mardi 24 mai 2016

En attendant le 25 de Mayo comme on attend le Père Noël [Actu]

Comme tous les ans ou presque, Miguel Rep a régalé ce matin les lecteurs de Página/12 d'un clin d'œil historique avec cette vignette qui évoque la Buenos Aires révolutionnaire de mai 1810. Le 22 mai, dans la salle capitulaire du Cabildo de Buenos Aires, les notables de la ville (1), réunis à la demande du vice-roi, contraint et forcé de consulter la population, avaient institué un gouvernement collégial dont l'amiral Baltasar Cisneros, le dernier vice-roi en exercice, avait réussi à obtenir la présidence. Le 25, le peuple, qui ne l'entendait pas de cette oreille, allait réclamer l'abolition définitive et sans ambiguïté de la vice-royauté en chassant Cisneros du collège gouvernemental, au bénéfice du nouveau corps révolutionnaire qui est passé dans l'histoire sous le nom de Primera Junta : neuf membres de différentes sensibilités politiques, pour représenter équitablement la ville, à défaut de l'ensemble du vice-royaume du Río de la Plata, qui refusait en majorité de prêter serment au Conseil de Régence installé en janvier à Cadix pour soutenir la lutte de l'Espagne contre l'invasion française, conduite par Joseph Bonaparte au nom de son frère.

Bien entendu, Rep n'a retenu dans son dessin que les noms des révolutionnaires qui sont classés indiscutablement à gauche : Mariano Moreno, Manuel Belgrano et Juan José Castelli, qui devaient tous les trois être nommés membres de la Primera Junta, au cours de cette glorieuse journée automnale du 25 mai 1810.


Légende :
24 mai 1810 - Chronique nocturne
Au Cabildo, on dort
Chez Castelli, Juan Jo réveillé
Chez Belgrano, Manuel réveillé
Chez Moreno, Mariano réveillé
(traduction © Denise Anne Clavilier)

Cornelio de Saavedra, qui en fut le président, pas la moindre allusion dans le dessin de Rep, militant de gauche affirmé et confirmé : en Saavedra, on voit d'ordinaire le chef de file du courant conservateur de la révolution, si toutefois on veut bien me passer cet oxymore...

En tout cas, cette année encore, le dessin est particulièrement réussi, vous ne trouvez pas ?

La Primera Junta dans Caras y Caretas
la revue du courant national argentin
Ici, la page 120 du numéro du 21 mai 1916, il y a un siècle
Extrait des archives de la Bibliothèque Nationale d'Espagne
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(1) Sous l'Ancien Régime, seuls les propriétaires fonciers avaient le droit de prendre la parole et de voter, uniquement en cas d'urgence, dans le cadre d'une consultation ouverte baptisée cabildo abierto. Ces réunions se passaient dans les hôtels de ville (cabildo) dont étaient pourvues toutes les villes de quelque importance. Personne ne vivait au cabildo, à part dans la partie qui servait de prison, où étaient retenus les prisonniers et leurs geôliers. La légende du dessin est donc historiquement faux mais côté image d'Epinal, c'est bien joué tout de même. Il faut savoir passer à côté de la stricte vérité historique pour forger les mythes civiques qui fondent les nations.