REPONSE A TRUMP : Et si le Danemark achetait la Californie ?

Attention : Fausse troupe ukrainienne de ballet en tournée avec Le Lac des Cygnes

vendredi 20 juin 2025

Las 12 célèbre Cristina [Disques & Livres]

"Du haut du balcon", dit le gros titre
"Est-ce le début de la grosse résistance au gouvernement de Mileí ?"
interroge le sous-titre
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Le supplément que Página/12 consacre toutes les semaines aux enjeux de l’émancipation des femmes, Las 12, est consacré cette semaine à soutenir Cristina Fernández de Kirchner (CFK pour ses partisans), qui a fait la démonstration de sa popularité intacte parmi les Argentins, y compris au-delà des frontières du pays.

"Cristina Kirchner est déjà sous le contrôle
d'un bracelet électronique mais elle peut sortir
sur son balcon", dit le gros titre
sur cette photo qui date d'hier
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Dans cette semaine encadrée par deux jours fériés, pour célébrer la mémoire de deux héros de la guerre d’indépendance, qui se sont distingués par une multitude d’exploits et de surcroît par la présence à leurs côtés de femmes exceptionnelles, le général Güemes, le 16 juin, au jour anniversaire de son assassinat à Salta par un traître vendu à la cause coloniale, et le général Belgrano, aujourd’hui même, à la date anniversaire de son décès à Buenos Aires des suites d’une maladie dont on ne connaît pas la nature exacte, la gigantesque manifestation qui s’est tenue mercredi a donné ses fruits : le juge d’application des peines a fait marche arrière !!!

Clarín titre à peu près la même chose mais sans photo
En revanche, il est bie question de photo en-dessous
Un gouverneur était en train de faire un selfie avec un groupe
quand une personne lui a dérobé son portable.
L'insécurité règne décidément en Argentine
C'est sans doute la faute à Cristina !
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Cristina est désormais autorisée à utiliser son balcon autant qu’elle le veut, dans la mesure où ses « apparitions ne troubleront pas la tranquillité du quartier », ce qui est laissé à son appréciation, à sa bonne foi et à son bon sens. Or la presse de droite avait, il y a plusieurs jours, commencé à publier des articles laissant entendre que les habitants du coin se plaignaient déjà de toutes ces manifestations de soutien et réclamaient qu’on respecte leur « repos ». Ce à quoi Página/12 répond ce matin, en pied-de-nez, par un billet de dernière page où un habitant du quartier dit exactement l’inverse :

Vecino

Tomé la decisión de empezar a sacar esas fotos y a subirlas como un impulso de dejar una huella trascendental por lo que estaba pasando, porque es realmente impresionante”, dijo a La 750 el @vecinodecristina quien, reservando su identidad, armó un registro cotidiano en la redes de la movida en San José 1111. “Es un evento histórico que mis hijos van a estudiar en la secundaria, y está pasando en la puerta de mi casa, así que yo lo estoy tomando como un privilegio, como una oportunidad que pasó. Salgo a la puerta de mi casa y está sucediendo la historia”, comentó.


Habitant du quartier

J’ai pris la décision de commencer à prendre ces photos et de les mettre en ligne comme une envie de laisser une trace essentielle de ce qui est en train de se passer, parce que c’est réellement impressionnant, dit sur La 750 le @voisindecristina qui, en gardant l’anonymat, a mis en place un enregistrement au jour le jour sur les réseaux de ce qui bouge au 1111 rue San José [adresse de Cristina]. C’est un événement historique que mes enfants étudieront au lycée et ça se passe à la porte de chez moi. Alors je prends ça comme un privilège, comme une opportunité à ma portée. Je sors sur le pas de ma porte et l’histoire est en train de se faire, a-t-il commenté.
(© Traduction Denise Anne Clavilier)


Comme le magistrat recule et assouplit les conditions de vie de Cristina pour les six ans à venir, une députée du PRO (parti de la droite libérale que mène encore l’ancien président Mauricio Macri mais peut-être plus pour très longtemps) vient de déposer une proposition de loi qui assimile les délits de corruption aux crimes contre l’humanité, ceci afin qu’ils soient imprescriptibles et que laisser Cristina en résidence surveillée, comme le fait le juge d’application des peines, devienne suspect. Il faut la mettre à l’ombre, cette femme dangereuse, n’est-ce pas ?

Et pendant ce temps-là, une partie de cette même droite fait tout ce qu’elle peut pour élargir les vrais criminels condamnés au terme de procès équitables et au titre des crimes contre l’humanité qu’ils ont commis sous la dictature militaire, ces sbires du régime de Videla qui ont écopé de la perpétuité et dont certains purgent encore leur peine derrière les barreaux.

Tout cela démontre assez clairement l’intention politique qui se cachait derrière la condamnation et sa lourdeur et met en lumière le poids politique que conserve l’ancienne mandataire dans la vie du pays. Et tout se passe comme si la droite en avait vraiment très peur !

