mercredi 29 juin 2016

Hommage à Illia au Museo de la Casa Rosada [Actu]

Deux bâtons présidentiels et une écharpe bicolore qui font partie de l'exposition permanente revisitée
Photo Casa Rosada

Hier, le Président Mauricio Macri a rendu hommage à Arturo Illia, le président radical qui prit ses fonctions en 1963 pour être renversé par un coup d'Etat militaire trois ans plus tard, en 1966, un homme qu'il présente comme un modèle (cela fait plaisir à ses alliées de l'UCR) et une sorte de paradigme de son propre programme politique : "transparence, honnêteté, décence et patriotisme", des mots qu'il répète comme un mantra dans tous ses discours, depuis le 10 décembre, avec plus ou moins de capacité à maintenir l'adhésion de ses compatriotes à ce discours.

Sans le dire ouvertement mais en le sous-entendant très fort, il a fait de Illia une antithèse des Kirchner mari et femme avec un soupçon d'aigreur dans le ton qui me semble bien plus perceptible qu'il y a six mois. Il en a profité, et c'est tout à son honneur, pour décorer trois personnes qui s'étaient illustrées par leur courage et leur éthique, il y a cinquante ans, dans le cadre du coup d'Etat : un grenadier à cheval, passé colonel depuis, qui a sauvé la vie du président légitime pendant les événements et deux généraux qui ont démissionné de l'armée après le coup de force parce qu'ils préféraient servir le pays dans un cadre constitutionnel. Macri devrait ainsi mettre un terme aux accusations de bienveillance envers la dictature militaire, que les associations issues de la lutte contre la dernière dictature (Madres, Abuelas, H.I.J.O.S.) sont prêtes à répandre. Il est vrai aussi que sous les deux mandats de Néstor et Cristina Kirchner, la dictature des années 70-80 occupait tout l'espace de la conscience démocratique et que les précédents putschs ne donnaient lieu à aucune commémoration ni aucun hommage aux présidents légitimes qui en avaient été les victimes. Il y avait une sorte de confiscation de la mémoire au seul bénéfice du péronisme.

Cet anniversaire a permis aussi au Président Macri de procéder à l'ouverture du nouveau Musée Casa Rosada, qui perd du coup son nom de Museo Nacional del Bicentenario, dans cette même démarche, non exempt de revanchisme, qui consiste à faire disparaître les traces de la politique précédente, comme si elle n'avait pas existé (ce qui n'est pas de très bonne politique pour "réconcilier" les Argentins comme il ne cesse de le répéter). Les changements relevés par les articles de La Nación semblent dérisoires et sans aucun intérêt. J'attends donc de me faire une opinion sur place en le visitant car le président a, quant à lui, dit quelque chose qui a beaucoup de sens : auraient été mis en vitrine les objets de tous les présidents constitutionnels, ce qui semblerait sous-entendre que ce qui touche les présidents issus de coups d'Etat (presidentes de hecho comme on dit en Argentine) aurait été retiré de l'exposition permanente. Et ce ne serait pas une mauvaise manière de régler le problème mémoriel de l'Argentine (1) par rapport à son histoire institutionnelle mouvementée et chaotique.

Par ailleurs, le Président Macri a annoncé qu'il assisterait le 10 juillet à Buenos Aires (2), dans le cadre des festivités du Bicentenaire, au premier défilé militaire dans l'espace public depuis 2000. En effet depuis plus de quinze ans, les rapports de la majorité kirchneriste (depuis 2003) avec les forces armées étaient empreintes d'une telle méfiance, voire d'une telle rancune, que les soldats n'avaient presque plus le droit d'apparaître dans la rue. Il faut dire que la présence d'uniformes militaires dans les rues avait longtemps eu un sens terrible et que les Kirchner ont projeté sur la scène publique les émotions du vécu de leurs jeunes années, d'une manière foncièrement subjective. Cette attitude très affective leur a bien entendu aliéné une grande partie des forces armées mais aussi de l'opinion publique, en particulier des gens de droite proche de la culture militaire (3) (laquelle ne doit pas se confondre avec la culture dictatoriale, qui ne correspond qu'à une partie psycho-rigide de l'armée).

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Prensa sur l'hommage à Illia
lire le reportage de La Nación sur la dékrichnerisation du Museo ex-del Bicentenario
lire le second reportage de La Nación sur le nouveau visage du désormais Museo de la Casa Rosada
lire l'article de La Nación sur le retour des défilés militaires les jours de fête nationale
lire le communiqué de la Casa Rosada sur la cérémonie d'hommage à Arturo Illia (avec vidéo incluse) – le tout n'a duré que 16 minutes, c'est vraiment rapide !
lire le communiqué de la Casa Rosada sur le nouveau musée de la Casa Rosada

Ajout du 2 juillet 2016 :
lire l'éditorial très caustique de Página/12 qui remet cet hommage inattendu à Arturo Illia en perspective politicienne : le quotidien de l'opposition y voit une fleur faite à l'UCR, alliée de Mauricio Macri dans Cambiemos. Cela fait plaisir et ça ne coûte rien. L'analyse est loin d'être invraisemblable. Et comme l'UCR est historiquement anti-péroniste, ça fait d'une pierre deux coups.



(1) Par exemple jusqu'à l'année dernière, les Grenadiers à cheval réservistes réglaient le problème d'une manière intellectuellement très insatisfaisante : ils se disaient fiers d'avoir servi tous les présidents de la même manière. Je ne sais pas s'ils ont changé de formule depuis. Ce serait à souhaiter. Mais cette formule ne faisait que justifier leur neutralité dans les aléas de la vie politique du pays. La position du Président pourrait mettre fin à cette neutralité déplaisante.
(2) Reste à savoir si le lieu sera ouvert au public ou cerné de barrières de sécurité comme cela s'est produit, au grand scandale des Argentins, le 25 mai sur la Plaza de Mayo à Buenos Aires et le 20 juin autour du Monument au Drapeau à Rosario (Province de Santa Fe).
(3) Et dans cette partie de l'opinion publique proche de la culture militaire, on compte un bon nombre de sanmartiniens et de belgraniens qui tâchent aujourd'hui de retrouver un espace dans les médias et la vie quotidienne.

