jeudi 27 février 2014

Barrio de Tango et Tango Negro à la Porte de Versailles pour le printemps [ici]

Mes deux ouvrages sur le tango parus aux Editions du Jasmin seront disponibles au stand de la librairie du Salon du Livre de Paris, du 21 au 24 mars 2014, à la Porte de Versailles. Il s'agit de Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins et de Tango Negro, manifeste de Juan Carlos Cáceres dont j'ai assuré la traduction en français et l'ensemble des commentaires à l'usage des lecteurs européens. Ils sont respectivement parus en mai 2010 et en avril 2013.

Cette année, le stand librairie est confié à la FNAC.

L'Argentine est le pays invité d'honneur du Salon. Le Secrétariat d'Etat à la Culture envoie à Paris une cinquantaine d'auteurs, parmi lesquels vous pourrez rencontrer Miguel Rep, dont je vous parle assez souvent dans ces colonnes (c'est l'un des dessinateurs de presse du quotidien Página/12, un artiste de grand talent, pour ne pas dire plus).

Entrée : 20 € par personne. Cette année, le salon propose des formules familiales qui semblent intéressantes.


Pour de plus amples informations sur l'ensemble de mes livres :
visiter le site Internet des Editions du Jasmin
visiter les pages livres de mon site Internet

cliquez sur les cinq couvertures affichées dans la Colonne de droite de ce blog.

mercredi 26 février 2014

San Martín tel qu'en lui-même, selon l'un de ses contemporains [Disques & Livres]

Présentation de San Martín par lui-même et par ses contemporains : épisode 4.

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* * *

Photo publiée hier par le RGC sur sa page Facebook
A l'intérieur du Templete.
Derrière la sentinelle, les ruines de la maison natale de San Martín

Hier, on célébrait l'anniversaire de la naissance de José Francisco de San Martín y Matorras (1778-1850), qui, toute sa vie, laquelle fut fort longue eu égard à son époque et à ses activités militaires, est resté éminemment fier d'être né à Yapeyú, petite ville guaranie située sur la rive occidentale du fleuve Uruguay et donc aujourd'hui dans la Province de Corrientes. Son père, Don Juan de San Martín y Gómez, qui avait alors cinquante ans, y était gouverneur-adjoint, placé sous les ordres d'un officier supérieur qui dépendait lui-même de Buenos Aires. Près de quarante ans plus tard, en 1817, Yapeyú fut très disputée entre les Argentins et les Brésiliens qui voulaient s'implanter de l'autre côté du fleuve. La ville résista et elle fut entièrement incendiée. Le feu a donc détruit les archives de la paroisse et celles du gouvernorat, bref tout ce qui aujourd'hui pourrait attester par écrit de sa naissance et de ses premières années dans ce lieu, si loin de la capitale vice-royale de l'époque.

Après la mort de San Martín, on a tenté d'identifier parmi les ruines ce qui aurait été la maison du vice-gouverneur. Le choix s'est fixé une moitié d'une belle maison de sept pièces au-dessus de laquelle la République argentine a construit un grand bâtiment blanc, qui la protège des intempéries et sert aussi de musée. C'est à l'intérieur de ce musée, qu'on appelle El Templete de Yapeyú, qu'hier le vice-gouverneur de la Province et le maire de la commune ont rendu l'hommage habituel, à l'abri des orages monstrueux qui affectent depuis plusieurs jours le Litoral argentin (avec beaucoup de dégâts à la clé).

Excellent petit documentaire argentin sur Yapeyú
Une production Altasierra (Córdoba)

Le quotidien provincial, Corrientes Hoy, en rend compte ce matin avec une galerie d'images, en nous précisant que l'hommage s'est tenu à l'heure même où eut lieu la naissance il y a 236 ans (1).

La disparition hier en Uruguay de Carlos Páez Vilaró m'a fait reporter à ce soir l'article que j'avais prévu de publier pour marquer cette date dans le cadre de la présentation de San Martín par lui-même et par ses contemporains, que je publie en mai aux Editions du Jasmin.

* * *

Je vous propose, en version bilingue bien entendu, une petite page du capitaine Basil Hall (1788-1844), de la Royal Navy, choisie parmi les notes qu'il a prises en 1821, quelques jours avant que San Martín n'entre dans la capitale péruvienne. Cette poignée d'anecdotes nous montrent un San Martín proche des autres, sensible et terriblement attachant. L'inverse de l'arrogance napoléonienne qui nous vient spontanément à l'imagination lorsque nous pensons à ces généraux de l'époque révolutionnaire.



Comme je vous le disais dans mon précédent article, Basil Hall, commandant de HMS Conway, croisait entre El Callao et Valparaíso pour veiller aux intérêts commerciaux du Royaume-Uni au milieu des désordres de la guerre. Sur les côtes péruviennes, il passait ainsi de San Martín au vice-roi Pezuela, puis après le renversement de celui-ci, au vice-roi La Serna pour prendre la mesure de la situation et donner à ses compatriotes négociants, installés au Pérou, les conseils les plus avisés. Comme on va le voir, entre San Martín et les deux vice-rois, il se fit vite une religion et son attitude, apparemment neutre, aida objectivement la cause indépendantiste.
Sur la politique de San Martín à propos de Lima et du Pérou, voir l'article publié le 4 décembre 2012, appuyé sur un autre témoin, français celui-là, Gabriel Lafond.

Je prends le livre de Hall au moment où une toute première délégation de Lima vient de se présenter à bord de la corvette Moctezuma, pour sonder les intentions de San Martín. Basil Hall est à bord, peut-être parce qu'en tant qu'officier neutre, il accompagne les parlementaires. San Martín vit sur ce bâtiment, à quelques encablures du reste de la flotte chilienne, commandée par Lord Cochrane. Le marin britannique nous rapporte maintenant la réponse du général à la délégation limègne.

Nous sommes le 7 juillet 1821, quelque part à l'ancre, dans les passes qui mènent au port fortifié du Callao, presque à portée de canon de la plus puissante rade militaire des Nouvelles Indes, alors que les troupes du vice-roi ont déjà quitté la capitale.

"For the last ten years" said he, "I have been unremittingly employed against the Spaniards; or rather, in favour of this country, for I am not against any one who is not hostile to the cause of independence. All I wish is, that this country should be managed by itself, and by itself alone. As to the manner in which it is to be governed, that belongs not at all to me. I propose simply to give the people the means of declaring themselves independent, and of establishing a suitable form of government; after which I shall consider I have done enough, and leave them."
Those who heard this declaration at the time with scorn and incredulity will do well to take notice how exactly the whole of his subsequent conduct was in accordance with these professions. General San Martin is now residing in retirement at Brussels.

Pendant les dix dernières années, dit-il, je me suis sans cesse employé contre les Espagnols ou plutôt en faveur de ce pays, car je ne suis contre personne pour autant qu'on ne soit pas hostile à la cause de l'indépendance. Tout ce que je souhaite est que ce pays puisse se gouverner lui-même et seul. Quant à la manière dont il doit être gouverné, cela ne m'appartient en aucune façon. Je me propose seulement de donner au peuple les moyens de se déclarer indépendant et d'établir une forme convenable de gouvernement. Après cela, je considérerai que j'en ai assez fait et je les quitterai.
Ceux qui écoutèrent alors cette déclaration avec mépris et scepticisme feront bien de remarquer à quel point la suite de sa conduite était conforme à ces professions de foi. Le général San Martín s'est à présent retiré et réside à Bruxelles. (2)
(Traduction Denise Anne Clavilier)


On the next day, the 8th of July, a deputation of the principal inhabitants of Lima was sent to invite San Martin formally to enter the capital, as the inhabitants had agreed, after the most-mature deliberation, to the terms proposed. To this requisition he assented, but delayed his entry till the l2th, some days after.

Le lendemain, 8 juillet, une députation des habitants de haut rang de Lima fut envoyée pour inviter solennellement San Martín à entrer dans la capitale, puisque les habitants avaient accepté, après mûres réflexions, les termes proposées. Il consentit à cette demande mais retarda son entrée jusqu'au 12, quelques jours plus tard.
(Traduction Denise Anne Clavilier)


It is proverbially difficult to discover the real temper and character of great men: and I was, therefore, on the watch for such little traits in San Martin as might throw a light on his natural disposition; and I must say that the result was most favourable, I took notice, in particular, of the kindly and cordial terms upon which he lived with the officers of his family, and all those with whom his occupations obliged him to associate. One day at his own table after dinner, I saw him take out his cigarrera, or pouch, and while his thoughts were evidently far away, choose a cigar more round and firm than the rest, and give it an unconscious look of satisfaction; when a voice from the bottom of the table called out, "Mi General !" He started from his reverie, and holding up his head, asked who had spoken. "It was I" said an officer of his establishment who had been watching him; "I merely wished to beg the favour of one cigar of you."- "Ah ha!" said he, smiling good-naturedly, and at once tossed his chosen cigar with an assumed look of reproach to the officer.

