mercredi 19 juin 2024

Disparition de la photographe Sara Facio [Actu]

Clarín, édition de ce matin : le quotidien a rassemblé
quelques uns des clichés les plus connus de l'artiste
Sara Facio est là, en haut, à gauche
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Sara Facio avait 92 ans. Elle était sans doute la photographe la plus renommée d’Argentine : on lui devait des portraits d’un grand nombre d’artistes célèbres comme Astor Piazzolla, Jorge Luis Borges et Susana Rinaldi. Des photos devenues iconiques. Elle avait travaillé pour les plus grandes agences de presse, dont EFE, et des quotidiens comme Clarín et La Nación, deux journaux qui lui consacrent plusieurs articles en ligne et chacun une belle page dans leurs éditions papier. Dans les années 1980, après le retour de la démocratie, elle avait aussi été la directrice de la Galerie photographique du Teatro San Martín dans la capitale argentine.

Pendant de très nombreuses années compagne de vie de l’autrice-compositrice interprête María Helena Walsh, décédée il y a plusieurs années, elle avait aussi fondé la fondation qui porte le nom de son amie et elle en était toujours la présidente d’honneur. Ensemble elles avaient milité politiquement à gauche toute.

Deux femmes magnifiques qui avaient osé assumer leur relation, ce qui vaut ce matin à Sara Facio d’être ignorée par La Prensa, le journal du catholicisme le plus rétrograde.

En haut à droite : Sara Facio
Au centre, l'affaire qui occupe toutes les unes ce matin :
un oligarque qui a régné sur la vie politique et institutionnelle
de la Province de Tucumán pendant une douzaine d'années
vient d'écoper de 16 de prison ferme après avoir été reconnu
coupable d'abus sexuel sur l'une de ses petites nièces...
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On peut voir aujourd’hui ombre de ses photographies dans différents musées du monde entier. Elle avait elle-même fait donation d’un important fonds au Museo Nacional de Bellas Artes, dans le quartier de Recoleta.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

La mort d’Anouk Aimée vue depuis le Río de la Plata [ici]

Anouck Aimée aux Césars 2002 (photo AFP)


La mort de la comédienne française, quelque peu passée par pertes et profits au milieu de la dramatique actualité politique française, est traitée par tous les journaux en Argentine ce matin. Décédée hier à 92 ans, comme Sara Facio, elle a fait rêver le monde entier avec quelques chefs d’œuvres français et italiens.

Elle reçoit ce matin un hommage bien mérité dans la presse des rives du Río de la Plata.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’entrefilet de Página/12 qui préfère mettre l’accent sur la disparition concomitante de la photographe d’art Sara Facio

lundi 17 juin 2024

Stock alimentaire : le scandale s’aggrave encore [Actu]

Couverture du document ministériel révélé par Página/12
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Le scandale du stock alimentaire abandonné au lieu d’être distribué à la population qui n’a plus les moyens de faire trois repas par jour continue à nourrir l’actualité dans les colonnes de Página/12, la presse de droite ayant visiblement décidé de jeter sur lui un voile pudique alors qu’elle préfère enquêter sur des faits de corruption dans les réseaux des soupes populaires et des syndicats (ce qui donne de la matière au gouvernement à maintenir son hostilité à toutes les structures d’aide sociale).

Página/12 publie aujourd’hui un article sur un inventaire daté de décembre 2023, quelques jours après la prise de fonction du nouveau gouvernement, sur tous les moyens de secours à d’éventuels sinistrés en cas de catastrophe majeure, un inventaire établi sous l’autorité du défunt ministère du Développement social qui faisait le point sur ce qu’il laissait alors que ses structures intégraient le ministère du Capital humain.

Il ressort de la lecture de ce document qu’au 19 décembre, le gouvernement savait qu’il disposait de vivres en quantité et de toutes sortes d’articles de secours : équipements sanitaires, vêtements, linge de maison, éléments de literie, bref à peu près tout ce dont une population dévastée par une catastrophe peut avoir besoin pour survivre dans des conditions acceptables lorsqu’on a perdu son logement.


Le gros titre porte sur l'abandon budgétaire
du monde scientifique
En haut, au centre : "L'audit qui révèle les mensonges"
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Rien de ce trésor constitué par le gouvernement sortant n’a été employé lors des trois catastrophes qui ont dévasté l’une Bahía Blanca, cité balnéaire du sud de la province de Buenos Aires qui a été inondée à la suite d’une tempête exceptionnelle, une autre le Litoral (les provinces du nord-est parcourues par le Paraná et l’Uruguay) qui a subi les mêmes inondations qui ont affecté le sud du Brésil à la fin de l’été austral, sans oublier ni l’épidémie de dengue pour laquelle le gouvernement a refusé de distribuer le vaccin disponible (en l’occurrence un vaccin japonais) ni la crise alimentaire exceptionnelle à laquelle les organisations catholiques essayent d’apporter quelque début de solution.

