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jeudi 31 octobre 2024

La répression idéologique s’abat sur la diplomatie [Actu]

"Révoquée", dit le gros titre
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Il y a quelques jours déjà, par une circulaire diffusée par mail, le président Mileí, mettant en copie sa ministre des Affaires étrangères, Diana Mondino, interdisait formellement à une très longue liste de diplomates de défendre l’Agenda 2030, une déclaration générale, non contraignante, votée à l’unanimité des membres par l’ONU en vue de coordonner les efforts de tous pour limiter le réchauffement climatique. Selon ce président qu’anime la haine du genre humain, il s’agit en effet d’un complot communiste contre la « Liberté ». Les diplomates argentins qui seraient attachés à cette déclaration (il y en a sans doute beaucoup) auront désormais le choix entre accepter de trahir leurs convictions et le vote de leur pays, ce qui revient à dynamiter la crédibilité de ses engagements internationaux (quelque chose qu’aucun diplomate digne de ce nom ne peut faire d’un cœur léger) et démissionner. Il était si important pour Mileí d’instituer ce tabou qu’il avait inclus dans la liste des destinataires des personnes décédées (au cas où, sans doute), d’autres en retraite, certaines depuis longtemps, et même des non-diplomates, entre autres des employés de bureau du ministère.

Depuis cet envoi dont Mondino aurait dû être cosignataire et non destinataire en copie, il était clair que les jours de celle-ci au ministère étaient comptés.

En haut, Mondino
En bas : la grande grève générale de tous
les moyens de transport hier, privés et publics
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Hier, Mileí l’a en effet virée pour la remplacer par l’actuel et éphémère ambassadeur aux États-Unis, un homme d’affaires qui exerce dans tous les domaines possibles et imaginables, qui a siégé au Comité olympique argentin au plus haut niveau et semble partager les lubies pseudo-religieuses et réactionnaires du président. C’est en effet lui qui l’avait accompagné à New-York, juste après son élection, pour lui permettre de se recueillir sur la tombe d’un rabbin pro-Reagan et anti-communiste primaire issu d’un mouvement ultra-rétrograde du judaïsme nord-américain.

Diana Mondino, qui, pendant la campagne électorale de Mileí, s’était faite l’avocate de la vente d’organes, qui plus est sous une forme dérégulée, se voit donc révoquée sans ménagement après que le représentant de l’Argentine aux Nations-Unies a voté en faveur de la levée du blocus de Cuba, un vote constant du pays depuis 32 ans (y compris, par conséquent, sous la présidence pro-business et ultra-libérale de Mauricio Macri). 187 pays ont voté dans le même sens, comme tous les ans à la même période. Seuls deux pays se sont opposés : les États-Unis (c’est logique) et Israël, comme par hasard les deux « alliés » que Mileí a décidé d’avoir dans le monde (1). Les représentants de l’Afghanistan et de l’Ukraine (sans doute pour des raisons diamétralement opposées) et, plus étrange, celui du Venezuela, qu’on croyait pourtant allié de Cuba, n’ont pas pris part au vote. La Moldavie s’est abstenue (ce que pourrait expliquer son difficile contexte électoral, où le soutien des États-Unis est vital).

Mondino partie sous ce prétexte grossier, on ne va pas pleurer sur son sort. Non seulement, divers traits de sa personnalité la rendaient très antipathique à beaucoup de gens mais elle n’était pas non plus d’une compétence à toute épreuve. Depuis décembre 2023, on ne compte plus ses gaffes. La dernière qui ait fait scandale est d’avoir laissé ses services publier un communiqué officiel où les Malouines sont désignées sous un double nom : Malvinas/Falklands. Un sacrilège contre la Constitution argentine. Par conséquent, bon débarras !

Son départ s’accompagne toutefois d’une première inquiétude. Le successeur, qui rapplique de Washington toutes affaires cessantes (les élections dans le pays, on s’en fiche), est en effet tout aussi incompétent et inexpérimenté, qui plus est à une époque où tous les équilibres anciens disparaissent sans que les nouveaux ne se dessinent encore. En revanche, pour le moment au moins (mais ça peut changer du jour au lendemain), il est dans les petits papiers du couple présidentiel, Mileí et sa frangine.

"Mondino mise à la porte pour avoir voté
en faveur de Cuba. Werthein la remplace"
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La seconde inquiétude naît d’une nouvelle annonce du président qui veut lancer de façon imminente un audit de tout le corps diplomatique en vue de virer tous ceux qui feraient des déclarations en faveur de l’égalité femmes-hommes, des droits des minorités sexuelles et des droits de l’Homme en général et/ou qui défendraient des positions sur le changement climatique en ligne avec les analyses reconnues par la communauté scientifique internationale. Pour Mileí, ce sont là des théories communistes et à ce titre, cela doit être banni du discours diplomatique argentin puisque le gouvernement du pays veut maintenant établir « la liberté ». Or cela fait quarante ans que les diplomates argentins défendent un peu partout sur la Terre ces positions consensuelles au niveau mondial (au moins en apparence), et ce même quand le gouvernement qu’ils représentent n’agit pas ou agit en sens contraire (décennie Menem dans les années 1990 et mandat de Macri dans les années 2010). Le vernis, parfois à peine craquelé, était toujours resté en place. Maintenant, il ne craque pas, il saute !

