mardi 18 octobre 2016

Le petit-fils n° 121 se montre [Actu]

Il y a quinze jours, Abuelas de Plaza de Mayo annonçait une nouvelle identification parmi les 500 enfants enlevés à leurs parents dès le début de la dictature militaire de 1976-1983 (voir mon article du 6 octobre 2016). Il s'agissait d'un homme de quarante ans, Maximiliano Menna Lanzillotto, le fils d'un Italien, Domingo Menna, et d'une Argentine, Ana María Lanzillotto, l'un comme l'autre guerrilleros, membre d'un parti révolutionnaire qui pratiquait la lutte armée, et qui ont disparu après leur arrestation, en laissant derrière eux un fils aîné. Ana María était presque au terme d'une seconde grossesse quand les sbires du régime l'ont séquestrée. L'enfant est né pendant la captivité de sa mère et il a été recherché sans relâche par la famille depuis cette triste date.


Il a d'abord choisi la discrétion et s'est tenu à l'écart des médias mais aujourd'hui, Página/12 met en une son interview (ci-dessus). Comme tous les petits-enfants retrouvés, il témoigne du changement que cette identification provoque dans sa vie sociale et psychique et d'un sentiment de liberté qui monte en lui.

Hay mucho de su vida que, desde el 3 de octubre, “es diferente” o, mejor dicho, interpreta “de manera distinta”. “Recuerdos, imágenes, elecciones y deseos que hoy tienen un nuevo significado”, Página/12

Il y a beaucoup de choses dans sa vie qui, depuis le 3 octobre, "est différent" ou, plus exactement, qu'il interprète "d'une autre manière". "Des souvenirs, des images, des choix et des désirs qui ont maintenant une nouvelle signification".
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Verbatim

– Abuelas de Plaza de Mayo y el país lo conoce como el “nieto 121”. ¿Cómo define el hecho?
– Como el descubrimiento de una realidad nueva, la posibilidad de ponerme en contacto con una parte de mi historia que desconocía totalmente. No siento que soy otro de golpe, nunca sentí que no sabía quién era, sino que tenía de repente la posibilidad de encontrarle explicación y significado a muchas cosas que quizás antes no me había puesto a reflexionar, tenía la posibilidad de acceder a una verdad que me completa. Quiero saber más de mis padres, le encuentro otro significado a recuerdos, a inquietudes que tuve y que nunca les había atribuido razón clara. En estos meses sentí que se me agrandó el corazón un poco. De ninguna manera esto significa un reemplazo de una historia por otra, sino el descubrimiento de una parte de mí que hasta ahora desconocí. Prefiero que haya pasado y seguir para adelante a haberme perdido para siempre esto. Aquel momento en el que me dieron la noticia fue un impacto. Me ganó el desconcierto, no lograba dejar de preguntarme si lo que me estaba pasando era efectivamente así. Pero cuando vi la fotos en la carpeta, ya no me quedaron dudas.
Página/12

- Abuelas de Plaza de Mayo et tout le pays vous connaissent comme "le petit-fils n° 121". Et vous, comment en parlez-vous ?
- Comme de la découverte d'une réalité nouvelle, la possibilité de prendre contact avec une partie de mon histoire que je ne connaissais pas du tout. Je ne me sens pas un autre d'un seul coup, je n'ai jamais ressenti que je ne savais pas qui j'étais mais que j'avais tout d'un coup la possibilité de trouver des explications et des significations à beaucoup de choses sur quoi sans doute avant je n'avais jamais réfléchi, que j'avais la possibilité d'accéder à une vérité qui me complète. Je veux en savoir plus sur mes parents, je trouve une autre signification à des souvenirs, à des questions que j'ai eues et auxquelles je n'avais jamais attribué une raison claire. Je préfère que ça se soit produit et que je continue à avancer plutôt que d'avoir perdu tout ça pour toujours. Ce moment où on m'a dit la vérité a été un choc. J'ai été envahi par la perplexité, je n'arrivais pas à laisser de côté la question de savoir si oui ou non c'était vraiment ça qui m'était arrivé. Mais quand j'ai vu les photos dans le dossier, alors il ne m'est plus resté un seul doute.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