Página/12 dénonce ce matin les « mensonges du gouvernement » qui a toujours soutenu n’avoir aucun moyen de venir en aide à la population alors que le ministère savait visiblement très bien ce dont il retournait.

Le quotidien prend soin de publier la couverture du rapport dont il dénonce la dissimulation pour que personne ne vienne parler d’un coup monté du kirchnerisme.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

vendredi 14 juin 2024

Le scandale des stocks alimentaires est un scandale à tiroirs [Actu]

Deux paquets de lait en poudre entier
en bas, sous l'image du verre, on lit dans un encadré
l'interdiction de la vente du produit


Le scandale des stocks alimentaires a provoqué une série impressionnante de démissions et de limogeages au sein du ministère du Capital humain, lui-même conduit par une ministre qui est mise en cause personnellement dans plusieurs enquêtes de la justice pénale.

Fuite en avant : cela n’a pas empêché la dite ministre de signer un accord de distribution des aliments sur le point d’atteindre leur date maximale de consommation avec une fondation dirigée par un médecin ultra-réactionnaire et idéologue, prétendument catholique, qui combat le droit à l’avortement, préconise la virginité comme unique moyen valable de contrôle des naissances (au passage, cela permet d’exempter les hommes de toute espèce de responsabilité) et prétend que le virus du sida est capable de traverser la porcelaine.

Cette fondation pour le moins suspecte de parti-pris a réparti les aliments en question dans les provinces dont les gouverneurs ont fait alliance avec le président Mileí, le tout de la part d’un gouvernement qui ne cesse de dénoncer les arrangements entre amis des kirchneristes ! Les autres provinces ont dû se contenter de miettes. Le meilleur exemple étant la Province de Buenos Aires, gouvernée par un péroniste : elle rassemble environ 40 % des personnes vulnérables éligibles à ce type d’aide alimentaire et elle n’a reçu que 2 % des vivres à répartir.

Pire encore : dans la riche province de Mendoza, dans la ville de Las Heras, tout près de la capitale provinciale Mendoza, le lait en poudre distribué par la fondation au nom du gouvernement fédéral s’est retrouvé en vente sur la plateforme commerciale de Facebook. Or les sachets de lait portent en caractères bien visibles la mention « Vente et/ou commercialisation interdite ».

Seul Página/12 se fait ce matin écho de ce scandale. Seul Página/12 avait dénoncé le choix de cette fondation privée ultra-partisane pour distribuer la nourriture.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

Les chiffres de la pauvreté pour le mois de mai [Actu]

L'inflation a été de 4,2% en mai
(moins de la moitié de celle d'avril)
sur cette photo d'un petit commerçant de quartier
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Hier, l’INDEC, l’institut national des statistiques, a publié ses deux rapports mensuels sur l’inflation et les seuils de pauvreté et d’indigence. Comme au cours des deux mois précédents, on note que la courbe de l’inflation s’adoucit.

Synthèse du rapport sur le seuil de pauvreté
En rose : le seuil d'indigence
En bleu : celui de la pauvreté
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Il n’en reste pas moins que l’augmentation des prix est toujours là et qu’elle rogne le pouvoir d’achat des Argentins de la classe moyenne et en-dessous. Toutefois son taux mensuel baisse de mois en mois. Les cumuls sur l’année et sur les douze mois glissants restent effrayants, autour de 270 % sur un an.

Synthèse générale du rapport sur l'inflation
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Cela n’empêche pas le gouvernement de crier victoire, oubliant que de l’autre côté, la masse des pauvres et des indigents augmente nettement : ils sont de plus en plus nombreux à ne pas pouvoir faire trois repas par jour et une partie du ralentissement de la courbe pourrait s’expliquer par la baisse de la consommation qui oblige les commerçants à baisser leurs prix pour écouler leurs marchandises et ne pas avoir à baisser le rideau. Une chute de la consommation que les producteurs observent eux aussi et qui, conjuguée à l’ouverture des frontières qui met dans les rayons du maïs en conserve de marque française (1) et de la yerba mate paraguayenne (2), entraînent la faillite de très nombreuses PME dans tous les domaines.

Synthèse des variations de l'inflation
dans le temps et la géographie
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Le taux de pauvreté dépasse maintenant la moitié de la population.

