Sans surprise mais en gardant néanmoins le suspense jusqu'à 19h15, hier, dans sa résidence de Olivos, la Présidente argentine a annoncé qu'elle se présenterait le 14 août aux primaires du PJ en compagnie de Amado Boudou, le favori des politologues argentins depuis la désignation du sénateur Daniel Filmus et du ministre du Travail, Carlos Tomada, pour la candidature au Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, auquel le ministre de l'Economie avait un temps fait savoir qu'il s'intéressait.
Et à moins qu'un séisme politique fort peu probable se produise d'ici le 23 octobre, Amado Boudou sera bien, en décembre prochain, le nouveau Président du Sénat, puisqu'il sera le Vice Président.
Amado Boudou a fait un parcours politique sans faute jusqu'à présent, mettant en oeuvre, avec enthousiasme et une bonne dose d'originalité, la politique voulue par Cristina Fernández de Kirchner. C'est ce qu'elle a elle-même souligné hier, devant un parterre de 2000 invités où l'on a remarqué le foulard blanc de Hebe de Bonafini, la Présidente de Madres de Plaza de Mayo (1), et le visage de Hugo Moyano, le Secrétaire général de la CGT, écarté des prochains commices (2), en révélant que c'est lui, le brillant économiste, qui lui a proposé la décision de supprimer le régime de retraite par capitalisation en 2008, après la crise de Wall Street, une décision qui avait déjà été envisagée par Néstor Kirchner lui-même, lequel n'avait pas pu la mettre en place parce que l'opportunité ne s'en était pas présentée. Elle a aussi rendu hommage à son action à la tête du ministère de l'Economie, un ministère jusqu'à présent technique et peu efficace où il est en train de régler les problèmes récurrents de dette extérieure nationale, et à son courage politique, lorsqu'il s'oppose aux excès de certaines revendications des partenaires sociaux (pour autant qu'on puisse les désigner par ce terme en Argentine, où syndicats salariés et organisations patronales sont à couteaux tirés en permanence).
La presse quotidienne adopte bien entendu un ton différent selon sa position sur l'échiquier politique, cela ne surprendra pas les fidèles lecteurs de Barrio de Tango, qui savent d'avance que Página/12 présente ce matin des articles dithyrambiques sur le jeune ministre, dont il loue la capacité d'évolution et l'adaptation aux changements intervenus en Argentine ces dernières années, tandis que Clarín et La Nación déversent, autant qu'ils le peuvent, des propos venimeux, faisant même écho aux déclarations amères et définitivement hostiles de Julio Cobos, l'actuel Vice Président radical, dont la politique a fini par échouer complètement et qui se retrouve aujourd'hui totalement et peut-être définitivement marginalisé au sein de son propre parti, l'UCR. Même le choix des photos vous permet de connaître la position du quotidien : des personnages rayonnants dans Página/12, des moues et des grimaces ridicules dans les deux autres titres. Et ça va durer comme ça jusqu'à la fin octobre !
Pour aller plus loin :
(1) actuellement dans l'oeil du cyclone, à cause d'un scandale de malversations financières récemment mis à jour dans la gestion de la fondation qui mène les campagnes de construction de logements sociaux de l'ONG un peu partout dans le pays (voir mes articles précédents sur le thème de Madres). A son entrée dans la salle de conférence, Madame Bonafini a été chaleureusement applaudie.
(2) Ce fait que la Présidente ait écarté cette année ce syndicat (qui est le poids lourd du péronisme depuis 1944) provoque beaucoup de questions chez les analystes de la vie politique argentine... ainsi qu'une polémique enflammée chez les adversaires politiques de l'actuel Chef de l'Etat. On peut interpréter de trois manières différentes ce virage dans sa stratégie politique.
Soit, c'est l'explication à court terme, la plus simple mais sans doute la moins convaincante, Cristina a écarté Moyano parce qu'il est compromis dans ce scandale financier pour lequel un juge suisse veut le poursuivre.
Soit la Présidente a décidé de s'écarter de la CGT pour s'appuyer désormais sur un autre allié, le mouvement La Campora, dirigé par son propre fils, et dans ce cas, serait-ce pour instituer un pouvoir personnel et le munir de contreforts sûrs tout en palliant la disparition de son mari, ancien Président, Néstor Kirchner, auquel, neuf mois après sa disparition, elle continue de faire référence dans chaque prise de parole publique ? Auquel cas, nous serions bel et bien en train d'assister à une tentative de mise en place d'une dynastie familiale type Kennedy mais à la mode argentine, avec déjà le fils ici et la belle-soeur ailleurs. Pourtquoi pas ? Ce ne serait sans doute pas de bonne augure pour le développement d'une saine démocratie mais on ne peut pas exclure une telle stratégie de conquête et de maintien au pouvoir, qui entrerait en compétition frontale avec les traditionnelles puissances de l'argent, qui gouvernent elles aussi le pays, mais en dehors, et parfois contre, les institutions constitutionnelles Cela s'est passé ainsi dans de nombreux pays européens quand nous sommes passés de l'Ancien Régime aux régimes post-révolutionnaires. La France n'a-t-elle pas été tentée par l'insitution d'une nouvelle dynastie impériale ?
