La Venganza será terrible (la vengeance sera terrible) est l'un des plus célèbres talk-shows culturels de la radio argentine. Elle est animé par le journaliste Alejandro Molina, qui a été reçu, au mois de mai dernier, à la Academia Nacional del Tango pour son apport à la culture populaire de Buenos Aires (lire mon article à ce sujet).
Son émission passe à minuit comme l'année dernière. Comme Radio 10 l'a remercié, malgré son succès, l'émission a emménagé lundi dernier sur les ondes de Radio Nacional. C'est très commun en Argentine : les animateurs sont propriétaires de leur émission et la trimballent avec eux au gré de la bonne volonté des directeurs d'antenne, passant du public au privé et du privé au public, tant en radio qu'en télévision. En revanche, pour des questions financières, cette année, Alejandro Molina retrouve son public non plus du lundi au vendredi mais du lundi au jeudi seulement, le vendredi lui étant accordé pour des activités plus rémunératrices (lui et toute son équipe perdent de l'argent en changeant de station).
La venganza será terrible est enregistrée en public et en direct, souvent dans l'auditorium de l'Hôtel Bauen, esquina Corrientes y Callao, un haut-lieu de la contestation du capitalisme argentin (l'hôtel Bauen, fermé par ses propriétaires, a été repris de force par une poignée d'employés qui y ont remonté un établissement qui marche bien sous forme de coopérative), au Complejo La Plaza (Corrientes 1660)... Une émission qui nomadise quelque peu à travers Buenos Aires et part parfois en tournée. Du 25 au 29 janvier prochain, toute l'équipe sera à Montevideo, l'émission sera enregistrée dans la Salle Zitarrosa, l'une des plus prestigieuses de la capitale uruguayenne...
La venganza será terrible est diffusée depuis 25 ans.
Espero que la vigencia de La venganza... se deba a que la gente encuentra en el ciclo alguna clase de inteligencia.
(Alejandro Molina, cité par Página/12)
J'espère que la longévité de La venganza... est due au fait que les gens trouvent dans l'émission une sorte d'intelligence.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
L'article de Página/12 est un interview de l'intervieweur. Alejandro Dolina y explique comment fonctionne la radio, les motifs pour lesquels il a été remercié par Radio 10 (parce que son émission coûte très cher, que les spots publicitaires ne peuvent pas couvrir les coûts de production à cette heure de la nuit et non pas parce qu'il a tenu des propos favorables à la politique du très contesté président venezuelien Hugo Chavez). Il s'explique aussi sur son cachet sur Radio Nacional (deux fois moins élevé que sur Radio 10). Il se défend aussi d'arriver sur l'antenne de Radio Nacional pour des raisons politiques : des bruits mal intentionnés l'accusent d'arriver là parce qu'il serait aux ordres du gouvernement argentin, lui qui a toujours montré une grande liberté de pensée et de propos. Il se murmure aussi qu'il fait cela pour l'argent (il semblerait bien que ce soit faux).
Voici la fin de l'article :
- Después de este reportaje no va a faltar quien diga que es kirchnerista.
- No soy kirchnerista. No digo que sea un desatino estar en contra del Gobierno. El desatino es estar en contra del Gobierno por eso y no por otras cosas. Yo también encuentro en la gestión ciertos perfiles muy criticables. Probablemente el Gobierno no hizo todo lo que podía hacer respecto de la inseguridad, pero no ha sido peor de lo que han hecho otros gobiernos. Tampoco creo que la inseguridad actual sea peor o significativamente mayor a la que hubo históricamente. La inseguridad no es un tema a partir del cual se pueda describir una situación política.
Página/12
- Après ce reportage il y aura bien quelqu'un pour dire que vous êtes kirchneriste (1).
- Je ne suis pas kirchneriste. Je ne dis pas que ce soit nul d'être contre le Gouvernement. Ce qui est nul, c'est d'être contre le Gouvernement par principe et sans aucune autre raison. Moi aussi, je trouve dans ce qu'ils font certaines choses très criticables. Selon toute probabilité, le Gouvernement n'a pas fait tout ce qu'il pouvait faire à propos de l'insécurité mais ça n'a pas été pire que ce qu'ont fait d'autres gouvernements. Je ne crois pas non plus que l'insécurité actuelle soit pire ou significativement plus importante que celle qu'on a toujours eue. L'insécurité, ce n'est pas un thème à partir duquel il soit possible de décrire une situation politique.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
La lecture de cette interview est donc très intéressante pour qui veut prendre le pouls de la société argentine. Vous y découvrirez, en creux, à travers les réponses que fait Dolina, combien les Argentins sont soupçonneux dès que se produit quelque chose de nouveau ou d'inattendu. Il est vrai qu'ils ont une longue et douloureuse expérience de la corruption et de la concussion à tous les niveaux... Le ton de l'entretien est donc assez combatif. A lire pour découvrir un grand monsieur de l'univers culturel de ce pays.
Alejandro Molina est aussi auteur de nombreux livres. En août, je me suis offert Crónicas del Ángel gris, publié en poche chez Booket, trouvé dans une librairie de chaîne dans la rue Florida et dont je tâcherai de vous parler dès que j'aurai le temps de l'ouvrir. Peut-être avant que le nouveau roman de l'auteur, en cours d'écriture, ne paraisse mais je ne vous promets rien...
En attendant, allez donc sur Página/12 lire cette interview. Vous trouverez dans la rubrique Ecouter (partie basse de la Colonne de droite) le lien vers El Espectador, une radio de Montevideo qui diffuse des extraits de l'émission quelques heures après le direct. Sur le site de Alejandro Molina, vous pouvez écouter l'émission en direct, attention au décalage horaire ! (Pour le moment, le site n'est pas complètement à jour et ne tient pas encore compte sur toutes ses pages du changement de station).
(1) Partisan des Kirchner, la Présidente et son mari, le président précédent.