Ariel Prat vendredi au Faro [à l'affiche]


Le chanteur et auteur-compositeur Ariel Prat continue la présentation de son disque de murga et d'autres choses... No solo murga !

Ce vendredi 1er juillet 2016, à 21h30, il se produira au Bar El Faro, situé esquina La Pampa y Constituyentes, à la limites des quartiers Villa Urquiza, Villa Pueyrredón et Parque Chas, comme le savent tous les fidèles lecteurs de ce blog, tout à l'ouest de la ville de Buenos Aires.

Il semblerait qu'il soit urgent de réserver sa place, le restaurant est tout petit et l'artiste très apprécié !

mardi 28 juin 2016

Une série documentaire pour le Bicentenaire de l'indépendance [à l'affiche]


Actuellement, la télévision publique argentine diffuse jour après jour 45 petits clips sur des points de l'histoire de l'indépendance. L'émission est produite et animée par deux historiens, la grande vedette médiatique qu'est Felipe Pigna, chef de file du revisionismo, et son confrère, Eduardo Lazzari. Chaque clip dure entre une et deux minutes, dont à chaque fois plusieurs secondes de générique.

Bref, une série qui ne permet pas d'apprendre grand-chose et qui n'approfondit rien mais avec laquelle Felipe Pigna, qui a pu se maintenir à l'antenne après l'alternance politique, recycle tout son stock de conférences et de livres... Dans un format aussi court, la série ne peut pas éviter les approximations et les explications réductrices.

Ceci dit, pour se familiariser avec l'espagnol d'Argentine, c'est formidable : format bref, débit oral ordinaire, vocabulaire d'usage commun, des décors variés, une mise en scène dynamique. Les clips sont en visionnage libre, en ligne, y compris depuis l'étranger...

La série s'achèvera le 9 juillet prochain, lorsque deux cents ans se seront écoulés depuis la déclaration d'indépendance par le Congrès de Tucumán.

Un chef d'œuvre de Saint-Exupéry en aimara [Disques & Livres]

Sur la couverture, apparaît le drapeau multicolore des peuples originaires
entre le Petit prince et la fumée du volcan

La maison d'édition Los Injunables vient de publier une version aimara du Petit Prince de Saint-Exupéry : Pirinsipi Wawa (le prince enfant).

La langue aimara compte deux millions de locuteurs en Argentine, en Bolivie, au Pérou et au Chili. Parmi ces deux millions de personnes, le président bolivien Evo Morales qui appartient à cette culture. Dans le nord-ouest argentins, vivent plusieurs communautés coutumières appartenant à ce groupe linguistique.

Página/12 consacré l'un de ses articles culturels du jour à cette nouvelle version du chef d'œuvre de l'homme de lettres français.

Copie de la page trouvée sur Facebook
Cliquez sur l'image pour obtenir une bonne résolution
en photo, le traducteur en langue aimara

Pour en savoir plus :
consulter la page Facebook de l'éditeur, Javier Merás.

Ce vendredi, nouvelle milonga de la UNi [à l'affiche]


Comme tous les premiers vendredis du mois, le CETBA (Centre de Formation au Tango de Buenos Aires), qui fête son quart de siècle, propose, ce vendredi 1er juin 2016, la milonga de la Uni organisée et animée par les élèves dans ses locaux.
L'entrée est gratuite. Le CETBA propose de participer aux frais par une libre contribution évaluée à 25 $ ARG (une misère, mais par les temps qui courent, où la vie est redevenue très difficile, ces 25 pesos minimum seront les bienvenus pour l'école).

Comme d'habitude, cours au début de la soirée, pour débutants et intermédiaires, à 21h et à 22h, petite restauration sous la forme d'un buffet, tombola et de la musique, avec des musiciens en chair et en os !

lundi 27 juin 2016

Barrio de Tango passe en mode vacances d'été (septentrional) [ici]


Comme tous les ans à la même époque, Barrio de Tango change de rythme : moins d'articles en ligne chaque jour et plus de préparatifs de mes autres activités, de l'autre côté de l'écran.

L'été européen est en effet le moment où je finis de concevoir les conférences que je donnerai au mois d'août, pendant l'hiver, à Buenos Aires, San Juan, Mendoza, San Carlos, San Rafael et San Luis sur le tango, au Congreso de Tango de la Academia Nacional del Tango (dont ce sera la seconde édition, les 1er, 2 et 3 septembre prochain), sur le général San Martín alors que le 24 août Mendoza, la ville et la province, fêtera le bicentenaire de la naissance de sa fille, Mercedes (1), et sur la tradition orale des contes paysans de l'Intérieur argentin.

A ce programme traditionnel, s'ajoute pour moi la préparation d'une conférence prévue le 20 octobre à la Mairie du 8e arrondissement de Paris, dans le cadre des activités culturelles proposées par le Souvenir Napoléonien, en l'occurrence un exposé pour le bicentenaire de la mort de Francisco de Miranda, le Précurseur de l'indépendance de l'Amérique hispanique, le 14 juillet 1816, à Cadix, où il était retenu prisonnier comme Napoléon, après une défaite militaire et la violation de leur parole par des vainqueurs sournois et vindicatifs.

Et puis il y aura aussi au cours de l'été ce rendez-vous breton à Saint-Cyr Coëtquidan : le Festival International du Livre Militaire où je présenterai mes deux livres sur le général José de San Martín, les 22 et 23 juillet 2016.

Retour au rythme ordinaire de Barrio de Tango vers le 20 septembre.



(1) Mercedes de San Martín y Escalada est un personnage très important dans l'imaginaire et l'affectivité des Mendocins. Lorsqu'elle est née, ses parents étaient si appréciés dans cette ville que celle-ci célébra l'événement comme Monaco fête une naissance princière... A tel point que dans la ville de Mendoza, c'est la date du 24 août qui a été retenue pour la fête des Pères. Elle est décédé en 1875 à Paris, dans l'hôtel de la légation argentine, qui se trouvait dans l'actuelle rue de Liège (alors rue de Berlin), à proximité de la gare Saint-Lazare. L'ambassade argentine a maintenant déménagé du côté de l'Arc de Triomphe. Enterrée dans un premier temps à Brunoy (91), Mercedes repose maintenant dans la basilique San Francisco de sa ville natale, sous la garde de la Virgen del Carmen (Vierge du Carmel en français), dont son père avait fait la sainte Patronne de l'Armée des Andes.

