à ciel ouvert, sur Via della Conciliazione. Ils n'avaient pas obtenu l'autorisation de le faire sur la place Saint-Pierre, encombrée de chaises pour l'audience et en pleine préparation de la décoration du sapin géant et de la crèche au pied de l'obélisque central. Sous un soleil brillant et un ciel tout bleu, ce fut une milonga en doudoune, grosse laine et passe-montagne ! Avec une sono tonitruante et un choix musical très banal de musique en boîte des années 40, si j'en crois ce qu'a capté et retransmis le micro du CTV, associée à la caméra fixe qui surmonte toute la place.

Une des photos de la milonga
L'article du Vatican en français renvoie à une page Facebook francophone
présentant un important album photographique

Le prétexte, car c'en était bien un, était de fêter l'anniversaire du Pape François, à qui cela fait visiblement une belle jambe. Lui qui n'apprécie guère ce culte de la personnalité que certains montent autour de lui et qui se garde d'en être dupe a laissé faire sans s'intéresser à la chose. Avec son affabilité habituelle, il a toutefois fait aux danseurs la courtoisie de les saluer deux fois, d'abord à la fin de sa prise de parole de espagnol où il est sorti de son texte pour leur souhaiter "un bon spectacle" (preuve s'il en est besoin qu'il ne s'était guère informé de ce qui se préparait) puis au cours du discours final en italien, où il a souhaité, avec un sourire, que "souffle" sur l'œuvre du Bernin "un peu du vent de la Pampa" (le pampero).

Parmi les manifestations d'affection dont il a fait l'objet à cette occasion, il y a eu qui lui sont allés au cœur de manière visible. Des pèlerins, dont un groupe de séminaristes argentins, à une autre occasion peut-être de simples touristes lui ont offert des mates brûlants, sûrement bienvenus dans la fraîcheur hivernale et il y a aussi eu un gros gâteau d'anniversaire décoré d'une poignée de bougies qu'il a tenu à souffler. Mais sa vraie fête d'anniversaire, pour lui, c'était de recevoir une nouvelle fois très tôt le matin une demi-douzaine d'indigents vivant dans un refuge de la gare Termini, auxquels il a fait donné la place d'honneur sur le parvis de la Basilique à l'heure de l'Audience.

Hier, le Pape a accepté plusieurs mates, dont celui-ci très beau et très dépouillé

Ce matin, les nouvelles, beaucoup plus significatives, en provenance de La Havane et de Washington ont relégué au fin fond des sites Internet des quotidiens rioplatenses les articles que les journalistes argentins avaient consacrés, dès hier, aux festivités romaines.

A noter, que même La República, à Montevideo, y va de son pittoresque pour célébrer le lien entre le Souverain Pontife et la musique du Río de la Plata.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín, qui ajoute ce matin un papier sur la pose d'une plaque commémorative sur la maison natale du Pape à Flores
lire l'article de La Nación qui s'est paresseusement contentée de concaténer des dépêches d'agence, préférant mettre l'accent sur un retour en arrière sur ce mois de décembre 1936 qui avait vu naître le petit Jorge Bergoglio à Buenos Aires
lire l'article de La República (en Uruguay) qui ajoute une interview de la danseuse à l'initiative de la manifestation.
On peut aussi lire les articles publiés par le Vatican, en français et en italien (je n'ai rien vu en espagnol, et c'est souvent le cas).


(1) Depuis la fin de l'été, elle a animé une page Facebook au ton exalté et revendicatif que j'ai trouvé très déplaisant. Imposant son idée de milonga illégale à la manière péremptoire et envahissante des rave parties, à cette différence qu'il s'agissait d'investir un coin de ville (et qu'il n'y probablement pas eu de trafic de stupéfiant). Elle appelait les danseurs à inonder le Vatican de demandes d'accès à l'audience et à passer outre les consignes des autorités publiques, que ce soit du Saint-Siège ou de la ville de Rome, à s'apprêter à danser à tout prix, comme s'il s'agissait de lutter pour conquérir un droit civique dans un pays dictatorial... en Italie ! Etrange façon de rendre hommage à un pape en encombrant le monde, Internet et l'espace public de son petit moi à l'occasion d'une catéchèse et d'une réunion internationale de prière ! Le pire est qu'elle a obtenu ce qu'elle cherchait : des journalistes de l'autre bout du monde se sont intéressés à elle comme si elle avait un message à délivrer alors qu'elle ne profère que les banalités qu'on lit partout hors d'Argentine dans la bouche des danseurs de tango. Tant et si bien que j'ai moi-même hésité à écrire cet article.