jeudi 14 juillet 2016

Il y a deux cents ans aujourd'hui, Francisco de Miranda disparaissait [Bicentenaire]

Piédestal du cénotaphe de Miranda à Caracas
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"Le Venezuela pleure le chagrin
de n'avoir pas pu retrouver les restes du Général Miranda
qui ont été perdus, jetés à la fosse commune de la prison
où a expiré ce grand martyr de la Liberté américaine.
La République les garderait [aujourd'hui]
avec tous les honneurs qui leur sont dus
dans ce monument qui a été érigé pour eux
par le décret du Président de la République,
le général Joaquín Crespo, en date du 22 janvier 1895"
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Le 14 juillet 1816, le Précurseur de l'indépendance de l'Amérique hispanique, Francisco de Miranda, avait un peu plus de soixante-six ans.
Depuis plus de trois ans, il expiait, dans la sinistre forteresse de San Fernando, près du port militaire de Cadix, trente années de lutte passionnée pour l'émancipation du continent qui l'avait vu naître, le 28 mars 1750, à Caracas, qui était alors la capitale de la capitainerie-générale du Venezuela.

Le pays dont rêvait Francisco de Miranda
Image tirée de www.franciscodemiranda.info

Dès que le prisonnier eut exhalé le dernier soupir, les gardiens emportèrent son corps enveloppé dans un simple drap, uniquement vêtu de sa chemise de nuit, pour le jeter sans aucun égard à la fosse commune. Les religieux, censés apporter leur assistance spirituelle aux détenus, refusèrent d'accéder aux prières de son valet qui aurait voulu que lui soient rendus les derniers devoirs de la religion. Le défunt était agnostique ; les frères n'étaient pas disposés à accorder la moindre faveur à un conspirateur qui avait porté atteinte à la grandeur de l'empire espagnol même après son décès. Une fois débarrassés du corps, les gardiens revinrent dans la cellule, rassemblèrent tout ce qui s'y trouvait et y mirent le feu. Un autodafé, comme il s'en pratiquait à nouveau dans l'Espagne de la restauration.

Le 1er avril 1816, Miranda avait souffert un accident vasculaire cérébral qui l'avait laissé fortement handicapé, selon le témoignage pathétique que nous en a laissé son domestique, qui partageait sa captivité tout en étant lui-même assez libre de ses mouvements pour parvenir à communiquer secrètement, au péril de sa vie, avec les Britanniques de Gibraltar.

Plaque apposée sur la maison où vécut Miranda à Londres

A Londres en 1811, Miranda avait laissé une compagne aimante, la très discrète Sarah Andrews, de vingt-quatre ans sa cadette, et leurs deux fils, de douze et dix ans, Leander et Francisco, qui n'auront probablement conservé que fort peu de souvenirs personnels de leur illustre père.

L'information du décès parvint à Londres au début du mois de septembre, par des chemins clandestins, car il ne fallait pas que l'on soupçonnât les contacts que l'Angleterre avait pu garder avec le détenu.
Le 11 septembre, on lit dans le Hereford Journal cette simple phrase :

"A letter from Cadix communicates the death of General Miranda, who has at length fallen a victim to Spanish barbarity."

Une lettre de Cadix nous apprend la mort du général Miranda qui a péri, victime de la barbarie espagnole.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

The Caledonian Mercury
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Le lendemain, le Caledonian Mercury (ci-dessus) révélait les détails communiqués par le billet que le valet avait fait parvenir à Gibraltar (1) :

"Nous sommes au regret de dire qu'une lettre de Cadix annonce la mort du général Miranda qui, au terme de ses jours, a péri victime de la barbarie espagnole (2) après un emprisonnement de près de quatre années dans un horrible donjon, en violation d'une capitulation des plus solennelles. La vengeance l'a poursuivi jusqu'au-delà de la tombe. Les moines n'ont pas autorisé son fidèle majordome à lui rendre le moindre rite funéraire. Au contraire, ils ont emporté le corps sur un misérable matelas et le lit de camp sur lequel il avait expiré et livré aux flammes tous ses vêtements et tout ses autres effets."
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Dans l'Europe soumise presque entière à la restauration et très éprouvée de surcroît par une année froide et pluvieuse qui avait affecté la production agricole dans tout l'hémisphère nord, peu de journaux continentaux eurent l'audace de défier les souverains en reproduisant cette information sulfureuse, à la notable exception de La Gazette de Lausanne qui reprenait, dès le 1er octobre, le peu que son éditeur et fondateur, Gabriel Antoine Miéville, avait pu apprendre mais il lui faudra encore un an pour écrire le fonds de sa pensée et rendre enfin l'hommage mérité à Miranda, qu'il pourrait bien avoir connu personnellement lors du circuit exhaustif que le Sud-Américain avait réalisé en Suisse en 1789 (3).

