REPONSE A TRUMP : Et si le Danemark achetait la Californie ?

Attention : Fausse troupe ukrainienne de ballet en tournée avec Le Lac des Cygnes

samedi 9 août 2025

Jeudi, San Cayetano a connu les grandes foules [Actu]

"Le gouvernement est en guerre contre les travailleurs",
dit le gros titre reprenant des propos des manifestants
ici sur Plaza de Mayo
En haut : l'ancienne ministre des Affaires étrangères
de Mileí a fait des déclarations dévastatrices contre le président
Dans une interview, elle a estimé que l'appui de Mileí à la crypto-monnaie
qui fait scandale prouve "ou bien qu'il n'est pas très intelligent
ou bien qu'il est quelque chose comme corrompu"
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Le 7 août comme tous les ans, les Argentins ont fêté San Cayetano, le saint qui veille sur ceux qui ont besoin de pain et de travail. Comme tous les ans, l’affluence dans les sanctuaires et la participation aux processions servent de baromètre social et cette année, la San Cayetano a démontré qu’il y a vraiment beaucoup de monde qui cherche un toit, du travail, du pain. Les sanctuaires étaient pleins. A Buenos Aires, la file d’attente pour entrer dans la minuscule église du quartier de Liniers et faire ses dévotions au saint qu’elle honore faisait le tour de plusieurs pâtés de maison.

Les évêques ont souvent prononcé des homélies soulignant la nécessité d’une politique de redistribution des richesses et de soutien aux plus vulnérables, les pauvres, les chômeurs, ceux qui travaillent au noir, les handicapés, les retraités.

En bas, une photo qui prend soin de ne pas montrer la foule
avec cette citation épiscopale : "Personne ne se sauve seul"
En haut, le lancement de la campagne de LLA (le parti de Mileí)
dans un coin très pauvre de la province de Buenos Aires
avec ce slogan volé à la gauche : Plus jamais
Le mot d'ordre des militants des droits de l'homme contre
la dictature militaire de 1976-1983
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Les statistiques officielles prétendent que le taux de pauvreté est le plus bas jamais enregistré : il serait de 31 %. Ah bon ? Avec une telle foule à la San Cayetano ? On ne dirait pas.

Chose exceptionnelle : la journée s’est terminée par une grosse manifestation sur Plaza de Mayo, pour protester contre la politique de Mileí. Or Plaza de Mayo est située à l’autre extrémité de la ville. De San Cayetano de Liniers à Plaza de Mayo, on doit traverser Buenos Aires d’ouest en est sur plus d’une dizaine de kilomètres. Il est d’ailleurs probable que les gens n’étaient pas tous les mêmes aux deux endroits, les fidèles étaient sans doute plus nombreux à Liniers et les syndicalistes à Monserrat.

En bas, la banderole de LLA et son slogan cynique
En haut : "L'Eglise se joint à la revendication de l'opposition
en faveur des retraités et plus d'argent pour les handicapés"
Dans la colonne de droite, au milieu, les propos polémiques
de l'ancienne ministre des Affaires étrangères
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Trois quotidiens nationaux en ont fait leur Une hier. Clarín a soigneusement évité de mettre une photo. Quant à La Nación, elle n’en parle même pas en une et il faut fouiller dans le site pour trouver l’article qu’ils ont publié.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article principal de Página/12
lire l’article de Rosario/12, l’édition locale de Página/12, sur l’événement dans la province de Santa Fe
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín sur les prises de position des évêques
lire l’article de Clarín sur la manifestation de Plaza de Mayo
lire l’article de La Nación

vendredi 8 août 2025

Le tango en deuil : Osvaldo Piro nous a quittés [Actu]


Malgré les grandes et belles phrases avec lesquelles les journalistes en parlent, sa mort ne fait pas vraiment beaucoup de bruit. Osvaldo Piro, bandonéoniste, compositeur, chef d’orchestre et arrangeur, est partout décrit comme l’ex-mari de Susana Rinaldi, ce qu’il fut en effet mais si c’est pour cela qu’ils lui rendent hommage…

Il avait 88 ans et vivait à La Falda, une petite ville dans les montagnes de Córdoba. C’est là qu’il s’est éteint hier. La presse reste muette sur ses obsèques, ce qui n’est pas vraiment habituel.

