vendredi 28 février 2025

Les auteurs dans le viseur [Actu]

Une du supplément culturel quotidien de Página/12
Cultura & Espectáculos, qui titre :
"Encore un décret de derrière les fagots contre la culture :
La loi de la jungle"
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Un nouveau décret vient de détruire le monopole des sociétés d’auteurs (littérature, musique, cinéma, théâtre et spectacle vivant) pour réguler la collecte et le paiement des droits d’auteur. Les artistes argentins s’organisent collectivement depuis un siècle pour pouvoir recevoir le prix de leur travail. Les organismes nés de cet effort et de cette conscientisation économique, la SADAIC pour la musique, ARGENTORES (pour les écrivains et les illustrateurs de l’écrit), AADI (pour les interprètes), CAPIF (pour les producteurs), SAGAI (pour les acteurs), SAC (pour le cinéma), vont être fragilisés par la perte de leur monopole sur cette collecte et cette distribution.

Le gouvernement autorise les intéressés à ne pas s’affilier à l’une ou l’autre de ces organisations. Ce qui va avoir pour effet d’isoler les non-affiliés et surtout de rendre plus vulnérable les droits de tous, si les artistes fortunés refusent de s’affilier pour ne pas payer leur écot aux sociétés collectives. Leurs droits, qui font tourner la machine, leur échapperont. Elles auront donc moins de moyens pour défendre les droits du collectif face à un gouvernement déterminé à empêcher le développement d’une vie intellectuelle et artistique libre. Cette modification statutaire va donner encore plus de pouvoir aux grands capitaux qui agissent dans ce domaine : grands producteurs de spectacle, de télévision, de cinéma, géants de l’édition dans le domaine du livre comme du disque, grands galeristes, etc.

Les syndicats d’artistes sont aussitôt montés au créneau pour accompagner les sociétés de gestion collective ainsi menacées. Cette fois-ci, on n’a pas vu le gouvernement reculer. Tout au contraire, comme pour la nomination des deux juges à la Cour suprême, un ministre s’est répandu dans les médias pour justifier cette décision. Il parle de libération des créateurs et refait l’histoire façon Poutine ou Trump (de toute façon, ils fonctionnent de la même façon). Il a en effet prétendu que le rôle des sociétés de gestion collective datait de la dictature de Onganía, à la fin des années 1960, juste avant le retour de Perón, et qu’il avait été renforcé par les Kirchner, ce qui n’est pas faux mais les Kirchner n’ont jamais été à la tête d’un gouvernement anticonstitutionnel (ce qui n’est pas le cas de Onganía, porté au pouvoir par un putsch militaire).

C’est totalement faux. Les sociétés de gestion collective ont été fondée de 1934 (Agentores) à 1958 (DAC), donc avant Onganía. Ce sont elles qui ont fait voter les lois qui protègent aujourd’hui les droits des auteurs et des interprètes comme il y en a dans tous les pays civilisés. Ce gouvernement serait bien inspiré d’aller regarder comment cela se passe aux États-Unis, avec le poids des syndicats dans le monde du cinéma pour ne parler que de ce secteur !

Seuls Página/12 et La Nación en parlent ce matin, le premier pour donner le son de cloches des auteurs collectivement organisés, le second pour laisser la parole au ministre et à un important producteur qui se réjouit à la perspective de pouvoir désormais faire ce qu’il veut (on peut parier sur le résultat : les artistes vont se faire escroquer encore plus qu’avant !).

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Nación sur les propos du ministre
lire l’article de La Nación sur la réaction du producteur

La discrimination s’ajoute au tableau [Actu]

En photo : Mileí et le directeur de la ANDIS
Au-dessus : la prestation de serment
du premier des deux magistrats intégrés à la Cour suprême
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Hier, le gouvernement a fièrement annoncé sur les réseaux sociaux la publication d’un nouveau décret concernant les handicapés mentaux qui allaient désormais être classés en quatre catégories pour la répartition des aides que Mileí a délibérément baissées.

Les quatre catégories correspondent à des concepts en vogue il y a cent ans mais complètement dépassés depuis plus d’un demi-siècle : idiot, imbécile, retardé et débile mental.

Cela a provoqué un tel scandale que le gouvernement a aussitôt fait machine arrière, prétextant une erreur dans la précipitation de la part d’une personne subalterne qui a aussitôt été révoquée. Une lampiste.

Le directeur de l’agence en charge des handicapés (ANDIS) n’a aucune compétence dans le domaine, il n’a aucune expérience administrative. Il n’a jamais travaillé dans un service de l’État. C’est un avocat. Comme il a défendu les intérêts de Mileí avant son élection, c’est un homme qui lui est loyal et qui jouit à ce titre de toute sa confiance. D’où sa nomination à ce poste délicat où il se comporte comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Cette nomenclature antédiluvienne dont suinte un mépris qui n’est plus supportable pour l’opinion publique d’un pays comme l’Argentine, où le taux d’éducation est très élevé et la culture psychologique très développée, a tellement choqué que pour une fois, toute la presse se fait écho du problème, alors que la presse de droite ne prête d’ordinaire qu’une attention distraite à ces questions.