Nostalgie, nostalgie, quand tu nous tiens ! Fito Páez et Luis Alberto Spinetta il y a trente ans [Disques & Livres]


Il y a trente ans, deux artistes du rock argentin, qui ont marqué le genre de leurs deux personnalités différentes, enregistraient un album commun où ils mêlaient leur répertoire : La la la. En 1986, la démocratie venait tout juste de renaître et le rock trouvait pour la première fois une place naturelle et légitime dans le paysage musical argentin, après les années de censure et de surveillance...


Ce disque a fait date et hier, dimanche, Página/12 faisait de cet anniversaire le sujet d'une interview en une de ses pages culturelles. Fito Páez y raconte ses souvenirs de cette aventure et son partenaire trop tôt disparu, le 8 février 2012 (voir mon article du lendemain).

Pour aller plus loin :

vendredi 24 juin 2016

Luis Filipelli à Quiero al Tango lundi [à l'affiche]


Le lundi 27 juin 2016, exceptionnellement à 18h (au lieu des 19h30 habituels), la soirée Quiero al Tango mettra le chanteur Luis Filipelli à l'honneur.

Comme d'habitude, la manifestation développera tous les aspects du tango et rassemblera des artistes nombreux et variés.

Entrée libre et gratuite, à la Academia Nacional del Tango, avenida de Mayo 833.

Quiero al Tango (J'aime le tango) est une campagne de sensibilisation du public au caractère essentiel du tango dans la culture argentine, pour obtenir qu'il ait plus de place dans les programmes scolaires ainsi que sur les antennes du service public de radio et de télévision. Et voilà sept ans que dure cette aventure à laquelle de nombreuses associations et institutions se sont jointes, dont celle des Danseurs, professeurs et chorégraphes de tango argentin ou la radio publique portègne La 2 x 4...

Prenons du recul : vu des bords de River Plate, le Brexit, ce n'est pas grand-chose [ici]

La plus ouverte sur le monde de toutes les unes de la journée !

La Prensa préfère réserver ses deux principales photos à deux thèmes très locaux
à gauche en bas, la fermeture définitive du zoo de Buenos Aires
qui sera remplacé par un parc dédié à l'écologie
et à droite en haut, la sortie de la clinique de Mauricio Macri
qui vient d'être opéré d'un genou (passionnant, non ?)
Le Brexit est traité à droite en bas avec la photo de Cameron et Madame
Pas un mot à la une sur les accords de paix en Colombie !

Il va falloir nous y faire : que cela nous plaise ou non, et en général, ça ne nous plaît pas, nous, les Européens, nous ne sommes plus le centre du monde comme au temps de Francisco de Miranda ! Aujourd'hui, de part et d'autre du Río de la Plata, le Brexit, ce tremblement de terre pour le Vieux Continent, n'intéresse pas plus que ça la presse argentine et uruguayenne...

Clarín met la Colombie en manchette et le Brexit en colonne sans photo  (à droite, en haut)
La une est consacrée à une photo simiesque d'un ancien ministre de Cristina Kirchner
que tous ses anciens copains laissent tomber comme un pestiféré
alors que la justice l'a dans le collimateur

La Nación fait un peu comme Clarín tout en consacrant sa photo principale à la Colombie
Le Brexit est traité sans illustration (colonne de droite, deuxième article à partir du haut)
en bas au milieu, la fermeture du zoo de Buenos Aires

Plus étonnant encore : la signature d'un cessez-le-feu définitif entre le gouvernement légitime de la Colombie et les FARC, après des décennies de guerre civile, ne semble par arrêter davantage l'attention des journalistes et des commentateurs.

A Montevideo, La República tape sur le Venezuela en conflit
avec l'Organisation des Etats d'Amérique
et consacre sa photo à l'ancien président uruguayen
qui a œuvré discrètement à côté du Cubain Raúl Castro
pour la pacification de la Colombie

El Observador a mis l'accord colombien en vedette
avec cette belle photo des trois hommes en chemise blanche !

Les résultats de la Coupe américaine de football ont plus de succès !

Dans El País (quotidien uruguayen)
les deux informations internationales du jour encadrent le titre du quotidien
au-dessous pour la Grande-Bretagne, au dessous pour la Colombie

jeudi 23 juin 2016

Le souvenir de Francisco de Miranda sous l'Arc de Triomphe [Retour sur Images]

C'est moi qui ai souligné le nom sur la photo prise hier soir par temps menaçant sur Paris

Deux cents ans après la mort du Précurseur de l'indépendance du continent, à Cadix, le 14 juillet 1816, alors qu'il avait soixante-six ans et quelques mois, la communauté vénézuélienne et sud-américaine de Paris a bravé le ciel d'orage pour célébrer la mémoire de Francisco de Miranda, un Caraquègne qui vint mettre son talent militaire au service de la France pendant la levée en masse de la première République.

Le drapeau vénézuélien côtoyait hier soir à 18h30 le bleu-blanc-rouge de la France

C'est une société savante française, le Souvenir Napoléonien, qui avait facilité cette démarche officielle : dépôt de gerbes et cérémonie quotidienne du ravivage de la Flamme sur la tombe du Soldat Inconnu, à quelques mètres sous le nom de Miranda gravé dans la pierre de l'Arc de Triomphe parmi ceux des généraux de la Révolution et du Premier Empire.
Du côté vénézuélien, l'Ambassadeur auprès du Gouvernement français ainsi que son attaché militaire (avec son bâton de commandement et toutes ses décorations) et l'Ambassadeur auprès de l'UNESCO présidaient la délégation.

Sans Miranda, l'indépendance de tout le continent aurait eu un autre visage. Ce personnage haut en couleurs au caractère plus que trempé (1) a intégré l'Olympe civique de l'ensemble des pays de l'Amérique du Sud et de l'Amérique centrale.

Le secrétaire général du Souvenir Napoléonien et le plus jeune des adhérents présents sur place
déposent une gerbe sur la tombe du Soldat Inconnu,
assisté par les chargés de protocole de l'association La Flamme sous l'Arc de Triomphe
dirigés par le général d'armée Bruno Dary

Sans l'épopée napoléonienne, ni Simón Bolívar ni José de San Martín n'auraient pu imaginer leurs plans de libération continentale, en tout cas tels qu'ils les ont conçus, l'un au nord, à partir de Caracas, l'autre au sud, à partir de Buenos Aires, tant pour l'un comme pour l'autre, Napoléon fut non pas un modèle mais une référence constante de ce qu'il est possible de faire...