Il est d'une difficulté proverbiale de découvrir le caractère et le véritable tempérament des grands hommes (3). J'étais donc à l'affût chez San Martín de tous ces petits traits de nature à jeter une lumière sur ses dispositions naturelles et je dois dire que le résultat fut très favorable (4). J'ai remarqué en particulier en quels termes cordiaux et aimables il vivait avec les officiers qui faisaient partie de sa famille (5) et tous ceux que ses activités l'obligeaient à fréquenter. Un jour, à sa propre table, après dîner, je le vis sortir sa blague à cigares, et tandis que de toute évidence sa pensée était ailleurs, il choisit un cigare plus rond et plus ferme que les autres et lui jeta, sans en avoir conscience, un regard satisfait, quand une voix, venue du bout de la table, l'interpella. "Mon général !" Tiré de ses songes, il releva la tête et demanda qui avait parlé. "C'est moi, dit un officier de sa suite qui jusque là l'observait : je souhaitais juste implorer la faveur d'un de vos cigares." - "Ah ah !", dit-il, en souriant avec bonhomie, et sur le champ, il lui lança le cigare qu'il venait de choisir tout en faisant mine de le reprocher à l'officier.
(Traduction Denise Anne Clavilier)


To everybody he was affable and courteous, without the least show or bustle, and I could never detect in him the slightest trace of affectation, or anything, in short, but the real sentiment of the moment. I had occasion to visit him early one morning on board his schooner, and we had not been long walking together, when the sailors began washing the decks. "What a plague it is" said San Martin, "that these fellows will insist upon washing their decks at this rate!'- "I wish my friend," said he to one of the men, "you would not wet us here, but go to the other side." The seaman, however, who had his duty to do, and was too well accustomed to the General's gentle manner, went on with his work, and splashed us soundly. "I am afraid, cried San Martin, we must go below, although our cabin is but a miserable hole, for really there is no persuading these fellows to go out of their usual way."

Envers chacun, il était affable et courtois, sans la moindre comédie ou fébrilité, et je n'ai jamais pu détecter chez lui la plus légère trace d'affectation ou d'autre chose, bref rien d'autre que le véritable sentiment du moment. J'eus l'occasion de lui rendre visite tôt un matin à bord de sa goëlette et nous marchions ensemble depuis peu quand les matelots commencèrent à laver le pont. La peste soit de tout ceci, dit San Martín. Cette façon qu'ont ces gens de ne pouvoir s'empêcher de laver le pont ! Mon ami, dit-il à l'un des hommes, je souhaite que vous cessiez de nous tremper ici et que vous alliez de l'autre côté. Les marins cependant, qui avaient leur devoir à accomplir (6) et avait trop l'habitude des manières avenantes du général, continua son travail et nous aspergea d'abondance. J'ai bien peur, s'écria San Martín, que nous devions descendre, bien que notre cabine ne soit qu'un misérable trou, car vraiment, il n'y a pas moyen de persuader ces gens de déroger à leurs habitudes.
(Traduction Denise Anne Clavilier)


These anecdotes, and many others of the same stamp, are very trifling, it is true; but I am much mistaken if they do not give more insight into the real disposition than a long series of official acts: for public virtue, whether justly or not, is unfortunately held to be so rare, that we are apt to mistrust a man in power for the very sane actions, which, in a humble station, would have secured our confidence and esteem.

Ces anecdotes et beaucoup d'autre de la même nature sont fort futiles, il est vrai. Mais je me trompe sans doute fort si elles ne nous introduisent pas bien plus qu'une longue série d'actes officiels dans le secret de ses véritables dispositions. Car la vertu publique, à juste titre ou non, est malheureusement tenue pour si rare que nous sommes capables de nous défier d'un homme au pouvoir pour ces mêmes saines actions qui, dans une position humble, auraient assuré notre confiance et notre estime.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

L'extrait présenté ici est tiré de la sixième édition de l'ouvrage, publiée en 1840, à Londres.
Cette version est enrichie de quelques commentaires qui ne figuraient pas dans la première édition, sortie en 1824 à Edimbourg.

Première page de l'édition française, de 1825
qui fait mention de l'incroyable succès du livre original...

Pour participer à la souscription du livre, ouverte jusqu'au 30 avril 2014 (20 € au lieu de 24,90, prix public après parution), vous pouvez télécharger le bulletin en format imprimable, consulter la page consacrée à l'ouvrage sur mon site Internet ou visiter celui des Editions du Jasmin.

Pour en savoir plus :
cliquez sur le mot-clé SnM ant Jasmin, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus pour lire les autres articles se reportant à cet ouvrage,
écoutez l'interview que j'ai donnée en août dernier à Radio Nacional (RAE) en espagnol sur le sujet.

Prochain épisode :
le 9 mars, pour marquer l'anniversaire de l'entrée de San Martín dans la révolution sud-américaine, lorsque la frégate George Canning, qui l'amenait de Londres, en passant par Lisbonne, arriva au port de Buenos Aires, le 9 mars 1812.

En 1951, Juan D'Arienzo avait enregistré un tango intitulé Yapeyú...
Mais ce n'était pour la petite ville du nord.
C'était le nom d'un cabaret de Palermo. Quel manque de respect !

Quelques documents historiques publiés et commentés en 2012 dans ce blog sur le même sujet :

Rapport du Cabildo de Mendoza sur les efforts déployés par son Gouverneur, le général José de San Martín, pour donner à la Province de Cuyo toute sa vigueur dans le combat pour la liberté et pour l'indépendance de la Patrie
Article triomphaliste publié par La Gaceta de Buenos Aires à la suite de la victoire de Chacabuco (12 février 1817)
Analyse ambiguë de la situation révolutionnaire en Amérique du Sud parue en 1821 dans un journal libéral barcelonais, El Diario Constitucional de Barcelona, animé par des opposants au roi Fernando VII
Entretien accordé par San Martín au capitaine de la Royal Navy Basil Hall, quelques semaines avant la prise de Lima (juillet 1821)
Analyse dressée vingt ans plus tard par le marin français Gabriel Lafond de la politique menée par San Martín à Lima


(1) Ils y vont fort, les Correntinos ! A cause de toutes les péripéties racontées plus haut, on ne peut pas être tout à fait certain que la date est la bonne. Alors l'heure ! Certes, le jour a toutes les chances d'être exact car à cette époque, on datait les événements en fonction du sanctoral (celui du Concile de Trente bien sûr) et que par conséquent, si San Martín a toujours su qu'il était né en 1778, ce qui ne semble pas faire le moindre doute, il est on ne peut plus vraisemblable qu'il savait être né le lendemain de la saint Matthias, c'est-à-dire le 25 février, qui cette année-là tombait un mercredi (il y avait donc eu une grande fête d'un des apôtres la veille, le mardi, en pleine semaine, ça ne s'oublie pas dans une famille léonaise aussi pieuse que la sienne). Cette information se transmettait oralement. La date ne servait jamais sur le plan administratif. On préférait alors calculer l'âge, avec tous les risques d'erreur qui s'y attachaient (vous le constaterez dans mon livre sur sa feuille de service de l'Armée espagnole, établie en 1809). De plus, aucune trace écrite de l'événement ne nous est parvenue. Il est donc probable qu'à Yapeyú, quand tous les savants de Buenos Aires venaient faire leurs relevés dans les ruines de l'ancien bourg, on a un jour décidé arbitrairement d'une heure précise en se fondant sur un symbole important pour la population locale, toujours très fortement guaranie, à moins que celle-ci n'ait été déterminée autoritairement par quelque savant portègne. Il y a deux ans à la Librería Avila, à côté de la Manzana de las Luces,dans le cœur de Buenos Aires, je suis tombée sur une très ancienne monographie au papier jauni, avec des vieilles photos prises par les historiens d'alors pour raconter l'histoire de ces ruines et de leur sacralisation patriotique.
(2) Il est clair que cette phrase a été ajoutée dans une réédition puisqu'au moment de l'écriture du premier livre, San Martín n'avait pas encore gagné la Grande-Bretagne et qu'on le croyait encore en Amérique du Sud. En revanche, on savait déjà depuis longtemps qu'il avait quitté le pouvoir et qu'il avait regagné Mendoza, en Argentine. Néanmoins, dans la première édition, Basil Hall ne fait pas encore de commentaire dans ce sens.
(3) C'est quelqu'un qui a pu s'entretenir à Sainte-Hélène avec Napoléon qui fait cette affirmation. Il savait donc de quoi il parlait.
(4) Sous la Restauration, après l'expédition des cent mille fils de Saint-Louis envoyée en 1823 par Louis XVIII en Espagne pour rétablir Fernando VII dans ses pouvoirs d'Ancien Régime, contre la révolution libérale qui régnait outre-Pyrénées depuis le 1er janvier 1820, un imprimeur courageux, sis rue Hautefeuille dans le Quartier Latin, fit paraître à Paris une traduction du premier tome du livre de Basil Hall (le tome 2 est pris en charge par un autre artisan). On était en 1825. Et cette phrase
"It is proverbially difficult to discover the real temper and character of great men: and I was, therefore, on the watch for such little traits in San Martin as might throw a light on his natural disposition; and I must say that the result was most favourable" devient :
"Ce n'est point une tâche facile de définir le vrai caractère des grands hommes ; cependant en observant San-Martin, je crois avoir saisi quelques uns de ses traits et avoir reconnu les qualités qui le distinguent. Je me fais un devoir de reconnaître que l'ensemble de mes observations est à son avantage" (traduction restée anonyme).
En 1950, José Luis Busaniche (1892-1959) a publié en Argentine, dans le cadre de l'Année San Martín un ouvrage intitulé San Martín visto por sus contemporáneos, où il a agrégé toutes sortes de témoignages en faisant appel, pour toutes les langues étrangères, aux traductions anciennes, la plupart du temps de la première moitié du 19ème siècle (sauf pour le livre de Samuel Haigh, qui semble n'avoir pas été traduit en espagnol avant 1917, au Chili). Et cela donne un résultat très contestable à cause de cette absence de sens critique sur des traductions qui répondent à des exigences qui ne sont pas les nôtres. Malheureusement, aujourd'hui encore, c'est avec ce recueil que travaillent bon nombre d'historiens et de professeurs d'histoire en Argentine.
(5) Sans doute ses deux beaux-frères, Manuel et Mariano (de) Escalada, son oncle par alliance, Hilarión de la Quintana, avec lequel il n'avait que peu d'années de différence, et peut-être Basil Hall compte-t-il dans ce nombre Tomás Guido, lointain cousin de Tomasa de la Quintana, sœur de Hilarión et mère de Remedios, Manuel et Mariano.
(6) A leur décharge, les marins sont placés sous le commandement direct de Lord Cochrane, même s'ils servent sur la goëlette où se trouve San Martín, et Cochrane, en officier de marine britannique qu'il est, ne plaisante pas avec la discipline. Il est terrible et même les officiers de l'armée libératrice du Pérou le craignent au point de s'en ouvrir parfois à San Martín, qui les connaît asse bien pour alors les protéger de la fureur démente de celui qu'il appelait le Lord Flibustier. Qui plus est, l'immense majorité des matelots étaient britanniques ou nord-américains et comprenaient mal l'espagnol. Or si San Martín avait parlé anglais à cet homme, il est probable que Basil Hall le mentionnerait. Le matelot ne comprend sans doute pas très bien ce qu'on lui dit et ça ne semble pas l'inquiéter plus que cela. Ce qui fait que Hall tire sans doute tout de même la bonne conclusion de l'épisode.