C'est l'inverse : l'info sur la Cour
a droit à la photo centrale
Les handicapés se retrouvent dans le titre
secondaire tout en bas
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Ce n’est pas la première fois que Mileí et sa clique s’en prennent aux handicapés en Argentine. De nombreux outils publics de soutien à cette population ont déjà disparu, pour laisser les intéressés et leurs familles se débrouiller tout seuls, ce dont il n’est pas sorcier d’imaginer que cela n’est possible dans aucun pays, quel que soit son degré de développement, quelle que soit la civilisation à laquelle il appartient.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

jeudi 27 février 2025

La trumpisation de l’Argentine continue [Actu]

Mileí enquête sur Mileí
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Décidément, tout y est. Tout comme aux États-Unis : les distinctions bidons, le ministère de la Justice mis au service du président pour le protéger de ses propres turpitudes, la censure de la presse, la violation des droits du Congrès qui a la prérogative de valider les nominations à la Cour suprême et la consommation qui s’effondre. Le cynisme est partout de mise. Le tableau est de plus en plus inquiétant !

La presse s’y intéresse de manière inégale. Tout dépend de l’idéologique que sert le quotidien. Personne ne sera étonné d’apprendre que Página/12, qui est à 100 % contre la politique en vigueur, est le seul journal national à se pencher sur l’ensemble des sujets. Les autres titres, qui hésitent entre l’opposition à Mileí et la complicité avec lui et sa clique, font un tri soigneux dans l’actualité.

Cela se constate sur les Unes des quatre titres principaux.

Pas grand-chose sur les scandales argentins
En revanche, Trump a droit à sa photo, lui !
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Enième distinction bidon :
Hier, le président s’est vanté d’avoir reçu le titre d’économiste de l’année remis par l’Ordre des Économistes du Brésil, une obscure organisation sans activité publique avouable mais qui vient de subir un cambriolage en règle et appelle le grand public à lui venir en aide (quel culot !). Sur leur site Internet, ils étalent les photos de leurs locaux dévastés et de tableaux de maître qui leur auraient été dérobés. Si ces gens ont possédé une telle collection, c’est qu’ils ont beaucoup d’argent, si toutefois il s’agit d’originaux. Sur leur site, aucune information sur leurs membres, rien sur la composition de leurs instances dirigeantes, leurs statuts, leurs activités institutionnelles. Rien non plus sur ce titre d’économiste de l’année. Aucune mention des récipiendaires précédents, pas même un mot sur Mileí. Aucune photo de leurs activités mondaines que ce genre de groupe a l’habitude d’exhiber. Même leur page Wikipedia en portugais, que j’ai pris la peine de consulter hier, ne contenait presque rien. Une date de fondation. Le nom du président en activité. L’article prétend qu’ils auraient une activité d’éditeurs d’articles et d’ouvrages de vulgarisation mais on ne trouve aucun catalogue de leurs publications nulle part, aucune liste de leurs auteurs. Le Conseil Économique du Brésil n’a pas tardé à tirer le signal d’alarme. Il a averti urbi et orbi que l’OEB est un groupuscule marginal sans aucune consistance scientifique ou quoi que ce soit qui puisse donner à sa récompense une quelconque valeur. Ce n’est que du vent mais Mileí est flatté une nouvelle fois et il bombe le torse à l’idée d’ajouter un nouveau hochet à sa puérile collection ! C’est toujours la même chose : des groupes inconsistants cherchent à capter un peu de lumière, ils annoncent qu’ils ont décerné un prix à Mileí et décrochent aussitôt une rencontre avec le chef de l’État argentin qui va même jusqu’à se déplacer, aux frais des contribuables, dans leur pays pour recevoir le colifichet en question et plus si affinités. En Espagne, Mileí en a profité pour insulter le président du Gouvernement, Pedro Sánchez, dans le cadre d’un meeting électoral de l’extrême-droite. Aux États-Unis, il a caressé, là encore en pleine campagne, l’électorat anti-démocratique qui a fait le succès de Trump en novembre. Au Brésil, il est clair qu’il va soutenir son grand pote Jair Bolsonaro, désormais poursuivi par la justice fédérale pour la tentative de coup d’État sur la Place des Trois Pouvoirs à Brazilia.

"La Cour [surpême] décide si elle permettra à Lijo de prendre place.
Forte réactions chez les chefs d'entreprise"
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Le ministère de la Justice mis au service du Président :
Mileí a prié la cheffe de cabinet du ministre de prendre la tête d’un cabinet d’instruction créé à cette fin pour enquêter sur le Crypto-gate, escroquerie géante à laquelle il a apporté son indispensable concours la semaine dernière et qui a maintenant des répercutions judiciaires aux États-Unis (nombreuses victimes chez l’Oncle Sam) ainsi qu’en Espagne puisque l’un des concepteurs de l’opération réside une partie de l’année à Barcelone. Página/12 en a fait sa Une. On y voit Mileí, qui se dit victime de l’arnaque, suivre ses propres traces.

Censure de la presse :
Samedi 1er mars, ce sera l’ouverture de la session du Congrès. Le président prononcera son discours à 21h et non pas à midi, comme c’est la tradition, prétendument, comme l’année dernière, pour que plus de monde puisse assister à la retransmission en direct à la télé (le dernier samedi de l’été, l’avant-veille de la rentrée, à 21h, les Argentins ont mieux à faire que de se caler devant leur poste s’il ne s’agit pas d’un match de foot !). Pour la première fois cette année, tous les journalistes ne seront pas admis sous la coupole du Congrès et ce n’est même pas celui-ci qui distribuera les accréditations. Depuis cette semaine, la sœur du président a en effet pris la haute main sur l’image publique et la voix de son frangin. C’est elle, la secrétaire-générale de la présidence, qui va désigner les heureux élus admis auprès du prince et de sa cour.