Avec Susana Rinaldi, Piro avait eu deux enfants qui sur scène ont conservé son nom, Ligia et Alfredo. Elle fait carrière comme chanteuse de jazz et lui comme chanteur de tango. Après le divorce avec Rinaldi, il a eu trois autres enfants dont on n’entend pas parler.

Il est vrai qu’il avait surtout mené sa carrière hors de Buenos Aires, avec modestie et discrétion, même s’il avait, il y a deux ans, partagé la scène une nouvelle fois avec la Tana Rinaldi pour présenter un disque qu’ils avaient enregistré ensemble.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12, qui ne lui a même pas consacré la Une de son supplément culturel quotidien Cultura & Espectáculos (j’avoue ma surprise !)
lire l’entrefilet de La Prensa
lire l’article très illustré de Clarín
lire l’article de La Nación

jeudi 7 août 2025

A la Chambre, l’opposition fait son boulot : elle s’oppose [Actu]

"Quand j'entends le mot Université, je sors mes pistolets",
dit le gros titre sur cette image de nouvelles violences policières
En haut à droite, le scandale de la $Libra rebondit !
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Hier, la Chambre a voté contre douze décrets présidentiels qui récemment ont fermé des instituts culturels ou économiques et privé de financement divers autres organismes fédéraux. L’ensemble de l’opposition s’est unie pour l’occasion, de l’extrême gauche aux radicaux, en passant par les kirchneristes et les régionalistes.

Pour plusieurs votes, on a frôlé la majorité qualifiée, celle qu’il est nécessaire d’atteindre pour renverser un veto présidentiel sur une loi déjà votée mais non publiée au bulletin officiel. Jusqu’à présent, l’opposition n’avait pas pu trouver cette majorité qualifiée pour entraver les veto de Javier Mileí. Cette fois-ci, l’espoir est permis.

Les douze décrets présidentiels invalidés hier par la Chambre portaient sur la fermeture et la disparition plusieurs instituts nationaux dépendant du ministère de l’Économie, l’institut agricole couvrant les cultures et l’élevage (INTA), l’institut techno-industriel (INTI), l’institut de la propriété industrielle (INPI), l’institut des exploitations agricoles familiales (les petites exploitations), celui des semences ainsi que la Agencia Canabis, dont l’examen du décret a recueilli 141 voix contre et 65 pour, la disparition de l’organisme directeur du réseau routier et de la Sécurité routière (Vialidad Nacional) par 138 voix contre et 65 voix pour, celle de diverses institutions dépendant du secrétariat d’État à la Culture, dont l’Instituto Nacional del Teatro ainsi que les instituts de recherche historique et mémorielle consacrés entre autres aux généraux et pères de la Patrie San Martín et Belgrano, par 134 voix contre et 68 pour, la réforme, en vue de dégrader ses compétences et de le rendre inopérant, du Banco Nacional de Datos Genéticos, la banque d’ADN qui permet d’identifier les adultes enlevés à leur famille dans l’enfance sous la dictature militaire de 1976-1983, par 133 voix contre et 69 pour, la restriction draconienne du droit de grève rêvée par Mileí et la réforme du régime de la marine marchande par 118 voix contre et 77 pour, la disparition des subventions à la recherche universitaire par 159 voix contre, 75 pour et 5 « courageuses » abstentions et enfin l’élimination des subventions publiques pour l’hôpital Garrahan, un établissement pédiatrique public réputé doté d’un service d’urgence indispensable dans une région très peuplée comme celle de la capitale argentine. Ce dernier décret a été rejeté par 159 voix (contre 67 qui ont voté pour son maintien). Depuis la publication de ce décret, l’hôpital pour enfants était en ébullition : mettre ainsi en péril la santé des plus jeunes et jusqu’à leur survie suscite légitimement un puissant rejet d’une large partie de l’opinion publique.

Pour que ces votes aient force de loi et renversent définitivement les décrets de Mileí, il faut maintenant que le Sénat les invalide lui aussi à la majorité.

