samedi 19 décembre 2015

Le Ministère de la Culture présente son nouvel organigramme [Actu]

Pablo Avelluto, le nouveau ministre de la Culture, présentera son cabinet et son programme d'action, lundi 21 décembre 2015, à 11h, au Museo Nacional de Arte Decorativo, Libertador 1902, à Palermo.

photo diffusée par la Présidence argentine

D'ores et déjà le ministre a donné à connaître les grands axes de son programme politique dont l'objectif n° 1 est de mettre en relief l'hétérogénéité de la vie culturelle du pays, ce qui constitue un changement significatif puisque jusqu'à présent tout allait un peu dans le même sens, dans l'exaltation de valeurs perçues comme positives : le culte de la patrie, du progrès social, du combat contre l'impérialisme, des grands hommes présumés de gauche ou récupérés comme tels (1), toutes choses qui se justifient très bien mais qui ne couvrent pas l'ensemble du spectre ni des sensibilités ni des réalités culturelles du pays.

Dans son communiqué, Pablo Avelluto dit vouloir renforcer la mise en place de concours ouverts et transparents comme procédure ordinaire de nomination des directeurs de musées et de théâtres nationaux, comme cela avait déjà été mis en place il y a très peu de temps pour le Museo Nacional de Bellas Artes.

Il entend consulter les professionnels pour planifier les actions à mener en vue de promouvoir chacun des domaines relevant de son ministère, encourager les publics défavorisés à fréquenter les établissements culturels, notamment dans le Gran Buenos Aires et le nord du pays (2), penser l'identité culturelle dans un dialogue entre le niveau national et les niveaux provinciaux pour rééquilibrer la manière dont l'Argentine se conçoit elle-même, scanner et mettre en accès libre l'information culturelle (3) et créer un réseau d'échanges entre les villes au niveau national, continental et international (4) pour projeter l'identité culturelle argentine dans le monde, un des points sur lesquels il ne me semble pas injuste de dire que le précédent gouvernement a échoué. Encore que non, on ne peut pas dire cela de cette manière car en fait, ce précédent gouvernement a conservé dans ce domaine très particulier de l'échange culturel international une conception des choses et une pratique très argentino-argentine, avec des arguments nationalistes qui étaient parfois à la limite de la xénophobie et il tenait peut-être sur ce plan un double langage (5), parlant de projection vers l'extérieur sans y mettre les moyens en hommes et en budget tout en dépensant comme je l'ai dit dans la première partie de la note 5 des sommes faramineuses et improductives, faute de s'y prendre dans le bon sens, en commençant par le terrain et en étendant progressivement l'action hors des frontières.

Pour aller plus loin :
lire le communiqué officiel du ministère annonçant la présentation de lundi.

Ajout du 22 décembre 2015 :
lire l'article de Página/12
lire le second article de La Nación
lire le premier article de La Nación dès lundi
lire le communiqué officiel du Gouvernement sur la réunion telle qu'elle s'est tenue.

Sans oublier :
le nouveau directeur du Museo Nacional de Bellas Artes, Andrés Duprat, lui-même nommé après concours, va lancer un appel à candidatures en bonne et due forme pour attribuer le poste de Conservateur en chef (curador) de l'institution, après la fin du contrat du titulaire actuel. Lire l'article de La Nación sur le sujet.

La désormais traditionnelle photo de famille dans un jardin...