Au cri de "L'amie ! Balcon, balcon !"
Corazón (cœur) est une expression de tendresse et d'affection
(pas nécessairement amoureuse)
Cela se dit aux membres de la famille et aux amis très chers...
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Politiquement, son plan a échoué, même si ces gens ne peuvent ni ne veulent le reconnaître.

Lula a annoncé cette semaine son intention de rendre visite à Cristina dans la première semaine de juillet. Lula, le président de gauche, mis en prison sans aucune raison valable par la droite, et réhabilité par la justice, au Brésil, avant de retrouver l’ensemble de ses droits civiques et d’être réélu pour un troisième mandat !!!!

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Une de Las 12 sur la figure de Cristina Kirchner, martyre de la démocratie et de la lutte pour l’égalité femmes-hommes
lire le billet de dernière page de Página/12
lire l’article de Une de Página/12 sur l’assouplissement des conditions de résidence surveillée
lire l’article de Página/12 sur la présentation de cette proposition de loi délirante, qui révèle le peu de considération de cette élue pour le concept de crime contre l’humanité
lire l’article de La Prensa sur l’assouplissement des conditions de vie de Cristina
lire l’article de Clarín sur ce sujet
lire l’article de La Nación sur le sujet

Un documentaire de La Nación récompensé par le Rey de España 2025 [à l’affiche]

Visuel de présentation du documentaire
(Il s'agit d'une procession à Santiago del Estero)


Le documentaire de moyen métrage, Mama Antula, una historia del milagro argentino ‑ Cómo fue la vida de la santa que sorprendió a Occidente, raconte la vie et l’œuvre spirituelle de la première canonisée argentine, portée sur les autels par le pape François le 21 février de l’année dernière.

Native de Santiago del Estero, dans le nord-ouest argentin, et morte à Buenos Aires, où elle fut immédiatement canonisée par la vox populi, Mama Antula a permis à la spiritualité ignacienne de survivre à l’expulsion des jésuites à la toute fin du régime colonial, sous Carlos III, et de prospérer. Son activité pastorale et missionnaire intense et couronnée de succès, notamment dans les élites du vice-royaume, avait surpris les théologiens et les prélats qui en entendirent parler en Europe, jusqu’au sein de la Curie romaine.

Le documentaire, de Matías Boela et Cecilia Miljiker, produit par La Nación, pour la chaîne de télévision du groupe, a été tourné, en 2024, à Santiago del Estero, Río Gallegos, Buenos Aires et Rome, où le pape François a bien voulu apporter sa propre contribution, grâce à l’entremise de la correspondante en Italie du journal, Elizabeta Piqué, une excellente journaliste qui avait un accès privilégié auprès du Saint-Père, privilège de leur nationalité commune.

Le portrait de la nouvelle sainte
pendu à l'un des balcons de la basilique Saint-Pierre de Rome
le jour de la canonisation


Le film est distingué pour sa narration innovante, sa rigueur historique (1) et sa qualité cinématographique, dans la catégorie Journalisme culturel.

Cecilia Miljiker a reçu le prix à Madrid des mains du roi d’Espagne, accompagnée de son épouse, elle-même ancienne journaliste de télévision. C’est la deuxième production de La Nación qui reçoit cette distinction, ce dont le premier quotidien historique de l’Argentine s’enorgueillit à juste titre.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de La Nación
visionner le documentaire sur la chaîne Youtube de La Nación



(1) Pourtant dès les premières images, on voit que le film tombe dans le piège de l’éternel cliché concernant Mama Antula : un gros plan de deux pieds nus, parfaitement propres, marchent à même la terre. C’est la représentation traditionnelle de Mama Antula, en image pieuse, en statue, en tout ce que vous voulez... La sainte a été décrite par les contemporains, notamment lorsqu’elle a fait son entrée dans Buenos Aires, comme « descalzada », déchaussée en français, ce qui veut dire qu’elle vivait pieds-nus dans des sandales, en signe de pauvreté, d’humilité et de renoncement, au lieu d’être « calzada », chaussée, ce qui voulait dire à cette époque porter bas de soie et souliers fermés, comme le faisaient ordinairement ceux qui, hommes comme femmes, en avaient les moyens, y compris dans les rangs du clergé séculier et chez certains ordres réguliers qui ne refusaient pas ce confort ordinaire à leurs membres. Comme d’habitude, les Argentins, qui nagent toujours dans les anachronismes, même quand ils sont des historiens patentés, ont interprété cette indication de manière littérale. Et pour leur retirer cette image du cerveau et la corriger, il faut se lever de bonne heure !

Ce soir au CAFF, un récital consacré à José María Contursi [à l’affiche]

Cette photo des deux chantuers sert d'affiche au spectacle de ce soir


Ce soir, au Club Atlético Fernandez Fierro (le CAFF, pour les intimes), dans le quartier tanguero de El Abasto, où vécut Carlos Gardel, se tiendra un récital à deux voix et plusieurs instruments intégralement consacré au répertoire écrit par le poète José María Contursi, surnommé Katunga (1911-1981), à qui l’on doit Gricel, Como dos extraños, Toda mi vida, Sombras nada más, Verdemar ou Esta noche de copas, des chefs d’œuvre sur lesquels de nombreux danseurs s’élancent sur la piste par chez nous sans trop savoir de quoi on parle…

Walter Romero et Patricia Malanca seront accompagnés par un ensemble dirigé par le guitariste et pianiste (et compositeur à ses heures) Hernán Reinaudo, qui a orchestré le récital.