L'hommage de El País à l'artiste disparu [Actu]

Edition du 25 février 2014
Hier, une opération de maintenance informatique qui s'est mal débouclée a empêché pendant une bonne partie de la journée européenne d'accéder au site Internet du quotidien uruguayen El País, qui rendait pourtant hommage, comme tous ses confrères, à Carlos Páez Vilaró, disparu lundi matin.

Une fois la disponibilité de la ligne rétablie, je reproduis ici les deux une, celle d'hier et celle d'aujourd'hui, que le titre a consacrées au peintre-musicien-poète dont les obsèques se sont tenues hier en fin de matinée à Montevideo.


Aujourd'hui, El País publie un article qui s'ouvre sur les les dernières phrases de la Cérémonie du Soleil, Chau Sol... (voir mon article d'hier) et raconte les circonstances de sa mort, qui s'est produit à huit heures du matin pendant sa conversation avec son médecin, et non pas après comme on le disait hier.
Une vidéo intégrée à l'article rassemble les déclarations des uns et des autres et les temps forts de la cérémonie d'adieu national qui s'est terminée dans la Salle des Pas perdus du Palais législatif où le disparu a reçu les honneurs officiels.
Edition du 26 février 2014

Centenario Troilo demain au Marabú [à l'affiche]


Jeudi 27 février 2014, grande milonga du Centenarie Aníbal Troilo à 21h, "au Marabú", comme lorsque Pichuco a créé son orchestre, le 1er juillet 1937 dans le cabaret de grand standing qui portait ce nom.

Le cabaret Marabú n'existe plus depuis longtemps en tant que tel, même si les lieux sont restés. La milonga se tiendra donc dans la rue Maipú au numéro 365.

Le rôle de Monsieur Loyal sera tenu par l'animateur radio de la 2x4 Marcelo Guaita.
Quant au DJ, voyez donc ce luxe : Monsieur Gabriel Soria en personne, premier Vice-Président de la Academia Nacional del Tango, grand collectionneur (1) devant l'Eternel et excellent homme de radio.

Musique choisie parmi les enregistrements de Pichuco.

Organisation : Commission nationale Centenaire Aníbal Troilo.

Dans ce début d'hiver 1937, l'affiche annonçait : "Tout le monde au Marabú, le dancing le plus prestigieux, où Pichuco et son orchestre vous feront danser de bons tangos".


(1) La connaissance qu'a Gabriel des enregistrements d'avant la grande rupture de 1955 est spectaculaire. Vous allez vous régaler, les danseurs !

YPF, Repsol et Cadícamo : un tango pétrolier [Actu]


YPF, l'entreprise nationalisée qui gère et exploite désormais pour le compte de l'Argentine les gisements pétroliers du sud du pays, vient de signer un accord avec son ancien actionnaire majoritaire, exproprié par le Gouvernement et le Congrès il y a bientôt deux ans, accord qui met fin au long contentieux qui opposait depuis lors les deux sociétés et les deux pays, car le gouvernement de Mariano Rajoy avait très mal réagi à la nationalisation décrétée par l'ancienne colonie de l'Espagne (1) (sur l'expropriation, voir mes articles du 17 avril 2012 et celui du 4 mai 2012).

Ce matin, c'est avec une citation de Enrique Cadícamo, extraite du célèbre tango Los Mareados, composé en 1942 par Juan Carlos Cobián, que Página/12 annonce la conclusion de l'accord : "Ce soir, tu vas passer dans mon passé", l'une des plus belles phrases que s'échangent les amants sur le point de se séparer.

¡Qué importa que se rían
y nos llamen los mareados!
Cada cual tiene sus penas
y nosotros las tenemos...
Esta noche beberemos
porque ya no volveremos
a vernos más...

Hoy vas a entrar en mi pasado
en el pasado de mi vida
Enrique Cadícamo

Qu'importe qu'on rie
et qu'on nous appelle les naufragés (2)
Chaque a ses chagrins
et nous avons les nôtres...
Cette nuit, nous boirons
parce que plus jamais
nous ne nous reverrons.

Ce soir (3), tu vas passer dans mon passé
dans le passé de ma vie
(traduction Denise Anne Clavilier)

Et pendant que je rédige cet article plusieurs heures avant de le publier, j'écoute en direct sur la place Saint-Pierre de Rome la fin de l'audience générale : pendant que le Pape salue les dignitaires de l'Eglise présents sur la place, les musiques militaires, italienne et vaticane, jouent pour faire patienter les pèlerins. En ce moment, surmontant le bruissement de cette foule en liesse (malgré un ciel plutôt menaçant), on reconnaît distinctement la mélodie de Por una cabeza (4)... Arrangement tout en cuivres et en percussion, qui nous prouve que les gendarmes adaptent leur répertoire à la personnalité du Souverain Pontife (qui ne s'est jamais caché d'aimer le tango).

Pour aller plus loin :
lire l'article économique de Página/12 si les aventures pétrolifères vous passionnent.
Si, aux hydrocarbures et à leurs querelles pécuniaires, vous préférez la musique, alors rendez-vous sur Todo Tango, pour lire et écouter Los Mareados (et en cherchant bien, vous trouverez aussi Por una cabeza dans cette vaste musicothèque qui fait référence pour le tango dans le monde entier).


(1) Il faut voir comment ABC, le quotidien de la droite post-franquiste espagnole, parle de Cristina de Kirchner. Propos vulgaires, violents, injurieux. On se croirait revenu deux cents ans en arrière pendant la guerre d'indépendance !
(2) En fait, être mareado, c'est avoir mal au cœur, avoir le mal de mer. Mais c'est intraduisible en l'état dans un tel contexte.
(3) Textuellement hoy, c'est aujourd'hui, mais ce long mot de trois syllabes casserait le rythme du vers.
(4) De Gardel et Le Pera

La franciscomania atteint des sommets andins [Actu]

Le jeune premier de la télévision et du cinéma argentin Rodrigo de la Serna vient de confier à la presse qu'il a été approché par un producteur pour tenir le rôle de Jorge Bergoglio, aujourd'hui Pape François, dans un long métrage en préparation.

S'il est aussi proche de la réalité de son personnage que de San Martín qu'il est censé incarner dans Revolución, el cruce de los Andes, où il hurle à tout bout de champ et passe perpétuellement ses nerfs sur son entourage (1) -pour la vérité historique, je vous renvoie à un autre article que je publie ce jour et en général à tous mes articles portant sur San Martín-, il faut craindre le pire. Et en général, dans ce genre de biopic qui surfe sur la mode, le pire est presque toujours sûr, en Argentine comme n'importe où ailleurs. Et ça s'annonce mal parce que l'acteur annonce déjà qu'il a dû renvoyer le scénariste à ses chères études...

Il n'en reste pas moins que du côté sérieux, le Pape continue à nourrir l'actualité y compris en Uruguay. Notamment grâce à sa décision de créer une Secrétairie Economique au sein de la Curie chargée de traiter toutes les affaires matérielles et financières du Saint-Siège sous la responsabilité de l'actuel archevêque de Sydney, qui fait partie du G8, le conseil de huit cardinaux qui assistent le Saint-Père dans le gouvernement de l'Eglise universelle. La Nación, Clarín et Página/12 ont repris et analysé hier l'information passée inaperçue dans les grands médias français (voir l'article en français de Radio Vatican sur le sujet). La disparition de Carlos Páez Vilaro m'a fait retarder cet article.