Ce changement radical de positionnement va sans doute contribuer à isoler l’Argentine des pays dont pourtant Mileí se prétend proche et avec lesquels il dit vouloir établir des échanges commerciaux fructueux, voire dont il espère obtenir des investissements (qui ne viennent pas plus que sous Macri) : les États-Unis -cela va être coton si Kamala Harris gagne, ce qui est loin d’être impossible (2), l’Union européenne (l’accord UE-Mercosur est toujours en négociation et bloque en particulier sur les questions climatiques et sur les normes de production agricole qu’il combat en Argentine !), la Grande-Bretagne (la patrie de la liberté du commerce, la seule liberté qui vaille aux yeux de Mileí), le Canada, etc.

Seule l’Ukraine, que Mileí dit soutenir sans toutefois joindre le geste à la parole, manquera de marge de manœuvre pour lui dire son fait tant qu’elle aura besoin du soutien, même du bout des lèvres, de tout pays latino-américain bien disposé envers sa cause, tant qu’elle n’aura pas chassé l’occupant qui martyrise sa population et détruit son territoire.

Mileí a mis Mondino à la porte pour
le vote du Ministère en faveur de Cuba
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La déclaration très agressive de Mileí arrive au moment où sa sœur et lui, accompagnés de plusieurs ministres, s’apprêtent à se rendre en Chine, contre les intérêts du secteur industriel national, pour négocier avec Xi, un leader que le président a abondamment insulté pendant sa campagne mais qui est le plus gros importateur de produits agricoles argentins et qui soutient les finances de son fournisseur (avec de grosses arrière-pensées). Mais bon ! Les droits de l’Homme, l’égalité Femmes-Hommes ou la liberté des gens de vivre leur sexualité comme ils l’entendent, ce n’est guère la tasse de thé du PC chinois. Quant au changement climatique, il ne semble pas être au premier plan des préoccupations du leader. Ces deux-là vont donc trouver un terrain d’entente… pour lutter en faveur de la « Liberté » individuelle et conserver à l’Argentine les si précieuses faveurs des États-Unis ?

Pour couronner le tout, Mileí ne trouve rien de mieux que de distiller une nouvelle fois son poison dans la vie politique du pays. Il vient d’insulter la mémoire du président du retour à la démocratie, élu en 1983, l’avocat des droits de l’Homme, Raúl Alfonsín, qu’il accuse sans preuve d’avoir voulu organiser un coup d’État en Argentine. Ce qui provoque un nouveau tollé et contribue encore une fois à dégrader l’image du pays à l’étranger. Et avec leur main attachée dans le dos et leur marche à cloche-pied, les diplomates vont avoir bien du mal à réparer les dégâts.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :



(1) C’est la déclaration qu’il a faite à une journaliste états-unienne, Bari Weiss, juste avant de venir en France pour l’anniversaire du Débarquement : « J’ai décidé que mes alliés étaient les États-Unis et Israël ». Outre ce choix d’alliés très restreint et sans cohérence avec la réalité géographique, remarquez cette première personne du singulier ! L’État, c’est lui. Ce type se prend pour Louis XIV.

Bari Weiss, The Free Press, podcast Honestly (« en toute franchise »), disponible sur différentes plateformes, dont You Tube (mise en ligne le 6 juin 2024).
(2) Voyez à ce sujet les analyses de l’historien états-unien Allan Lichtmann qui fait avec son fils des webinars interactifs hebdomadaires en direct sur You Tube. Il y a quarante ans, le professeur Lichtmann a mis au point une méthode à la portée de tout le monde, fondée sur treize critères (keys) permanents aux États-Unis depuis la fin de la Guerre civile. Cette méthode des 13 keys permet d’anticiper les résultats d’un scrutin présidentiel. Selon ces critères, Harris devrait être élue. La méthode n’a failli qu’une seule fois sur les dix dernières élections : quand Georges W. Bush a été élu contre Al Gore par décision de la Cour Suprême qui a interrompu le recomptage des voix en Floride, attribuant ainsi artificiellement au candidat républicain le collège des grands électeurs de cet État. Par ailleurs, une analyse du corps électoral qui s’est déjà exprimé, sans attendre le 5 novembre, est disponible et mis à jour quotidiennement sur le site de NBC News. Les votants y sont répartis État par État selon leur tranche d’âge, leur sexe, leur inscription politique et d’autres critères pertinents et identifiables aux États-Unis. Dans les États-pivots, ces données tendent à soutenir les chances de la vice-présidente en exercice.