Rendez-vous ce soir, vendredi 20 juin 2025, à 20h (ouverture des portes), rue Sánchez de Bustamante n° 772, à Buenos Aires, pour un concert qui devrait commencer à 21h.

Prix des places : 15 000 pesos argentins.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
accéder aux pages consacrées à José María Contursi dans l’encyclopédie en ligne argentine, Todo Tango (en espagnol).

L’une des plus vieilles églises de Buenos Aires menacée par un temple mormon [Actu]

Santa Catalina aujourd'hui (source : site Internet du centre pastoral)
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L’une des plus vieilles églises de Buenos Aires toujours debout est l’église Santa Catalina de Siena, dédiée à celle que nous appelons en français sainte Catherine de Sienne. Elle a été bâtie en 1745 sur un terrain qui se situait alors en dehors de la ville, bien au nord, pour abriter son premier monastère féminin. A l’époque coloniale, on comptait surtout des communautés régulières masculines, appartenant à des ordres missionnaires insérés dans la ville, les franciscains, les dominicains, les jésuites entre autres, et des communautés féminines cloîtrées. Santa Catalina a donc abrité les « catalinas », que l’on retrouve dans de nombreux toponymes de la ville, des moniales de la famille dominicaine. Le monastère accueillait en ses débuts les filles des grandes familles du vice-royaume du Río de la Plata, jusqu’à ce qu’un évêque l’oblige à accepter une sœur de couleur, pour mettre fin à un grand scandale qui secouait toute l’agglomération. Le recrutement resta élitiste jusqu’à la Révolution de 1810 tant et si bien que seule une petite centaine de femmes y ont fait profession de 1745 jusqu’à cette année qui marque la fin du système colonial. De 1745 à 1810, le monastère a possédé une quinzaine d’esclaves, des femmes affectées aux bas travaux (ménage, cuisine, soin des cultures vivrières et de la basse-cour, etc.)

La même église encore dans sa sobriété coloniale

Ce domaine, déclaré monument historique national en 1942, a cessé d’être un monastère en 1974. Il est aujourd’hui un centre pastoral, à la charge d’une petite équipe de trois prêtres, qui dépend directement de l’archevêque et qui propose des retraites prêchées ou en silence, une boutique d’objets religieux (santería), des conférences, un espace de prière et d’adoration au beau milieu du quartier commercial (la rue Florida) et financier (la rue San Martín, qui traverse la « City » portègne). C’est aussi un lieu historique de grande importance pour la mémoire locale et nationale : de grandes figures indépendantistes sont liées au monastère qui conservent aussi certaines pièces historiques relatives aux Invasions Anglaises (1806-1807), pendant lesquelles le monastère s’est transformé en hôpital pour soigner les soldats blessés, aux premières années post-coloniales et aux années postérieures à l’épidémie de fièvre jaune de 1872, quand les familles aisées du sud de Buenos Aires vinrent s’installer définitivement au nord, réputé plus aéré et plus sain. Et n’oublions pas le patrimoine architectural, dont il reste peu de témoignages dans une ville qui a pratiqué la destruction active de tout ce qui rappelait son passé espagnol.

Or l’une des manzanas, quadrilatères bâtis qui entourent l’ensemble monastique, a été racheté dernièrement par un promoteur immobilier lié à la communauté mormone de l’Utah, qui entend y bâtir un temple hors dimension. Comme tout ce que font en Amérique du Sud ces sectes d’origine protestante qui pullulent aux États-Unis et qui ont aujourd’hui un rôle politique actif à la droite de la droite, cela promet d’être un énorme machin très agité, drainant une population bruyante et particulièrement invasive, notamment par ses actions prosélytes. Or pour ce qui est du bruit et de l’agitation, le quartier est le champion local. Il tient donc à cet îlot de tranquillité.

Or à l’occasion des nombreux projets immobiliers qui ont vu successivement le jour dans les années 2000 pour aménager cette manzana, qui accueillait alors un parking désaffecté (playa de estacionamiento), des fouilles préventives ont permis la découverte de vestiges archéologiques qui documentent la vie quotidienne du monastère. Un trésor pour l’histoire de la ville coloniale ! Il a donc été convenu que cette manzana resterait non bâtie et accueillerait un espace vert dont ce coin ultra-urbanisé à le plus grand besoin.

L'ensemble conventuel aujourd'hui
(vue aérienne tirée du site Internet du centre pastoral)

Le projet mormon réveille les habitants qui réclament désormais qu’on respecte ce qui a été convenu : ils veulent ce qu’on appelle une place en Argentine, un coin de verdure, avec des arbres !

© Denise Anne Clavilier


Página/12 et Clarín en ont parlé ces derniers jours mais les deux journaux ont réservé leurs articles sur le sujet à leur abonnés.