Au sujet du projet de film, voir l'entrefilet de Noticias.


(1) Difficile de savoir à qui la faute. A l'acteur lui-même, c'est peu probable car il ne fait tout de même que jouer le rôle écrit par le scénariste et sous la direction d'un réalisateur. Où le scénariste, entouré d'historiens revisionistas comme il était, est-il allé chercher cette caricature éructante tout droit sortie de la plume de Bartolomé Mitre et de ses acolytes mais aussi éloigné du personnage de chair et d'os que le Pape de Mark Zuckerberg.

mardi 25 février 2014

Décès d'un grand artiste uruguayen : Carlos Páez Vilaró avait 90 ans [Actu]

Páez Vilaró dans un récent carnaval, jouant du tambour dans une comparsa de Montevideo
Carlos Páez Vilaró était un grand artiste uruguayen. Passionnément. Il était à la fois un musicien de candombe, de murga, adepte des comparsas du carnaval de Montevideo, un artiste plastique dont les œuvres sont reconnues dans toute la région et un écrivain poète à ses heures. Il a aussi éphémèrement fait une incursion dans le cinéma avant de retourner vivre dans et de la peinture, grâce à la musique de Piazzolla... Toute sa vie, cet homme s'est attaché à développer et à défendre la dimension populaire et métissée de la culture orientale, comme on l'appelle sur les bords du Río de la Plata.

La Cérémonie du Soleil, à Casapueblo,
avec l'hymne au soleil écrit et dit en public par Páez Vilaró et sous-titré en espagnol

Il est décédé hier, brutalement, au milieu des siens, en début de matinée, juste après avoir appelé son médecin car il venait de ressentir une brutale douleur dans la poitrine. Jusqu'à cette dernière minute, il a conservé une pleine vitalité et toutes ses facultés physiques et intellectuelles. Il est mort à quatre-vingt-dix ans dans son musée-atelier de Casapueblo, un spectaculaire ensemble résidentiel qu'il avait baptisé la Maison du Soleil. Il avait mis une trentaine d'années à construire cette sculpture habitable (1), selon sa propre expression, dans un décor proche du sublime, à quelques kilomètres de la station balnéaire de Punta del Este, qui est à l'Uruguay ce que Mar del Plata est à l'Argentine. Il avait l'habitude d'y passer le long été uruguayen pour profiter de la chaleur, d'y travailler dans un flot de lumière naturelle et d'y recevoir le public à bras ouverts.

Aussitôt après sa mort, son corps a été conduit à la capitale pour y être veillé jusqu'à 11h, heure locale, ce matin.


Cette disparition, inattendue malgré son grand âge, met en berne les drapeaux uruguayens et donne lieu à un hommage des plus hautes autorités politiques du pays. Dans la soirée, on a vu le président Pepe Mujica et son vice-président Danilo Astori visiter la chapelle ardente installée au siège de l'AGADU (la société des auteurs uruguayens) et ce matin, c'est à la Chambre que le corps sera veillé et d'où il partira pour sa sépulture, dans le caveau de l'AGADU.

L'hommage à Páez Vilaró sous ls titre Le Soleil va le regretter

Carlos Páez Vilaró était né en Uruguay le 1er novembre 1923 mais il avait passé une grande partie de son enfance et de sa jeunesse à Buenos Aires. Des six enfants qu'il a eus de ses deux mariages successifs, trois sont argentins et trois sont uruguayens. Tant et si bien qu'il y a peu d'artistes qui fassent autant que lui le lien entre les deux rives de l'estuaire. Il a d'abord gagné sa vie avec des métiers ouvriers à Buenos Aires puis il est rentré à Montevideo, pour des raisons de santé et il y est resté. Comme son homologue et compatriote, Pedro Figari, il s'est penché sur l'apport afro-américain dans la culture rioplatense : "lui, disait-il de Figari, il a peint les noirs du souvenir, moi je peins ceux d'aujourd'hui". Dans son désir d'approfondir et de s'approprier cet aspect de sa propre culture, il a beaucoup voyagé en Afrique, dans les années 60, lorsque ces pays accédaient, parfois avec des flambées de violence, à leur propre indépendance.



La plus grande épreuve de sa vie aura sans doute été l'accident aérien dont l'un de ses fils a été victime en 1972 : l'avion de ligne s'était écrasé dans les Andes. Alors, armé d'une foi immense dans l'avenir et la vie, il est allé chercher son fils dans la Cordillère enneigée. Avec toute une chaîne humaine de solidarité venant de tout l'Uruguay, de Buenos Aires, de Mendoza, de Santiago. Cette aventure, qui s'est bien terminée puisque son fils fait partie des survivants de la catastrophe, joue un rôle certain dans sa notoriété continentale, d'autant plus que les Andes sont un symbole très complexe et d'une grande force évocatrice pour tous les Sud-Américains.

Tambores en libertad, méditation historico-musicale
de Páez Vilaro sur le candombe et ses origines afro-coloniales

Et puis il y a, entre autres peintres, Pablo Picasso et Benito Quinquela Martín, les deux peintres qui l'ont marqué de leur empreinte, l'un qu'il a connu à Paris et l'autre qu'il a connu dans son quartier de La Boca, du côté de Caminito, là où aujourd'hui se tient le Museo de Bellas Artes de la Boca Quinquela Martín. Et puis aussi Carlos Gardel, qui fait lui aussi le lien entre les deux rives du fleuve. Une de ses œuvres est à admirer dans le métro de Buenos Aires, à l'Abasto, à la station Carlos Gardel. Si vous y passez, pensez à lui. Il le mérite.

Documentaire sur Carlos Páez Vilaró
produit par Canal A, en 1999 (filmé à Casapueblo)

Toute la presse uruguayenne (2) et une bonne partie de la presse argentine lui rend hommage ce matin.

Il y a quelques jours, j'avais annoncé pour aujourd'hui un nouvel article en rapport avec mon prochain livre sur San Martín. Conformément à la règle que, dès le début de ce blog, je me suis imposée et qui est de laisser toute la place au disparu, lorsqu'un décès majeur frappe les pays du Río de la Plata, je reporte à demain l'article prévu pour ce 25 février, anniversaire de la naissance du général.

Pour aller plus loin :
du côté uruguayen :
lire l'article d'hier de El Observador sur la mort de l'artiste
lire l'article d'hier de El Observador sur son importance dans la culture uruguayenne
lire l'article de ce matin de El Observador sur la veillée
lire l'article de La República d'hier sur sa mort
lire l'article de La República d'hier sur son œuvre
lire l'article de Noticias d'hier

Du côté argentin :
lire l'entrefilet de Clarín (bien valorisé dans la mise en page Web mais très court!)
lire l'article de El Litoral (le quotidien régional de la rive occidentale du fleuve Uruguay, Santa Fe, Entre Rios, Corrientes et Misiones) – l'article intègre une interview vidéo.
lire la dépêche de Télam, avec une petite vidéo intégrée reprenant des images de ces dernières semaines, notamment de ce qui ressemble à la fête de ses 90 ans.



(1) Cette grappe immaculée dévalant la pente pour s'arrêter juste au-dessus de la mer ne sera pas sans vous rappeler à la fois la Costa Blanca, Santorin et le palais du Facteur Cheval, chez nous, en France... Il s'agit d'un complexe qui accueille une maison d'été pour le maestro, son musée-atelier, un hôtel, un centre de loisirs offrant toutes sortes d'activités aux touristes du lieu...
(2) Seul El País manque à l'appel car le site Internet était en maintenance ce matin et il n'a toujours pas retrouvé sa disponibilité sur le réseau, peut-être parce que les sites des journaux uruguayens dans leur ensemble semblent crouler sous le flux des connexions.

dimanche 23 février 2014

Buenos Aires à nouveau en pourpre [Actu]


Hier matin, lors d'un consistoire public, le Pape François a créé les dix-neufs cardinaux dont il avait annoncé les noms à l'angélus du 12 janvier dernier. Parmi les dix-neufs nouveaux princes de l'Eglise (1) l'archevêque de Buenos Aires, Monseigneur Mario Poli.

Les journaux nationaux argentins de ce matin s'en font l'écho à des places et dans des proportions variables d'un titre à l'autre.
D'autant plus qu'hier, c'était aussi le deuxième anniversaire d'un tragique accident de train, qui a fait cinquante-deux morts et huit cents blessés au cœur de Buenos Aires, des gens qui, pour la majorité d'entre eux, partaient travailler et empruntaient donc l'une des lignes ville-banlieue les plus fréquentées du pays. Un accident dû, on l'a su tout de suite, à des causes des plus évitables (de graves négligences dans la gestion de l'entreprise privée concessionnaire du service) (2). La tragédie del Once, comme on la surnomme à Buenos Aires, a donné lieu, hier, à différentes cérémonies, à la gare elle-même, sur Plaza de Mayo avec un rassemblement pour demander justice et à la cathédrale où l'un des évêques auxiliaires a présidé une messe. Ce triste anniversaire a aussi suggéré au Pape une missive de soutien aux familles des victimes, où il parle du peuple de Buenos Aires et d'Argentine en disant nous (3).