"Champions des dépenses", dit le gros titre en bleu
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Par ailleurs, la Chambre a confirmé les conditions de mise en place d’une commission d’enquête sur le scandale $Libra, la monnaie virtuelle que Mileí avait promue à travers ses réseaux sociaux, un vendredi soir, avant que cette crypto s’effondre d’un coup vers minuit, entraînant de juteux profits pour ses promoteurs et quelques autres initiés et la ruine de milliers d’épargnants en Argentine mais aussi dans d’autres pays hispanophones, dont les États-Unis où des Latinos ont mordu à l’hameçon. Les enquêtes sur ce scandale, du côté judiciaire comme du côté journalistique, tant en Argentine qu’aux États-Unis, connaissent d’ailleurs des avancées impressionnantes. C’est ainsi qu’hier, on apprenait que Julián Peh, l’entrepreneur prétendument spécialisé et tout aussi prétendument singapourien que Mileí avait reçu pendant les préparatifs du lancement frauduleux, s’est baladé partout en Argentine sous un faux nom, ce que personne n’avait encore détecté : la justice argentine a en effet reçu de Singapour une réponse négative à ses demandes d’information ; la Ville-État asiatique ne connaît personne parmi ses ressortissants du nom de Julián Peh. Le type pourrait bien en fait s’appeller Baï Qihao. Mileí, ce « brillant » économiste qui se présente comme docteur alors qu’il n’a jamais dépassé le niveau de la licence et qui se décrit volontiers comme le sauveur de l’Amérique latine, et son épouvantable frangine fricotent donc avec des escrocs confirmés !

Enfin, les députés ont rétabli le système de répartition de l’argent fédéral aux provinces que Mileí a menacé de supprimer avant d’annoncer qu’il la réserverait désormais aux seules provinces dont les gouverneurs se soumettent à ses ordres et soutiennent sa politique.

Et pendant que la Chambre votait, le président, reclus dans sa résidence de Olivos, en lointaine banlieue de Buenos Aires, éliminait le secrétariat d’État à l’Industrie et au Commerce, tandis que dans la capitale, la police réprimait les manifestants venus contester les décrets présidentiels débattus au même moment dans l’hémicycle. Balles en caoutchouc et lances à eau sont entrées en action sur la place et dans les rues adjacentes, faisant comme d’habitude des blessés parmi les citoyens et les journalistes venus faire leur travail.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article principal de Página/12
lire l’article principal de La Prensa, dont la seule analyse est que les députés sont des vilains qui ne songent qu’à dépenser l’argent public. Pour un journal qui se prétend catholique, quelle honte !
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación

mardi 5 août 2025

La semaine de San Cayetano [Actu]

Une de Cash dimanche dernier
avec un Mileí faussement christique
tel qu'il vient de se présenter
devant un think tank d'extrême-droite
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Depuis 1982, le 7 août, un grand pèlerinage, très encadré par les autorités diocésaines, conduit des foules denses un peu partout en Argentine vers les principaux sanctuaires de San Cayetano (pour nous, saint Gaëtan). En Argentine, il est le patron du pain et du travail. Au long des années, le pèlerinage s’est donc transformé en baromètre social puisqu’il rassemble tous les précaires du pays, les chômeurs, les travailleurs laissés pour compte, les retraités auxquels Mileí est en train de retirer le pain de la bouche, les sans-abris aussi, de plus en plus nombreux puisque des gens se font expulser de leur logement.

C’est aussi au cours de cette semaine que la Conférence épiscopale argentine célèbre ses journées de réflexion sociale avec, cette année, des ateliers très fournis en thématiques et en grands témoins.