Le Caras y Caretas de juillet rendra hommage à Pepe Mujica [Disques & Livres]

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En juillet, le nouveau numéro du mensuel Caras y Caretas, du groupe médiatique Octubre, qui possède Página/12, rendra hommage à Pepe Mujica, le président uruguayen qui vient de mourir à près de 90 ans, à Montevideo.

La rédaction du mensuel a en fait une réincarnation de José Gervasio Artigas, le père de l’indépendance de l’Uruguay, un personnage historique, lui aussi décédé à un âge très avancé, que la gauche s’est pleinement approprié au prix parfois de quelques entorses à la réalité historique mais c’est le seul leader indépendantiste qu’elle peut revendiquer sans trop être contredite. Elle pourrait aussi en revendiquer d’autres mais comme l’histoire conventionnelle écrite pour l’école par des penseurs de droite en ont déformé la légende, ils ne leur reste qu’Artigas. L’occasion était trop belle pour l’équipe de Caras y Caretas, menée par l’historien péroniste Felipe Pigna.

Beau portrait en couverture !

Le portrait conventionnel du héros
par un peintre largement postérieur (1889)
qui ne l'a jamais rencontré
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Dimanche dernier, ce nouveau numéro était en vente avec l’édition du jour du quotidien Página/12. Il est ou sera disponible, indépendamment du journal, très prochainement dans les kiosques.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’éditorial de Felipe Pigna sur le site du magazine.

jeudi 19 juin 2025

La justice a raté son coup : on n’avait pas vu autant de monde dans les rues depuis longtemps [Actu]

"Le 18", dit le gros titre en allusion au 17 octobre 1945,
le jour où le peuple a montré sa loyauté à Perón
et l'a fait rappeler d'un exil sans procès.
Certains manifestants, conscients du parallèle historique,
ont répété l'image iconique de 1945 : ils se sont assis sur le bord
du bassin de la Place de Mai, se sont déchaussés
et ont mis les pieds dans l'eau.
Ils ont du courage ! En octobre, il fait chaud mais en juin,
gla gla : l'eau de la fontaine devait être frisquette !
La photo représente Plaza de Mayo hier
En biais à gauche, on voit le Cabildo et son toit rouge.
A sa droite, Avenida de Mayo.
A droite encore la Diagonal Norte avec l'obélisque
qui se dresse dans la perspective
Et tout à droite de l'image, la façade néo-classique de la cathédrale.
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Il semble qu’environ un million d’Argentins, sur une population totale de moins de 50 millions, ont arpenté les rues des grandes villes du pays hier dans l’après-midi, donc en plein jour, pour soutenir l’ancienne présidente Cristina Kirchner et protester contre le traitement judiciaire qui lui est appliqué et qu’ils sont nombreux à estimer injustifié. Le gouvernement tente en vain de prétendre que le nombre de manifestants n’a guère dépassé les 48 000 personnes, un peu comme ce conseiller de Trump prétendait samedi soir que le défilé militaire avait été un grand succès tandis que les manifestations No Kings avaient connu un fiasco retentissant (on sait que c’est exactement l’inverse qui s’est passé).

Le gros titre parle comme d'un enterrement :
"La foule pour un adieu ?"
Quelle mauvaise foi !
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La presse de droite brûle d’envie, elle aussi, de minimiser les chiffres mais les journalistes avouent qu’ils doivent se rendre à l’évidence. Les photos démontrent clairement qu’il y a eu environ un demi-million de manifestants hier dans la seule capitale où la Plaza de Mayo ainsi que les rues et avenues qui y mènent étaient noires de monde sur plus d’un kilomètre en profondeur.

Une photo de la manifestation à La Plata
dans cette édition locale de Página/12
Cristina Kirchner est native de La Plata
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La presse de droite prétend aussi, contre toute évidence, que le mouvement péroniste serait divisé alors qu’il est clair que pour l’occasion, il a refait son unité dans la diversité des courants et des personnalités qui le composent. A Buenos Aires, les bannières les plus visibles étaient celles de la Campora, le mouvement de jeunesse, passablement radicalisé, que dirige Máximo Kirchner, le fils quarantenaire de l’ex-présidente, lequel se présente désormais en héritier politique de ses deux présidents de parents. Pour autant, il n’est pas certain que ce mouvement constituait la majorité du cortège à Buenos Aires.

"Cristina a obtenu une grande manifestation*
mais elle n'a pas eu son 17 octobre", dit le gros titre
avec une mauvaise foi patente !
Bien sûr, Cristina n'a pas été libérée à minuit
mais son procès était maquillé en procès constitionnel
Ce n'était pas le cas pour Perón en 1945
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Patricia Bullrich, la très droitière ministre de la sécurité, a tenté de mettre des bâtons dans les roues aux manifestants, multipliant les contrôles tatillons et délibérément vexatoires aux entrées de Buenos Aires et à la descente des bus spécialement affrétés pour l’occasion aux quatre coins du pays mais elle a dû rapidement se rendre à l’évidence : il était impossible de faire appliquer ses règles restrictives anti-manifestants comme celle qui veut que les participants n’occupent que le trottoir et laissent la chaussée libre pour ne pas entraver la circulation. Elle a dû laisser les gens occuper la voirie tout entière sur les différents parcours dessinés par les organisateurs. Ce qui prouve bien que ses chiffres sont faux, que la foule était impressionnante et que cette convocation est donc un succès pour l’opposition, qui semblait moribonde et qui a ressuscité la semaine dernière à la publication de cet arrêt de la Cour suprême qui n’en impose à personne.

