lundi 15 décembre 2014

Un méga-pot de départ pour saluer Zaffaroni [Actu]


Le juge à la Cour suprême Raúl Zaffaroni, grand pénaliste reconnu à l'échelle internationale, vulgarisateur talentueux de sa matière et député conventionnel à l'Assemblée constituante de 1994 qui a modifié la charte fondamentale argentine, a annoncé, il y a plus d'un mois, son irrévocable démission à la fin de l'année civile. Ce brillant militant des droits de l'homme et de la démocratie estime en effet que les emplois publics à vie relèvent de la monarchie et non de la république, or il est foncièrement républicain, et qu'à 75 ans bientôt révolus, il est temps pour lui de laisser la place à un confrère plus jeune.

Ses admirateurs ne se comptent plus, en Argentine et à l'extérieur du pays, et ce n'est que justice, sans calembour douteux. Ces admirateurs, parmi lesquels on compte bien entendu une grande partie des soutiens de l'actuelle majorité, n'entendent pas le laisser s'en aller comme ça, sans tambours ni trompettes. La Universidad Nacional San Martín, dite UNSAM, située dans la ville homonyme de la proche banlieue ouest de Buenos Aires, très engagée dans les enjeux de la liberté politique et de la démocratie à l'image de sa figure tutélaire, organise ce soir, à 18h, une grande fête, avec une pléiade d'artistes très engagés dans la lutte pour les droits de l'Homme (1) et le ban et l'arrière-ban des ONG de droits de l'Homme, comme Madres de Plaza de Mayo et Abuelas de Plaza de Mayo.

De son côté, le site du Ministère de la Justice Infojus Noticias, aux mains de Julio Alak, ancien maire de La Plata, a ouvert un espace dédié à l'événement, qui abrite un bel hommage audiovisuel qui évite la plupart des pièges de la récupération politique : plein de photos de l'intéressé à tous les âges, souvent très souriant, fraternel, cordial, un chapitre consacré à sa monumentale bibliothèque et même un petit jeu en ligne.

Une belle photo publiée par Infojus Noticias
Le juge en train de boire le mate dans son bureau de la Cour Suprême

L'UNSAM rassemble tout cela sous le slogan, un chouia provocateur, "Zaffaroni juez de la Patria", un décalque du titre accordé après sa mort au général San Martín, el Padre de la Patria (1778-1850). C'est drôle et significatif en même temps, car les deux hommes partagent plusieurs traits de caractère et de personnalité. Ils sont tous les deux dotés d'un bon sens de l'humour, savent fédérer les gens et les mobiliser, ils ont une culture générale monumentale, aiment passionnément leur pays, consacrent leur force à la lutte pour la liberté politique et savent se retirer des affaires publiques sans s'accrocher à leur pouvoir...

Si Página/12 s'en est réjoui dans ses pages hier, Clarín a aussitôt contre-attaqué avec, dans les termes, une violence et un emportement qui montrent à quel point ce journal reste éloigné des exigences de la démocratie, du respect de la pluralité des opinions dans une société libre, des enjeux de la justice dans un Etat de droit, que Zaffaroni n'a pas cessé de servir durant sa longue carrière. De son côté, un autre quotidien de l'opposition, La Prensa, rend compte de la fête à travers un entrefilet neutre, dont le ton n'est pas loin d'être bienveillant.

Plusieurs professeurs de droit prendront la parole au cours de l'acte académique et la manifestation sera ouverte au grand public.

Je suis heureuse aujourd'hui de participer à travers ce blog à l'hommage rendu à un grand bonhomme de la Démocratie.
Le clin d'œil de Miguel Rep, ce matin, à la une de Página/12

"Zaffaroni Président. Ou Premier ministre. Ou Roi de Justiceland. Ou Président du Monde. Ou Pape.
Clameur auto-réalisatrice (mais après, il ne démissionne pas, hein ?)"
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour en savoir plus :
consulter les pages Zaffaroni, pleines d'humour, dans Infojus Noticias.


(1) Les folkloriste Liliana Herrero et Peteco Carabajal, ainsi que le musicien Ignacio Montoya Carlotto, petit-fils de Estela de Carlotto qui a retrouvé sa famille de naissance en août dernier.