C'est une vieille affaire
qui traînait depuis de nombreuses années : le scandale du
programme de construction de logement social Misión Sueños
Compartidos (mission rêves partagés) (1) pour lequel l'association
Madres de Plaza de Mayo avait reçu de grosses subventions publiques
avant qu'on ne s'aperçoive que le responsable financier du
programme, un repris de justice qui avait été condamné pour
l'assassinat de ses propres parents, avait détourné des sommes
considérables, alors que les comptes avaient été signés par la
présidente du mouvement, la très truculente et fort peu démocrate
Hebe de Bonafini (voir à ce sujet mon article du 6 juin 2011).
En 2011, le scandale avait
précipité la rupture, désormais tout à fait publique, entre
Madres de Plaza de Mayo et le reste des associations, dont Madres de
Plaza de Mayo Linea Fundadora, Abuelas de Plaza de Mayo, H.I.J.O.S.,
et Familiares de Detenidos y Desaparecidos.
Hebe de Bonafini, fidèle
à son personnage de provocatrice, a aussitôt tiré de cette
inculpation un motif de fierté, puisqu'elle y voit le prix payé
pour sa parole publique. Bref, elle essaye de se présenter comme la
victime d'une chasse aux sorcières politiques, une femme poursuivie
pour ses idées (2), ce qui n'est pas du tout le cas. La gestion de
l'argent public pour le programme de logement initié par Madres de
Plaza de Mayo présente des irrégularités tout à fait patentes
dont les auteurs doivent rendre des comptes à la justice comme il
convient dans un Etat de droit.
Les relations entre les
différents inculpés sont devenues exécrables depuis qu'après
avoir couvé son chargé d'affaire, Hebe l'avait laissé tomber en
tentant de lui imputer toutes les opérations suspectes.
C'est le même juge fédéral qui traite ce dossier et celui des parents adoptifs de Ignacio Montoya Carlotto, le petit-fils retrouvé de Estela de Carlotto, la présidente de Abuelas. Et si en mars dernier, il a inculpé ce couple d'ouvriers agricoles très soumis à leur patron (un vrai sbire de la Dictature, quant à lui), le juge n'a pas prononcé la prison préventive contre eux. Comme il s'est bien gardé de le faire dans le cas de Madres, ce qui plaiderait pour une retenue et une volonté de ne pas jeter de l'huile sur le feu de la part de ce magistrat.
L'article de Página/12,
qui a tendance à soutenir le mouvement Madres de Plaza de Mayo et à
employer des arguments pas si éloignés des siens, marque une
certaine gêne ce matin. La journaliste évite d'entrer dans l'analyse de
l'événement et se contente de citer des larges
passages des déclarations explosives que Hebe de Bonafini a confié
à une vidéo rendue publique par l'association. La vieille dame
s'est en effet suffisamment déconsidérée avec ses provocations
tous azimuts depuis le début du second mandat présidentiel de Cristina Kirchner
pour que les télévisions et radios se soient passées d'aller
l'interviewer à cette occasion.
Cette inculpation finit de
sortir Madres de Plaza de Mayo de la rubrique Droits de l'homme pour
l'installer dans celle de la corruption et autres scandales
politiques.
Triste fin pour cette courageuse initiative de quelques
femmes sans arme en 1977 !
Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín
Ajout du 17 mai 2017 :
pour sa défense, Hebe de Bonafini a publié une lettre manuscrite qu'elle a reçue il y a quelques semaines du Pape François qui lui avait accordé une audience il y a peu à Rome (voir mon article du 28 mai 2016). Lire à ce propos l'article de La Nación, qui montre bien que cette missive pontificale ne constitue pas un soutien de la part du Souverain Pontife, comme essaie de le faire croire sa destinataire, après avoir copieusement insulté l'auteur... Il a bon dos, le Pape !
lire aussi l'article de La Nación sur la déposition ravageuse d'un des co-inculpés, qui prétend que l'argent qui a disparu dans le gouffre de Sueños compartidos a servi aux campagnes électorales du Frente para la Victoria (Cristina Kirchner).
Ajout du 17 mai 2017 :
pour sa défense, Hebe de Bonafini a publié une lettre manuscrite qu'elle a reçue il y a quelques semaines du Pape François qui lui avait accordé une audience il y a peu à Rome (voir mon article du 28 mai 2016). Lire à ce propos l'article de La Nación, qui montre bien que cette missive pontificale ne constitue pas un soutien de la part du Souverain Pontife, comme essaie de le faire croire sa destinataire, après avoir copieusement insulté l'auteur... Il a bon dos, le Pape !
lire aussi l'article de La Nación sur la déposition ravageuse d'un des co-inculpés, qui prétend que l'argent qui a disparu dans le gouffre de Sueños compartidos a servi aux campagnes électorales du Frente para la Victoria (Cristina Kirchner).
(1) Il est intéressant de noter que c'est aussi sur une affaire très trouble de programme de construction sociale qu'est tombée Milagro Sala, la députée kirchneriste du Parlasur, dont la détention, à Jujuy, est contestée sur le plan procédural (elle aurait dû bénéficier d'une immunité parlementaire) mais dont les actions, à la tête de son mouvement révolutionnaire Tupac Amaru, sont plus que suspectes.
(2) Un peu comme l'a fait François Fillon, pendant la campagne électorale française et encore maintenant, lorsqu'il est parti dans une fuite en avant en s'inventant des persécuteurs et un complot du soi-disant système, pour se dédouaner de ses propres pratiques politiques.