"Une autre Place de Cristina", dit le gros titre
de cette autre édition locale de Página/12
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Sur Plaza de Mayo, les organisateurs ont fait retentir la voix de la prisonnière la plus populaire du pays : un message enregistré et qu’elle avait fait sortir de chez elle. Il semble qu’on lui ait conservé le droit d’utiliser les réseaux sociaux et qu’elle garde, pendant la durée de sa peine, sa pleine liberté d’expression, dont elle va sans doute faire un grand usage. C’est tout ce qui lui reste mais c’est beaucoup, car c’est une excellente oratrice et on ne peut pas en dire autant dans les rangs de la majorité. Cristina a déclaré que le modèle politique, social et économique suivi par Mileí était en train de s’effondrer et que les responsables actuellement au pouvoir en étaient conscients. Elle a traité Mileí de cachivache : un Tartarin, un baratineur qui ne se réalise que dans l’esbroufe. C’est assez bien vu, ,non ?

"Le parti péroniste a défilé dans la division
pour soutenir Cristina, qui a lancé un défi :
Nous reviendrons", dit le gros titre
avec une contradiction manifeste entre le texte et l'image
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Et pour couronner le tout, on trouve dans la presse internationale de beaux échos de l’événement. Tout ce que les pouvoirs publics voulaient précisément empêcher en trafiquant les procédures des audiences après l’arrêt de la Cour suprême. Eh bien, c’est raté !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article de Clarín sur les chiffres (où le journaliste reconnaît lui-même que ceux du gouvernement ne peuvent qu’être très en-dessous de la réalité)
lire l’article principal de La Nación

mercredi 18 juin 2025

Incarcération de Cristina : la justice double en côte [Actu]

"Proscrite chez elle", dit le gros titre
en faisant allusion à la perte d'éligibilité (proscripción)
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Pour court-circuiter la foule des militants qui s’apprêtaient aujourd’hui à accompagner Cristina Kirchner en masse devant le palais de justice où devait se tenir l’audience d’application des peines ainsi que la presse nationale et internationale et les réseaux sociaux qui n’auraient pas manqué de publier les photos de la manifestation, ce dont en haut-lieu à Buenos Aires on ne voulait à aucun prix, l’audience s’est tenue hier, par visioconférence, et Cristina est donc déjà sous écrou, chez elle, dans son appartement du quartier de Constitution, dans le centre de la capitale fédérale argentine.

Quoi qu’ils en disent au palais de justice, ces précautions sont la preuve qu’il s’agissait bien d’un procès avant tout politique puisque c’est une manifestation politique que l’on a voulu empêcher !

Le juge a donc accordé un aménagement de peine qui, en Argentine (comme en France, soit dit en passant), est d’ordre public pour une personne de plus de 70 ans (Cristina en a 72) : elle subira ses six ans de privation de liberté chez elle, sans la surveillance permanente et humiliante du personnel pénitentiaire, sans la promiscuité avec les autres détenues, dans le confort qu’elle a elle-même choisi pour ce domicile, situé dans un quartier de classe moyenne.

"Elle purge déjà sa peine chez elle, à Constitución",
dit le gros titre sur cette image qui entend
humilier l'ancienne présidente
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En revanche, le juge a ordonné le port d’un bracelet électronique, sous prétexte d’entraver toute tentative de fuite, décision qui correspond à une indéniable volonté d’humilier la condamnée qui est tout le temps restée en Argentine, à part quelques courts séjours autorisés à l’étranger, généralement dans des pays limitrophes, en Uruguay, au Brésil, pendant l’instruction, pendant les audiences de jugement, tout au long de la procédure, jusqu’au jour où la Cour suprême s’est prononcée, plus rapidement qu’à l’accoutumée d’ailleurs. Et puis, d’un point de vue logique, la décision du juge tient d’autant moins debout que Cristina est bel et bien entourée d’un service de sécurité qui appartient à la police fédérale. Il faudrait donc que ces fonctionnaires soient eux-mêmes corrompus pour qu’elle puisse s’enfuir. Encore faudrait-il le prouver plutôt que de mettre en doute a priori l’honneur de ces policiers !

Cristina peut sortir sur son balcon, d’où elle a salué la foule de ses partisans tous les jours depuis l’arrêt de la Cour, mais le juge a posé des restrictions à ce droit pourtant modeste quand on voit le balcon en question, d’une vingtaine de centimètres en avant de la fenêtre. Ce faisant, le magistrat prouve une nouvelle fois le caractère politique de la condamnation.