Synthèse des variations régionales de l'inflation
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Quant au gouvernement, qui ne jure pourtant que par l’auto-régulation du marché, le voilà qui envisagerait d’encadrer les prix au détail !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa sur le seuil de pauvreté
lire l’article de La Prensa sur l’inflation
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
lire le rapport de l’INDEC sur les seuils de pauvreté et d’indigence
lire le rapport de l’INDEC sur les prix à la consommation

Página/12 cite Discépolo pour dénoncer le gouvernement et ses modes de répression [Actu]

"Tu verras : tout ça c'est des mensonges", dit le gros titre
sur cette image d'un manifestant maîtrisé par la police fédérale
Ce vers est tiré de Cambalache,
le grand succès de Enrique Santos Discépolo,
qui dans les années 1930 dénonçait déjà les violences étatiques
pendant la Grande Dépression qui fut aussi l'époque du premier
gouvernement putschiste depuis l'adoption de la Constitution
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Avant-hier, une manifestation de l’opposition devant le Congrès a tourné à l’émeute : on a vu des personnes masquées jeter sur la police des projectiles, notamment des bouteilles en verre, et d’autres renverser une voiture de presse et l’incendier. Le reste de la manifestation s’est passé comme d’habitude en Argentine : pas vraiment de violence mais beaucoup de papiers gras sur la chaussée, des cris, des slogans et le vacarme des tambours de marche, sans oublier la forêt de banderoles des syndicats et des associations de militances sociales comme Barrio de Pie (quartier debout).

Qui étaient les violents ? C’est assez difficile à dire. On peut bien sûr penser à d’authentiques manifestants, type Gilets jaunes. On peut aussi soupçonner des provocateurs ou des black-blocks ou autres perturbateurs internationaux. Toujours est-il qu’hier la presse de droite dénonçait l’opposition kirchneriste sans aucune preuve à cette distance des événements et que le gouvernement se félicitait du bon comportement de la police, qui a pourtant arrêté à tour de bras sans hésiter à tabasser tout ce qui passait à sa portée. La police argentine a une longue tradition de violence sur la voie publique, qui s’appuie sur des décennies de gouvernements putschistes dont quarante années de démocratie ne l’ont pas encore guérie (et ce n’est pas maintenant que ça va changer).

Le président Mileí s’est même félicité que les forces de l’ordre aient pu empêcher un coup d’État (sic) organisé par des « terroristes », n’hésitant pas à suggérer un rapprochement entre les scènes effarantes du 6 janvier 2021 à Washington et ce qu’il s’est passé avant-hier à Buenos Aires alors que le Sénat s’apprêtait à accepter, grâce à la voix de départage de la vice-présidente, la loi dite de Bases qui pourrait s’en prendre aux fondations de l’État argentin si les députés votent dans le même sens en deuxième lecture.

Página/12, qui soutient les manifestants, apporte ce matin quelques informations intéressantes : parmi les personnes arrêtées pour fait de violence en bande organisée, outrage à agents des forces de l’ordre et autres délits de sédition, il y a des marchands de sandwiches, une des grandes traditions des manifs argentines. Comme on marche beaucoup et qu’on reste ensuite toute la journée sur la place, il faut bien se sustenter. Le lieu où les manifestants se regroupent est donc plein de barbecues où de petits marchands ambulants font cuire, dans des conditions d’hygiène médiocrement engageantes, des saucisses qu’ils vendent dans un morceau de pain et d’autres qui proposent des sodas ou du café. Bien évidemment, il est assez facile de s’en prendre à eux : ils ne quittent guère leur échoppe de fortune et un policier a vite fait de leur mettre le grapin dessus.

La vignette du jour par Miguel Rep, dans Página/12
Grande banderole : "on en a vu d'autres et on s'en est tiré"
Les deux petites : enfin, jusqu'à présent
Traduction © Denise Anne Clavilier
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Comme les chefs d’inculpation retenus par le parquet sont exorbitants et les peines encourues redoutables (plusieurs années de prison ferme), la rédaction de Página/12 pose l’hypothèse qu’il y a probablement là une stratégie du gouvernement pour semer la panique parmi les opposants et les dissuader désormais de descendre dans la rue pour contester sa politique. Les journalistes envisagent aussi que la violence ait été intentionnelle afin d’éviter que l’image d’une manifestation fournie et tranquille fasse à nouveau la une de la presse à l’étranger, comme ce fut le cas il y a quelques semaines au lendemain des manifestations en faveur du système universitaire public.