Le 20 octobre 2016, à la Mairie du 8ème arrondissement de Paris, le Souvenir Napoléonien poursuivra sa coopération avec l'Ambassade du Venezuela dans le cadre de l'hommage à ce héros que se partagent la France et le Nouveau Monde, avec une conférence que je donnerai sur ce personnage hors du commun, à la fois officier, homme de lettres et de science et voyageur inlassable, qui parcourut, de ville en ville, de village en village, toute l'Europe, jusqu'en ses confins, l'Islande au nord, Constantinople au sud, la Russie à l'est et l'Angleterre à l'ouest....

De Miranda, ses contemporains disaient qu'il n'était qu'amour pour la Liberté.

Il est la seule figure historique impliquée dans trois révolutions, celle de l'indépendance des Etats-Unis pour laquelle il combattit au sein du corps expéditionnaire espagnol, aux côtés des Français et des insurgés, celle de la République Française juste avant la Terreur et celle de l'Amérique du Sud, qu'il ne connut que sur la côte du futur Venezuela. Un conflit politique très grave l'opposa à celui qui avait été son disciple, Simón Bolívar, qui le livra finalement aux Espagnols, en 1812, le condamnant ainsi à une fin misérable et christique, la prison dans une forteresse du port de Cadix.



(1) Ses archives, inscrites au patrimoine documentaire de l'humanité, permettent de percevoir un homme pas commode tous les jours. Mais il est rare que les génies soient faciles à vivre !

Prix Zorzal 2016 : une belle soirée demain au Cercle des Sous-officiers de la Fédérale [à l'affiche]


Demain soir, vendredi 24 juin 2016 à 21h, à la veille de l'anniversaire du passage à l'immortalité (1) de Carlos Gardel (c'est lui, le Zorzal, le Rossignol), une soirée musicale sera l'occasion de remettre des récompenses à de nombreux artistes de tango, surtout des chanteurs, la plupart argentins, pour la majorité d'entre eux à Buenos Aires et dans sa proche banlieue, quelques uns dans différentes provinces et deux à l'étranger (Uruguay et Pérou).

Repas sous forme d'un buffet.

Entrée : 500 $ ARG pour le spectacle et le dîner.

Il faut impérativement réserver pour participer.


(1) En Argentine, on parle plus volontiers de passage à l'immortalité pour les grands personnages que de mort ou de décès. Parce qu'ils ne meurent pas. Ils vivent dans la mémoire populaire et dans la mémoire institutionnelle. En revanche, ici, le portrait de l'artiste est particulièrement raté !

mardi 21 juin 2016

Hommage au Précurseur Francisco de Miranda à l'Arc de Triomphe [ici]

Iconographie partiellement apocryphe de Miranda,
dans sa jeunesse et l'époque de la Révolution du 19 avril 1810 à Caracas

Le général Francisco de Miranda, précurseur de l'indépendance de l'Amérique du Sud, sans qui aucun des actuels Etats du sous-continent n'existerait dans sa forme actuelle, a servi sous les drapeaux français dans l'Armée du Nord, sous la première République française. Il figurait, comme général de brigade (maréchal de camp) parmi les vainqueurs de Valmy et de Jemmapes en septembre et novembre 1792, puis d'Anvers avant d'être arrêté, par la trahison de Dumouriez, devant Neerwinden, en mars 1793, alors qu'il était devenu général de division.

Né à Caracas, le 28 mars 1750, Francisco de Miranda est mort, en prison, à Cadix, comme rebelle au roi d'Espagne, le 14 juillet 1816, il y aura deux cents ans dans quelques jours.

Miranda à l'époque où il servait la France

En partenariat avec le Souvenir Napoléonien, l'Ambassade du Venezuela viendra lui rendre hommage une heure avant la cérémonie quotidienne de ravivage de la Flamme du souvenir, demain mercredi 22 juin 2016, à 17h30, au pied de l'Arc de Triomphe où son nom est gravé parmi ceux des généraux de la Révolution et de l'Empire.

J'y serai en qualité d'historienne spécialisée sur l'Amérique du Sud. En effet, sans Miranda, il n'y aurait eu ni Simón Bolívar, ni Bernardo O'Higgins, qu'il forma tous les deux, ni José de San Martín, tous trois ses disciples, directement ou indirectement.

Le film du bicentenaire au Venezuela : Miranda revient [à Caracas en 1810]
Remarquez l'anachronisme de la robe de la femme à l'arrière-plan

Et pourtant ils sont très peu nombreux, les chercheurs européens, à s'intéresser, dans les institutions scientifiques, à ce personnage hors normes et à le faire connaître, lui qui fut le seul acteur politique à avoir participé à trois révolutions, d'abord aux Etats-Unis (on parlait alors des Treize Colonies), ensuite en France et enfin en Amérique du Sud, où il ne vit pas son rêve se réaliser. Un rêve pour lequel il avait sillonné le vieux monde en tout sens pour collecter tous les savoirs disponibles : modes de gouvernement, pratiques militaires, botanique, agriculture, élevage, artisanat et manufacture, arts, philosophie... Il nous a légué un important fonds d'archives qu'il a constitué tout au long de sa vie et que le Venezuela a fait inscrire il y a quelques années au Patrimoine documentaire de l'Humanité : le Colombeia, que la Bibliothèque nationale d'Espagne a récemment mis en ligne pour les besoins des historiens (dans l'édition effectuée de 1929 à 1950 grâce à des imprimeries situées à Caracas, à La Havane, à Buenos Aires et à Santiago du Chili). Physiquement, ces dossiers sont entreposés à Caracas, sous la garde de l'Académie nationale d'histoire.

Miranda est le seul Sud-Américain qui ait participé au mouvement des Lumières.

"Miranda n'est plus l'homme d'un seul pays, écrivait son avocat, Claude-François Chauveau-Lagarde (1) au lendemain du 9 Thermidor. Il est devenu une sorte de propriété commune, inviolable."

