Ici,
pour la fête de la Diversité culturelle américaine,
le nouveau nom donné à l'anniversaire, célébré
dans toute la communauté hispanique, de la découverte
du Nouveau Monde par Christophe Colomb le 12 octobre 1492, Rep mêle des positions
politiques très critiques du passé (il n'est que de regarder la tête vraiment patibulaire dont il a gratifié le grand navigateur)
avec une noble intention prophylactique. Le mélange de ces
deux genres-là passe-t-il bien la rampe ? A vous de voir !
Extrait du site Internet de Página/12
L'interprête
: Ils disent qu'ils savaient que ce jour allait arriver, que c'était
écrit dans les étoiles. Ils savent ce qui les attend.
Il me demande de vous informer que la terre est ronde, que vous venez
de découvrir un nouveau continent et que vous essayiez de
mettre des préservatifs avec eux.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
C'est
en effet en Amérique que les Européens contractèrent
la syphilis, une maladie sans gravité pour les populations
précolombiennes qui disposaient d'une immunité innée
alors que pour les Européens, en particulier à la
Renaissance qui fut une période de fort relâchement des
mœurs dans les classes
sociales privilégiées (lisez la poésie de
Ronsard ou de Shakespeare pour vous en persuader), cette maladie fut
et reste une catastrophe sanitaire puisqu'elle est sexuellement
transmissible (il n'y a pas que le VIH !)et qu'elle détruit
certaines connexions neurologiques, provoquant peu à peu un
état de démence généralisé dans
lequel le malade mourrait jusqu'à il n'y pas si longtemps. En
revanche, certaines de nos maladies respiratoires, la plupart du
temps bénignes pour un Européen, ont ravagé ces
populations et sont peut-être une des raisons de leur très
rapide décroissance démographique dès le début
du 16ème siècle. La contagion aurait fait plus de morts
que la politique de persécution et d'asservissement mise en
place par les blancs dès les premières années de
la colonisation.
Cette
vignette mordante me rappelle un tableau, daté de 1993, de
Ricardo Carpani (1930-1997) exposé au Museo Nacional del
Bicentenario (1) dans sa toute première salle. Ce tableau
(illustration ci-dessous) reconstitue la scène de la fondation
de Buenos Aires par Juan de Garay (la seconde fondation, celle de
1580). Les Indiens y assistèrent parce que les Espagnols, dans
leur naïveté et leur conviction qu'ils apportaient la
Vérité et la Civilisation, exigeaient qu'une fondation
reçoive l'agrément des populations autochtones, qui
venaient donc assister à l'étrange spectacle sans bien
comprendre de quoi il s'agissait. Derrière un des
représentants indiens, debout au milieu d'animaux locaux qui
firent si peur aux Européens, on voit un Portègne
typique du 20ème siècle qui lui parle à
l'oreille pour l'avertir de ce qui se trame contre son peuple... Une
manière très intéressante qu'a la gauche
argentine, depuis très longtemps, depuis les courants
populaires de la Révolution de Mai 1810 (Revolución de
Mayo), de contester ce qui est pourtant, qu'on le veuille ou non, à
l'origine même des pays actuels en Amérique du Sud.
C'est dur de se constituer en nation quand on n'adhère si peu
à l'acte fondateur du pays, or c'est bien la gauche qui porte
depuis mai 1810 cette élaboration de la Nation. Cela nous
permet de comprendre un peu mieux pourquoi l'histoire nationale est
si mal traitée, si déguisée par les historiens,
eux-mêmes pris dans un maelström de positions antagonistes
les unes des autres. Or les artistes sont aux avant-postes de la
dénonciation de la mascarade. Miguel Rep ne fait pas exception
à la règle...
Image extraite du site Internet du Museo Nacional del Bicentenario
(1)
Le Museo Nacional del Bicentenario (www.museo.gov.ar), situé
partiellement dans les fondations historiques de la Casa Rosada,
actuel palais présidentiel mais ancienne forteresse
vice-royale, est l'un des musées que je ferai visiter aux
participants du voyage Buenos Aires, le roman national argentin et la
culture populaire que je propose jusqu'au 31 octobre 2012 en
partenariat avec l'agence Intermèdes (voir l'ensemble de mes articles sur ce sujet).