"Lijo a obtenu le droit de partie et la Cour suprême
doit décider si elle procède à la prestation de serment"
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Nomination par décret de deux nouveaux juges à la Cour suprême :
Selon la constitution, les nominations à la Cour suprême sont une compétence partagée entre le président, qui propose les noms des futurs magistrats, et le Sénat, qui valide leurs nominations après avoir examiné leurs aptitudes à la fonction. Cette fois-ci, tout passe par décret et c’est le branle-bas de combat à tous les étages de la société. De nombreux élus, les organisations représentatives du monde judiciaire, le patronat, les médias, les associations, les syndicats, les partis, même un ancien juge à la Cour suprême fraîchement retraité, Juan Carlos Maqueda, protestent vigoureusement contre cette mesure. Mauricio Macri lui-même, l’ancien président de droite, pourtant très peu scrupuleux dans ces domaines, condamne sans barguigner ces décrets. Cela n’y change rien pour le moment. Un ministre a même osé présenter aux médias une justification de ce décret anticonstitutionnel : le président aurait procédé ainsi parce qu’il ne parvenait pas à trouver au Sénat le nombre de votes suffisants pour faire valider les nominations. Le pire de tout est sans doute qu’une instance judiciaire a admis le fait accompli en autorisant l’un des deux magistrats à quitter son poste en son sein pour prendre ses fonctions à la Cour suprême. On attend maintenant de voir si l’actuel président de ladite Cour acceptera ou non de faire prêter serment aux deux collègues ainsi nommés et qui ne dénoncent pas l’illégalité du procédé. Comme à Washington, la plus haute juridiction du pays reniera-t-elle sa mission qui est de protéger l’État de droit ?

Mileí : J'ai entendu quelque part qu'on va me nommer
Economiste de l'Année
Le conseiller : "Des dégâts", Javier, "Des dégâts"
Dessin de Paz, texte de Rudy, à la Une de Página/12 aujourd'hui
Traduction © Denise Anne Clavilier
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Consommation en deuil :
Le bilan de 2024 vient de sortir. Il est édifiant mais sans surprise. Dans les supermarchés argentins, en valeur constante, les ventes 2024 ont chuté de 11 % par rapport à 2023 (dernière année du mandat de Alberto Fernández). Seuls Página/12 et La Prensa s’y intéressent ce matin.

Et pour couronner le tout, comme ambassadeur aux États-Unis, Mileí envoie, par décret, légitime celui-là, un homme qui n’a ni compétence et ni expérience en matière de diplomatie. Il a été choisi pour avoir créé un instrument en ligne d’import-export. En France, à l’ambassade américaine, nous avons un repris de justice gracié par Trump lors de son premier mandat parce qu’il est le père de son gendre, celui-là même qui veut, avec l’appui de beau-papa, faire de la Bande de Gaza un Miami-Las Vegas méditerranéen ! Que Trump donne son placet à l’Argentin, c’est compatible avec tout ce que nous avons vu depuis le 20 janvier mais qu’allaient faire l’Élysée et le Quai d’Orsay dans cette galère ? Ils seraient mieux inspiré de tenir tête, comme Zelensky.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

Économiste de l’année :
lire l’entrefilet d’aujourd’hui de Página/12 (il y avait un article plus développé et plus factuel hier sur le même sujet)

Auto-enquête :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de La Nación

Censure de la presse :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

Décret anticonstitutionnel :
lire l’article de Página/12 d’hier
lire l’article de Página/12 sur les justifications présentées par le ministre
lire l’article de La Prensa sur la réaction des avocats constitutionnalistes
lire l’article de La Prensa sur les justifications du ministre
lire l’article de Clarín sur les réaction de la société civile
lire l’article de Clarín sur les propos du juge Juan Carlos Maqueda
lire l’article de La Nación sur les réactions de la société civile
lire l’article de La Nación sur les propos de Juan Carlos Maqueda

Chute de la consommation :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa

Nomination de l’ambassadeur aux États-Unis :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Nación


Ajouts du 28 février 2025 :
La Cour suprême a fait prêter serment, en catimini, sans invité ni journalistes, ce qui n’est pas dans la tradition, à l’un des deux magistrats cités dans le décret présidentiel et retient sa décision concernant l’autre. Les trois juges, clairement de droite, qui composaient la Cour ne doivent pas avoir la conscience tranquille pour agir ainsi.
Pour en savoir plus :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación


mardi 25 février 2025

Après avoir bafoué ses compatriotes et trompé les épargnants. Mileí trahit l’Ukraine [Actu]

"Brutal changement de Mileí :
en accord avec Trump, il retire son appui
à l'Ukraine", dit le gros titre
au-dessus d'une photo relative aux prières
pour le rétablissement du pape
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En suiveur servile de son idole, Donald Trump, Mileí vient de faire s’abstenir l’Argentine lors d’un vote à l’Assemblée générale de l’ONU : une résolution présentée hier, troisième anniversaire de l’invasion à grande échelle, par l’Ukraine et une cinquantaine de pays partenaires pour réclamer le départ des troupes russes du territoire ukrainien et l’instauration d’une paix juste et durable dans le respect de l’intégrité territoriale du pays agressé.