C'est à cet homme exceptionnel que l'hommage sera rendu à l'heure où la flamme est rallumée tous les jours sous l'Arc de Triomphe, dans ce Paris qu'il a tant aimé.

Pour mes lecteurs sud-américains, voici les accès au site Internet de l'Arc deTriomphe et à celui de la Flamme du souvenir.



(1) Claude-François Chauveau-Lagarde (1756-1841) fut l'avocat ultra-courageux de Marie-Antoinette et de Charlotte Corday et tenta d'être celui de Madame Elisabeth, la sœur de Louis XVI, mais elle fut condamné sans l'assistance d'un défenseur ni même avoir pu rencontrer le moindre avocat. Il fut également le défenseur de Miranda, dont il participa à l'acquittement en 1794, ce qui faillit lui coûter la liberté (peut-être la vie, puisque le principe même de la défense fut supprimé pendant la Terreur et les avocats dans son genre devinrent des suspects). C'est à peine tiré lui-même du danger qu'en tant qu'avocat il s'exprimait ainsi, anonymement toutefois, quelques jours après la chute de Robespierre. Ce juriste hors pair repose au cimetière de Montparnasse où sa tombe est toujours soignée, surtout par les royalistes à la cause desquels il se lia en 1795, ce qui ne l'empêcha pas de reprendre sa profession sous le Consulat et de ne plus avoir à y renoncer jusqu'à sa mort.

Cucuza reprend son tour de chant tango-rock [à l'affiche]


Ce samedi 25 juin 2016, à 22h, le chanteur Cucuza Castiello accompagné de son Trío Inestable (son trio non titulaire) se produira au Galpón B, l'ex-Teatro Orlando Goñi (1), rue Cochabamba 2536, dans le quartier de San Cristóbal.

Le chanteur s'est entouré d'une brochette d'artistes invités, dont la plupart sont connus de mes fidèles lecteurs qui ont déjà lu leur nom dans ces colonnes.

Prix : 150 $ ARG (pas cher). Il est fortement conseillé de réserver, en envoyant un mail à l'adresse indiquée sur l'affiche diffusée par l'artiste.


Perspective d'une très belle soirée dans une ambiance chaleureuse, populaire, pleine de gouaille et des voix splendides. Ce n'est pas pour rien que Cucuza a récemment eu les honneurs de la Legislatura ! (voir mon article du 22 mai 2016).

Pour aller plus loin :



(1) J'ignore pourquoi on changé le nom de cette salle en passant d'un hommage à un grand pianiste du tango à un peu ragoûtant Hangar B. A moins qu'il ne s'agisse précisément d'une revendication politique pour dénoncer l'abandon de la culture dans la ville. Pas impossible !

Nouvelle édition du Festival de Tango Marechal à Balvanera [à l'affiche]



Malgré la crise, les festivals se suivent et l'hiver s'annonce actif. C'est l'une des grandes différences entre l'Europe et singulièrement la France et l'Argentine. Chez nous, quand la crise frappe, la culture s'en ressent fortement, les festivals disparaissent. En Argentine, c'est l'inverse : le monde culturel se mobilise et se met au système D puissance 10.

Aujourd'hui donc, se tient à la Academia Nacional del Tango, sous la présidence de Gabriel Soria, la soirée de présentation du deuxième festival de Tango Marechal qui se tiendra ce week-end, vendredi 24 et samedi 25 juin 2016, dans un centre culturel de Balvanera, le long de la rue Mariano Moreno.

Pour payer son entrée, apporter un produit alimentaire non périssable. Il sera redistribué dans des réseaux de solidarité à l'intérieur de la ville de Buenos Aires où la pauvreté a beaucoup augmenté ces six derniers mois.

Aujourd'hui, les artistes à l'affiche sont parmi les premiers de nos jours, notamment les chanteurs Cucuza Castiello et Jacqueline Sigaut ou l'artiste qui navigue entre le tango et le fado, Karina Beorlegui... Durant le week-end, l'affiche n'est pas moins brillante et reflète une bonne pluridisciplinarité du genre, avec conférence, chanson, musique instrumentale et danse...

Hommage à Carlos Gardel chez lui [à l'affiche]


Ce 24 juin 2016, pour le 81ème anniversaire de la mort de Carlos Gardel, le musée municipal qui porte son nom à l'Abasto sera pour une fois rendu au tango, puisqu'il est actuellement mis au service essentiellement de la musique classique, qui ne manque pourtant pas de salles et plus belles qui plus est dans la ville.

Entrée gratuite pour deux concerts dans le patio couvert, à 18h30 et à 21h.

Vous aurez remarqué que le chant y aura la portion congrue. Je ne comprends pas comment un directeur de musée peut organiser une programmation aussi à côté de la plaque depuis deux ans !

lundi 20 juin 2016

Manuel Belgrano à la fête [à l'affiche]

Capture d'écran du site de l'INB
"Comme il fallait brandir un drapeau et que je n'en avais pas, j'en ai fait faire un
blanc et ciel, qui respecte les couleurs de la cocarde nationale" Manuel Belgrano (1)

Comme tous les 20 juin, l'Argentine est en fête. C'est un jour férié pour célébrer le drapeau et son créateur, le général Manuel Belgrano (1770-1820), l'un des plus grands personnages de la Révolution de Mai 1810 : promoteur des droits de l'homme, de l'éducation populaire, de la liberté de presse, de la dignité de la femme, de l'émancipation des peuples primaires, de l'abolition de l'esclavage, organisateur de la lutte armée contre l'envahisseur britannique d'abord puis contre les forces coloniales ensuite... Bref, un personnage qui résume à lui tout seul toute l'épopée indépendantiste.

Le Belgrano de Miguel Angel de Marco,
ancien président de l'Academia Nacional de Historia
Belgrano, formateur de la Nation, soldat de la Liberté

Le 196ème anniversaire de sa mort est célébré ce matin, à la Basilique dominicaine du Rosaire, devant le mausolée de Belgrano, dans Monserrat, par l'Instituto Nacional Belgraniano, un institut qui rassemble bon nombre d'historiens, pour la plupart d'entre eux assez éloignés idéologiquement du revisionismo (2) et de ses excès polémiques : dépôt de gerbe, bénédiction, discours et honneurs militaires.