Cette semaine, le président entreprend en effet sa septième tournée internationale : il a participé comme invité spécial de la présidente du Conseil italien au G7 dans les Pouilles et il prendre demain toute sa part au Sommet pour la Paix qui se tient ce week-end à l’initiative de la présidence ukrainienne en Suisse, tout en laissant à la maison sa ministre des Affaires étrangères (elle semble risquer une prompte disgrâce elle aussi : le turn-over des ministres est impressionnant depuis le 10 décembre dernier).

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lundi 10 juin 2024

La dissolution en France dans la presse argentine [ici]

En haut, au centre : "L'Europe tourne
(un peu plus) à droite"
En-dessous : "Oubli, mensonge et injustice"
Le gros titre est un résumé de la politique de Mileí,
sous forme du contraire de la devise des associations
des droits de l'homme : Mémoire, vérité et justice
(que l'on lit sur la banderole)
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Aujourd’hui, cela fait six mois tout juste que Javier Mileí a pris ses fonctions. Occasion pour la presse argentine de tous bords de faire le point sur ces mois de chaos politique (reconnus comme tels à droite comme à gauche) et de scandales à la queue leu leu, dont le plus grave est toujours celui du stocks d’aliments non distribués.

Sur La Nación, c'est le vrai gros titre
au-dessus de la photo de l'équipe nationale
"Les progrès de l'extrême-droite secoue l'UE
et Macron appelle à des élections anticipées"
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Le scandale qui a fait sortir de ses gonds Mirtha Legrand, une journaliste diva de la télévision privée connue pour ses postures de droite et son peu d’inclination pour les mesures de redistribution et de soutien social (cf. cet article de Página/12).

L'info a droit à un titre secondaire, en haut à gauche
sous le titre blanc sur fond rouge : "Ultra-droite"
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Pourtant, les unes des journaux notent bel et bien ce qu’il s’est passé dans l’Union Européenne hier et commentent en particulier la décision inattendue d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale avec un délai très serré pour la tenue des nouvelles élections.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :


En haut à droite : "La droite progresse en Europe.
Sánchez [en Espagne] perd et Macron anticipe les élections"
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samedi 8 juin 2024

Mileí reconnaît qu’il veut détruire l’État [Actu]

Javier Mileí interviewé par Bari Weiss, de The Free Press


Dans une interview donnée en espagnol à un média des États-Unis, The Free Press, Javier Mileí reconnaît qu’il s’est installé à la tête de l’État comme une cinquième colonne qui a mission de « détruire l’ennemi ».

Il hait l’État, il y voit une organisation criminelle qui vole les citoyens et veut sa disparition. Dans cet entretien, il fait étalage d’une insensibilité devant la misère que sa politique génère, qui laisse la journaliste perplexe -et pourquoi ne pas le dire ?- il exprime sans aucune pudeur un degré de cruauté narcissique qu’on rejetterait s’il venait à l’idée d’un scénariste d’en doter le comportement du méchant du film.

Cette interview où le président argentin ose se poser, contre tout ce dont il a a fait preuve pendant ces six premiers mois de mandat, comme un dirigeant responsable fait pas mal de remous dans la classe politique argentines. Certains élus commencent à envisager de lancer un procès en destitution contre ce mandataire qui a juré, le 10 décembre à son investiture, de servir l’État et qui annonce maintenant, sans aucune retenue, vouloir le faire disparaître.

Par ailleurs, Mileí déclare également : « J’ai décidé que mes alliés sont les États-Unis et Israël ». Phrase lunaire, pleinement anti-démocratique, où la décision est prise par un homme seul, de manière discrétionnaire et à son profit (« mes alliés »)… De surcroît, un tel choix est idiot : les principaux alliés d’un pays en paix et qui veut assurer sa prospérité sont d’abord nécessairement les pays voisins d’autant plus qu’e Amérique du Sud, ceux-ci sont liés à l’Argentine par l’alliance économique du Mercosur. Les pays limitrophes sont toujours les premiers partenaires économiques, c’est même ce pourquoi le Brexit était un suicide.

Bref, cet homme n’est pas seulement dingue : il a démontré qu'il est dangereux. Il veut faire disparaître l’institution qui permet de tout temps à toute société de vivre dans la paix civile au lieu d’être soumise la loi de la jungle (celle contre laquelle la Torah, qu'il dit étudier et révérer, lutte depuis des millénaires pour imposer des relations humaines où les forts prennent soin des plus faibles).