Quelques députés de la droite libérale (Macri) contestaient hier
le changement diplomatique de l'Argentine
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Cette abstention constitue un changement radical de la position argentine qui avait toujours soutenu que la Russie avait déclenché une guerre illégale en février 2022 et que le droit international devait s’appliquer. Une position d’autant plus importante que l’Argentine s’est toujours appuyée sur le concept d’inviolabilité des frontières pour contester au Royaume-Uni sa souveraineté sur les îles Malouines (et d’autres archipels de l’Atlantique sud) puisque la Grande-Bretagne ne doit sa position sur ces terres qu’à un coup de main de la Royal Navy en 1833, sans avoir au préalable déclaré la guerre à l’Argentine que Londres avait reconnue en 1824, à une époque où la déclaration de guerre était une condition sine qua non pour qu’une guerre soit légitime et puisse, après la fin des hostilités, aboutir à des cessions territoriales entérinées par un traité de paix, négocié par tous les belligérants concernés. Ainsi donc, non seulement Mileí trahit l’Ukraine dont il n’a cessé de se dire le partisan indéfectible depuis le début de sa campagne électorale mais il a encore un peu plus fragilisé la diplomatie de son pays, déjà bien compromise par ses pitreries indécentes et par le récent scandale de la crypto-monnaie, qui a prouvé aux yeux de tous son insondable incompétence en économie.

L'information est annoncée en haut au centre
(avec une photo de Zelensky bras le long du corps)
De son côté, l'opposition péroniste se réorganise
et reprend du poil de la bête
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Ce matin, la presse nationale argentine réagit assez vertement à ce changement de cap. Même Página/12, assez hostile à l’Ukraine et plutôt poutinien par anti-américanisme, traite l’information en une. Hier soir, juste après le vote, les articles en ligne soulignaient tous, encore plus fortement qu’aujourd’hui, le caractère de trahison que revêt cette nouvelle posture internationale et la servilité dont elle témoigne à l’égard de Trump, un président américain dont aucune rédaction n’approuve le moindre comportement depuis le 20 janvier.

Une députée d'un groupe d'opposition à éclipse
proteste vertement contre l'abstention de l'Argentine à l'ONU
"Les affaires étrangères, c'est de la politique de l'Etat,
pas du copinage du président"
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La Nación publie même aujourd’hui deux articles sur le sujet. Au-delà de l’analyse du vote lui-même, qui place l’Argentine du côté des gouvernements mis au ban de la communauté internationale (Biélorussie, Cuba, Venezuela, Iran ou Corée du Nord), le quotidien de la droite libérale et démocratique bien élevée, celle du patriciat argentin éduqué et raisonnablement cultivé, rappelle toutes les déclarations officielles à travers lesquelles, pendant plus d’un an de mandat, Mileí s’était offert le luxe de se présenter comme le premier des défenseurs de l’Ukraine, ce qui est mensonger. Cette auto-présentation vient probablement d’une rivalité mesquine avec le jeune président chilien, Gabriel Boric, une des voix respectées et respectables de la gauche sud-américaine, qui s’était dignement prononcé pour l’Ukraine, avant l’élection de Mileí, lors d’un sommet des pays hispanophones, où il avait laissé éclater sa colère contre l’aveuglement de ses homologues de gauche (en particulier le président colombien) et la tiédeur de la posture neutre adoptée par un Alberto Fernández qui n’a jamais eu les moyens politiques d’imposer quoi que ce soit à sa majorité dominée par Cristina Kirchner, inconditionnelle russophile.

L'information est signalée dans la colonne de droite
en haut, sous les deux petites photos
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Le quotidien de droite passe en revue les trois rencontres entre Mileí et Zelensky, à Buenos Aires, le 10 décembre 2023, en Suisse en juin dernier (1), puis à Davos, il y a un mois. A chaque fois, Mileí avait bombé le torse en jurant fidélité éternelle à la noble cause ukrainienne. Et il a tourné casaque au premier coup de sifflet de Trump lorsque la semaine dernière, il a insulté Zelensky et répété comme un perroquet la plus grossière propagande russe.

Réaction de la députée d'opposition sociale-démocrate
Margarita Stolbizer, outrée
"Et ça se dit leader mondial !"
Elle parle de la trahison de l'Ukraine
(traicionar a Ucrania)
Remarquez la photo !
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En ce qui me concerne, il m’avait toujours semblé que le postulat pro-ukrainien de Mileí était une imposture. Durant sa campagne, il me paraissait en effet évident qu’il ne cherchait qu’à afficher des positions systématiquement opposées à celle de Fernández, alors très impopulaire, ce qui était un moyen de se faire élire à peu de frais intellectuels (son opposition était générale, y compris sur le covid). Après l’élection, Zelensky est resté silencieux pendant deux jours avant de lui téléphoner pour lui adresser ses félicitations officielles. Ce que j’ai interprété comme une réserve ou une hésitation de sa part puisque ce n’est pas dans ses habitudes diplomatiques.

