Opération Mano Pulite au sein de l'ONG Madres de Plaza de Mayo (Mères de la Place de Mai). Après une semaine de gros titres désobligeants dans les journaux, la Présidente, Hebe de Bonafini s'explique et présente sa version des faits au journaliste Víctor Hugo Morales sur Canal 9. Elle parle de faire le ménage (limpiar) à un journaliste dont le professionnalisme est légendaire en Argentine.
Elle a expliqué qu'elle avait décidé de révoquer Sergio Schoklender parce qu'il insistait trop pour transformer ce qui est une fondation pour la construction de logements sociaux (ce qui sous-entend un but non lucratif) en une société commerciale, ce dont l'ONG ne voulait à aucun prix. Elle estime aussi qu'il y a dans sa gestion à la tête de cette fondation des soupçons d'abus d'argent public, ces subsides de l'Etat que la fondation recevait pour ses programmes immobiliers. Elle veut que la gestion de l'ONG et de toutes les organisations qui dépendent d'elle soit irréprochable et elle a donc décidé de se séparer en tout de 17 personnes, qui étaient contaminadas, "atteintes par la contagion" ou "polluées" (sans doute par les visions quelque peu mégalomanes de Schoklender). Parmi ces personnes, figure le frère de l'administrateur de la fondation, qui a lui aussi passé, sous la Dictature et après le retour de la démocratie, plusieurs années en prison pour un crime de sang que les deux frères ont un temps reconnu avant de se rétracter.
Hebe de Bonafini a aussi insisté sur son analyse politique de la situation. A travers Madres, ce serait bien d'après elle la Présidente de la République qui serait visée en ce temps de campagne électorale dont les sondages la disent déjà vainqueur alors même qu'elle n'a pas encore annoncé sa candidature à un deuxième mandat.
Il n'en reste pas moins que la concomitance de l'enquête judiciaire qui a soulevé les soupçons de corruption à la tête de la fondation et la révocation de Sergio Schoklender prête le flanc à toutes les interprétations, y compris les plus ignobles.
Malgré cette déception humaine, puisque c'était elle qui avait décidé de faire confiance à un ancien détenu qu'elle avait connu en 1983, sous la Dictature finissante, lorsqu'elle visitait les prisonniers politiques en détention (il faut croire qu'elle suivait alors la théorie développée par la défense en 1981, voir mon article de samedi dernier à ce sujet), elle a annoncé qu'elle resterait elle-même, avec une foi intacte en l'être humain, qu'elle continuerait à faire confiance aux gens pour travailler au bien de tous dans le pays.
Peu après, le premier ministre, Aníbal Fernández, a pris la parole pour soutenir l'honneur de l'association et de sa présidente et assurer l'opinion publique de sa confiance dans la rectitude morale de ces militantes, qui sont des modèles pour bien des militants de la cause des droits de l'homme, non seulement en Argentine mais dans toute l'Amérique Latine et même aux yeux de Barack Obama, qui leur a rendu hommage il y a un an environ.
Clarín raconte dans un article que lors de ses visites à Schoklender écrouée, elle se serait prise d'affection pour le jeune homme, qu'elle aurait aimé comme son fils. Hebe de Bonafidi a eu trois enfants. Ses deux fils et sa belle-fille font partie des 30 000 disparus adultes de la Dictature. Voilà un an que ses relations avec le chargé de mission se dégradaient, d'abord à cause de cette insistance qu'il manifestait de modifier le statut de la structure, ensuite parce que peu à peu elle avait vu des choses qui ne lui plaisaient pas, selon l'expression qu'elle a employée hier. Sergio Schoklender avait démissionné en décembre mais l'information de son éloignement n'a été rendue publique qu'après que l'enquête judiciaire ait elle-même été rendue publique.
Les journaux de ce matin reviennent tous sur ces éclaircissements, avec les mêmes présupposés idéologiques, très favorables dans Página/12, plutôt défavorables dans La Nación et Clarín.
Plus aller plus loin :
lire l'article de La Nación sur l'étouffement des affaires d'argent sale chez Madres et à la Confederación General de los Trabajadores (CGT), dont le Secrétaire Général, le routier Moyano, un fort en gueule très kirchneriste à la gestion des plus douteuses depuis longtemps. L'article est hostile au Gouvernement.
Sur le site internet de La Nación, vous pouvez visionner les 9 minutes de l'interview télévisée.
Lien avec l'article de Clarín