Celui, très différent, de Felipe Pigna, l'un des leaders du revisionismo
(avec une couverture ratée où l'on ne reconnaît pas le héros et avec un sous-titre passe-partout)

L'INB est présidé par un lointain descendant du général, qui porte le même nom que son trisaïeul et exerce une sorte de droit moral, qui n'a jamais empêché n'importe qui de dire n'importe quoi.

Le livre sur Belgrano le plus récent :
il a été présenté à lINB le mois dernier

Pour aller plus loin :
visiter le site Internet de l'Instituto Nacional Belgraniano, qui propose de nombreux documents en ligne (accessibles gratuitement)
visiter sa page Facebook
lire l'interview du Dr Miguel Angel De Marco sur Belgrano à l'occasion de la présentation de la biographie qu'il a publiée en 2012 (journal Los Andes, de Mendoza).



(1) En 1812 encore, les révolutionnaires et les absolutistes utilisaient tous le même drapeau, le rouge et or de l'Espagne. Ce qui rendait très confuse la situation du champ de bataille. Il fallait donc un nouveau drapeau, un drapeau révolutionnaire. C'est ainsi que le drapeau argentin est né, à Rosario, à partir d'une cocarde révolutionnaire qui était née le 22 mai 1810, alors que les événements du 25 mai se préparaient dans le peuple de Buenos Aires.
(2) Courant historiographique qui conteste la pensée dominante en histoire, au prix parfois d'acrobaties argumentaires indéfendables du point de vue scientifique.

Discépolo à l'honneur au CCC [à l'affiche]


Mercredi 22 juin 2016, à 22h, le cycle de soirées Tango de Miércoles sera consacrée à la poésie de Enrique Santos Discépolo (1901-1951), l'auteur génial de Chorra, Victoria, Uno, Cambalache ou Cafetín de Buenos Aires (1), une poésie torturée, déchirée, fulgurante et désespérée mais particulièrement cocasse en même temps, avec un vrai sens du théâtre et du gag à l'âge du burlesque (c'est normal, Discépolo était lui-même comédien et acteur de cinéma).

La soirée, confiée au poète Eugenio Mandrini, membre de la Academia Nacional del Tango, tournera autour de Discépolo, le désespoir et Dieu.

Côté musique : les invités sont le duo Luna-Tobaldi et le bandonéoniste Osvaldo Barrios.

La soirée prend place dans le cadre d'un festival de poésie latino-américaine organisé par le CCC Floreal Gorini, avenida Corrientes 1543.

Entrée libre (mais il faut retirer votre billet une heure avant le début du spectacle).



(1) Vous trouverez en version originale et en traduction en français les textes de Chorra, Cambalache et Victoria dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, que j'ai publié en mai 2010 aux Editions du Jasmin et que je signerai samedi prochain dans le cloître du Lycée Henri-IV, au salon du livre des Editeurs indépendants du Quartier Latin. Ces trois textes ne sont pas les seuls de cet auteur dans cette anthologie mais il est difficile de les citer tous...

Marathon des milongas à Buenos Aires cette semaine [à l'affiche]

Avec une étreinte, dit le slogan, il n'y a pas d'hiver
(il fait très froid en ce moment à Buenos Aires, qui n'est pas habitué aux frimas)

Du 20 au 26 juin 2016, voici la quatrième édition du Marathon des Milongas à Buenos Aires avec une cinquantaine de pistes ouvertes gratuitement dans toute la ville tout au long de la semaine et des cours gratuits dans quelques lieux (El Motivo Tango, aujourd'hui, La Milonguita et Maldita Milonga mercredi, La Milonga de los Zucca, jeudi, Tango Club samedi et Abrazando Tango dimanche).

Le forfait de participation est de 180 $ ARG par personne (soit le prix moyen d'une entrée double dans une milonga ordinaire).

La manifestation est d'autant plus impressionnante que la politique de rigueur qui se déploie depuis le mois de mars a réduit le niveau de consommation de toute la classe moyenne et populaire de Buenos Aires, comme des échos de plus en plus pessimistes m'en reviennent de toute part.

Elle est organisée par une association d'organisateurs de soirées dansantes.

Pour en savoir plus :

Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution

Ajout du 21 juin 2016 :
lire cet article de Clarín sur les problèmes économiques rencontrés par les milongas à cause de l'augmentation démentielle de la facture d'électricité (et de gaz). Nous sommes en hiver, la plupart des milongas se tiennent la nuit, elles ont donc une forte consommation pour l'éclairage et un peu aussi pour le chauffage même si une salle de bal se chauffe partiellement toute seule...

Lutte anti-corruption [Actu]

En haut, l'arrestation d'un criminel évadé à la frontière entre l'Argentine, le Paraguay et le Brésil
où il se cachait depuis plusieurs années et dont on pense qu'il a des informations sur des affaires de corruption
En bas, à gauche, l'étreinte entre Mauricio Macri et le cardinal Re
A droite, le point de la situation sur le Brexit
Dans la manchette en haut à gauche, le drapeau national dont c'est la fête aujourd'hui

Le Président Mauricio Macri a finalement accepté de se joindre à l'initiative de l'Eglise qui réclame une véritable union nationale pour lutter contre la corruption, la traite des personnes, les trafics de drogue et l'extrême pauvreté. Des propositions qu'il avait fait mine d'accueillir favorablement le 25 mai dernier mais auxquelles il avait délibérément tourné le dos dès le lendemain en prenant des mesures propres à creuser les divisions politiques dans le pays.

Vendredi toutefois, l'ensemble des partis de gouvernement ont signé un engagement conjoint à Tucumán, la ville du Congrès qui est parvenu à faire taire les divisions partisanes pour déclarer l'indépendance du pays et où l'Eglise était rassemblée pour son congrès eucharistique.

Hier dimanche, Mauricio Macri est venu assister à la messe de clôture de ce congrès et il a apporté sa caution à la démarche validée vendredi par la vice-présidente en personne. Il est même allé à l'ambon, à la fin de la messe, pour lire une prière réclamant l'aide de Dieu dans cette lutte contre la corruption. Il a aussi profité de l'occasion pour réparer les accrocs à la relation Argentine-Vatican en saluant très chaleureusement l'envoyé spécial du Pape, le Cardinal Re, qui concélébrait la messe.