"Cristina est déjà en prison chez elle
et elle doit porter un bracelet électronique.
Manifestation de soutien", dit le gros titre
sans photo de Clarín
Une façon de l'invisibiser déjà comme le souhaite
l'ensemble du spectre de la droite argentine
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De surcroît, il a aussi restreint son droit à des visites. La défense de Cristina doit présenter dans les deux jours une liste nominative des personnes pouvant venir chez elle, famille, médecins, avocats et officiers de sécurité auquel lui donnent droit ses deux mandats présidentiels (en effet, elle reste à ce titre dépositaire d’informations d’État et ne doit pas pouvoir faire l’objet d’enlèvement, de chantage, de menaces, elle qui a déjà subi une tentative d’assassinat il y a trois ans à la sortie d’une audience judiciaire au Palais de justice et qui ne doit la vie sauve qu’au fait que l’arme de poing du meurtrier potentiel s’est enraillée). Espérons que l’ancienne présidente gardera bel et bien la possibilité de communiquer par téléphone et que ses lignes ne seront pas sur écoute. Et puis bien sûr, il faudra qu’elle puisse se ravitailler et, comme elle n’a droit à aucune sortie, il faudra que quelqu’un lui fasse régulièrement des courses dans le quartier.

Pour l’heure, il est probable qu’elle va rester très discrète car tout ce qui pourrait ressembler, de près ou de loin, surtout de loin, à une violation de ses conditions de résidence surveillée entraînerait sans aucun doute leur révocation immédiate et son incarcération dans une prison de droit commun. Il ressort aussi de cette audience tenue en catimini que le juge lui a accordé un régime pénitentiaire plus léger que celui qui avait été imposé à Lula de l’autre côté de la frontière. Le magistrat n’a tout de même pas osé suivre les réquisitions du parquet.


Que cela plaise ou non aux puissants de l’heure en Argentine et même si la presse de droite maintient le contraire, Cristina bénéficie d’un soutien populaire fort (sans quoi, on n’aurait pas procédé en catimini). La confirmation de sa condamnation a sans doute déjà resserré les rangs à gauche, ce qui, en octobre prochain, lors des élections de mi-mandat, donnera peut-être la victoire à plus de candidats qu’il était raisonnablement prévisible avant cet arrêt de la Cour. Et puisque les autorités judiciaires jouent à cache-cache avec l’opinion publique, c’est la preuve qu’il faut parler, en Argentine et hors du pays, et dénoncer ce qu’il se passe parce que ce n’est pas ainsi que des magistrats se comportent dans un État de droit où la justice est publique.

Même technique qu'à Clarín : gros titre sans photo
"Cristina est détenue en résidence surveillée
et on lui mettra un bracelet électronique"
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Aujourd’hui, 18 juin, aura lieu en fin de journée un rassemblement en soutien à Cristina Kirchner sur Plaza de Mayo sous le mot d’ordre : « Nous avions déjà un 17 et voilà qu’il nous arrive un 18 ». Un slogan lourd de sous-entendus politiques, c'en est presque menaçant. Le 17 en question, c’est en effet le 17 octobre 1945 : ce jour-là, Perón, alors très populaire ministre du Travail et second personnage d’un gouvernement de fait surgi en 1943 pour empêcher l’Argentine d’entrer dans le conflit mondial sous la pression des États-Unis, a été arrêté en catimini et envoyé dans le bagne de l’île fluviale de Martín García, au large de Buenos Aires. Une foule considérable de ses partisans s’était alors rassemblée sur Plaza de Mayo, débordant dans les rues alentours, à tel point que la junte avait pris peur et l’avait fait libérer. Il était apparu au balcon de la Casa Rosada à minuit passé. C’est sans doute ce jour-là que Perón a gagné l’élection présidentielle de 1946 où son score, dés le premier tour, a écrasé pour plusieurs années toutes ses oppositions, à droite comme à gauche ! Le 17 octobre est aujourd’hui fêté tous les ans par les militants péronistes à grand renfort de rassemblements et d’événements culturels festifs : c’est le jour de la Loyauté (el Día de la Lealtad).

De toutes les provinces, des élus locaux prennent l’avion pour converger sur la place qui a vu la Révolution de Mai 1810. Dans la plupart des capitales de province, il y aura probablement des manifestations et à l’étranger, partout où il y a des Argentins en nombre, des rassemblements sont en cours d’organisation.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación

mercredi 11 juin 2025

La Cour suprême envoie Cristina en prison et fait avorter sa candidature législative [Actu]

"Cristina derrière les barreaux pour corruption"
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Cristina Kirchner avait été lourdement condamnée dans une sombre affaire de corruption. Hier, elle attendait le résultat de son dernier recours sur le sol argentin : un arrêt de la Cour suprême sur la validité de cette condamnation. Or la Cour, qui ne se compose plus que de trois magistrats, tous les trois de droite, vient de valider l’ensemble du jugement contre elle et tous ses co-inculpés. L’ancienne présidente est donc définitivement reconnue coupable de corruption (sur des affaires de travaux publics dans la province de Santa Cruz, dont était originaire son mari) et elle devient inéligible à vie. C’est le premier chef d’État argentin de la démocratie à connaître ce sort. Carlos Menem y avait échappé à force de recours d’abord et du fait de son âge ensuite (il est mort avant que toutes les instances aient été épuisées).