Ces jours-ci, Página/12 consacre à ce sujet trois articles de fond. Pas les journaux de droite, qui sans doute feront quelques reportages pittoresques le 8 sur les rassemblements religieux de la veille, d’autant que cette année, ils s’accompagneront d’hommages au défunt pape François, qui sut si bien et si fort parler des laissés pour compte du monde capitaliste et du dérèglement économique croissant.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 sur la marche de San Cayetano 2025
lire l’article de Página/12 sur le programme des journées sociales de l’Église
lire l’article de Página/12, dans le supplément économique Cash, sur la planification du chaos qu’est la politique anti-sociale menée par Mileí

48 heures de grève pour défendre la recherche scientifique [Actu]

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Les chercheurs du CONICET, l’équivalent en Argentine du CNRS en France, se mettent en grève pour protester une nouvelle fois contre les pertes abyssales de budget pour la recherche fondamentale et appliquée en Argentine sous le gouvernement Mileí, qui hait tout ce qui relève du savoir et de la culture et qui voit dans ces chapitres budgétaires des dépenses inutiles et parasitaires, alors qu’il s’agit d’investissements dans l’avenir et dans le prestige international du pays.

La femme : Comme ça, "tout marche selon le plan" ?
C'est un vrai désastre, oui !
Mileí : Eh, c'est ça, le plan.
Dessin à la Poutine de Paz et Rudy, le 3 août dernier
Traduction © Denise Anne Clavilier
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Lui qui, comme Trump, prétend vouloir rendre à son pays le rôle de puissance mondiale que, d’après lui, l’Argentine avait au début du 20e siècle. Pure fantaisie de sa part puisqu’il confond puissance politique et économique avec le ratio du produit intérieur brut par tête. Certes, ce ratio PIB par tête était très élevé vers 1900 d’autant que le pays était beaucoup moins peuplé qu’aujourd’hui, mais la répartition très inégalitaire de cette richesse nationale ne profitait qu’à quelques centaines de familles richissimes. Rien à voir donc avec la puissance politique et économique qu’un pays peut exercer, pour de toutes autres raisons d’ailleurs, à l’échelle de la planète. Vers 1900, il y avait deux grandes puissances à l’échelle mondiale, c’était la Grande-Bretagne et la France, qui s’appuyaient sur des empires coloniaux gigantesques et une présence sur tous les continents. Des pays comme l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, l’Empire russe, la Belgique (avec le Congo) et les Pays-Bas (avec une série de possessions dans le Pacifique) venaient derrière. L’Empire ottoman n’en était plus, ni l’Espagne, ni le Portugal, ni la Chine, ni le Japon. Quant aux États-Unis, ils n’existaient même pas encore sur ce type de carte.

Aujourd’hui, c’est surtout Página/12, le quotidien de gauche, qui s’intéresse à cette protestation des scientifiques. Au point d’en faire sa une.

Le gars derrière : T'as vu ? Il y a des scientifiques du Conicet
au fond de l'eau
Le petit devant : Ouais, comme la majorité des Argentins
Dessin des mêmes auteurs, paru hier à la Une de Página/12
Traduction © Denise Anne Clavilier
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Il se trouve que depuis quelques jours, une équipe d’océanographes a mis en ligne un streaming en direct et en couleurs des fonds marins du Mar Argentino, qui longe la côte atlantique du pays. Et ce que les Argentins découvrent au fond de leurs eaux territoriales les émerveille à juste raison. Faune, flore, coraux, minéraux, ce que nous montre la caméra du Conicet jour après jour est à tomber à la renverse. Le streaming fait donc un carton !

Mais l’expression populaire « estar en el fondo del mar » ou « estar bajo el mar » (être au fond de la mer) correspond aussi à notre « être sous l’eau » : les deux expressions décrivent une situation précaire et presque sans issue. Ce avec quoi Daniel Paz et Rudy n’ont pas manqué ces jours-ci de jouer dans leurs vignettes à la une de Página/12.

Demain ou après-demain, on verra bien comment le reste de la presse traite cette manifestation des chercheurs, toutes disciplines confondues. Pour l’heure, c’est l’indifférence partagée.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 sur la manifestation, ses tenants et ses aboutissants
lire l’article de Página/12 reprenant une émission de la 750, la radio du groupe Octubre, sur le même sujet
lire l’article de La Prensa, seul journal de droite aujourd’hui à traiter cette information
lire l’article de La Nación sur l’un des poissons spectaculaires découverts à travers le streaming (il vaut le coup d’œil)
lire l’article de La Nación du 1er août sur la meilleure manière d’accéder au streaming