La quotidien qui met le plus en vedette l'accession de Monseigneur Poli à la dignité cardinalice est, une fois n'est pas coutume, La Prensa. Comparez avec la une de La Nación, c'est instructif !


Página/12 traite l'affaire en profondeur, avec une analyse de Washington Uranga (qui se partage désormais le sujet en alternance avec Elena Llorente), mais l'événement n'apparaît nulle part sur la une. L'article de Clarín a été confié à Sergio Rubín (un journaliste compétent sur la question) mais à l'heure où j'écris la une du journal n'est pas encore publiée sur son site Internet. Et La Nación a confié cette tâche à sa correspondante sur place, à Rome, Elisabetta Picqué, elle aussi très à son affaire sur ces questions.

Extrait de L'Osservatore Romano, du 24 et 25 février 2014
Monseigneur Mario Poli a pris dimanche après-midi
possession de son titre cardinalice de saint Robert Bellarmin de Rome

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Prensa
Sur la tragédie de la Gare Once :
lire l'entrefilet de Clarín reproduisant tout (ou partie) de la lettre du Pape aux familles des victimes.



(1) Une expression qui a désormais fait son temps dans la culture catholique. C'est une très bonne chose pour la clarté du message évangélique mais le rédacteur francophone, qui hait viscéralement la répétition, la regrettera amèrement. Il va falloir trouver autre chose pour conserver notre richesse lexicale à moins d'étendre aussi l'option pour la pauvreté à l'expression écrite !
(2) "responsables irresponsables", selon les propres termes que Monseigneur Bergoglio avaient employés le 24 février 2012, lors de la première messe célébrée pour les victimes, et qu'il rappelle dans le message envoyé de Rome aux familles.
(3) nuestra historia como pueblo.

vendredi 21 février 2014

Amelita Baltar de retour demain soir à Clásica y Moderna [à l'affiche]

L'affiche du bar-librairie de Callao dit tout ce qu'il faut savoir !


Cette salle du sud de Recoleta est la salle de prédilection de la chanteuse qui, demain 22 février à 21h, sera accompagnée au piano par Aldo Saralegui. A ne pas louper si vous êtes à Buenos Aires. En plus, Clásica y Moderna est vraiment un lieu à voir et à fréquenter.

Ci-dessous, un classique de chez classique... Balada para un loco, avec le texte original, écrit en 1969 pour voix de femme (la sienne) par Horacio Ferrer, aussi fou que son personnage principal.



San Martín et ses contemporains : les "auteurs" de mon cinquième livre [Disques & Livres]


Dans San Martín par lui-même et par ses contemporains, en souscription jusqu'au 30 avril 2014 aux Editions du Jasmin, j'ai rassemblé une bonne trentaine d'auteurs qui se partagent trois langues : l'espagnol, largement majoritaire comme on s'en doute, l'anglais et le français, le tout sur 384 pages.

Aujourd'hui, je vous présente les auteurs individuels.
Je garde pour un autre jour les groupes d'officiers, les juntas gobernativas (ou collèges gouvernementaux), congrès constituants ou corps législatifs et autres cabildos qui ne manquèrent pas de rendre hommage à San Martín ou de lui décerner des récompenses tantôt pour ses victoires, tantôt pour la sagesse de sa pratique gouvernementale.

* * *

En espagnol (chacun de ces textes est présenté avec sa traduction en vis-à-vis)

Quelques uns des alliés politiques de San Martín choisis
parmi les auteurs rassemblés dans le recueil
Cliquez sur le bandeau pour le lire en meilleure résolution

José de San Martín, lui-même (c'est dans le titre), Yapeyú, 25 février 1778- Boulogne-sur-Mer, 17 août 1850, Argentin.
En ce qui le concerne, je vous renvoie à un ouvrage précédent, San Martín, à rebours des conquistadors, et à tous mes articles déjà publiés, que vous ferez remonter en page d'accueil en cliquant sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

Juan Bautista Alberdi, San Miguel de Tucumán, 29 août 1810 – Neuilly sur Seine, 19 juin 1884, Argentin.
Juriste, compositeur, pianiste, poète, écrivain et immense intellectuel argentin porté par le courant libéral français qui aboutit, en Europe, en 1848, aux premières structures démocratiques et sociales (suffrage universel, liberté de la presse, liberté de candidature, lutte contre la corruption, abolition définitive de l'esclavage, etc.). C'est à Paris, en 1843, qu'il rencontra San Martín et cette rencontre l'a profondément ému. Avec lui, vous prendrez pour la première fois un moyen de locomotion ultra-moderne, spectaculaire et très rapide. Les Français appellent cela "chemin de fer" et en 1843, on va si vite (45 km/h au grand maximum) que le long de la voie ferrée, les arbres défilent en sifflant comme une balle à vos oreilles...

Juan de la Cruz Mourgeón, Espagne, 1775 ? - Quito, 8 avril 1822, Espagnol.
Ce héros de la victoire de Bailén avait distingué le jeune capitaine San Martín, qui servait sous ses ordres. C'est à cette époque qu'on le rejoint, en 1808, quand il est encore du "bon côté" de l'Histoire occidentale.
Ce digne serviteur de l'Etat d'Ancien Régime devint en effet le dernier vice-roi de la Nouvelle-Grenade (Amérique centrale). Noble et valeureux, il est mort en combattant Bolívar. Quelques mois plus tôt, alors que San Martín investissait les côtes péruviennes et que les royalistes avaient pu craindre qu'il monte s'emparer immédiatement de Guayaquil, il avait écrit à Madrid qu'il l'attendait, les armes à la main, prêt à l'affronter le moment venu.

Albert Antoine Mallet (ou Malet), marquis de Coupigny de Lignereuil, Arras, 1759 – Madrid, 12 juin 1825. Français naturalisé espagnol (si toutefois ce terme a un sens à cette époque-là).
Co-vainqueur, avec le Suisse Théodore Reding, à Bailén, en Andalousie, contre l'Empire français.
Il appartenait à la branche Lignereuil d'une famille française anciennement enracinée dans la région Artois-Picardie-Normandie et dont le lignage remonte au XIIIème siècle. De lui, en croisant de nombreuses sources espagnoles, belges et françaises (délibérément contre-révolutionnaires dans ce dernier cas), j'ai pu déterminer qu'il est entré en 1776 aux gardes wallonnes, soit comme cadet (élève officier), dit-on dans l'Espagne de 2008, soit comme enseigne (officier subalterne), dit-on en Belgique (en 1858). Il n'était encore que lieutenant quand, en 1794, il fut fait prisonnier des Français à la fin de la guerre du Roussillon, appelée aussi guerre de la Convention, au cours de laquelle San Martín fut lui aussi fait prisonnier, à Collioure, quelques mois après avoir reçu, sur le champ de bataille, son premier grade, celui de second sous-lieutenant, à l'âge d'à peine plus de quinze ans.
(Juste pour voir, faites un rapide calcul mental et comparez l'ascension de San Martín à celle du très aristocratique Coupigny. C'est éclairant).
Ayant repéré San Martín dès le début de la guerre d'indépendance d'Espagne contre l'Empire français et peut-être même avant, lorsqu'ils servaient tous deux dans les Pyrénées, le général Coupigny en avait fait son aide de camp en juin 1808 alors qu'il était major depuis quelque temps (à trente ans).
Malgré la divergence idéologique entre le marquis absolutiste issu d'une ancienne famille d'Artois ultra-traditionaliste au service du roi d'Espagne depuis plus d'un siècle, et le jeune révolutionnaire assidûment nourri de la philosophie des Lumières, malgré l'inégalité sociale irréductiblement marquée entre le fils d'hidalgo et l'aristocrate titré, doublée d'une très stricte hiérarchie militaire, ils eurent l'un pour l'autre une amitié dont rendent témoignage ces deux billets que Coupigny écrivit à son cadet dans la seconde moitié de 1808 et au début de 1809 et que j'ai traduits à la page 26 de mon prochain livre.

Bernardo de Monteagudo, San Miguel de Tucumán, 20 août 1789 – Lima, 28 janvier 1825, Argentin.
Dans San Martín par lui-même et par ses contemporains, il exerce surtout les fonctions de journaliste, comme auteur du plus célèbre article de la Gaceta de Buenos Aires. Mais après ce travail de rédacteur du journal officiel de l'Argentine balbutiante, il fit mille choses avant d'être assassiné au Pérou et c'est une autre histoire!

Bernardo Rivadavia, Buenos Aires, 20 mai 1780 – Cadix, 2 septembre 1845, Argentin.
Dans le film, c'est un méchant, façon raciste obtus. Et cela ne s'est pas amélioré avec le temps... Et c'est sans doute pour cette ignoble stratégie qu'il a développée tout au long de sa carrière politique que la Generación del Ochenta en Argentine a trouvé en lui son inspiration, au point de donner son nom à l'artère principale de Buenos Aires, qui détermine la numérotation des rues dans toute la capitale argentine.
Sur ce qu'est la Generación del Ochenta, voir le Vademecum historique dans la partie médiane de la Colonne de droite.

