C'est
une interview de Ángel
Prignano, habitant de Flores, et auteur d'un essai intitulé El
tango en el barrio de Flores, paru l'année dernière
chez Editorial Biblos, qui est parue lundi dernier dans Página/12
et que mon agenda ne m'a guère laissé le temps de
traiter...
Réparons
ça de toute urgence car l'article est fort intéressant.
L'essayiste y parle de cette relation très spéciale que
le Portègne entretient avec son quartier, celui de sa
naissance et celui où il vit, c'est d'ailleurs souvent le
même.
Florilège...
–¿Cómo
aparece su pasión por el surgimiento y desarrollo del tango en
el barrio de Flores?
–Surge
por el interés que tenía yo por saber dónde
estaba parado, en qué barrio vivía, que es donde yo
nací, quería saber cuáles eran las
circunstancias de un pasado de mediados del siglo XX y veía
que las cosas cambiaban rápido, quería conocer cuáles
eran mis raíces, en qué circunstancias se desarrollaba
la vida vecinal. Me interesa la vida de la gente de a pie, no me
interesa la vida de los grandes héroes, me interesa la vida
cotidiana, la historia popular, y rescatar un sinfín de gente
que la historia llamada académica no trata, el submundo, lo
que Gramsci llamaba la clase subalterna. Fui conectando historias de
la gente, recogiendo testimonios orales, que hoy es una corriente muy
importante dentro de la historia. Soy un producto de mi barrio, nací
en el Bajo Flores, soy un vecino nyc, nacido y criado, no me fui
nunca del barrio. En chiste digo que mi madre fue al mercado y cuando
volvió se encontró conmigo en mi casa y se llevó
una sorpresa. Eran momentos de transición, había que ir
al Hospital Piñero, y en mi caso vino la partera y nací
en mi casa; todas esas cuestiones me intrigaron de joven. Entonces
fui tomando notas, recabé información de mi viejo,
cuando en 1938 comenzó a hacerse la casa, en épocas en
que era todo campos y bañados, sentí curiosidad por
cómo era el barrio antes de nacer y comencé a
investigar.
Angel
Prignano, interviewé par Sergio Kisielewsky, in Página/12
- Comment
apparaît votre passion pour le surgissement et le développement
du tango dans le quartier de Flores ?
- Il
surgit de l'intérêt que j'avais de savoir où je
me trouvais, dans quel quartier je vivais, qui est celui où je
suis né, je voulais savoir quelles étaient les
circonstances d'un passé du milieu du 20ème siècle
et je voyais que les choses changeaient vite, je voulais savoir
quelles étaient mes racines, dans quelles conditions se
développait la vie du voisinage. Ce qui m'intéresse,
c'est la vie des gens qui sont à pied, pas la vie des grands
héros. Ce qui m'intéresse c'est la vie quotidienne,
l'histoire populaire, et sauvegarder une infinité de gens dont
l'histoire que l'on nomme universitaire ne parle pas, le sous-monde,
ce que Gramsci appelait la classe subalterne. Je me suis mis à
connecter les histoires des gens, collectant des témoignages
oraux, ce qui constitue aujourd'hui un courant très important
dans l'histoire. Je suis un produit de mon quartier, je sui né
dans le Bas Flores, je suis un habitant n&e, né et élevé
[dans le quartier], je n'ai jamais quitté mon quartier. Pour
blaguer, je dis que ma mère est allée au marché
et quand elle est revenue elle m'a trouvé à la maison
et ça a été une surprise. C'était une
époque de transition. Il fallait aller à l'Hôpital
Piñero et en ce qui me concerne, c'est la sage-femme qui est
venue et je suis né à la maison. Toutes ces questions
m'ont intrigué quand j'étais jeune. Alors je me suis
mis à prendre des notes, j'ai recueilli des informations de
mon père, quand en 1938 il a commencé à
construire sa maison, à une époque où il n'y
avait que des champs et des dépotoirs. J'ai ressenti de la
curiosité pour ce à quoi pouvait ressembler le quartier
avant ma naissance et j'ai commencé à chercher.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
–¿De
ahí surge el concepto de barrialidad?
–Exacto,
el porteño siente que pertenece a un barrio, cosa muy curiosa
que yo no vi con tanta intensidad en otros países, en grandes
ciudades de Europa. Hay una cuestión de pertenencia muy
importante; el porteño necesita saber dónde está
parado y el núcleo primario es el vecindario, que termina
siendo el barrio; antes eran las cuatro cuadras a la redonda, uno
jugaba a la pelota con el equipo que está a dos cuadras de la
casa de uno, nos conocíamos, saludábamos al almacenero
de la esquina, se ayudaba a otros que estaban haciendo sus casas
acarreando los ladrillos. Las festividades, los cumpleaños en
mi barrio se hacían con asado en la esquina. Y no hace mucho.