Puis il a assisté à la prestation de serment de Mileí le 10 décembre 2023. De toute évidence, pour Zelensky, c’était une occasion à ne pas manquer : c’était la première fois qu’un chef d’État ukrainien était invité à fouler le sol sud-américain, ce qui ne peut pas se refuser surtout dans les circonstances politiques traversées par son pays et cette invitation lui offrait en outre le cadre de nouveaux entretiens avec ses homologues régionaux, présidents en exercice du Chili (à gauche), de l’Uruguay, du Pérou, de l’Équateur, du Guatemala et du San Salvador (droite, voire extrême-droite), tous soutiens de l’Ukraine dans la faible limite des moyens de leurs pays. Gouvernés à gauche et de ce fait hostiles à l’Ukraine pour le seul motif celle-ci était vilipendée par leur cher Poutine et soutenue par les vilains États-Unis, ni le Brésil ni la Colombie n’étaient représentés à haut niveau puisque Mileí avaient insultés ces deux présidents tout au long de sa campagne (avant de tâcher de corriger le tir dans les jours qui ont suivi sa prestation de serment).

Cette investiture avait été marqué par un geste saugrenu de Mileí : dans des circonstances où il n’y a pas d’échange de cadeaux diplomatiques, à son homologue ukrainien, qui refuse systématiquement de faire mention de sa judéité dans la vie publique, que ce soit dans sa carrière artistique ou sur la scène politique, le nouveau président avait tendu un chandelier rituel juif, qui plus est de taille gigantesque et de style hideux. C’était totalement déplacé à l’égard du président d’un pays en guerre qui pousse sa communication politique jusqu’à afficher le conflit en cours dans sa tenue vestimentaire.

Le mois suivant, il y a eu une non-rencontre significative à Davos où tous les chefs d’État et de gouvernement de pays démocratiques présents ont soigneusement évité de croiser Mileí dans les couloirs. Le tout nouveau président argentin, déjà pestiféré aux yeux des démocrates du monde entier, n’y a eu d’entretien qu’avec le ministre des Affaires étrangères britannique (à ce stade précoce de son mandat, cet admirateur de Thatcher tenait à courtiser les conservateurs britanniques), la directrice du FMI (pour quémander un nouveau prêt) et la reine des Pays-Bas qui est d’origine argentine et rencontre, pour cette raison, tous les chefs d’État de son pays natal quelle que soit leur positionnement politique ou idéologique. A Davos, elle remplit une mission des Nations-Unies : sensibiliser les dirigeants politiques et économiques au besoin d’instaurer une plus juste répartition des richesses sur cette planète détruite par l’âpreté au gain d’un petit nombre (bien représenté sur place). Avec Mileí, elle n’a pas dû s’amuser ! En ce tout début d’année 2024, celui-ci n’a passé qu’une douzaine d’heures à Davos, au cours desquelles il a réussi l’exploit de faire rire son auditoire compassé et clairsemé avec son discours officiel, où il a, comme Vance à Munich, déversé des propos insultants contre les démocraties, toutes accusées d’être rongées par le « cancer du communisme ».

En juin, on a eu droit au grand n’importe quoi du sommet sur la Paix, puis en janvier, à une rencontre à Davos fort peu commentée par les Ukrainiens comme par les Argentins, déjà largement désabusés. A cette occasion, il semble que la séance photo ait donné lieu à deux clichés, que l’on retrouve dans la presse argentine de ce jour : sur l’un seul, on voit Mileí faire son signe-slogan avec les deux pouces levés tandis que Zelensky se tient souriant à ses côtés les deux bras le long du corps comme d’habitude ; sur l’autre, l’Ukrainien lève lui aussi les pouces (que les photographes aient réclamé le geste à grands cris ne m’étonnerait pas : Zelensky semble tout faire pour éviter ces exercices de communication puérils et grotesques).

Entre temps, un accord commercial avait été signé entre les ministres de la défense des deux pays pour la production de munitions dans une usine argentine dont le personnel aurait sûrement été très heureux d’honorer cette commande mais le gouvernement était décidé à privatiser toutes les entreprises nationales et celle-là fait sans doute partie de tout ce dont ils veulent se délester. Toujours est-il que l’accord prometteur est resté lettre morte. L’Argentine s’est contentée de livrer quelques hélicoptères. Cela aura été la seule aide militaire concrète de ce gouvernement si fier de son supposé soutien. Plusieurs invitations ont aussi été lancées à Mileí pour qu’il se rende à Kiyv comme le font tant d’ardents défenseurs de la cause ukrainienne. A chaque fois, il avait promis de faire le voyage. Personne ne l’a encore vu ni à Kiyv ni ailleurs en Ukraine.

Dans ses rencontres avec la presse latino-américaine, jusqu’au bout, Zelensky a tenté de ménager la susceptibilité de son homologue en limitant ses attentes officielles à son égard. En vain ! Il n’aura rien obtenu.

Tableau du vote à l'ONU de la résolution proposée par
l'Ukraine et cinquante de ses partenaires
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(la photo complète vient de l'agence de presse Ukrinform)


Si Mileí voulait Zelensky à son investiture, ai-je tendance à penser, c’était pour deux raisons : 1) c’était une célébrité internationale très admirée dont la présence à Buenos Aires ce jour-là pouvait projeter son arrivée au pouvoir à la une des médias du monde entier, ce qui flattait la fatuité de cet imbécile, et hélas, ça a marché ; 2) Très probablement, jusqu’au 10 décembre 2023, Mileí aura cultivé un intérêt malsain pour Zelensky à cause de sa judéité parce que le président argentin éprouve pour cette religion, qui plus est dans une version très rétrograde, une fascination à la fois immature et peu sincère, alors qu’il ne respecte même pas le chabbat (2). Or cet intérêt a dû s’évaporer lorsque Mileí a constaté que a) Zelensky refuse ce positionnement confessionnel (ce qui n’est pas difficile à découvrir en le suivant d’un peu près) et b) qu’il n’a rien d’un admirateur inconditionnel d’Israël, tandis que l’Argentin se veut à tu et à toi avec Netanyahu et ses alliés d’extrême-droite. Dès lors, Mileí n’avait plus qu’un seul motif de soutenir l’Ukraine, et encore du bout des doigts : l’imitation aveugle et inconditionnelle de la diplomatie washingtonienne, qui vient de tourner casaque.