(1) Mariano Moreno, Manuel Belgrano, José de San Martín, Manuel Dorrego, tous les fédéraux de la guerre civile ou peu s'en faut, l'inévitable Juan Domingo Perón et son inséparable Evita, Madres et Abuelas de Plaza de Mayo, Julio Cortázar... D'autres grandes figures, non inscrites dans le panthéon péroniste, étaient relayées au second plan, oubliées ou franchement maltraitées : Bartolomé Mitre et Domingo Sarmiento, les intellectuels les plus puissants de leur temps et nettement marqués à droite avec les préjugés de leur époque qui ne sont plus les nôtres, Julio Argentino Roca, le très contesté chef de l'Expédition du Désert qu'il faut pouvoir aborder dans sa complexité et son temps, sans anachronismes, Hipólito Yrigoyen qui avait le malheur d'être radical (et les radicaux sont historiquement opposés au péronisme), Jorge Luis Borges passé de la gauche radicale à une droite assez dure mais qui n'en était pas moins l'un des esprits les plus brillants de son temps et un éternel candidat à un Prix Nobel de littérature qui ne vint jamais... Et il y en a bien d'autres qui méritent de trouver leur juste place dans l'histoire politique, intellectuelle et esthétique du pays.
(2) Il y a beaucoup de travail à effectuer dans des provinces comme Formosa, Chaco, Jujuy... Et on attend dans ce cas que le gouvernement rétablisse très vite Claudio Espector dans l'intégralité de ses fonctions à la tête des Orchestres juvéniles et enfantins de la Ville de Buenos Aires et de tout le reste du pays où le programme a été déployé par le gouvernement précédent.
(3) Pour le moment, quand ces chantiers ont été entamés et ils l'ont été dans de multiples cadres, l'information n'a pas pu être mise en ligne en accès libre pour de simples raisons matérielles : quand on met à disposition de tout le public du contenu dématérialisé, il faut pouvoir protéger physiquement les magasins où se trouve conservé le contenu matériel, sinon il y a des cambriolages. C'est le casse-tête de nombreuses bibliothèques publiques et des archives nationales et provinciales. En revanche, une institution comme le Museo Nacional de Bellas Artes a pu mettre d'ores et déjà en ligne une grande partie de ses collections, que les pièces soient exposées ou non, et faire de son site Internet une mine d'informations, avec des reproductions en très haute définition d'une qualité parfaite.
(4) Ce n'est pas la première fois que revient ainsi dans le discours de tel ou tel responsable gouvernemental cette référence aux expériences à l'étranger. Tant et si bien que je me demande dans quelle mesure les fréquents voyages à l'étranger de Mauricio Macri et de plusieurs de ses ministres, dont un quotidien comme Página/12 s'est si souvent scandalisé, ne constituaient pas des voyages d'étude pour aller voir comment les choses se passaient aux Etats-Unis, au Canada, en Italie, en France, en Grande-Bretagne et en Espagne. Après tout, c'est souvent comme cela que l'Argentine a progressé et non seulement l'Argentine mais tous les pays de la terre. On s'améliore et on s'enrichit en allant regarder comment les choses se passent ailleurs et on s'encroûte en s'enfermant dans ses frontières physiques ou intellectuelles. Or en Argentine, le problème du voyage n'est pas seulement un problème d'argent, c'est aussi un problème de manque de maîtrise des langues étrangères. Au moins en ce qui concerne Macri, ce problème-là n'existe pas : il parle nécessairement un excellent anglais puisqu'il a terminé ses études dans une grande université des Etats-Unis.
(5) Je pense à ces voyages très chers offerts à différentes personnalités, parfois de premier plan, qui, une fois à Paris, ont été réduites à parler en espagnol dans le grand salon de l'Ambassade devant une cinquantaine de personnes parmi lesquelles j'étais la seule Française et qui, revenues dans leur pays, parlaient de leur succès dans la capitale française ou se félicitaient d'y avoir rencontré "tant de gens si intéressées par l'Argentine" (cette blague, c'était des Argentins !). Je n'ai jamais su exactement à quoi tenait ce fonctionnement contre-productif dont j'ai moi-même parfois fait l'expérience déplaisante au contact de tel ou tel titulaire d'un poste qu'il ou elle devait à un engagement partisan au demeurant sincère (sans qu'il s'agisse jamais d'une fonction d'élu). Reflétait-il bel et bien le fond de la volonté politique du Gouvernement ou relevait-il plutôt d'une attitude courtisane consistant à ne prendre aucun risque, donc aucune initiative un tant soit peu originale, afin de garder son poste ou de conserver des conditions de travail confortables (notamment dans les Ambassades et autres représentations extérieures). A moins qu'il ne se soit agi d'une conception étroite et bornée d'un patriotisme sectaire ou d'un cruel manque d'imagination ou plus prosaïquement encore d'une volonté délibérée de ne faire confiance qu'aux copains ou aux copains des copains et peu importe qu'ils n'aient aucune compétence pour mener leurs missions jusqu'à un résultat concret. J'ai en particulier le souvenir d'un attaché culturel qui, de culturel, n'avait que le titre et en savait moins que moi, mais beaucoup moins que moi, sur tous les sujets sur lesquels il était censé intervenir. Et peut-être la gravité de ce blocage relève-t-elle d'un mélange de tout ça, selon les personnalités, les ambitions de carrière, les liens affectifs entretenus avec telle ou telle personne au sein de l'autorité de tutelle... Mon impression d'ensemble était que ce mode de fonctionnement restait bigrement arbitraire et manquait singulièrement de transmission entre les titulaires successifs, de structuration institutionnelle, de procédures rodées et de compétences, parfois aussi de bonne volonté parce que les gens incompétents hésitent à bouger de peur de dévoiler leur ignorance et peu à peu, ils se transforment en dragon furieux qui défend sa caverne ou en porte muette et obstinément fermée occultant une sinécure (bien payée, cela va sans dire). J'ai souvent eu l'impression que chaque titulaire réinventait son poste à partir de zéro, ce qui consomme une énergie considérable et stérile. Sur place, en Argentine, sur le terrain, dans les musées, les théâtres, les universités, la radio, cette sclérose structurelle devenait de plus en plus insupportable pour bon nombre de gens que je connais, qui ont de l'imagination, du bon sens et des capacités et dont les idées étaient parfois volées (cela m'est arrivé à moi aussi il y a plusieurs années de la part d'une diplomate), tronquées, détournées, voire simplement écartées sans explication ou avec des explications tordues ou absurdes.