No estamos hablando de la prehistoria. Eso al porteño le da el
concepto de barrialidad: “Yo soy de tal lado”. Está el
caso de la bibarrialidad, de personas que nacieron en un barrio,
donde pasaron la infancia y la adolescencia y ahora están en
otro barrio y tienen la barrialidad de nacimiento y la de adopción.
La porteñidad es el diálogo entre barrios.
Angel
Prignano, interviewé par Sergio Kisielewsky, in Página/12
- Est-ce
de là que naît l'idée de quartiéritude ?
- Tout
à fait. Le Portègne sent qu'il appartient à un
quartier, un truc très bizarre (1) que je n'ai vue avec autant
d'intensité dans aucun autre pays, dans aucune grande ville
d'Europe. Il y a une question d'appartenance très importante.
Le Portègne a besoin de savoir où il se trouve et son
noyau premier c'est le voisinage qui finit par être le
quartier. Avant, on avait les quatre cuadras à la ronde, on
jouait au ballon avec l'équipe qui était à deux
cuadras (2) de la maison, on se connaissait, on disait bonjour à
l'épicier du coin de la rue, on aidait les autres à
construire leurs maisons en assemblant les briques. Les fêtes,
les anniversaires dans mon quartier, ça se fêtait avec
un asado au coin de la rue. Et il n'y a pas longtemps de ça.
Nous ne sommes pas en train de parler de la préhistoire. C'est
cela qui donne au Portègne cette idée de la quartiérité
: "Je suis de tel côté". Et il y a le cas de la
bi-quartiéritude, ces gens qui sont nés dans un
quartier où ils ont passé leur enfance et leur
adolescence et maintenant ils sont dans un autre quartier et ils ont
leur quartiéritude de naissance et celle d'adoption. La
Portégnitude est le dialogue entre les quartiers.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
[...]
–Llama
la atención que se dedicó un tango con murga incluida a
médicos del Hospital Piñero.
–Era
muy común cuando los músicos eran atendidos en algún
hospital o algún médico lo atendía o lo operaban
que en agradecimiento le dedicaran un tango. El hospital se inauguró
en el año 1917, vino a cubrir una necesidad de atender la
salud de la zona y el barrio, en especial del Bajo Flores, que era
una zona desprotegida, y se llama Piñero porque Parmenio
Piñero era el que donó la plata, era un rentista que
falleció soltero y dejó escrito que se subastaran todas
sus pertenencias y lo recaudado iría a la construcción
de un hospital.
Angel
Prignano, interviewé par Sergio Kisielewsky, in Página/12
- C'est
étrange qu'on ait dédié un tango, incluant une
murga, à des médecins de l'Hôpital Piñero.
- C'était
très fréquent quand les musiciens étaient pris
en charge dans un hôpital ou qu'un médecin les soignait
ou les opérait, qu'en signe de remerciement, ils lui dédient
un tango. L'hôpital a été inauguré en
1917. Il arrivait pour répondre à un besoin d'attention
sanitaire dans la zone et le quartier, en particulier dans le Bas
Flores qui était une zone défavorisée et il
s'appelle Piñero parce que Parmenio Piñero est celui
qui a donné l'argent. C'était un rentier qui est mort
célibataire et il avait écrit qu'on vende aux enchères
tous ses biens et que les sommes recueillies iraient à la
construction d'un hôpital.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
–Usted
dice que muchas orquestas y cantores entraron al mundo vía
Flores.
–Hugo
del Carril entró al mundo por Flores y desarrollaron su
vocación en el barrio con su amigo Floreal Ruiz. A Hugo y
Floreal la muchachada del barrio los iba a buscar para que les
cantaran serenatas a las novias. Se juntaban en el bar Colón,
que estaba en avenida Eva Perón y Varela, guitarreaban,
cantaban, tomaban algo. Hay una leyenda de Hugo del Carril que
cortejaba a una muchacha que vivía en el Pasaje Renán
al 1200, en las llamadas casitas municipales. Se apoyaba en un árbol
chiquito para cantarle a la chica su serenata y dicen los vecinos que
ese árbol se puede ver hoy que creció inclinado hacia
la calle porque Hugo cantaba apoyado en el árbol hacia la
ventana de la mujer.
Angel
Prignano, interviewé par Sergio Kisielewsky, in Página/12
- Vous
dites que beaucoup d'orchestres et de chanteurs sont venus au monde
grâce à Flores.