Soit enfin la Présidente essaye de séparer l'action syndicale de l'action gouvernementale, qui sont de deux natures différentes, et cherche à mettre en place les conditions techniques et politiques d'un vrai dialogue social, entre partenaires sociaux, comme cela existe en Europe Atlantique, comme source première du droit social. Ce n'est pas non plus impossible. Elle a suffisamment de connaissance de la manière dont les choses se passent dans l'Union Européenne pour s'inspirer d'une telle évolution. Lors de son discours d'investiture devant le Congrès, le 10 décembre 2007, elle avait annoncé clairement qu'elle veillerait au développement des droits des travailleurs mais qu'elle n'entendait pas être "le gendarme" des relations sociales ni intervenir dans les conflits sociaux qui devaient trouver leur solution sur le terrain et non pas à travers un interventionisme d'Etat. Or, au cours de ce premier mandat qui s'achève, elle a effectivement renforcé le droit du travail (j'ai rendu compte de plusieurs de ses réformes dans Barrio de Tango) et elle éloigne à présent le syndicat historique sur lequel le péronisme s'est toujours appuyé. Il y a là une certaine cohérence et dans ce cas, ce serait de bon augure pour la suite de la restauration démocratique en Argentine. Le second mandat permettra sans doute de lever le doute, lequeln à ce stade, n'est pas de nature à poser la moindre hypothèque sur la plus que probable victoire de Cristina le 23 octobre prochain.
(2) Ce fait que la Présidente ait écarté cette année ce syndicat (qui est le poids lourd du péronisme depuis 1944) provoque beaucoup de questions chez les analystes de la vie politique argentine... ainsi qu'une polémique enflammée chez les adversaires politiques de l'actuel Chef de l'Etat. On peut interpréter de trois manières différentes ce virage dans sa stratégie politique.
Soit, c'est l'explication à court terme, la plus simple mais sans doute la moins convaincante, Cristina a écarté Moyano parce qu'il est compromis dans ce scandale financier pour lequel un juge suisse veut le poursuivre.
Soit la Présidente a décidé de s'écarter de la CGT pour s'appuyer désormais sur un autre allié, le mouvement La Campora, dirigé par son propre fils, et dans ce cas, serait-ce pour instituer un pouvoir personnel et le munir de contreforts sûrs tout en palliant la disparition de son mari, ancien Président, Néstor Kirchner, auquel, neuf mois après sa disparition, elle continue de faire référence dans chaque prise de parole publique ? Auquel cas, nous serions bel et bien en train d'assister à une tentative de mise en place d'une dynastie familiale type Kennedy mais à la mode argentine, avec déjà le fils ici et la belle-soeur ailleurs. Pourtquoi pas ? Ce ne serait sans doute pas de bonne augure pour le développement d'une saine démocratie mais on ne peut pas exclure une telle stratégie de conquête et de maintien au pouvoir, qui entrerait en compétition frontale avec les traditionnelles puissances de l'argent, qui gouvernent elles aussi le pays, mais en dehors, et parfois contre, les institutions constitutionnelles Cela s'est passé ainsi dans de nombreux pays européens quand nous sommes passés de l'Ancien Régime aux régimes post-révolutionnaires. La France n'a-t-elle pas été tentée par l'insitution d'une nouvelle dynastie impériale ?
Soit enfin la Présidente essaye de séparer l'action syndicale de l'action gouvernementale, qui sont de deux natures différentes, et cherche à mettre en place les conditions techniques et politiques d'un vrai dialogue social, entre partenaires sociaux, comme cela existe en Europe Atlantique, comme source première du droit social. Ce n'est pas non plus impossible. Elle a suffisamment de connaissance de la manière dont les choses se passent dans l'Union Européenne pour s'inspirer d'une telle évolution. Lors de son discours d'investiture devant le Congrès, le 10 décembre 2007, elle avait annoncé clairement qu'elle veillerait au développement des droits des travailleurs mais qu'elle n'entendait pas être "le gendarme" des relations sociales ni intervenir dans les conflits sociaux qui devaient trouver leur solution sur le terrain et non pas à travers un interventionisme d'Etat. Or, au cours de ce premier mandat qui s'achève, elle a effectivement renforcé le droit du travail (j'ai rendu compte de plusieurs de ses réformes dans Barrio de Tango) et elle éloigne à présent le syndicat historique sur lequel le péronisme s'est toujours appuyé. Il y a là une certaine cohérence et dans ce cas, ce serait de bon augure pour la suite de la restauration démocratique en Argentine. Le second mandat permettra sans doute de lever le doute, lequeln à ce stade, n'est pas de nature à poser la moindre hypothèque sur la plus que probable victoire de Cristina le 23 octobre prochain.