La Gazette de Lausanne, le 25 novembre 1817
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En 1816, Miranda était encore un homme extrêmement célèbre dans toute l'Europe.

Après dix années de service dans l'armée espagnole, il avait participé, de 1780 à 1783, à la guerre d'indépendance des Etats-Unis d'Amérique comme officier supérieur dans le corps expéditionnaire espagnol, envoyé aux insurgés à côté des troupes de La Fayette.
Calomnié par un autre officier qui le jalousait, Miranda quitte le service du Roi et visite les Treize Colonies qui viennent de gagner leur indépendance du Royaume-Uni. Il y restera jusqu'en décembre 1785 et y rencontrera la plupart des membres du Gouvernement, y compris le président George Washington.
De retour en Europe, Miranda entame depuis Londres un long et exhaustif tour d'Europe jusqu'en décembre 1789. Il rencontra ainsi des personnalités aussi prestigieuses que Frédéric de Prusse et Catherine de Russie qui lui exprimèrent leur admiration et lui apportèrent protection et ressources financières, malgré l'opposition manifeste des ambassadeurs espagnols.

Lettre manuscrite de Miranda, en français, à James Madison
le 22 janvier 1806
juste avant l'expédition contre Caracas
(d'où sa demande sur le silence à garder)
Archive de la Library of Congress (Etats-Unis d'Amérique)
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et admirez cette petite écriture lisible et régulière et ce beau français

Ecrivain polyglotte, Francisco de Miranda nous a laissé des carnets de voyage minutieux, plusieurs essais et discours, des monographies sur la musique, la botanique ou les arts des contrées qu'il traversait. Il arrive en France lorsque la Révolution éclate. Il parcourt alors le pays du sud au nord, se lie d'une amitié indéfectible avec de nombreux girondins. Il est de retour à Londres au début de l'année 1790.
Lorsque la France abolit la monarchie deux ans plus tard, il revient à Paris où il veut s'adresser à la Convention Nationale mais... la patrie est en danger. Elle lève en masse une armée citoyenne et les girondins demandent à Miranda de prendre du service contre la première coalition. Sous les couleurs du drapeau national, Miranda sert à Valmy puis à Jemappes, il monte jusqu'à Anvers et Maastricht avant d'être défait à Neervinden, à cause d'une stratégie incohérente de Dumouriez dont les ordres absurdes sont une diversion dont le but est de couvrir son passage dans le camp des émigrés.

Au lendemain de l'acquittement de Miranda, Chauvau Lagarde publia sa plaidoirie
pour informer le public partout dans le pays
Détail de la page de garde de l'édition originale conservée à la BNF

Traîné devant le Tribunal révolutionnaire en 1793 à la suite de cette défaite et accablé par la haine de Robespierre et de Saint-Just, Miranda obtient malgré tout son acquittement. Il doit cette heureuse issu de son procès à son propre charisme et à sa passion contagieuse pour la liberté mais aussi au long et génial plaidoyer de son défenseur, Claude-François Chauveau-Lagarde, qui, le lendemain, exulte de ce succès retentissant qui sauve la vie d'un homme exceptionnel. Après le 9 Thermidor, on pourrait penser que l'horizon se dégage pour Miranda mais l'éclaircie est de très courte durée. Sous le Directoire, les difficultés réapparaissent pour Miranda qui plaide sa cause, sans se lasser, pour être que le gouvernement l'autorise à rester en France. Mais celui-ci veut l'expulser car, depuis 1795, la France et l'Espagne se sont alliées après la défaite de celle-ci dans la guerre du Roussillon.
Le 22 décembre 1798, la mort dans l'âme, Miranda se résout enfin à gagner Londres une nouvelle fois, en espérant que le Royaume-Uni, qui représente alors à ses yeux un ordre politique conservateur, voire réactionnaire, comme pour tous les révolutionnaires sincères (4), acceptera de lui fournir un soutien armé et diplomatique pour donner sa liberté à l'Amérique espagnole.