- Hugo
del Carril est venu au monde à Flores et on a développé
sa vocation dans ce quartier avec son ami Floreal Ruiz. La jeunesse
du quartier, c'était Hugo et Floreal qu'elle allait chercher
pour chanter des sérénades aux fiancées. Ils se
retrouvaient au bar Colón qui était à l'angle de
Avenida Eva Perón et de la rue Varela, ils jouaient de la
guitare, ils chantaient, ils buvaient un coup. Une légende
veut que Hugo del Carril, qui courtisait une jeunette qui habitait
dans le passage Renán au numéro 1200, dans ce qu'on
appelait les petites maisons municipales. Il s'appuyait sur un
arbrisseau tout petit (3) pour chanter à la petite sa sérénade
et les habitants disent que ce même arbre on peut le voir
aujourd'hui parce qu'il a grandi penché vers la rue parce que
Hugo chantait appuyé sur l'arbre vers la fenêtre de
cette femme.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
–Los
tangos, en sus letras, reflejaron las consecuencias de la crisis del
’30, tangos sobre el Bajo Flores, el barrio Varela “que das un
poco de aristocracia al trabajador” (4). Refleja la lucha por una
vida mejor...
–Además
empezaron los tangos contestatarios en la década del ’30,
mostraron su razón de ser; el tango es una ópera
italiana en tres minutos, el drama que se desarrolla en ese tiempo es
una maravilla, vemos al letrista, el poeta va interpretando lo que se
vive en el barrio, por eso es una música popular que nos
representa por excelencia, sobre todo al pueblo de Buenos Aires,
aunque muchos músicos, cantores y poetas vinieron del
interior. En los años ’30 la clase acomodada y la Iglesia se
empiezan a preocupar por el léxico, se empiezan a preocupar
por el lunfardo y aparece la censura entre el ’43 y el ’49, pero
ya venía de los años ’30.
Angel
Prignano, interviewé par Sergio Kisielewsky, in Página/12
- Les
tangos, avec leurs textes, reflétaient les conséquences
de la crise de 1930, des tangos sur le Bas Flores, le quartier
Varela, toi qui donnes un peu d'aristocratie au travailleur. Il
reflète la lutte pour une vie meilleure...
- Et
par dessus le marché, les tangos contestataires ont commencé
dans les années 1930, ils ont fait preuve de leur raison
d'être. Le tango, c'est un opéra italien en trois
minutes, le drame qui se déroule dans ce temps-là est
une merveille. Il faut voir le parolier. Le poète interprète
ce qui se vit dans le quartier, c'est pour cela que c'est une musique
populaire qui nous représente au plus haut point, par-dessus
tout le peuple de Buenos Aires, même s'il y a beaucoup de
musiciens, de chanteurs et de poètes qui sont venus de
l'intérieur [du pays]. Dans les années 1930, la classe
aisée et l'Eglise commencent à s'inquiéter du
lexique (5), on commence à s'inquiéter du lunfardo et
apparaît la censure entre 1943 et 1949 mais elle venait déjà
des années 30.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
[...]
Pour
lire l'interview intégrale :
consultez
l'article de Página/12
consultez
la page du livre sur le site Internet de l'éditeur
(1)
Pas si bizarre que ça si l'on songe à la place
qu'occupe dans la culture de Buenos Aires le phénomène
de l'immigration qui a formé le pays depuis sa toute première
colonisation (y compris avec cette forme forcée d'immigration
que fut la déportation des Africains) et qui a atteint des
sommets dans les années 1880-1930, avec ce qu'on appelle
encore la grande immigration. Que les descendants de ces gens aient
nourri un besoin viscéral et transgénérationnel
de s'enraciner dans un lieu qui soit enfin le leur après avoir
perdu celui de leur naissance n'a rien de très surprenant.
Mais l'auteur est sans doute trop plongé dans son vécu
et dans sa réalité locale pour s'en rendre compte. Et
remarquez ensuite cette comparaison non pas avec d'autres villes
d'Amérique mais encore et toujours avec l'Europe. Celle dont
les immigrants de 1880-1930 venaient dans leur immense majorité.
(2)
Cuadra : consultez la Trousse lexicale d'urgence, dans la partie
médiane de la Colonne de droite.
(3)
C'est l'attitude désinvolte que décrit aussi Homero
Manzi dans Sur, lorsqu'il se revoit, à la sortie du collège,
attendant sa petite amie « appuyé contre la
vitrine ». Voir Barrio de Tango, recueil bilingue de
tangos argentins, Editions du Jasmin, mai 2010, p 234.
(4)
Citation d'un tango intitulé Barrio Varela, de Sebastián
Rafael Loiácono et Paulino Mazzeo (que je découvre
grâce à cette interview).
(5)
La censure du lunfardo et des argentinismes sévit de 1943
(après le coup d'Etat du GOU, le 6 juin, qui préserva
l'Argentine du conflit mondial, alors que les Etats-Unis la
pressaient d'entrer en guerre de leurs côtés, et qui fut
l'oeuvre d'une alliance nationale de courants politiques très
divers, mais tous d'accord sur cet unique point : il fallait
préserver la neutralité argentine) jusqu'en 1949, quand
Perón, désormais solidement implanté dans le
pays avec un appui populaire qui ne pouvait plus lui faire défaut,
renonça peu à peu aux égards qu'il avait eus
jusque là pour l'Eglise et la communauté catholique
pratiquante.