jeudi 31 décembre 2015

A la hussarde ! [Actu]

Le journal le plus remonté contre les récentes mesures
ce qui est normal, c'est désormais le seul quotidien de l'opposition
La une montre le siège social de l'AFSCA gardée par la police
pour empêcher son occupation par les ex-dirigeants révoqués

C'est par décret, du type DNU (décret de nécessité et d'urgence), que le Président Mauricio Macri met fin à l'existence des deux instances régulatrices qui étaient issues de la Ley de Medios, la loi qui limite la constitution de positions hégémoniques dans les médias, et à laquelle le nouveau président s'est toujours prononcé.

Que l'AFSCA et l'AFTIC soient fusionnées n'est pas une surprise, on savait depuis plusieurs jours déjà que telle était l'intention du Gouvernement et en  particulier depuis la prise de contrôle par décret de l'AFSCA il y a exactement une semaine (voir mon article du 24 décembre 2014). Que cela se fasse par le biais d'un DNU et non par un projet de loi présenté au Congrès et discuté dans les deux hémicycles un peu plus. Puisque les deux organismes avaient été créés par la loi, on s'attendait à ce qu'ils soient dissous par une autre loi. Il ne manque donc pas d'acteurs politiques et de constitutionnalistes aujourd'hui pour dénoncer le procédé comme anti-constitutionnel et peu démocratique.

Página/12 consacre à l'affaire à peu près la moitié des articles en ligne de ce matin.
Les autres titres un peu moins.

C'est à peine si Clarín en parle (voir le dernier titre tout en bas)
mais la Ley de Medios de Cristina Kirchner constituait précisément
un instrument légal à l'encontre de ce groupe médiatique hégémonique
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La nouvelle institution, el ENACOM (Ente Nacional de Comunicación), dépendra directement du Gouvernement (alors que les deux dissoutes, sur le papier au moins, en étaient indépendantes, mais on sait qu'à leur tête avaient été placés des caciques de partis politiques). Elle devra mettre en place les conditions d'une authentique liberté de la presse, qui ne soit plus ni muselée ni soumise au pouvoir politique en place comme elle l'aurait été dans la période antérieure (je cite ici en substance les termes du communiqué officiel) (1). Par ailleurs, il sera créé au Congrès une commission bicamérale chargée de rédiger la nouvelle loi sur la communication, la presse et les médias, qui prendra le meilleur des lois qui régissent actuellement les technologies de communication (Argentina Digital) et les médias (ley de Medios).

Dans el ENACOM, qui n'a peut-être pas vocation à être un organisme pérenne mais devrait exister pendant au moins les deux ans de mesure temporaire dont on parle pour aboutir à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, il est prévu de faire siéger des parlementaires de l'opposition mais dans une proportion inférieure au nombre de représentants de l'Exécutif (3 parlementaires contre 4 commissaires gouvernementaux). Il y en avait aucun à l'AFSCA !
Dans les futures dispositions, les petits organes de presse devraient trouver des garanties de leur existence. C'est en tout cas ce que promet le Premier ministre dans son communiqué d'hier.

La Nación est un peu plus concernée (premier titre, en haut à gauche)
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Ceci n'empêche pas Página/12 d'envisager le pire scénario du complot antidémocratique, qui, certes, ne peut pas être écarté mais ce n'est pas pour l'heure ce qui se dessine. D'autant qu'un juge a invalidé une partie du DNU, ce qui en retardera peut-être l'application, initialement prévue pour lundi. Pour le moment, le fait que les décisions gouvernementales agitent autant le monde politique en pleines vacances et pendant des jours fériés signifie au moins que la démocratie est bien vivante en Argentine et que tout le monde joue son rôle, y compris cette justice si souvent pris à parti de part et d'autre...

Pour aller plus loin :
lire le communiqué officiel de la Casa Rosada.



(1) En août dernier, j'ai eu des échos très sérieux, à la fois à Buenos Aires et à Mendoza, de l'existence d'une réelle, quoi que fort discrète, censure en Argentine. Mais on ne m'en a pas fourni de preuves. Je n'ai pas eu le temps d'en chercher non plus !