Page de garde de la première édition
des documents publiés à Londres en 1810
sous couvert d'un jeune Equatorien récemment arrivé en Grande-Bretagne
quelques semaines avant son propre départ pour la révolution sud-américaine
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C'est à Londres, en 1802, qu'il fait la connaissance de Sarah Andrews. Elle est sa logeuse et elle devient sa maîtresse (5). Elle lui donne deux enfants. Dans la capitale anglaise, il va obtenir en 1806 une double opération qui sera un double désastre, l'une vers Caracas, sous son commandement direct mais avec des moyens insuffisants, et l'autre vers Buenos Aires, où le corps expéditionnaire écossais sera rejeté à la mer par les Portègnes, commandés par le capitaine du port, le Français Jacques de Liniers.
Miranda est revenu à Londres depuis deux ans lorsque Caracas se soulève enfin. La capitale de la capitainerie-générale du Venezuela refuse de prêter serment au Conseil de Régence qui gouverne l'Espagne fidèle au roi contre l'occupation française. Le 18 avril 1810 a en effet éclaté cette révolution qu'il appelait de ses vœux depuis au moins 1783.

 Malgré les difficultés de circulation, l'action révolutionnaire de Miranda parvient
jusqu'à Buenos Aires, comme en témoigne cette édition du Grito del Sud
L'un des documents, de plus en plus nombreux,
que l'on peut consulter en ligne sur le site de la BNA Mariano Moreno
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"Avant d'aborder les points que j'ai indiqués dans le numéro 17, il m'a semblé opportun d'insérer dans la présente édition les portraits de quelques personnalités du congrès [constituant] du Venezuela pour mieux éclairer le public dans un domaine aussi important. Si nous ne nous voyons pas dans la nécessité de donner au monde la preuve manifeste de la rectitude de nos procédés, il n'y aurait nul besoin de prendre la plume pour démontrer que nous devons être indépendants*, eu égard aux raisons que ce très sage congrès a exposées.
Congrès du Venezuela, séance du 3 juillet
Après que plusieurs députés s'étaient exprimés, Monsieur Miranda prit la parole et soutint la nécessité de l'indépendance avec de très solides raisons qui forment un long discours énergique.
Une des principales raisons sur lesquelles il appuyait sa position a été l'ambiguïté que notre conduite induisait dans les calculs que font l'Angleterre et les autres puissances capables de venir nous aider. Toutes, dit-il, veulent savoir de manière positive quel est le véritable état de nos relations avec cette autre puissance à laquelle nous avons été unis jusqu'à présent** [...]
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

* Nous sommes en novembre 1812. Le moins que l'on puisse dire est que les révolutionnaires argentins sont loin d'être déjà convaincus de la nécessité de cette indépendance. Lorsque cette année-là, Manuel Belgrano a présenté son besoin de créer un drapeau qui soit propre aux patriotes (révolutionnaires), il s'est fait sévèrement reprendre par le pouvoir politique (et n'en a guère tenu compte, puisque les circonstances opérationnelles rendaient indispensable ce drapeau spécifique). De même lorsque San Martín est arrivé en mars 1812, il est déjà indépendantiste à titre personnel et il se marie dans une famille déjà acquise depuis longtemps à cette conception politique, mais il se garde bien d'en dire un mot au Triumvirat toujours très frileux sur le sujet. Le fondateur du Grito del Sud n'est autre que Bernardo de Monteagudo, l'un des membres les plus actifs de la toute récente Sociedad Patriótica, et son principal rédacteur est Juan Manuel Cano (c'est lui qui dit "je" dans le journal).
Le périodique est apparu le 14 janvier 1812. Le deuxième numéro est sorti le 21 juillet et le titre a cessé de paraître en février l'année suivante. Trop audacieux pour son époque, sans doute. Comme le savent mes fidèles lecteurs, il faudra attendre le 9 juillet 1816 et tout le poids politique de personnalités comme San Martín et Belgrano pour que les députés argentins osent déclarer l'indépendance.
** l'Espagne bien sûr, mais le rédacteur ne veut même pas la nommer.


