Jusqu'au 11 juillet 2011, à la Casa de la Cultura del Fondo Nacional de las Artes (Rufino de Elizalde 2831) et à la Villa Ocampo (Elortondo 1837, à Beccar, dans le Gran Buenos Aires), ainsi qu'à la Biblioteca Nacional (Agüero 2502) jusqu'au 13 juillet à cette adresse, se tient dès aujourd'hui une triple exposition sur les 100 ans de la maison d'édition française Gallimard, en cette année où Buenos Aires est Capitale mondiale du Livre et où elle veut en profiter pour rendre hommage à une institution française qui a pris une grande part au dialogue culturel entre la France et l'Argentine et à la diffusion de l'oeuvre d'un bon nombre d'écrivains argentins dans le monde francophone.
Pour l'occasion, le quotidien Página/12 publie une interview du Secrétaire Général de Gallimard, Alban Cerisier, tout en déplorant par la même occasion que la politique éditoriale de la prestigieuse maison d'édition ne fasse plus cette belle place à l'Argentine et à l'actualité de sa vie littéraire et culturelle actuelle si vigoureusse, pour ne pas dire (elle est plus diplomate que moi et sans doute en admiration devant ce qu'elle imagine être la vie intellectuelle de la France contemporaine) que Gallimard tourne carrément le dos à ce pays, bien triste réalité que j'ai pu à deux reprises et à trois ans d'intervalle recueillir des preuves irréfutables, et ce malgré l'enthousiasme du directeur d'une des collections de la maison, et non la moindre. En revanche, pour ce qui est de voyager jusqu'à l'autre bout du monde pour se faire célébrer par ceux-là même à qui l'on tourne le dos, il semble bien qu'il n'y ait pas d'obstacle insurmontable. Symptôme d'un repli frileux de la France sur elle-même de bien mauvais augure pour l'avenir culturel de ce pays dont l'honneur et la fierté a toujours été d'être en Europe l'un des carrefours des cultures du monde entier depuis Louis XIV, qui ont fécondé la vie artistique et intellectuelle du pays.
L'exposition du Fondo Nacional de las Artes, qui est la manifestation centrale, est intitulée Gallimard, 1911-2011. Un siglo de edición... y de amistades franco-argentinas.
L'exposition installée à Beccar tourne autour de l'oeuvre et de la figure de l'écrivain Victoria Ocampo (1). Elle est intitulée Literatura y otras pasiones: Victoria Ocampo y los escritores de Gallimard.
Celle de la Biblioteca Nacional est consacrée à Jean-Paul Sartre, un intellectuel qui a sans doute marqué plus durablement les Argentins que les Français, auprès desquels il n'est finalement plus très en vogue. Ce volet de la manifestation s'intitule Sartre en Argentina, correspondencia visible e invisible.
Silvina Friera, qui fait preuve à travers son article d'une profonde connaissance de l'histoire de la maison d'édition et des richesses de son catalogue centenaire ou, du moins, d'une lecture attentive de la documentation promotionnelle qu'a sans doute distribué Gallimard à la presse locale. Il y a en France bien des journalistes et dans les colonnes des meilleurs titres qui en disent (ou en savent ?) beaucoup moins que ce qu'elle expose dans son article.
Dans le même temps, s'ouvre à la Alianza Francesa, Córdoba 946, un petit festival de cinéma documentaire consacré à la ville de Paris, en coordination entre l'Institut Français (que dirige Xavier Darcos depuis sa création en janvier dernier), l'Ambassade de France en Argentine, le Ministère de la Culture Portègne (Hernán Lombardi), avec l'appui du Ministère de la Culture et de la Communication de la République Française et la Ville de Paris, dans le cadre de l'opération Tandem Paris-Buenos Aires 2011 dont le moins qu'on puisse dire est que la capitale française ne s'est guère mise en frais de communication en faveur du grand public parisien sur cette opération conjointe.
Pour aller plus loin :
lire l'interview d'Alban Cerisier dans Página/12
lire l'entrefilet sur la manifestation cinéphilique à la Alianza Francesa
(1) Victoria Ocampo fut et demeure l'une des grandes figures de la vie intellectuelle des beaux quartiers de Buenos Aires au 20ème siècle. Elle a participé au Cercle littéraire Florida, que fréquentaient aussi Borges et Bioy Casares dans les années 20 et 30. Ce cercle a la réputation, pas vraiment juste d'ailleurs, d'avoir promu une littérature élitiste, alors que son opposé, le Cercle Boedo, fréquenté par des anarchistes et des militants ouvriéristes, travaillait au contraire à promouvoir la culture populaire et comptait parmi ses membres quelques uns des très grands auteurs de la toute première vague du tango canción. En fait, il semble bien qu'il existait pourtant quelques ponts ainsi que des échanges cordiaux entre les deux groupes ou certains de leurs membres.