Ce matin, à la veille du jour de la Mémoire, de la Vérité et de la Justice, jour anniversaire du coup d'Etat de 1976, qui instaura la plus cruelle dictature de l'histoire de l'Argentine, Página/12 publie en entrefilet de Une cette déclaration incroyable d'un des accusés du procès de Comodoro Py (voir mon article du 1er mars 2011 à ce propos), le procès du système de soustraction systématique des enfants en bas-âge à leurs parents militants politiques, arrêtés arbitrairement et mis à mort sans procès :
Jorge “El Tigre” Acosta fue interrogado ayer en el juicio sobre el plan sistemático para apropiarse de hijos de desaparecidos. El represor de la ESMA dedicó un tramo de su declaración a este diario: “Yo jamás dije que no había que leer Página/12; al enemigo hay que leerlo todos los días, estudiarlo permanentemente y más si es un mentiroso”. La jueza María del Carmen Roqueta lo interrumpió: “Esta no es una tribuna política, si quiere quejarse escríbale una carta al diario”
Página/12, édition du 23 mars 2011
Jorge Acosta, dit "La bête fauve" (1), a été interrogé hier au cours du procès sur le plan systématique pour adopter illégalemetn les enfants des disparus. Le bourreau de l'ESMA (2) consacra un pan de ses déclarations à ce journal : "Je n'ai jamais dit, moi, qu'il ne fallait pas lire Página/12. L'ennemi, il faut le lire tous les jours, l'étudier en permanence et encore plus si c'est un menteur". La juge María del Carmen Roqueta l'a interrompu : "On n'est pas ici sur une tribune politique. Si vous voulez porter plainte, écrivez une lettre au journal".
(Traduction Denise Anne Clavilier)
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(1) El tigre, en Argentine, a deux sens majeurs (en dehors de nom du félin asiatique en voie de disparition et de la ville du Gran Buenos Aires, dont il m'est arrivé déjà de vous parler, notamment lors d'un Retour sur images sur une promenade dominicale). Il peut désigner la cruauté ou la virtuosité. D'un côté, on peut traduire par La bête fauve, le sauvage. De l'autre, on peut traduire La bête, qui en langage populaire à Paris désigne une personne qui domine particulièrement son affaire. Ainsi le surnom de Eduardo Arolas était-il El tigre del Bandoneón parce qu'il en était un très grand virtuose, selon les critères de sa génération. D'autres bandonéonistes de quelques années plus jeunes, Pedro Laurenz et Pedro Maffia, le surpassèrent assez vite mais il reste un musicien mythique dans la mémoire argentine.
(2) L'ESMA, ancienne école supérieure de mécanique de la Marine, à Palermo, servait alors de centre de détention clandestin et de centre de torture. Des femmes y ont accouché avant de se faire retirer leur nouveau-né et d'être exécutées, dans des circonstances qui restent encore pour beaucou d'entre elles inconnues. Le bâtiment de l'ESMA est devenu un lieu civil. Il abrite désormais les activités culturelles de l'association Madres de Plaza de Mayo (dont le centre culturel s'appelle ECunHi, Espacio Cultural Nuestros Hijos).