En 1811, le Précurseur parvient, non sans mal, à rejoindre la terre qui l'a vu naître. Il se bat pendant deux ans aux côtés de Bolívar mais les bonnes relations entre l'aîné et le cadet ne résistent pas à l'épreuve de l'action et lorsque Miranda s'estime acculé à une capitulation qu'il pense honorable, Bolívar préfère le livrer à l'ennemi plutôt que de se soumettre à cette décision qu'il estime inique. Le traité de capitulation devait assurer la sécurité de Miranda mais les Espagnols violeront très vite leur promesse à laquelle ils ne se sentaient nullement tenus envers celui dont ils avaient maintes fois depuis trente ans demandé l'extradition à tous les souverains, même à la Grande Catherine elle-même, tout là-bas, dans la très lointaine Russie.

Une pénible agonie l'attend donc dans la sinistre prison de Cadix mis cette déréliction se verra compensée outre-tombe par une gloire posthume inégalable :

Les archives de Miranda, bapstisées Colombeia, ont été publiées en 23 volumes (11 464 pages), de 1929 à 1950. Plusieurs tomes ont été imprimés à Caracas, les autres l'ont été à La Havane, à Santiago du Chili et à Buenos Aires. On avait longtemps cru perdus ces documents dont l'existence était manifeste dans son testament de 1805 et c'est l'historien de l'université d'Urbana, dans l'Illinois, William Spence Robertson, qui les découvrit en 1922 dans le manoir d'un descendant d'un haut fonctionnaire du Foreign Office qui les avait entreposées chez lui, comme des documents privés, après avoir quitté ses fonctions au ministère.

Plaque sous la statue de Miranda à Valmy
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"Vainqueur à Valmy aux côtés de Dumouriez et Kellerman,
il est entré dans la citadelle d'Anvers
comme commandant d'une armée française.
Orateur, écrivain, entraîneur d'hommes, il a joué ensuite,
tout imprégné des énergies de la pensée française,
le grand rôle de précurseur de l'indépendance de l'Amérique latine
(1750-1816)"

En 1930, pour le champ de bataille de Valmy, un sculpteur vénézuélien, Lorenzo González Cabrices (1877-1948), a conçu une puissante statue pédestre qui se dresse sur un haut piédestal sur lequel on peut lire un éloge enflammé, rédigé dans un français d'une belle concision (ci-dessus). Cette statue a été reproduite dans des nombreuses villes et lieux de mémoire, à La Havane, Caracas, Philadelphie, São Paolo et Paris (square de l'Amérique Latine, XVIIème arrondissement). A Paris, le nom de notre général est en outre gravé sur l'Arc de Triomphe, où les représentations diplomatiques du Venezuela présentes à Paris, accompagnées par le Souvenir Napoléonien, ont déposé une gerbe le 22 juin dernier.

Londres et Cadix s'ornent de deux autres statues pédestres, qui le représentent toutes deux dans une attitude pacifiée, en penseur et en orateur, et non plus en général au cœur de la bataille. A Londres, le Venezuela a acheté la maison où il a vécu à partir de 1802, celle où Sarah Andrews a terminé ses jours en 1847. Cette maison du plus pur style londonien est devenue un musée, comme la maison où San Martín a vécu à Boulogne-sur-Mer. Devenue, quant à elle, un musée argentin.

Enfin, Caracas a édifié un cénotaphe très émouvant à la mémoire du Précurseur.

Couverture originale d'un recueil de documents historiques
offert par la République du Venezuela à la France
à l'occasion du Centenaire de la Révolution Française
conservé à la BNF
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Depuis 1808, les biographies de Miranda sont nombreuses au Venezuela, en Colombie, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, et ailleurs dans le monde. Sa vie a inspiré plusieurs cinéastes ainsi que des musiciens, comme le Vénézuélien Luis Ochoa...