Gervasio Posadas, Buenos Aires, 18 juin 1757 – ibidem, 2 juillet 1833, Argentin.
Le premier Directeur suprême des Provinces-Unies du Río de la Plata, future République argentine.

Juan Martín de Pueyrredón, Buenos Aires, 17 décembre 1777 – ibidem, 13 mars 1850, Argentin.
Le premier Directeur suprême des Provinces-Unies indépendantes. Sa sagacité politique, sa préférence pour la conciliation jusqu'à l'éclatement de la guerre civile, son sens de l'humour, à peu près égal à celui de San Martín, nous rendent leur correspondance étonnamment familière. On y perçoit la fraternité pleine de jeunesse et de joie, qui liaient ces deux hommes sûrs de la légitimité de la cause à laquelle ils consacraient l'un et l'autre toutes leurs forces.

Francisco Marcó del Pont, Vigo, 1770 – Luján de Cuyo, 1819, Espagnol.
Dans le film, il joue lui aussi le rôle d'un méchant. D'un méchant et d'un lâche – le rôle rêvé pour un acteur de composition. Vaincu par San Martín à Chacabuco, rattrapé in extremis par un détachement de grenadiers à cheval sur le port de Valparaíso, il a mal fini, comme tous les méchants de cinéma.

Remedios de Escalada La Quintana de San Martín, Buenos Aires, 20 novembre 1797 – ibidem, 3 août 1823, Argentine.
J'ai choisi, au dernier moment, d'intégrer au recueil la seule lettre manuscrite qu'il nous reste d'elle. Un trésor précieux conservé au Museo Histórico Nacional à Buenos Aires, situé dans le Parque Lezama, en plein San Telmo. A la page 86.

Vicente Pérez Rosales, Santiago del Chile, 5 avril 1807 – ibidem, 6 septembre 1886, Chilien.
Grand écrivain dont l'autobiographie, présentée toutefois comme s'il s'agissait d'un roman, est classée parmi les classiques de la littérature chilienne. D'une plume vive, il reconstitue pour nous la libération de son pays natal, à laquelle il a assisté du haut de ses dix ans. Sa contribution commence à la page 87.

Bernardo O'Higgins, Chillán, 20 août 1778 – Lima, 24 octobre 1842, Chilien.
Le premier Directeur suprême du Chili indépendant et non reconquis, ce qui se connaît dans la geste chilienne comme la Patria Nueva.
Fils naturel d'un vice-roi du Pérou tout droit venu de la verte Erin (comme son nom l'indique assez bien), Ambrosio O'Higgins, il fut un ami intime de San Martín. Et -le croiriez-vous ?- l'implacable capitaine de guerre berçait dans ses bras la petite Mercedes quand à Mendoza, il préparait la traversée des Andes avec le papa du bébé, qui n'avait alors pas plus de quatre mois. Il est le héros de Chacabuco.
Voir mon article du 12 février sur cette victoire capitale et les vidéos que j'y ai intégrées.

James Duff, quatrième comte Fife, Aberdeen, 6 octobre 1776 – Banff (1), 5 mars 1857, Irlando-écossais, pair d'Ecosse et d'Angleterre.
Un beau personnage, romantique à souhait. Un libéral de haute volée triplé d'un officier valeureux (il a fait la guerre d'indépendance de l'Espagne du côté anglo-espagnol de 1808 à 1811) et d'un fidèle serviteur de la monarchie britannique, très bien placé dans la hiérarchie de cour d'où il pouvait donner à San Martín, là-bas, aux antipodes, les avis les plus pertinents. Actif lobbyiste de l'indépendance sud-américaine et de San Martín en Europe, jusqu'en Suisse où vous verrez qu'il y avait des yeux pour lire ses communications. Dans sa circonscription du Banffshire, où il est mort, tout près d'Aberdeen, on se souvient encore de lui comme du seigneur qui sut développer ce lopin de terre et en faire une région prospère de la lande écossaise.
Vous pouvez consulter sa fiche officielle (en anglais) sur le site Internet que l'Université de Londres a bâti sur l'histoire du Parlement britannique.
Voir également sa fiche sur le site The Peerage, consacré à la pairie du Royaume-Uni.

Guillermo Miller, Wingham, 12 décembre 1795 – Lima, 1861, Anglais naturalisé péruvien.
Une épée vaillante et une plume fluide, dans les deux langues. Car il écrit aussi en espagnol et fort bien. Il rejoint l'armée des Andes au Chili au début 1818, recruté aux Etats-Unis où ce capitaine anglais était venu offrir ses services à la liberté après la chute de Napoléon, comme tant et tant de combattants libéraux que le retournement politique de l'Europe écœurait.
Conciliant de nature, doté d'un sens de l'observation d'une rare lucidité et précurseur des méthodes scientifiques qui seront définies et adoptées seulement à la fin du XIXème siècle, en 1827, en permission à Londres, Miller n 'écrit pas seulement des mémoires mais déjà un véritable livre d'histoire sur l'indépendance du Chili et du Pérou.
Grâce à lui, vous assisterez même aux pieds des Andes à une authentique scène de western bien longtemps avant que John Ford invente la grammaire du genre à Hollywood.

Tomás Guido, Buenos Aires, 1er septembre 1788 – Ibidem, 14 septembre 1866, Argentin.
Un autre des trois amis intimes que San Martín s'était fait en Amérique. C'est à lui que j'ai confié le point culminant du livre : un récit très intimiste de la journée du 20 septembre 1822 qui vit, à la stupéfaction de tous, San Martín renoncer pour toujours à l'exercice du pouvoir politique, aux pages 266-275.
Depuis 1966, ses restes sont déposés dans la chapelle, dans une urne placée derrière le mausolée de San Martín.

Mariano Balcarce, Buenos Aires, 8 novembre 1807 – Paris, 20 février 1885, Argentin.
Il était le gendre de San Martín depuis décembre 1832 et le fils du général Antonio Balcarce, qui avait été un compagnon d'armes de San Martín. Nous le rejoignons quelques semaines après le décès de son beau-père, dans les toutes dernières pages du livre. Mais on en aura entendu parler, avec beaucoup d'affection, bien avant !

Ramón Castilla, Tarapacá, 31 août 1797 – ibidem, 30 mai 1867, Péruvien.
Pour rendre hommage au défunt Fondateur de la Liberté du Pérou, ce président de la République du Pérou prit en 1850 de belles et grandioses décisions. Qui restèrent lettre morte.

Simón Bolívar, Caracas, 24 juillet 1783 – Santa Marta, 17 décembre 1830, Vénézuélien.
Est-il vraiment nécessaire de le présenter ? Les deux libérateurs continentaux, l'un venant du nord, Bolívar, l'autre montant du sud, San Martín, se sont rencontrés en juillet 1822, dans le port de Guayaquil, aujourd'hui en Equateur. Et cette entrevue est entourée de mystère et suscite encore aujourd'hui d'innombrables questions car la teneur de leurs entretiens est resté secret jusqu'à ce que les historiens, en décryptant le peu de documents qui existent, reconstituent les enjeux de leurs deux entrevues en tête à tête.

José de la Riva-Agüero, Lima, 3 mai 1783 – ibidem, 25 mai 1858, Péruvien, premier président du Pérou puis putschiste.
Encore un rôle de méchant. Un personnage tellement odieux qu'il réussit à faire sortir San Martín de ses gonds. Lui d'ordinaire d'une patience à toute épreuve, le voilà qui explose. Le souffle de cette bombe morale n'a pas beaucoup perturbé Riva-Agüero. Et pourtant, même Videla et consorts en ont pris d'avance pour leur grade.

* * *

En anglais (chacun de ces textes est présenté avec sa traduction en vis-à-vis)

Quelques proches de San Martín dont on a des portraits authentiques
(parfois très éloignés de nos standards esthétiques)

William Miller (le même qui s'appelle Guillermo au Chili et au Pérou).
Le western dont je vous parlais plus haut, c'est en anglais qu'il intervient. Avec Indiens, chevaux, verroteries, beuveries en règle, "tuniques-bleues" et en arrière plan, un fort militaire. Il ne manque que les bisons et le travelling !
Miller écrivit ses mémoires en 1827. Elles parurent en deux volumes à Londres en 1828 pour le tome 1 et l'année suivante pour le second. Profitant d'un intérêt considérable de l'opinion publique, surtout dans sa partie libérale, pour la révolution américaine dans toute l'Europe atlantique, elles connurent un extraordinaire succès de librairie, avec plusieurs rééditions en trois ans et une version hispanophone qui parut dans la foulée de l'édition originale. Elles étaient le premier témoignage d'un acteur des événements.
Avec les carnets de voyage de Basil Hall (voir plus bas), elles constituent, surtout dans l'hémisphère nord, la base documentaire de l'historiographie de la révolution indépendantiste en Amérique du Sud (2).

Samuel Haigh.
Ce négociant, aussi hardi que britannique, serait né en 1795 en Angleterre, sans doute dans le Kent.
A part sa présence en Amérique du Sud dans les années 1817-1822 et la parution de son livre à Londres en 1829 (un grand succès de librairie qui lui valut plusieurs rééditions), on ignore tout de sa vie et de sa mort. Il écrit très bien, il est très lucide malgré sa jeunesse et il rend compte des événements auxquels il a assisté et auxquels parfois il a aussi pris part sans chercher à se donner plus d'importance que vraisemblable. Il semble très fiable. Mais on sait si peu de choses de lui qu'il est difficile d'aller plus loin dans le jugement.
Sa description de la bataille de Maipú (5 avril 1818) constitue un tableau presque cinématographique que vous ne serez pas près d'oublier.