Or Cristina venait d’annoncer sa candidature aux prochaines élections de mi-mandat, en octobre prochain, comme députée pour la province de Buenos Aires dont elle est personnellement originaire (elle est née à La Plata, la capitale provinciale, et elle y a fait ses études). Elle avait de grandes chances d’être élue puisqu’elle est et reste LA voix de la gauche de gouvernement, sans aucun compétiteur à sa hauteur en matière de popularité, d’expérience et de charisme. Sans doute espérait-elle que cette annonce, en faisant apparaître clairement la nature partisane d’une décision de la Cour contre elle, pourrait faire hésiter le trio judiciaire.

"L'amour est plus fort", préfère titre Página/12
en allusion aux manifestations de soutien à la condamnée
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Cet arrêt bouscule donc la situation politique en faveur de la droite et singulièrement du président en place. Du côté péroniste, il y a sûrement des gens qui se réjouissent secrètement parce que ce retrait forcé leur offre des opportunités dont le charisme de Cristina aurait entravé l’apparition. Publiquement, le mouvement politique fait cependant front et tout le monde dénonce le caractère arbitraire et partisan de l’arrêt d’une Cour qui confirme ainsi sa tendance à juger en fonction de ses intérêts de classe dès lors que ceux-ci sont menacés, ce qui était le cas en l’espèce.

"Un jour historique pour la République",
dit La Prensa
En Argentine, le terme "République" ne désigne
pas l'Etat démocratique qui rassemble tous les citoyens.
Il désigne l'Etat libéral tel qu'il est souhaité par la droite
contre la gauche, depuis la guerre civile de 1820-1880.
A gauche, on n'emploie jamais ce terme
Sur la photo, on voit Cristina hier soir
et derrière elle, tête baissée, son fils
(dont ce n'est pas le genre de baisser la tête,
comme vous pouvez le voir sur la une de Clarín plus bas)
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Du côté du gouvernement, toujours à l’école de Trump et compagnie, on fait un étalage obscène de satisfaction et de triomphe. Ce qui ne peut étonner personne : l’obscénité est leur mode de communication politique permanente depuis la première campagne électorale de Javier Mileí, il y a quatre ans, lorsqu’il s’était présenté à la chambre basse du Congrès fédéral. Mauricio Macri fait mine quant à lui de déplorer "un jour triste pour l’Argentine" même si, selon lui, la justice a fonctionné "de manière impeccable" (on ne peut pas en dire autant des affaires dont il était la vedette et dont il a obtenu l’extinction sans aller devant l’instance de jugement).

"Les juges ont exécuté une vendetta", dit l'édition
platense de Página/12, citant
Axel Kiciloff, le gouverneur provincial (en photo)


L’avocat de Cristina Kirchner a déjà annoncé qu’il se pourvoyait devant la cour internationale de La Haye, pour y démontrer le caractère partial et partisan de la décision de la Cour suprême. Il est en effet de notoriété publique que la magistrature argentine dans son ensemble, en particulier au niveau fédéral, dont sont issus les membres de la Cour, est majoritairement de droite, notamment parce qu’elle est surtout recrutée au sein d’une haute bourgeoisie très bien structurée.

En première instance comme en appel, le procès de Cristina n’a en effet pas apporté la preuve irréfutable qu’elle était coupable, contrairement à ce qu’il s’est récemment passé en France tant pour Sarkozy que pour Le Pen où les preuves de la corruption sont établies, même si les intéressés disent le contraire et font jouer tout l’arsenal du code pénal, comme c’est bien entendu leur droit le plus absolu.

En ce qui concerne Cristina, on a affaire à un faisceau d’indices dont le caractère de preuve est assez fragile puisqu’il change du tout au tout selon la façon dont il est organisé : les adversaires politiques de l’ancienne présidente peuvent affirmer que la culpabilité est largement prouvée par ce faisceau en présentant les indices dans un certain ordre ; ses partisans prétendent le contraire en s’appuyant sur une autre configuration. Pour l’observatrice étrangère que je suis, la démonstration de culpabilité est donc loin d’être acquise. Elle ne saurait en l’état justifier une telle condamnation, puisque le doute doit bénéficier à l’accusé(e). Un verdict de six ans de prison ferme assortis de l’inéligibilité à vie et d’une amende gigantesque de nature à la priver de tout son patrimoine ressemble donc bien à un complot de la droite, comme celui qui a conduit Lula en prison, il y a quelques années, avant que la démonstration éclatante ne soit faite d’une intrigue de la magistrature contre lui : une instruction volontairement truquée avait fabriqué un dossier à charge. Les kirchneristes, hommes politiques et électeurs militants, disent aujourd’hui conserver l’espoir qu’il en soit ainsi pour Cristina (mais ça prendra des années !) alors qu’aucune figure charismatique ne se détache ni n’est capable de s’imposer dans le paysage politique actuel de l’Argentine, pas même Kiciloff qui, de toute manière, devrait rester gouverneur de la Province de Buenos Aires, la plus peuplée du pays.