L'information est présentée en bas à droite
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© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’entrefilet de La Prensa
lire l’article de Clarín, que l’on doit à une journaliste qui a interviewé Zelensky à Kiyv et elle a apprécié cette rencontre
lire l’article principal de La Nación
lire l’article de La Nación sur le déroulé des relations entre les deux chefs d’État.




(1) Ce qu’oublie de dire le ou la journaliste, c’est que Mileí avait déjà flanché à ce moment-là puisqu’après avoir annoncé dans un premier temps qu’il se rendrait au sommet sur la Paix organisé par les Suisses, il avait fait savoir quelques jours plus tard que finalement il ne s’y rendrait pas, avant de changer à nouveau d’avis après un coup de fil de Zelensky. Et, ô surprise, on avait assisté sur place à un spectacle surprenant : Zelensky avait décoré Mileí, ce qu’il n’avait pas fait avec les autres participants dont la plupart se sont rendus une ou plusieurs fois à Kiyv et ont reçu sur place différentes marques de gratitude de l’État ukrainien. De là à subodorer que pour le faire participer à la conférence internationale, Zelensky l’ait appâté avec ce hochet, il n’y a qu’un pas. Mileí court derrière toutes les décorations et tous les prix, partout sur la planète, prenant tout ce qui se présente sans aucune discrimination. Cette décoration ukrainienne est sans nul doute la plus respectable et la plus prestigieuse de sa collection, constituée de tas de bricoles sans aucun caractère officiel, décernées par des institutions privées la plupart du temps d’extrême-droite.

(2) Le vendredi 1er mars 2024, il a décalé à 21h au lieu de l’horaire traditionnel de midi son discours d’ouverture de la session parlementaire alors qu’en s’exprimant à midi, il n’aurait aucunement enfreint le repos hebdomadaire scrupuleusement respecté par tous les pratiquants. Donc il se moque du monde et diverses associations confessionnelles juives le lui ont reproché dès le surlendemain.

jeudi 20 février 2025

Un Monument national va être démoli pour faire plus de fric [Actu]

L'intérieur en disposition théâtre pour la finale
du Mundial del Tango en 2019
(photo ministère de la Culture de la Ville autonome de Buenos Aires)
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Le Luna Park, grand stade bâti à proximité du Río de la Plata qui se transforme aussi très souvent en salle de concert géante et qui a également accueilli des veillées funèbres historiques comme celle organisée pour Carlos Gardel, lorsque la dépouille de celui-ci a été rapatriée de Colombie, ce bâtiment déclaré Monumento Nacional et qu’à ce titre la loi protège comme un élément patrimonial de toute l’Argentine, vient de faire l’objet d’une autorisation de destruction pure et simple.

C’est là que Perón avait fait le connaissance de Evita en 1942 lors d’une soirée de bienfaisance au bénéfice des sinistrés de la ville andine de San Juan, détruite par un tremblement de terre. C’est là que se tiennent depuis des années les épreuves finales du Mundial de Tango, le championnat international de danse. C’est là que se sont tenus de grands bals lorsque ceux-ci étaient encore au programme des fêtes de Carnaval. C’est là qu’ont chanté ou joué des géants de la musique nationale, comme Mercedes Sosa, ou internationale, tant dans le domaine populaire que le domaine classique. Le Luna Park a aussi accueilli des rencontres sportives d’anthologie, nationales et internationales, des compétitions et des exhibitions, dans à peu près toutes les disciplines, de sports de combat comme de sports d’équipe. Et des meetings politiques, certains glorieux d’autres beaucoup moins mais tous font partie de l’histoire du pays et de la ville.

Le propriétaire, l’archidiocèse de Buenos Aires, et le concessionnaire, une entreprise privée qui veut tirer encore plus de fric de l’exploitation de la salle, ont fait conjointement la demande auprès des pouvoirs publics qui la leur ont accordée sans respecter l’habituelle lenteur avec laquelle on traite d’ordinaire les dossiers concernant ce genre de bien. Bizarre, bizarre. Comme c’est bizarre !

Photo tirée du site du Ministère du tourisme
de la Ville Autonome de Buenos Aires
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Tout va être mis à bas pour être reconstruit, plus en hauteur, avec une plus grande capacité d’accueil et un immense parking en sous-sol (au lieu du développement plus durable d’une desserte en transport en commun).