Basil Hall, Edimbourg (?), 31 décembre 1788 – Portsmouth (?), 11 septembre 1844, Ecossais.
C'est un observateur des événements du Pérou que je vous ai déjà présenté l'année dernière. San Martín l'a en effet reçu lorsqu'il était au mouillage dans un chenal du port du Callao, près à faire tomber la forteresse royaliste de Lima. C'est alors, le 15 juin 1821, qu'il lui avait expliqué le pourquoi de sa stratégie de non violence. Je vous renvoie donc à cet article que j'ai publié en novembre 2012.
Ses lieux de naissance et de mort diffèrent selon les sources. L'Encyclopaedia Britannica donne respectivement Dunglass en Ecosse et Gosport, dans le Hampshire, pour l'un et l'autre faits.
Fils d'un célèbre géographe de son temps, il entra dans la Royal Navy en 1802. En 1820, capitaine du HMS Conway, Basil Hall fut envoyé par l'Amirauté britannique à Valparaíso pour veiller aux intérêts des commerçants britanniques établis depuis une trentaine d'années sur la côte de l'Atlantique sud. A plusieurs reprises, il eut à prendre des décisions politiques lourdes de conséquences sans avoir le temps de prendre ses consignes auprès de Londres. Doté d'une grande lucidité que l'on perçoit bien en le lisant, il eut la sagesse de choisir, discrètement mais sans hésitation, le parti des indépendantistes. Ses carnets de voyage furent publiés à Edimbourg dès son retour au Royaume-Uni, en 1824, sans remaniement significatif (mais sans doute avec un léger toilettage). Ce fut donc, avec le journal de Maria Graham publié en 1823, les tout premiers témoignages oculaires que les Européens purent lire en anglais sur des événements que les journaux leur racontaient, mal, depuis une quinzaine d'années.
Or à l'égard de San Martín et en dépit d'un ton objectif, le livre du capitaine Hall était très laudatif.
Cet ouvrage sur l'Amérique du Sud connut un succès foudroyant en Grande-Bretagne au point de susciter la même année une édition à Philadelphie, aux Etats-Unis, et cinq éditions écossaises jusqu'en 1827. La sixième parut en 1840 alors que Basil Hall souffrait déjà de la maladie qui allait l'emporter (3).
En plus des versions originales et traduites en espagnol de son œuvre sur l'Amérique du Sud, j'ai vu aussi une édition en italien datant de 1840.
En espagnol et au cours de cette même année 1823, le Colombien Juan García del Río, qui était alors à Londres comme envoyé de San Martín pour une mission diplomatique péruvienne, avait publié, dans sa langue, la première biographie du général, alors qu'il venait tout juste d'apprendre sa démission du pouvoir suprême à Lima.

Thomas Cochrane, dit Lord Cochrane, plus tard (en 1831) dixième comte Dundonald, Annesfield (1)14 décembre 1775 – Londres, 31 octobre 1860, pair d'Ecosse, Ecossais.
Pendant les guerres napoléoniennes, nos ancêtres l'avaient surnommé "Le loup des mers" tant ils redoutaient de l'affronter sur les flots. Après les guerres napoléoniennes, il se réfugia dans la politique comme député aux Communes et de là, fut désigné, sans doute par James Duff, à l'envoyé de San Martín venu chercher en Albion un bon amiral pour l'expédition de libération du Pérou. Il a débarqué avec femme et enfants à Valparaíso en novembre 1818.
L'oligarchie chilienne en a fait un grand héros national parce qu'elle a considéré qu'il avait fondé la Marine nationale. En fait, il n'a passé que deux ans dans le pays et ses rapports avec les autorités de cette époque ont été d'emblée des plus houleuses.
Psychopathe patenté et ambitieux venimeux, c'est la tête à claques de service du film. San Martín a été un saint de le supporter aussi longtemps.
L'homme avait cependant de grandes qualités : c'était un excellent marin, un tacticien téméraire et un combattant qui débordait de courage physique. Il est d'ailleurs mort très âgé au cours d'une opération rénale. En 1860, à 85 ans, il fallait du cran pour accepter de passer sur le billard, pour la deuxième fois de surcroît ! Et malgré son passé terni dont il ne fut jamais pleinement relevé (4), il fut enterré dans Westminster Abbey, en haut de la nef, devant le chœur. C'est là tous les ans, au mois de mai, que l'Ambassade de la République chilienne près la Cour de Saint James vient honorer sa mémoire.
Voir la note le concernant sur le site Internet de Westminster Abbey (en anglais, avec une photo de la tombe fleurie par les Chiliens qui parle sans avoir besoin de traduction).
Voir sa longue fiche (en anglais) sur le site History of the Parliament déjà cité.
Voir enfin sa fiche sur le site Internet de la pairie britannique (The Peerage) qui le disculpe dans le scandale de la Bourse de Londres en 1814.

John Murray Forbes, Saint-Augustine (5), 13 août 1771 – Buenos Aires, 14 juin 1831. Citoyen des Etats-Unis d'Amérique. Son lieu de naissance laisse supposer qu'il était bilingue anglais-espagnol.
Consul des Etats Unis à Hambourg, puis à Szczecin (Pologne) et enfin à Buenos Aires de 1820 à 1825, puis Chargé d'Affaires (Ambassadeur faisant fonction) de 1825 à 1831. En 1821, il a vu Buenos Aires se noyer dans la liesse lorsque arriva l'annonce de la chute de Lima aux mains de San Martín.
Depuis 1892, il est inhumé dans le carré britannique (protestant) du cimetière de la Chacarita.
Voir sa modeste fiche sur le site officiel Office of the Historian de l'US Department of State.

Maria Graham, Cockermouth (1), 19 juillet 1785 – Londres, 21 novembre 1842, Ecossaise.
Groupie sophistiquée de Lord Cochrane, elle en a adopté les analyses délirantes. Vous ne serez donc pas étonnés d'apprendre que l'oligarchie chilienne a inscrit son nom au panthéon des personnages que la nation se doit de vénérer. Arrêtée par accident à Valparaíso en septembre 1815, elle décide de traverser seule le continent pour aller récupérer un bateau à Rio de Janeiro et rentrer en Ecosse. Tant et si bien qu'elle est le premier écrivain de langue anglaise à avoir parlé du Chili naissant. Et il est vrai qu'elle est beaucoup plus aimable dans ses propos envers O'Higgins qu'envers San Martín qu'elle hait d'une haine irréductible sans même s'aviser que les deux hommes travaillent main dans la main et poursuivent ensemble les mêmes buts politiques.
Maria Graham, admirable illustratrice, se fit aussi connaître et admirer en Grande-Bretagne comme auteur de littérature enfantine, une pionnière du genre. Contrairement à celle de son homologue la comtesse de Ségur, son œuvre est bien oubliée aujourd'hui.

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En français

Quelques uns des amis très proches de San Martín
qui apparaissent dans mon livre
Cliquez sur le bandeau pour une meilleure résolution

Adolphe Gérard, Boulogne-sur-Mer, 1804- ibidem 1878, Français.
C'est lui qui écrivit la toute première des nécrologies de San Martín, qui est aussi la plus exacte. Quelques jours plus tôt, il avait assisté à ses derniers moments, au deuxième étage de sa grande maison de la Grande-Rue, cette artère principale qui monte du port vers la somptueuse citadelle médiévale et la culminante cathédrale de Boulogne-sur-Mer.

Gabriel Lafond de Lurcy, Lurcy-Lévis (6), 25 mars 1801 – Paris, 11 avril 1876, Français (7).
Lui aussi, je vous l'ai déjà présenté l'année dernière au sujet de la politique de San Martín à Lima. Comme Miller, Gabriel Lafond est un enquêteur consciencieux et précis qui tâche de confronter ses souvenirs et ses analyses personnelles à la consistance des documents historiques. Une manière de faire qui est loin d'être habituelle sous la Monarchie de Juillet, qui se sert encore de l'histoire pour manipuler l'opinion publique et l'orienter dans le sens où la classe dominante veut qu'elle aille.

José de San Martín (le même que plus haut !).
Et cette fois, dans notre langue. Emouvant, non ?

Gabriel-Antoine Miéville, Grandson (8), 21 septembre 1766 – Lausanne, 9 août 1852, citoyen de la Confédération helvétique.
Cet intellectuel brillant est l'auteur d'une somme en deux volumes sur la révolution (de 1789) en Suisse qui fait pendant avec les travaux français de Jules Michelet à la même époque.
Un grand révolutionnaire vaudois dont le regard alpin sur l'épopée de San Martín est d'autant plus intéressant qu'il parle alors avec le recul de l'âge (il a cinquante ans quand San Martín commence à faire connaître son nom en Europe). Il est assez rare que l'historien oublie de regarder les événements depuis Paris (ou depuis Londres, voire depuis Madrid) mais depuis les Alpes, il ne pense presque jamais et pourtant c'est un angle de vue qui vaut le coup, notamment s'il y a de la traversée des Andes dans l'air et bien davantage encore lorsque l'Europe se soumet au conformisme réactionnaire de la Restauration post-Waterloo.

