mercredi 17 juin 2015

Zaffaroni élu haut la main [Actu]

Raúl Zaffaroni (photo publiée par Télam)

Hier, à Washington, Raúl Zaffaroni a réuni les voix de dix-huit des vingt-trois représentations nationales à l'Assemblée générale de l'Organisation des Etats Américains, qui a mis en place la Cour Inter-américaine des droits de l'Homme après l'entrée en vigueur de la Convention américaine des Droits de l'Homme en 1978.

Quatre postes étaient à pourvoir. Le juriste équatorien a rassemblé 22 voix sur 23, dépassant Zaffaroni, qui arrive en quatrième position, derrière la Costaricienne et le Chilien (20 voix pour chacun d'eux).

La campagne de diffamation déclenchée par Clarín et relayée par La Nación et La Prensa en Argentine n'aura donc pas atteint son but (écarter tout à fait la candidature argentine) mais elle a peut-être réussi à détourner d'elle cinq des délégations nationales, ce qui est déjà beaucoup (il est vrai que l'OEA compte aussi des gouvernements oligarchiques, en Colombie, au Honduras et au Mexique, qui n'auraient sans doute jamais pu voter pour une personnalité aussi hostile aux politiques sécuritaires qu'ils mettent en place, ou un gouvernement conservateur comme celui du Canada).

Le ton de Clarín reste particulièrement aigre :

Con un aplauso cerrado, cancilleres y representantes de todos los países del continente eligieron a Eugenio Raúl Zaffaroni como uno de los jueces de la Corte Interamericana de Derechos Humanos, el máximo órgano judicial de la Organización de Estados de América, a pesar de las críticas que había recibido por su rol durante la dictadura.
Clarín, 16.06.2015 - Les caractères gras sont un choix du site Internet de Clarín

Avec force applaudissements, les ministres des affaires étrangères et les représentants de tous les pays du continent ont élu Eugenio Raúl Zaffaroni à l'un [des postes de juge] de la Cour Inter-américaine des Droits de l'Homme, le organe judiciaire suprême de l'Organisation des Etats d'Amérique, malgré les critiques qu'il avait reçues pour son rôle durant la dictature.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Vous remarquerez la modestie et les pudeurs de Clarín : il ne s'agissait pas de critiques mais bien d'accusations et qui plus est, formulées à l'initiative du groupe de presse auquel appartient cette rédaction ! Quelle noblesse dans la défaite...

La une de La Prensa aujourd'hui :
dans la manchette à droite, on lit un titre concernant cette nomination

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 (la rédaction se réjouit du résultat)
lire la dépêche de Télam (même réaction)
lire l'article complet de Clarín (ou plutôt faudrait-il parler d'entrefilet)
lire l'article de La Nación (qui est nettement plus fair-play et cite textuellement une partie du communiqué officiel du gouvernement argentin)
lire le communiqué officiel publié par la Salle de Prense du Gouvernement argentin
Même le journal des opposants cubains de Miami, Diario Las Américas, rapporte la satisfaction du gouvernement argentin.
L'info est sur la une image de La Prensa mais on ne trouve pas l'article sur le site Web.


Ajout du 18 juin 2015 :
lire l'interview de Raúl Zaffaroni dans Página/12 : il explique ce que fut sa carrière sous la dictature militaire (où il fut rétrogradé de juge fédéral à juge de première instance), expose le propos du livre de 1980 (Derecho penal militar), dont il dit qu'il était une tentative pour prouver qu'il ne s'agissait pas de droit administratif mais bel et bien de droit pénal (et que dans ce cas, il devait se plier aux règles gérant le droit pénal commun). Il analyse également la manière dont Clarín procède en toutes occasions, toujours à la recherche du profit, sans idéologie aucune, au contraire de La Nación qui, dit-il, est un journal et non un groupe économique, avec des positions qu'il ne partage pas et qu'il dit "anti-populaires et pseudo-libérales".

Ajout du 21 juin 2015 :
lire l'analyse que fait Horacio Verbitsky dans Página/12 de ce livre de Zaffaroni publié en 1980, Derecho penal militar. Il démontre que le juge s'efforce, comme il le dit lui-même dans ses interviews, de contester la validité de ce code militaire comme inconstitutionnel, ce qui, à l'époque, est particulièrement courageux.