C’est une trahison de l’histoire du pays que ce type de raisonnement vénal a privé d’un patrimoine historique qui lui manque aujourd’hui et qui constituerait des atouts fabuleux de prestige et de tourisme de qualité dans tout le pays. Ces stratégies de très court terme se sont en effet multipliées à l’infini depuis l’indépendance : on a détruit le passé pour gagner des sous et on s’étonne maintenant que les Argentins ne sachent jamais où ils en sont de leur identité et de leur enracinement dans leur propre pays ! Pour ne pas mentionner tous ces citoyens dans toutes les provinces qui trouvent leurs villes moches et qui envient les Européens d’avoir des splendeurs comme la cathédrale de Cologne, le Prater à Vienne, l’Alhambra à Grenade, le Dôme à Florence, le Louvre à Paris ou le domaine de Windsor en Angleterre…

A Buenos Aires même, il n’existe plus que trois bâtiments laïcs datant d’avant l’indépendance : une partie de la maison du vice-roi Jacques de Liniers, la Casa del Negro (une étroite maison de plusieurs étages à San Telmo qui a survécu on ne sait comment et qui doit sans doute son nom au propriétaire qui l’a fait bâtir lorsque le quartier était encore un faubourg villageois, sans doute un esclave affranchi ou qui avait préféré devenir propriétaire à devenir libre. On en trouve dans les archives notariales !) et juste à côté, dans la rue perpendiculaire, une splendide maison patricienne transformée en musée privé il y a une dizaine d’années. Du Cabildo colonial, il ne reste presque rien d’authentique à Buenos Aires. Quant au reste, ce sont quelques églises du centre-ville, un ancien monastère Sainte Catherine, longtemps le seul monastère féminin de toute la ville, dans ce qui était encore les faubourgs et qui jouxte maintenant un grand centre commercial chic, Galerías Pacífico, qui abrita à la fin du 19e siècle les collections du Museo Nacional de Bellas Artes, une maison d’exercices de tradition jésuite (celle construite par Mamá Antula, la première sainte argentine, récemment canonisée) et ce qu’il reste de la maison provinciale de la Compagnie de Jésus avant l’expulsion de 1767, le musée national qu’on appelle aujourd’hui la Manzana de las Luces.

Quel vandalisme irresponsable !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
En fin d’article, Página/12 prétend qu’il manque encore l’accord du pape pour démolir le Luna Park mais c’est faux. Le Vatican n’a rien à dire. Le patrimoine des diocèses ne lui appartient pas. Le ou la journaliste commet la même grossière erreur que cet abruti de Trump lorsqu’il a promis au pape de l’aider à reconstruire Notre-Dame pendant la nuit tragique de l’incendie.
Clarín et La Nación n’abordent pas le sujet.

Le Banco de la Nación est privatisé par décret [Actu]

Photo Guillermo Rodríguez Adami


Le Banco de la Nación est la banque commerciale publique qui paye les fonctionnaires nationaux et permet aux contribuables qui y ont un compte de régler par virement ce qu’ils doivent au titre des contributions (impôt sur le revenu notamment). En fonction des politiques mises en place par les gouvernements successifs jusqu’à l’arrivée de Javier Mileí au pouvoir, le Banco de la Nación proposait aussi un certain nombre d’aides économiques sous plafond de ressources : des prêts avantageux pour la consommation, le logement ou la formation, d’autres prêts pour développer l’activité des entreprises ou faciliter le commerce, des systèmes de paiement souples, des remboursements de TVA, etc.

Le Banco de la Nación a son siège sur Plaza de Mayo, à l’emplacement où semble-t-il s’élevait le deuxième et dernier bâtiment à avoir abrité le Consulado de Buenos Aires, fondé sur commission de Carlos IV par Manuel Belgrano en 1794, la toute première institution de régulation de l’économie dans la région, une vingtaine d’années avant l’indépendance. Il dispose d'un réseau très fourni d'agences partout dans le pays.

A côté du Banco de la Nación, existe aussi le Banco Central de la República Argentina, dont le siège se situe dans la rue San Martín, perpendiculaire à la place, et qui exerce uniquement les fonctions de banque centrale : l’institution émet la monnaie, régule le taux de change qui ne vaut que sur le marché argentin (le peso n’étant pas convertible), fixe le taux directeur et administre les réserves fédérales d’or et de devises étrangères.

Hier, le président Javier Mileí a signé, avant de s’envoler pour un énième voyage aux États-Unis moitié officiel, moitié privé, un décret qui fait du jour au lendemain du Banco de la Nación une société anonyme.

C’est donc une perte considérable de souveraineté pour l’Argentine puisque ce décret prive l’État d’un instrument de régulation de l’économie. Et c’était pour une fois exactement le but recherché : priver l’État de toute possibilité d’intervenir sur les marchés quels qu’ils soient de façon à ce que la loi de la jungle devienne la norme en Argentine.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación


Ajout du 21 février 2025 :
lire cet article de La Prensa sur le communiqué du syndicat des employés de banque, qui condamne la privatisation avec une analyse en droit et en économie


mercredi 19 février 2025

Le Cryptogate en expansion internationale [Actu]

"Machine à sous", dit le gros titre
(le mot se traduit littéralement : avale-pièces)
En haut à droite : les accusations sévères mais justes
de Cristina Kirchner contre Mileí
("tu tombes en mille morceaux, mon gars")
Tout en bas à gauche : à l'heure du bouclage,
la presse argentine craint que les corps d'otages
qui doivent être rendus à Israël cette semaine
soient ceux de la famille Bibas (la mère et ses deux bébés)
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Les développements sortent de partout avec une vitesse phénoménale.