Espérons qu'il s'agit d'autre chose que des paroles pieuses et que la démarche évolue vers plus de justice et moins d'esprit de vengeance, puisque c'est cet esprit qui domine aujourd'hui sur la série d'inculpations qui tombent sur les anciens ministres de Cristina Kirchner.

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Prensa sur les aveux de l'ancien Monsieur Mains-Propres du Gouvernement Kirchner, qui reconnaît (enfin) avoir eu vent des pratiques douteuses des inculpés d'aujourd'hui et avoir cependant gardé le silence (il s'avoue complice par omission). Il y a donc une prise de conscience générale qui est un pas considérable dans la voie de la démocratisation des mœurs politiques du pays.

samedi 18 juin 2016

Festival de Tango de ECuHNi [à l'affiche]


Ce sera ce soir la sixième édition de ce festival de tango, Abrazo (1), qui revient dans un centre culturel, Espace Culturel Nos Enfants (Nuestros Hijos), qui a perdu de sa capacité d'action du fait de la brusque disparition, à la rentrée de mars, des très généreuses subventions publiques dont il bénéficiait sous le précédent gouvernement (2). Du coup, cette année, ce festival qui tous les ans s'étendait sur un long week-end, se voit réduit cette année à une seule demie-journée et une longue soirée, aujourd'hui, ce samedi 18 juin 2016, qui fait partie du très long week-end qui relie désormais deux jours fériés nationaux, le 17 juin, en mémoire de Martín Miguel de Güemes, et le 20 juin, en mémoire de Manuel Belgrano.

Comme les années précédentes, la SADAIC, association des auteurs-compositeurs, et l'AADI, association des interprètes, apportent leur concours financier à la manifestation qui permettra au public, contre une entrée libre à participation volontaire (3), de vivre toutes les dimensions du genre, grâce au programme concocté par Lucrecia Merico, co-directrice de ECuNHi, depuis que Teresa Parodi s'est lancée dans une carrière politique d'élue (l'auteur-compositeur interprète est maintenant députée au Parlasur, le parlement de l'UNASUR, après avoir été ministre de la culture de juin 2015 au 9 décembre dernier).

Lucrecia a fait appel à une brochette d'excellents tangueros : les chanteurs Cucuza Castiello et Osvaldo Peredo, le quintette de Javier González (guitariste et compositeur) et Patricia Barone (chanteuse), les formations du violoniste Pablo Agri et du pianiste Nicolás Ledesma et ni plus ni moins que le Sexteto Mayor pour conclure la soirée.

Il y aura une milonga avec des musiciens et un DJ, des cours de danse et des exhibitions des professeurs, une peña pour chanteurs amateurs, qui seront accompagnés par le guitariste Nacho Iruzubieta (qu'ils chantent juste ou faux, peu importe, a précisé Lucrecia Merico, l'essentiel est que tout le monde participe, s'amuse et s'empare de cette opportunité pour vivre le tango dans sa chair et son sang). Une restauration de spécialités nationales est prévue, sous forme de buffet...

Dans un article paru ce matin dans Página/12, qui soutient à fond l'institution avec des accents révolutionnaires, Lucrecia Merico annonce le retour en août dans ces mêmes murs de la Milonga de la Liberación, lancée l'année dernière et qui, un samedi par mois, remplissait le lieu de danseurs locaux qui appréciaient cette occasion gratuite de pratiquer leur activité préférée...

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 (remonté comme une pendule)



(1) Abrazo veut dire "étreinte" mais c'est aussi le geste le plus quotidien pour se saluer : tout le monde serre tout le monde dans ses bras.
(2) A côté de quoi il faut aussi rappeler les insultes inouïes dont la très peu commode présidente de l'association Madres de Plaza de Mayo a abreuvé le Président Macri et son gouvernement dès le mois de décembre dernier. Or le centre ECuNHi est la vitrine culturelle de cette association. Si Macri est, comme elle le dit à qui veut l'entendre, son ennemi, alors qu'il est démocratiquement élu, personne ne peut se plaindre que ECuNHi ne reçoive plus le moindre sou. Quand on ne joue pas le jeu démocratique et institutionnel et qu'on insulte l'élu du peuple qui ne vous plaît pas, l'absence de subvention est d'autant moins une aberration que les associations militantes devraient être financées en majeure partie par les militants et non par l'argent public. Qui plus est, cet argent était celui de l'Etat national et il était investi dans un organisme qui ne joue qu'un rôle d'animation culturelle locale, dont seuls profitaient les Portègnes et les habitants de la banlieue de la capitale fédérale. Même si cette décision est difficile à encaisser pour les artistes qui bénéficiaient de ce lieu pour s'exprimer, force est de reconnaître que la décision n'est pas dénuée de fondement démocratique.
(3) Les années précédentes, l'entrée était tout simplement libre et gratuite.

Un nouveau livre sur Doña Petrona, la madone des fourneaux [Disques & Livres]


C'est l'œuvre d'une historienne et anthropologue de l'Université du Michigan, Rebekah Pite, que vient de publier, dans une version argentine, la maison Edhasa, La mesa está servida (la table est mise), qui, à travers la biographie de Doña Petrona C. de Gandulfo et l'analyse de ses recettes de cuisine devenues un classique des ménagères depuis leur première édition en 1934, rend compte des mœurs domestiques dans la société argentine du XXème siècle.

A plusieurs reprises dans Barrio de Tango, j'ai eu déjà l'occasion de vous parler de cet auteur incontournable, digne témoin des mœurs culinaires argentines, une cuisinière qui fut la première à investir en Argentine d'abord la radio puis la télévision, avec des recettes que tous les nutritionnistes d'aujourd'hui dénonceraient à cor et à cris : trop de graisse, trop de sucre et des portions devant lesquelles seul Obélix pourrait ne pas reculer.

Página/12 en a fait la couverture de l'un de ses suppléments

Ces derniers temps, le metteur en scène franco-argentin Alfredo Arias a tiré des souvenirs qu'il en a conservés une comédie pâtissière, qu'il a créée à Buenos Aires (voir mon article du 10 avril 2015) et qu'il a pu faire jouer quelques temps dans un théâtre parisien malgré le caractère incompréhensible pour le public d'ici des allusions à ce classique du show business argentin jamais sorti de ses frontières linguistiques. Une autre chercheuse, argentine celle-ci, s'était aussi récemment penchée sur le personnage dans une étude que je vous avais présentée le 9 février 2015.