"Place de la Défense", dit le gros titre
de l'édition de Rosario de Página/12
en mettant l'accent sur les manifestants kirchneristes
(La défense est un événement historique de 1807
lorsque les Portègnes ont défendu le Vice-royaume
du Río de la Plata contre la seconde invasion britannique,
la Grande-Bretagne tentant de profiter des troubles politiques
en Espagne pour mettre la main sur les colonies américaines)
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Le recours à La Haye n’est toutefois pas de nature à empêcher ni à retarder l’incarcération de Cristina Kirchner qui a fait savoir hier devant ses partisans rassemblés devant le siège du mouvement dans la capitale argentine qu’elle ne prendrait pas la fuite, puisque les péronistes ne sont pas des mafieux, et qu’elle assumerait jusqu’au bout la situation. Elle demande toutefois à bénéficier de la prison domiciliaire (beaucoup de condamnés y ont droit, notamment à son âge), sans bracelet électronique (ce qui est aussi le cas de beaucoup de justiciables, même parmi les condamnés pour crime contre l’humanité !) et avec maintien du personnel de sécurité auquel elle a droit du fait de ses anciennes fonctions de présidente et vice-présidente. Elle est d’ores et déjà convoquée, avec les autres condamnés, devant le juge d’application des peines le 19 juin prochain.

La confirmation de sa condamnation a rassemblé des foules impressionnantes dans tout le pays pour soutenir la femme politique « injustement » condamnée (par trois « vieux mâles blancs » assez caricaturaux au demeurant sur ce plan). La gauche de gouvernement et au-delà (la gauche minoritaire) voit dans cette décision une intervention politique contre l’alternance de mi-mandat, et il est possible que ce soit le cas mais ce ne serait pas nécessairement une manœuvre utile au regard de la faible participation aux scrutins que l’on a jusqu’ici observée un peu partout lors des élections locales avancées dans diverses provinces. Or jusqu’à présent, cette participation, qui s’élève à la moitié du corps électoral seulement, a laissé le champ libre à Mileí et à ses affidés qui ont presque partout réalisé de bons résultats dans les parlements provinciaux. Le résultat de l’arrêt de la Cour suprême risque donc d’être non pas tant une mobilisation lors du scrutin (encore qu’on ne sait jamais) qu’un motif rassembleur de manifestations grandissantes contre le gouvernement et sa politique anti-sociale, anti-culturelle, anti-scientifique et anti-démocratique. Il est probable que cet arrêt entretienne l’instabilité majeure qui secoue l’Argentine, en particulier depuis l’investiture de Javier Mileí, ce qui n’a pas manqué de se produire dès cette nuit avec le saccage en règle par des partisans de Cristina du siège de la chaîne de télévision du groupe Clarín. Il n’est pas impossible d’ailleurs ce soit l’objectif poursuivi par la droite au pouvoir et ses alliés, afin de justifier une politique de répression supplémentaire et la suppression d’autres libertés publiques. D’ailleurs, la presse de droite tente en vain de cacher une joie mauvaise devant cet arrêt !

"Arrêt historique : la condamnation est confirmée
et Cristina ira en prison", dit Clarín
sur cette photo où l'on voit Cristina parler devant ses partisans
avec son fils, appelé à lui succéder à la tête du mouvement, derrière elle
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La plupart des voix autorisées dans la défense des droits de l’homme, plusieurs associations et un prix Nobel de la Paix, disent haut et clair que la Cour a voté contre les quarante ans de démocratie que l’Argentine avait réussi à parcourir depuis décembre 1983, sous la conduite de Raúl Alfonsín, le président du retour à la Constitution, et de ses successeurs, bon an mal an. La plus longue période de vie démocratique que le pays a connue depuis sa fondation en 1810-1816, aujourd’hui clairement menacée par le président Mileí qui veut détruire l’État et l’État de droit et y parvient plutôt bien.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article principal de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación


Ajouts du 16 juin 2025 :
lire cet éditorial de Página/12 signé Matías Bailone et Baltazar Garzón. Les deux auteurs analysent les irrégularités qui ont marqué le procès de Cristina Kirchner.
Baltazar Garzón, juge espagnol qui s’est illustré dans son pays dans la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent, a lui-même expérimenté ce type de persécution lorsqu’il a voulu quitter la magistrature pour s’engager dans la politique à gauche (alors que le Partido Popular, qui rassemblait encore la droite libérale et les nostalgiques de Franco, partis depuis à Vox, était au pouvoir à Madrid). L’homme est détesté par la droite tant en Espagne qu’en Amérique hispanique, ce qui ne retire rien à ses compétences juridiques, judiciaires et procédurales. Le 14 juin, Garzón s’est également exprimé au micro de La 750, la radio du groupe Octubre, le seul groupe médiatique d’envergure à l’inviter à parler en Argentine :
lire à ce sujet l’article de Página/12