 |
"Quand j'entends le mot Université, je sors mes pistolets", dit le gros titre sur cette image de nouvelles violences policières En haut à droite, le scandale de la $Libra rebondit ! Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Hier, la Chambre a voté contre
douze décrets présidentiels qui récemment ont fermé des instituts
culturels ou économiques et privé de financement divers autres
organismes fédéraux. L’ensemble de l’opposition s’est unie
pour l’occasion, de l’extrême gauche aux radicaux, en passant
par les kirchneristes et les régionalistes.
Pour plusieurs votes, on a frôlé
la majorité qualifiée, celle qu’il est nécessaire d’atteindre
pour renverser un veto présidentiel sur une loi déjà votée mais
non publiée au bulletin officiel. Jusqu’à présent, l’opposition
n’avait pas pu trouver cette majorité qualifiée pour entraver les
veto de Javier Mileí. Cette fois-ci, l’espoir est permis.
Les douze décrets présidentiels
invalidés hier par la Chambre portaient sur la fermeture et la
disparition plusieurs instituts nationaux dépendant du ministère de
l’Économie, l’institut
agricole couvrant les cultures et l’élevage (INTA), l’institut
techno-industriel (INTI), l’institut de la propriété industrielle
(INPI), l’institut des exploitations agricoles familiales (les
petites exploitations), celui des semences ainsi que la Agencia Canabis, dont l’examen du décret a recueilli 141 voix contre et
65 pour, la disparition de l’organisme directeur du réseau routier
et de la Sécurité routière (Vialidad Nacional) par 138 voix contre
et 65 voix pour, celle de diverses institutions dépendant du
secrétariat d’État à la Culture, dont l’Instituto Nacional del
Teatro ainsi que les instituts de recherche historique et mémorielle
consacrés entre autres aux généraux et pères de la Patrie San Martín et Belgrano, par 134
voix contre et 68 pour, la réforme, en vue de dégrader ses
compétences et de le rendre inopérant, du Banco Nacional de Datos
Genéticos, la banque d’ADN qui permet d’identifier les adultes
enlevés à leur famille dans l’enfance sous la dictature militaire
de 1976-1983, par 133 voix contre et 69 pour, la restriction
draconienne du droit de grève rêvée par Mileí et la réforme du
régime de la marine marchande par 118 voix contre et 77 pour, la
disparition des subventions à la recherche universitaire par 159
voix contre, 75 pour et 5 « courageuses » abstentions et
enfin l’élimination des subventions publiques pour l’hôpital
Garrahan, un établissement pédiatrique public réputé doté d’un
service d’urgence indispensable dans une région très peuplée
comme celle de la capitale argentine. Ce dernier décret a été
rejeté par 159 voix (contre 67 qui ont voté pour son maintien).
Depuis la publication de ce décret, l’hôpital pour enfants était
en ébullition : mettre ainsi en péril la santé des plus
jeunes et jusqu’à leur survie suscite légitimement un puissant
rejet d’une large partie de l’opinion publique.
Pour que ces votes aient force de
loi et renversent définitivement les décrets de Mileí, il faut
maintenant que le Sénat les invalide lui aussi à la majorité.
 |
"Champions des dépenses", dit le gros titre en bleu Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Par ailleurs, la Chambre a
confirmé les conditions de mise en place d’une commission
d’enquête sur le scandale $Libra, la monnaie virtuelle que Mileí
avait promue à travers ses réseaux sociaux, un vendredi soir, avant
que cette crypto s’effondre d’un coup vers minuit, entraînant de
juteux profits pour ses promoteurs et quelques autres initiés et la
ruine de milliers d’épargnants en Argentine mais aussi dans
d’autres pays hispanophones, dont les États-Unis
où des Latinos ont mordu à l’hameçon. Les enquêtes sur ce
scandale, du côté judiciaire comme du côté journalistique, tant
en Argentine qu’aux États-Unis,
connaissent d’ailleurs des avancées impressionnantes. C’est
ainsi qu’hier, on apprenait que Julián Peh, l’entrepreneur
prétendument spécialisé et tout aussi prétendument singapourien
que Mileí avait reçu pendant les préparatifs du lancement
frauduleux, s’est baladé partout en Argentine sous un faux nom, ce
que personne n’avait encore détecté : la justice argentine a
en effet reçu de Singapour une réponse négative à ses demandes
d’information ; la Ville-État
asiatique ne connaît personne parmi ses ressortissants du nom de
Julián Peh. Le type pourrait bien en fait s’appeller Baï
Qihao. Mileí, ce « brillant » économiste qui se
présente comme docteur alors qu’il n’a jamais dépassé le
niveau de la licence et qui se décrit volontiers comme le sauveur de
l’Amérique latine, et son épouvantable frangine fricotent donc
avec des escrocs confirmés !
Enfin, les députés ont rétabli
le système de répartition de l’argent fédéral aux provinces que
Mileí a menacé de supprimer avant d’annoncer qu’il la
réserverait désormais aux seules provinces dont les gouverneurs se
soumettent à ses ordres et soutiennent sa politique.
Et pendant que la Chambre votait,
le président, reclus dans sa résidence de Olivos, en lointaine
banlieue de Buenos Aires, éliminait le secrétariat d’État à
l’Industrie et au Commerce, tandis que dans la capitale, la police
réprimait les manifestants venus contester les décrets
présidentiels débattus au même moment dans l’hémicycle. Balles
en caoutchouc et lances à eau sont entrées en action sur la place
et dans les rues adjacentes, faisant comme d’habitude des blessés
parmi les citoyens et les journalistes venus faire leur travail.
© Denise Anne Clavilier
Pour aller plus loin :