Décidément, la grande prêtresse des fourneaux inspire du beau monde bien des années après sa mort ! On trouve d'ailleurs régulièrement dans les librairies argentines les rééditions de ses ouvrages tous aussi indémodables les uns que les autres.

Pour aller plus loin :
lire la présentation de l'ouvrage sur le site Internet de l'éditeur

vendredi 17 juin 2016

Hommage à Güemes [Actu]


Finalement, le Congrès a bien voté la loi qui fait du 17 juin, date anniversaire de la mort (1) de Martín Miguel de Güemes (1785-1821) (voir mon article du 19 mai 2016 sur le vote par le Sénat, qui a précédé celui de la Chambre). L'Argentine est donc aujourd'hui en vacances et c'est un très long week-end qui s'ouvre sur ce vendredi férié qui sera prolongé par un lundi férié, le 20 juin étant la fête du Drapeau. Quatre jours pour se régaler avec du locro, ce ragoût proche de notre cassoulet et qui est le plat des fêtes nationales par excellence, en même temps qu'une roborative nourriture d'hiver (voir mon article sur la recette).

Jusqu'à présent, Güemes était surtout un héros fêté à Salta, sa province natale, la province dont il était le gouverneur pendant la guerre d'indépendance. A part le jour férié étendu à tout le pays, il faut bien avouer qu'il en est un peu de même aujourd'hui : au niveau national, seul La Nación parle de la fête. Le reste des quotidiens nationaux, établis à Buenos Aires, s'en moquent comme de l'An 40 ! Et pourtant, le Président Mauricio Macri s'est déplacé hier pour participer à la traditionnelle vigile d'hommage au caudillo gaucho, la Guardia bajo las Estrellas (la garde sous les étoiles), au cours de laquelle la Province commémore l'attaque nocturne qui coûta la vie au général saltègne. Aujourd'hui aura lieu le défilé militaire, avec les soldats en uniforme d'époque, tout de rouge vêtus et coiffé du bonnet phrygien, symbole de liberté en Argentine aussi. Le Gouvernement a envoyé aussi le parc d'attraction scientifique et technique Tecnópolis dans la capitale du nord-ouest pour l'ensemble de ce long week-end.


Cette participation du gouvernement national est d'autant plus remarquable que Güemes a longtemps été un véritable repoussoir pour la droite libérale argentine. De son vivant, il était haï par les unitaires portègnes dont la droite libérale est en grande partie l'héritière et cette détestation éa survécu longtemps après sa mort, à tel point que Bartolomé Mitre (1821-1906), homme politique conservateur et libéral et présumé premier historien argentin, a dû publier une critique d'un de ses précédents livres (2) pour rectifier, avec beaucoup de courage intellectuel, l'interprétation très défavorable que ses contemporains en avaient faite et où il réhabilite les deux figures calomniées, celle de Manuel Belgrano d'une part et celle de Güemes d'autre part : Estudios históricos sobre la Revolución Argentina, Belgrano y Güemes, Buenos Aires, 1864. A vrai dire, le livre de Mitre n'a pas eu raison de la haine des courants conservateurs à l'égard du héros saltègne : elle a tenu bon jusqu'à nos jours dans une partie non négligeable de l'opinion publique. On la perçoit encore dans l'assourdissant silence de la presse nationale sur les célébrations à Salta. Par conséquent, qu'un président aussi identifié au néolibéralisme que Mauricio Macri prenne la peine d'aller fêter le héros emblématique de la gauche est une première à ne pas négliger.

Photo Gouvernement de Salta

Même si nul ne peut écarter de cette démarche tout calcul politique à courte vue, étant donné les très bons rapports que Macri entretient avec le gouverneur péroniste Juan Manuel Urtubey, avec lequel il s'était notamment rendu au Vatican en février dernier (voir mon article du 28 février 2016), et le besoin qu'il a de soigner son image d'homme de dialogue par les temps qui courent, il n'en reste pas moins que sa démarche constitue un pas considérable sur le chemin de la réconciliation symbolique des deux Argentines qui ressentent encore de nos jours les effets désastreux de la longue guerre civile qui a opposé les unitaires et les fédéraux de 1820 à 1880...

Pour aller plus loin :
lire l'article de El Tribuno de Salta sur la visite présidentielle d'hier soir
lire l'article de El Tribuno sur la Guardia bajo las Estrellas
lire le communiqué de la Province de Salta sur la pose d'une plaque commémorative de la rencontre entre Güemes et Pueyrredón, mercredi dernier, pour son bicentenaire (3).

Ajouts du 18 juin 2016 :
lire l'article de Página/12 de ce jour que les fréquentes embrassades entre le Président Macri et le Gouverneur Urtubey agace fortement
lire l'article de La Nación qui au contraire se réjouit de la forte participation du Président aux festivités provinciales, avec une belle photo prise pendant sa visite au parc de Tecnópolis.



(1) L'Argentine fête ses héros nationaux au jour anniversaire de leur mort, comme l'Eglise fête les saints. L'Argentine se comporte comme l'Europe au Moyen Age, quand celle-ci prenait les saints comme héros pour construire les identités des nouveaux pays qui surgissaient des ruines de l'Empire Romain et donnait leurs noms à ses villes et ses villages. Et en effet, les héros de l'Indépendance jouent le même rôle dans la constitution de la nation que les saints dans l'Europe médiévale. Ainsi donc Manuel Belgrano (1770-1820) est fêté le 20 juin, avec la fête du drapeau (Día de la Bandera), et José de San Martín (1778-1850) chaque 17 août (mais, en ce qui le concerne, le caractère férié de la journée est mobile, une mobilité qui favorise le tourisme intérieur grâce au long week-end dans lequel elle s'inscrit).
(2) Historia de Belgrano, Buenos Aires, 1859
(3) Le 15 juin 1816, quelques jours avant la déclaration d'indépendance, le premier Directeur Suprême des Provinces Unies élu par une représentation nationale légitime, Juan Martín de Pueyrredón, rencontrait le général Güemes, au Fort de Cobos, sur le chemin que le Directeur fraîchement élu prenait pour gagner la capitale, Buenos Aires, et assumer ses fonctions.