"Macri a donné aux putschistes des munitions mortelles", dit le gros titre sur un montage photographique : le ministre pendant sa conférence et la copie du courrier du chef d'état-major |
Certes, en Argentine, l’affaire
sort à point nommé dans le cadre de la campagne électorale de
mi(-mandat. De là à crier à un complot de la gauche
internationale, il y a peut-être un temps de réflexion à
respecter !
Hier, en effet, dans une
conférence de presse tout ce qu’il a de plus sérieux, le ministre
des Affaires étrangères bolivien a révélé, preuves à l’appui,
que Mauricio Macri, alors président argentin, aurait appuyé le coup
d’État contre Evo Morales en envoyant des munitions militaires aux
partisans de Jeanine Añez, actuellement incarcérée sous des chefs
d’inculpation relatifs à sa prise de pouvoir anticonstitutionnelle
en 2019. La Bolivie, gouvernée à nouveau par le Mouvement vers le
Socialisme (MAS), envisage de porter plainte contre l’ancien
président argentin devant la Commission internationale des Droits de
l’homme (ONU) car la livraison de fournitures militaires pour aider
à la répression de manifestants dans un autre pays est contraire
aux règles de bonne conduite entre États souverains membres de
l’organisation. Il est donc peu probable qu’il s’agisse d’une
accusation opportune.
Il est probable que les
dirigeants (et les militants) de gauche sud-américains, dont une
partie retrouve démocratiquement le pouvoir ici et là sur le
continent, soient désormais résolus à lutter contre les pratiques
douteuses d’une certaine droite, assez peu regardante sur les
exigences démocratiques : au Brésil, Lula est en tête des
sondages pour les élections présidentielles qui s’approchent et
où Bolsonaro entend se représenter, alors qu’il est à présent
dans le viseur de la justice dans son pays (corruption en tout genre
et mise en danger de la vie d’autrui par inertie devant la
pandémie, etc.) ; au Chili, c’est une militante mapuche
doublée d’une linguiste surdiplômée, Elisa Loncón, qui vient
d’être élue, à la surprise générale, à la tête de
l’Assemblée constituante obtenue de haute lutte par la
contestation de la politique menée depuis la Moneda par Sebastián
Piñera ; au Pérou, c’est Pedro Castillo, un instituteur de
campagne et un militant populaire qui ne cache aucune de ses
orientations, qui vient d’emporter le siège présidentiel - d’un
cheveu, certes, mais c’est bien lui qui a gagné (1) ;
en Uruguay, le Frente Amplio, qui structure l’opposition, vient
d’obtenir assez de signatures de soutiens citoyens pour lancer un
référendum contre un dispositif législatif voté par la majorité
ultra-libérale et qu’il estime liberticide.
Voilà, sur ces entrefaites,
voilà cette affaire bolivienne, qui tombe au moment où la Justice
argentine étale au grand jour d’autres affaires peu reluisantes et
qui ne datent pas d’hier : système d’évasion fiscale et
d’enrichissement personnel de la part de l’ex-président et
pillage en règle d’une entreprise de service public, Correo
Argentino, accordée en concession il y a 20 ans à la holding
dirigée par sa famille.
Le courrier à l'ambassadeur argentin qui constitue la preuve du complot anticonstitutionnel de 2019 Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Le président argentin, Alberto
Fernández, a sur-le-champ envoyé une lettre d’excuse à son
homologue bolivien, Luis Arce, dont il avait salué l’élection en
octobre de l’année dernière et son ministre des Affaires
étrangères, Felipe Solá, est allé titiller son prédécesseur, Jorge Faurie, un
très fin diplomate de carrière, qui a immédiatement nié avoir été
au courant (ce qui pose un problème pour la bonne marche du ministère sous sa direction). Hélas pour lui, le ministre bolivien a fait état hier
d’un courrier de remerciement que le chef d’état-major bolivien en
poste en novembre 2019 a adressé à l’ambassadeur argentin après la
réception d’une liste très précise d’armes chimiques (dont des
bombes de différents gaz lacrymogènes).
Alors que de nombreux quotidiens
boliviens font leur une de ces révélations, la presse argentine se
montre beaucoup plus discrète et préfère, à droite, mettre
l’accent sur la crise politique au sein du Mercosur, l’alliance
commerciale régionale, actuellement présidée par l’Argentine,
qui taxe à 12 % les marchandises qui entrent sur son territoire
(hors Mercosur) alors que l’Uruguay et le Brésil contestent cette
politique « protectionniste ». Une pression des deux
présidents de droite qui veulent peut-être faire oublier les revers
qu’ils essuient dans leurs pays respectifs.
"Macri a envoyé en 2019 du matériel de guerre chez nous et Fernández présente ses excuses", dit le gros titre En-dessous : la situation à Haïti Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Pendant ce temps, Mauricio Macri se trouve toujours en Espagne où il participait hier à une rencontre du Partido Popular, la droite issue du franquisme et convertie à la démocratie à la fin des années 1970 (d’où est sorti il y a peu le parti d’extrême-droite Vox, franquiste tout court). De là, l’ancien président argentin a de nouveau contesté les mesures sanitaires et attaqué en illégitimité le « populisme » qui se serait emparé de son pays.
Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
lire l’article principal de La Razón
(1) Les résultats devraient être proclamés officiellement au milieu de la semaine prochaine alors que le deuxième tour a eu lieu le 6 juin et que la candidate battue a fait tout un cirque à la Trump pour contester les résultats et retarder le moment où elle-même devra aussi faire à nouveau face à la justice pour corruption et infraction à son régime de liberté conditionnelle, parce qu’elle s’est présentée alors qu’elle était sous le coup d’une instruction !