A Paris, le Souvenir Napoléonien prolongera les commémorations de ce bicentenaire avec une conférence que je donnerai le 20 octobre 2016, à la mairie du VIIIème arrondissement, à 18h (entrée libre et gratuite).

Pour aller plus loin :
consulter le site Internet privé d'un passionné d'histoire qui porte le nom de Miranda sans se réclamer de sa descendance. Site en espagnol mais administré depuis la Suisse
consulter le site Internet que le Venezuela a consacré au Colombeia, le fonds d'archives que Miranda avait disposé par testament qu'il soit remis à la bibliothèque publique de Caracas et qui est désormais entreposé à la Academia Nacional de Historia (Venezuela).

* * *

Cet article conclut donc l'ensemble des articles que j'ai consacrés, depuis 2010, au Bicentenaire de l'Argentine puisque Miranda appartient autant à l'Argentine qu'aux autres pays de l'Amérique hispanique. Cela ne veut pas dire que j'en aie fini avec ce mot-clé de Bicentenaire.
Tout d'abord parce que l'Alliance Française m'a réservée en Argentine quelques occasions de prendre tout prochainement la parole dans le cadre de ces célébrations en août prochain. Ensuite parce que le 24 août 2016, Mendoza, San Juan et San Luis fêteront les deux cents ans de la naissance d'une personne qui leur est très chère, Mercedes Tomasa de San Martín Escalada, la fille biologique du Padre de la Patria, or je serai dans ces provinces à cette date. Enfin parce que nous entrons à présent dans le bicentenaire de la geste continentale de San Martín, avec de belles célébrations à venir, autour du parlement de San Martín avec les Pehuenches, en septembre à San Carlos puis autour de la Traversée des Andes en janvier et février. Ce sera ensuite les grandes dates du Chili (2017-2018) puis celles du Pérou (2020-2022), sans oublier les deux cents ans du passage à l'immortalité de Manuel Belgrano, le 20 juin 2020. Et plus tard, si Dieu me prête vie, le Bicentenaire de l'Uruguay se profile à l'horizon 2028-2030...



(1) Le rédacteur choisit délibérément un vocabulaire qui renvoie au Moyen Age, que le romantisme naissant s'imagine volontiers en repoussoir obscurantiste et cruel, et, depuis son protestantisme ou simplement ses sentiments anti-papistes, il s'en prend avec mépris cet emblème du catholicisme qu'est le moine.
(2) Les Britanniques en savaient quelque chose : en 1806, lorsque l'expédition de Miranda échoua à Caracas, les Espagnols saisirent un des bâtiments de l'escadre britannique. Ils considérèrent les marins, du haut en bas de la hiérarchie, comme autant de pirates, alors qu'il s'agissait de militaires réguliers. Douze officiers furent pendus, plusieurs autres condamnés au bagne comme plusieurs hommes d'équipage dont certains furent eux aussi exécutés. Après un tel crime de guerre de la part des autorités espagnoles, on imagine sans peine ce que coûta aux Britanniques de retourner leur alliance traditionnelle en juillet 1808, après l'invasion de la Péninsule par les troupes de l'Empire français !
(3) C'est un peu l'impression que me donne le ton assez personnel de ces quelques lignes. Or chez Miéville, quand le ton devient sensible à ce point, c'est souvent le signe de son engagement personnel. Miéville était né en 1766. Lors du passage de Miranda en Suisse, il avait donc 23 ans.
(4) En 1815, la perception va changer : les libéraux vont s'éprendre de la monarchie parlementaire à l'anglaise puisque le pays aura su conserver pendant toute la tourmente révolutionnaire et napoléonienne la constance de ses mœurs politiques, ses libertés individuelles, sa liberté de la presse. Et le modèle anglais va devenir le modèle par excellence pour les opposants aux restaurations du continent.
(5) J'évite ici d'entrer dans la polémique vénézuélienne sur la nature du lien entre les deux amants. Y eut-il un mariage ? Et dans ce cas, fut-ce un mariage catholique ou un mariage anglican ? Et comment écarter une union libre à la mode des premiers révolutionnaires de France, dont Miranda pourrait bien avoir été adepte ?