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lundi 21 novembre 2022

Deuil national en Argentine : Hebe de Bonafini est décédée [Actu]

"30.000 larmes", dit le gros titre
qui reprend les couleurs nationales, bleu ciel et blanc
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Elle avait le verbe haut, agressif et truculent, le poing fermé et levé et des positions politiques tranchées et tranchantes. C’était une femme tout d’un bloc ! A 93 ans, alors que l’Argentine célébrait hier la fête de la Souveraineté en souvenir d’une bataille fluviale contre une escadre française en 1845 (la Vuelta de Obligado), l’inamovible et polémique présidente de Madres de Plaza de Mayo est décédée dans la matinée. Une date symbolique presque faite pour cette militante infatigable. En son honneur, le gouvernement argentin a décrété trois jours de deuil.

Une de l'édition de Página/12 distribuée à Rosario
L'info est traitée en haut en caractères ciel sur fond blanc
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Pendant la dernière dictature militaire, Hebe de Bonafini, mère de famille nombreuse, avait perdu deux de ses enfants, toujours portés disparus à ce jour. Une tragédie dont il semblerait bien qu’elle n’ait jamais pu la surmonter. Elle avait souhaité que ses cendres soient dispersées sur Plaza de Mayo, là où avec quelques autres mères elles aussi sans nouvelles de leurs enfants, elle a réclamé de leurs nouvelles tous les jeudis après-midi depuis 1976. Hebe de Bonafini était en effet l’une des fondatrices de Madres de Plaza de Mayo qui avait fini par se scinder en deux, avec la création d’une autre association moins partisane et moins idéologisée, Madres de Plaza de Mayo Línea Fundadora.

Ces dernières années, Hebe de Bonafini était devenue un appui inconditionnel de Cristina Kirchner quoi que fasse et dise l’ancienne présidente de la Nation devenue vice-présidente de l’actuel locataire de la Casa Rosada. Hebe s’était donc fait pas mal d’adversaires, pour ne pas dire d’ennemis politiques dans son pays. Elle inspirait même une méfiance certaine voire une franche hostilité à une bonne partie des autres organisations militantes en faveur des Droits de l’homme et de la recherche de la justice et de la vérité pour les victimes de la dictature militaire de 1976-1983 : 30 000 disparus reconnus par l’ONU.

Une petite photo en haut à droite et c'est tout
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Aujourd’hui, de très nombreuses personnalités de gauche lui rendent hommage en Argentine mais aussi sur tout le sous-continent qui ces derniers temps a majoritairement basculé de ce côté-là de l’échiquier politique. Au-delà des aspects partisans et idéologiques, l’Église catholique argentine (à travers une déclaration de l’archevêque de La Plata) et d’autres institutions représentatives de la société ont publiquement réagi.

Un titre secondaire tout en bas et pas même une photo
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Depuis un peu plus d’un mois, on s’attendait à une issue fatale, depuis que Hebe avait été hospitalisée à plusieurs reprises, à commencer par le 11 octobre pour ce qui avait été présenté comme de simples examens. Hier matin, elle est donc morte à l’hôpital italien de La Plata en paix avec la foi de son baptême, elle qui avait si violemment critiqué l’Église et agoni d’injures le cardinal Jorge Bergoglio, alors archevêque de Buenos Aires, jusqu’à ce qu’elle soit reçue à Rome, peu après le conclave de 2013, par le même homme, devenu pape François, dont elle avait le jour même amplement exploité et arrangé à sa sauce le contenu de l’audience.

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Dans Página/12, dont l’édition de ce jour est très largement consacrée à cette disparition emblématique, le dessinateur Miguel Rep assimile Hebe de Bonafini autant à Eva Perón qu’à Diego Maradona dans cette vignette légendée : « Hebe, née pour déranger » (une formule qu’il avait déjà appliquée à ces deux monstres sacrés dans les deux livres qu’il leur a respectivement consacrés).

La querelle du jour entre le président et
l'association Madres de Plaza de Mayo
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Hebe de Bonafini aura enfin réussi cet exploit posthume que la polémique lui survive en ce lendemain de sa mort : dans un message publié sur Twitter, le président Alberto Fernández (que la disparue avait copieusement insulté depuis le début de son mandat) a osé associer le combat de Madres à celui (le même) des deux autres associations de femmes militantes des Droits de l’homme, Madres Línea Fondadora et Abuelas. Ce tweet présidentiel a suscité une réponse ulcérée et épidermique de l’organisation en deuil qui ne supporte pas un tel rapprochement. Parfaite image hélas de ce pour quoi la défunte était si contestée de son vivant. En ce jour d’obsèques où traditionnellement, sous toutes les latitudes, tout le monde sait taire ses différends et ses critiques, il fallait le faire !

Ce caractère irascible et querelleur qui singularisait Hebe explique pourquoi aujourd’hui les journaux de droite n’ont pas fait l’effort de surmonter leur acrimonie à son égard. Sur leurs unes, la nouvelle de son décès est rapportée a minima, au point qu’on peut presque parler d’indécence de leur part (observez la hiérarchisation des sujets !).

La encore, en bas, mais au moins,
il y a une photo
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Il est plus que probable que les trois jours de deuil national seront diversement appréciés et respectés par une population beaucoup plus divisée sur la disparue qu’elle l’avait été la dernière fois qu’une telle mesure avait été décrétée. C’était il y a deux ans, presque jour pour jour, pour rendre hommage à Diego Maradona, qui, en dépit de ses sempiternelles provocations politiques, était une figure sans aucun doute plus consensuellement admirée.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article principal de Página/12, qu’il faut lire intégralement en ce jour historique
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín

"Je veux être près de tous ceux qui pleurent son départ"
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Ajout du 22 novembre 2022 :
Le pape François, qui pratique le pardon des offenses à haute dose, a adressé une longue lettre de condoléances à Madres de Plaza de Mayo, que l’organisation a publiée in-extenso sur ses réseaux sociaux. Cela fait un certain bruit dans la presse aujourd’hui.
Página/12 n’a pas hésité à en faire le titre principal de sa une du jour (ci-dessus).
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa (droite catholique réactionnaire, assez hostile à la pastorale développée par le Saint-Père)
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

Lettre du pape scannée (de travers) par l'association
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