Domingo Faustino Sarmiento, San Juan, 15 février 1811 – Asunción, 11 septembre 1888. Argentin.
En français, lui aussi ! (9) Un art consommé de dire à peu près le contraire de ce que pensait San Martín tout en faisant croire aux Parisiens qui le lisaient qu'il lui composait un honnête panégyrique et de fait, messieurs les distingués membres de la Société historique de France s'y sont laissés prendre.
Linguistiquement, c'est admirable (Sarmiento est considéré, à juste titre, comme un grand écrivain de langue espagnole et vous allez voir qu'en français, ce n'est pas mal non plus). Politiquement, sa démarche est beaucoup plus discutable et même cet asservissement de l'histoire à des buts politiques partisans a de quoi choquer le lecteur du XXIème siècle. Et c'est ce que ressentit San Martín lui-même, qui ne s'en laissa pas compter.
C'est aussi ça, Sarmiento : le croisement entre un autodidacte indubitablement génial (10) et un politicien déjà madré et tortueux à l'âge de trente-six ans.

* * *

La plupart de ces auteurs se retrouvent à plusieurs endroits du livre, à chaque fois que leur chemin croise celui de notre héros. Parfois à des époques très éloignées l'une de l'autre.
Presque tous sauf d'une part Remedios de Escalada, dont on n'a que fort peu de traces écrites, et d'autre part Lord Cochrane et Maria Graham, parce que recourir à plusieurs reprises à leurs témoignages ne présentait pas d'intérêt particulier dans le cadre d'un livre qui s'adresse au grand public (11).

Quelques unes des personnalités hostiles à San Martín
(il y en eut peu mais la violence de l'opposition pallia leur petit nombre)
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San Martín par lui-même et par ses contemporains couvre une période qui va de juillet 1789 jusqu'à novembre 1850. Les documents se succèdent dans l'ordre chronologique des événements dont ils témoignent pour en rendre la lecture fluide, comme celle d'un roman épistolaire.

En fin de volume, une table des matières donne les sources que j'ai utilisées pour composer ce recueil et un peu plus tôt déjà, pour écrire San Martín à rebours des conquistadors.

Prochain épisode : mardi prochain

Nous nous retrouverons pour fêter l'anniversaire de naissance de José de San Martín le 25 février. J'ai l'idée de vous emmener à nouveau sur les côtes péruviennes observer avec Basil Hall le comportement informel de San Martín au jour le jour sur sa petite goélette baptisée Moctezuma.

Le bon de souscription de San Martín par lui-même et par ses contemporains, accompagné d'une présentation succincte inspirée de la quatrième de couverture, est à télécharger sous un format imprimable sur mon site Internet (pdf).
Pour lire tous les articles relatifs à ce nouvel ouvrage, cliquez sur le mot-clé SnM ant Jasmin, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.
D'autres informations sont disponibles sur le site Web de la maison d'édition, les Editions du Jasmin.
Vous pouvez aussi écouter l'interview que j'ai donnée en août dernier à Radio Nacional (RAE) en espagnol sur le sujet.

Quelques documents historiques déjà publiés et commentés dans ce blog sur le même sujet :

Rapport du Cabildo de Mendoza sur les efforts déployés par son Gouverneur, le général José de San Martín, pour donner à la Province de Cuyo toute sa vigueur dans le combat pour la liberté et pour l'indépendance de la Patrie
Article triomphaliste publié par La Gaceta de Buenos Aires à la suite de la victoire de Chacabuco (12 février 1817)
Analyse ambiguë de la situation révolutionnaire en Amérique du Sud parue en 1821 dans un journal libéral barcelonais, El Diario Constitucional de Barcelona, animé par des opposants au roi Fernando VII
Entretien accordé par San Martín au capitaine de la Royal Navy Basil Hall, quelques semaines avant la prise de Lima (juillet 1821)
Analyse dressée vingt ans plus tard par le marin français Gabriel Lafond de la politique menée par San Martín à Lima



(1) en Ecosse
(2) Les ouvrages ultérieurs, ceux de Samuel Haigh, William Bennett Stevenson (secrétaire de Lord Cochrane), John Parish Robertson et Gabriel Lafond (en français), profiteront de cette vogue et se vendront eux aussi comme des petits pains. Les Sud-Américains en bénéficieront également en publiant leurs sommes historiques à Paris, comme Carlos Calvo et d'autres qui établiront des collections documentaires colossales et prépareront ainsi le travail de Bartolomé Mitre, considéré en Argentine comme le père de l'histoire. Samuel Haigh, Gabriel Lafond, Carlos Calvo font partie des sources que j'ai consultées et retenues. William Bennett Stevenson et John Parish Robertson, de celles que j'ai consultées mais que je n'ai pas retenues.
Stevenson fit paraître les trois volumes de ses mémoires en 1825. Elles furent traduites en français dès l'année suivante mais il s'agit d'un ouvrage servile et indignement obséquieux à l'égard de Lord Cochrane, dont la personnalité en fait un témoin lui-même fort peu crédible. En ce qui concerne San Martín, Stevenson travaille surtout à le discréditer et à déconstruire l'impression favorable laissée par les deux volumes de Basil Hall. Et c'est dans cette âpre et mesquine polémique que Miller revint à Londres en 1827, pour une permission de deux ans, qu'il occupa à écrire ses propres mémoires. Plus tard, Gabriel Lafond ne s'y trompa pas : pour ne pas s'appuyer sur l'ouvrage de Stevenson dont il voyait qu'il était beaucoup trop partial, il s'adressa à San Martín en personne, à Paris pour recueillir de sa bouche ses propres analyses, tout en sachant qu'il n'aimait guère aborder ces sujets en dehors du cercle latino-américain établi ou de passage en France. Et il fit bien car il reçut ainsi un dépôt inestimable dont je vous parlerai plus tard dans le cadre de la souscription en cours.
Quant à Parish Robertson, il ne faut pas être grand clerc pour l'écarter d'emblée : ses pages, publiées très tardivement entre 1838 et 1843, sont remplies de rodomontades, de calembredaines et autres bobards, visibles comme le nez au milieu de la figure, qui le disqualifient tout de suite. L'homme se présente comme un simple négociant, en affaire en Amérique du Sud (partout et tout le temps, contrairement à un Samuel Haigh, installé une fois pour toutes à Santiago). Selon les versions les plus aimables, il aurait appartenu à un groupe de colons écossais qui s'installèrent dans la Province de Corrientes sur l'initiative de Bernardino Rivadavia (mais il vit en Grande-Bretagne sous le règne de Victoria). La vérité historique participe sans doute fort peu de l'utopie des pionniers. La lecture des souvenirs qu'il a publiés au Royaume-Uni le désigne plutôt comme un agent secret de Sa Gracieuse Majesté : il a tous les coups fourrés de l'espion politique, militaire et économique. Il nous plonge en pleine époque romantique entre un film de James Bond et une version des Barbouzes façon Alexandre Dumas. L'homme a cependant été un habile charlatan pour ses contemporains qui, ne disposant pas de toutes nos sources, ne pouvaient sans doute que difficilement détecter ses impostures.
A noter que pour autoriser ses propos, il présente ses chapitres comme autant de lettres envoyées (on se demande bien quand, pourquoi et comment) au général William Miller, le tout en suivant un plan inutilement compliqué qui noie le poisson.
(3) Sans doute la syphilis, car il a fini ses jours dans un asile d'aliénés et en ce temps-là, les asiles d'aliénés accueillaient essentiellement des hommes syphilitiques.
(4) Il avait fait un an de prison pour un très grave délit financier en 1814-1815.
(5) En Floride, qui appartenait encore à l'Empire espagnol.
(6) Dans l'Allier (France)
(7) Informations dues au travail du professeur A. Darío Lara (1918-2009)
(8) Canton de Vaud, en Suisse
(9) Sarmiento est l'un des trois grands intellectuels qui a fondé la pensée dominante argentine, avec Juan Bautista Alberdi et Bartolomé Mitre. On lira ici dans sa version originale un texte que les Argentins ne connaissent que sous une forme retravaillée ultérieurement par Sarmiento lui-même, qui l'a traduit en espagnol.
(10) Il a à peine fréquenté l'école, qu'il a quittée quand il avait une dizaine d'années parce que la pauvreté de sa famille l'obligeait à gagner sa vie. Or à l'âge de 36 ans, il signe là, en français, un étincelant mémoire qui le fait entrer dans le saint des saints des historiens les plus distinguées d'un pays qu'on considérait encore alors comme le plus avancé sur le plan intellectuel, culturel et scientifique.
(11) En revanche, les épistémologues de tous poils, qu'ils soient spécialisés dans l'histoire américaine, dans la charnière des XVIII et XIXèmes siècles ou dans la psychologie clinique, se régaleront de leurs délires, lubies et autres arrogantes psycho-rigidités de sujets de Sa Gracieuse Majesté incapables du moindre effort d'adaptation culturelle au monde sud-américain, une incapacité d'autant plus visible que les autres Britanniques, Basil Hall, Samuel Haigh et William Miller s'intègrent en souplesse.