"L'escroquerie de l'oncle d'Amérique", dit l'édition
de La Plata de Página/12 ce matin
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D’abord, on découvre que l’interview de lundi a été montée alors qu’elle était présentée comme un entretien soit en direct soit enregistré dans les conditions du direct. Or les observateurs n’ont pas manqué de constater une différence entre l’interview vue sur Todo Noticias (TN), la chaîne toute info que le groupe Clarín possède sur le réseau de la TNT argentine, et la vidéo mise en ligne sur la chaîne Youtube de TN. Sur Youtube, on peut entendre que les questions posées par le journaliste ami Jonatan Viale lui ont été soumises par la Casa Rosada. Ce ne sont pas les siennes. Ce qui ne saurait surprendre mais qui laisse à penser que le président est loin d’être innocent dans cette affaire pour ne pas faire confiance à un animateur aussi peu critique que celui-ci ! Le responsable de la chaîne Youtube a démissionné dans la foulée tandis que Jonatan Viale tente de se dédouaner, comme l’avait fait le président lui-même à son micro.

La Prensa préfère ne pas aborder la question
sur sa Une. Elle préfère titrer sur le calme
qui serait revenu à la Bourse de Buenos Aires
(en bas, au centre : "ici, il ne n'est rien passé")
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Par ailleurs, Mileí doit partir aujourd’hui pour Washington où il a plusieurs rendez-vous prévus de longue date : une nouvelle négociation avec la directrice du FMI pour obtenir un énième prêt et deux prises de parole solennelles demain, jeudi, dans le cadre de rencontres militantes, ultra-libérales tendance antidémocratique, comme Mileí en fréquente partout sur la planète. L’un de ces deux événements est un sommet désormais traditionnel de l’extrême-droite où Trump devrait prononcer le discours de clôture vendredi. Pour l’instant, aucune rencontre avec Trump n’est inscrite à l’agenda officiel du mandataire argentin dont l’amitié avec l’homme fort de Washington n’aura pas permis d’exempter son pays des droits de douane exorbitants sur l’aluminium !


Extrait des échanges de messages
"I control that nigga" - Le nègre, je le contrôle"
"J'ai envoyé $$ à sa sœur et il signe tout ce que je dis
et fait ce que je veux". Juste en-dessous : "b... de m..."


Troisième développement : un média états-unien spécialisé dans la finance crypto vient de révéler les échanges de l’un des fondateurs de Libra avec certains de ses complices. Dans ces messages, l’homme, qui a lui-même porté plainte contre Mileí qui aurait fait capoter sa belle opération à cause de sa précipitation au moment où la bulle a éclaté, vers minuit heure de Buenos Aires, s’exprime de manière nauséabonde et affirme des contacts qui sont de nature à incriminer le président argentin. Dans les échanges, Mileí est traité de « nigga », déformation orale typiquement américaine du terme « nigger » (nègre), une insulte de blancs qui se croient supérieurs (à quoi d’ailleurs ? Lui aussi est un suprémaciste blanc). Le financier le désigne comme « le dingue » (insane man) et son interlocuteur acquiesce. Le fondateur de Libra ajoute qu’il tient Mileí dans sa main, qu’il en fait ce qu’il veut (ce qui ne semble même pas invraisemblable, si l’on en croit la manière dont l’affaire se présente depuis la première heure) parce qu’il a versé des pots-de-vin (« $$ ») à sa sœur, Karina Mileí, qui sert au mandataire argentin à la fois de Première dame, de Secrétaire-générale de la présidence et de chef de leur parti politique La Libertad Avanza.

"Le scandale crypto n'en finit pas :
querelles internes, plaintes pour dessous de table
et offensive de Macri", dit le gros titre
Clarín avait déjà l'information du Hamas
sur la famille Bibas


Enfin, la justice de Washington a déjà accepté plusieurs plaintes de victimes américaines de l’escroquerie de vendredi dernier et engage des poursuites contre plusieurs suspects. Avouez que cela la fiche mal pour un chef d’État sud-américain, même si le truand de la Maison Blanche est le premier à faire n’importe quoi avec tout, les frontières des États étrangers, le droit international, la diplomatie, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’histoire de son propre pays dont il ne connaît rien, la science (c’est la même ignorance crasse), les finances publiques qu’il livre à un oligarque sans scrupule et corrompu, les systèmes l’un sanitaire, un autre social et le dernier fiscal, des États-Unis, les innombrables conflits d’intérêts, les décisions de justice sur lesquelles il s’assoit, sans parler de sa trahison consommée de l’Ukraine et de sa complicité avec le dictateur russe dont il répète comme un perroquet l’ignominieuse propagande… Mileí s’est mis à une effroyable école.

La Nación préfère aborder la questions
à partir des petites tactiques politiciennes
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© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12 sur les dossiers ouverts aux États-Unis (il est le seul titre national argentin à en parler ce matin)
lire l’article de Página/12 sur l’interview présidentielle truquée
lire l’entrefilet de La Prensa sur l’agenda international de Mileí cette semaine
lire l’article de La Prensa sur l’interview truquée
lire l’article de Clarín sur les échanges de messages au sujet des liens de Mileí avec l’opération financière
lire l’article de Clarín sur l’interview truquée
lire l’article de La Nación sur le rôle de plusieurs personnalités du gouvernement dans la préparation de l’affaire financière
lire l’article de La Nación sur les échanges de messages au sujet de Mileí