– ¿Qué hizo después?
– Hablé con mi mamá, la que me crió. La llamé y le conté y la noté tan segura cuando me dijo que no podía ser que se me fueron las dudas. Yo me acuerdo que me contaron que de recién nacido era ‘chiquitito, una ratita, muy flaquito’, pero no mucho más.
Maximiliano no deja de nombrar al matrimonio que lo inscribió en el Registro Civil como su hijo biológico y mantuvo esa versión de los hechos hasta hace 15 días como “mamá” y “papá”. [...]
Maximiliano asistió a la Conadi, se sacó sangre y se olvidó del tema. Hasta el 3 de octubre pasado. De nuevo en el auto. “Maxi, podés venir hoy a Conadi a reunirte con Claudia Carlotto”, le dijeron esta vez por teléfono. La propuesta tenía todo el tono de invitación impostergable. Le plantearon “urgencia”. “Para saludarme no va a ser”, supuso Maximiliano, que sin darse cuenta ya estaba en camino para enfrentarse a su verdad.
Página/12

- Qu'avez-vous fait ensuite ?
- J'ai parlé à ma mère, celle qui m'a élevé. Je l'ai appelée et je lui ai raconté et j'ai remarqué qu'elle était si sûre d'elle-même quand elle m'a dit que ça ne pouvait pas être vrai que les doutes se sont envolés. Je me souviens qu'on m'a raconté que tout bébé, j'étais tout petit, une petite crevette, tout maigre, mais pas beaucoup plus que ça.
Maximiliano continue à parler du couple qui l'a inscrit à l'Etat-Civil comme leur fils biologique et qui a maintenu cette version des faits jusqu'à il y a 15 jours comme de maman et papa […]
Maximiliano s'est rendu à la Conadi (1), on lui a fait une prise de sang et il a oublié l'affaire. Jusqu'au 3 octobre dernier. Il est à nouveau au volant. Maxi, tu peux venir aujourd'hui à la Conadi, tu as rendez-vous avec Claudia Carlotto, lui a-t-on dit cette fois au téléphone. La proposition avait le ton d'une invitation qu'on ne peut pas repousser. On lui parlait d'urgence. Ce n'est pas juste pour échanger des politesses, a supposé Maximiliano, qui, sans s'en rendre compte, était en route pour affronter sa vérité.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

– De repente, lo olvidado fue certeza...
– Claro, pero al mismo tiempo no terminaba de sacarme una sensación de extrañeza. Llegué a la Conadi y me dieron la noticia y me entregaron una carpeta con la información de mis padres: cuatro párrafos sobre quiénes eran. También me contaron que tenía un hermano. Me mostraron una foto de él, de Ramiro, en la que estaba más joven y que me hizo recordar a una foto mía de cuando yo era más joven. Éramos iguales. No había duda.
Página/12

- Tout à coup, ce que vous aviez oublié est devenu une certitude...
- Exact, mais en même temps je n'arrivais pas à me débarrasser d'une sensation d'étrangeté. Je suis arrivé à la Conadi, on m'a donné la nouvelle et on m'a remis un dossier avec l'information sur mes parents : deux ou trois paragraphes sur qui ils étaient. On m'a aussi dit que j'avais un frère. On m'a montré une photo de lui, de Ramiro, sur laquelle il était plus jeune [que maintenant] et qui m'a rappelé une photo de moi, quand j'étais plus jeune. On était pareils. Il n'y avait pas de doute.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :



(1) La Commission officielle pour la recherche de l'identité des enfants volés pendant la dictature. Elle est présidée par Claudia Carlotto, la fille de Estela de Carlotto, qui a été maintenu à son poste après l'arrivée au pouvoir de Mauricio Macri, qui ne s'est pas exprimé publiquement, à ce que j'ai pu constater, lorsque Abuelas a annoncé cette identification. Pourtant à Noël, il n'avait pas hésité à envoyer ses félicitations par les réseaux sociaux à une grand-mère, en rupture avec l'association officielle, qui croyait avoir retrouvé sa petite-fille, nouvelle se transforma en cruel canular le lendemain. Voir mon article du 26 décembre 2015.