Décision
impensable avant le 13 mars de cette année.
Mais
que s'est-il passé le 13 mars 2013 qui soit de nature à
faire changer ainsi l'emploi des symboles au Gouvernement de Cristina
Kirchner ? Je ne sais plus (allez voir mon article de ce jour-là !).
Toujours
est-il que le nouveau Premier ministre argentin, l'ancien Gouverneur
Jorge Capitanich, vient d'annoncer la nomination d'un prêtre
patagonien à la tête du Service national de prévention
des Narco-dépendances et de lutte contre le trafic de
stupéfiants (Sedronar), un service dont le précédent
responsable avait démissionné justement en mars de
cette année et qui restait depuis sans direction définitive
(1).
C'est
un prêtre spécialisé dans les pratiques médicales
et sociales envers les usagers de produits stupéfiants qui a à
son actif quelques beaux états de service en Argentine et en
Haïti. Il se trouve être aussi bien connu de la Présidente
elle-même puisqu'il fait partie des prêtres auxquels elle
a demandé de concélébrer les obsèques
religieuses de son mari, Néstor Kirchner, en octobre 2010,
dans sa province de Santa Cruz. L'homme a aussi travaillé aux
côtés de Capitanich dans la Province de Chaco et aux
côtés de Alicia Kirchner, qui n'est pas seulement la
belle-sœur de la
Présidente mais aussi une responsable politique
particulièrement férue de questions sociales (elle en
est même le ministre national sans solution de continuité
depuis la prise de fonction de la femme de son frère, en
décembre 2008).
Personne
n'aurait pu imaginer qu'elle accepte de confier une telle mission à
un membre du clergé catholique et que Página/12 le
prenne bien et même plus que bien tout en affirmant que cette
nomination a été soufflée par la Conférence
épiscopale argentine...
Le
quotidien kirchneriste fait ce matin sa une avec cette nomination
avec plus de bruit encore que lorsqu'il s'est agi de la nomination du
nouveau Premier ministre et du remaniement gouvernemental (voir mon article du 19 novembre dernier). Avec un article de fond sur cette
nomination, le journal ajoute un entrefilet sur l'appartenance
de l'homme à la mouvance péroniste (sur le plan
politique) et au fait qu'il est un supporter de River, grande équipe
du nord patricien de Buenos Aires, reléguée il y a plusieurs années en division 2 (voir mon article du 27 juin 2011 au
sujet de cette catastrophe nationale). Tout ça pour dire qu'il
n'est pas supporter du San Lorenzo, comme on s'y serait attendu (2).
Página/12,
qui traite le prêtre d'hétérodoxe (ce qui est
manifestement faux, mais décidément Página/12
parle à tort et à travers sur la théologie et
l'ecclésiologie), croit aussi voir dans cette nomination, et
c'est contradictoire avec le reste, une certaine mainmise du Pape
François sur les affaires intérieures de l'Argentine.
Incorrigible ! (3) En illustration de son propos annexe, le journal
publie même la très hideuse photo que le prêtre a
visiblement prise lui-même avec son téléphone
portable lors d'une audience qui lui a été accordée
à Rome il y a quelques temps...
Enfin,
Página/12 ne serait pas lui-même s'il n'y avait pas un
jeu de mot dans le titre de l'article. Je vous l'explique : cura veut
dire à la fois prêtre (et non pas curé, qui se
dit parroquo) et cure (thérapie). La lutte contre
les dépendances a un prêtre/a une thérapie. C'est un
chouia facile mais c'est drôle tout de même...
Pour
aller plus loin :
lire
le portrait de Juan Carlos Molina en annexe.
(1)
Quel bazar ça devait être à l'intérieur
pour les agents souhaitant travailler un tant soit peu efficacement !
(2)
Le Pape est supporter du San Lorenzo. Et beaucoup de prêtres
avec lui. Le San Lorenzo a été fondé comme une
œuvre d'évangélisation
prolétaire en 1908 par un prêtre salésien, le
Père Lorenzo Massa.
(3)
En août dernier, en discutant avec mes amis de gauche à
Buenos Aires, j'ai remarqué la difficulté
intellectuelle qu'avaient les plus virulents d'entre eux à
imaginer que la population est effectivement et sincèrement
attachée, dans sa grande majorité, à la religion
catholique, qu'elle soit pratiquante ou pas très pratiquante.
Cet attachement à des valeurs qui ne sont pas les leurs, ces
péronistes de toutes tendances ne parviennent à les
intepréter que comme le résultat d'un lavage de cerveau
et d'un pouvoir manipulatoire attribué aux prêtres. Cette vision fantasmatique ne correspond pas du tout à la réalité sociologique,
surtout dans une ville comme Buenos Aires (il suffit de mettre les pieds dans une église pour s'en rendre compte) mais impossible de
leur en faire prendre conscience. A leurs yeux, l'Eglise est une
puissance occulte qui manipule les esprits comme du temps de
l'Inquisition.