Lui ne jure que par la loi du plus fort, c'est celle qu’il veut mettre en place là où il vit et ailleurs aussi, comme il l’a montré il y a quelques semaines à Madrid. Son intérêt pour l'Ukraine ne repose sans doute sur aucune conviction personnelle un tant soit peu sincère.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
lire l’interview de The Free Press avec la vidéo incluse.
Página/12 en parle aussi mais l’accès à l’article en ligne est réservé aux abonnés.

vendredi 7 juin 2024

Une autre grande figure des droits de l’homme contre la dictature disparaît (Article n° 7500) [Actu]

En haut, l'hommage à la disparue
En gros titre, le nouveau scandale au
ministère du Capital humain : un marché passé
discrétionnairement par la ministre seule
(ce qui est irrégulier : les marchés publics
exigent l'intervention de plusieurs personnes)
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Lita Boitano est décédée hier à l’âge de 92 ans. Née à Buenos Aires de père inconnu et d’une mère tout récemment arrivée d’Italie, elle a été élevée par le couple que sa mère a formé en Argentine avec un maçon rencontré à Buenos Aires.

Lita Boitano a perdu ses deux enfants pendant la dictature. Sa fille avait été enlevée dans la rue sous ses yeux. Elle n’a jamais récupéré leurs corps.

Dans les années 50, Lita Boitano fréquentait divers artistes qui ont marqué la vie intellectuelle et culturelle des années heurtées d’après le coup d’État contre Perón (1952). Elle était elle-même une péroniste engagée, comme une grande majorité des personnes qui ont été dans le viseur de la dictature militaire des années 1976-1983.

Lita Boitano était la présidente de l’association des membres des familles de disparus et détenus pour raison politique.

Aujourd’hui, seul Página/12 évoque ce matin cette disparition qui risque fort pourtant de s’inscrire dans une longue liste : ces personnes sont très âgées et elles vivent très mal les déclarations favorables à la dictature ou à la réhabilitation des criminels contre l’humanité que font de nombreux membres de l’équipe gouvernementale en place depuis le 10 décembre.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

dimanche 2 juin 2024

Le Caras y Caretas de juin est consacré à Carlos Mugica [Disques & Livres]

L'auréole du prêtre est en fait le Soleil de Mai
celui qui brille au centre du drapeau argentin
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Le mensuel Caras y Caretas, du groupe médiatique Octubre, consacre son numéro de juin à la figure du prêtre assassiné à l’aube de la dernière dictature militaire, Carlos Mugica, dont l’Église catholique a commémoré il y a quelques jours les cinq ans de la mort.

Carlos Mugica, qui a donné son nom à un bidonville de Buenos Aires, qui aspire au statut de quartier à part entière, est un exemple de l’engagement social et spirituel au service des valeurs de l’Évangile : ce fils de famille avait reçu sa vocation et compris qu’il se devait aux pauvres de son pays pour contribuer à amorcer le cercle vertueux du développement culturel et économique.

Le 26 mai, le quotidien du catholicisme réactionnaire, La Prensa, a publié un article qui dénonce ce que l’éditorialiste présente comme un récit mensonger et propagandiste de l’Église sur ce prêtre qui n’aurait pas été le pasteur dévoué à sa mission que l’on présente aujourd’hui mais un suppôt de la gauche, etc., etc. Aucun scrupule, aucune honte !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

Scandale alimentaire : un fusible qui saute au ministère et perquisition dans les entrepôts [Actu]

En photo centrale, l'intérieur d'un des entrepôts
dépendant du Ministère du Capital humain
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Le ministère du Capital humain n’a pas obtempéré dans les temps impartis à l’ordre reçu de la justice : à la fin des 72 heures accordées par le magistrat fédéral, le ministère n’avait pas l’intention de lui fournir le moindre inventaire et encore moins un plan de distribution de la nourriture contenue dans les deux entrepôts de Buenos Aires et de Tucumán. Le ministère a toutefois convenu que les vivres existaient bien, qu’ils étaient destinés aux soupes populaires et qu’il entendait les faire distribuer par l’armée.

Au-dessus : "Scandales et plaintes en justice contre
des contrats de complaisance au ministère de Pettovello"
En-dessous : reportage exclusif sur un porte-avions US
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Et la ministre de se défausser sur l’un de ses secrétaires d’État qui a été limogé sur le champ et contre lequel ses services se payent le luxe de porter plainte pour de supposées pratiques illégales qui ne sont même pas en rapport avec les vivres et leur non-distribution aux ayant-droits.

Entre temps, il a tout de même bien fallu fournir des informations au tribunal mais elles étaient si confuses, si incomplètes et si contradictoires que les juges ont fini par ordonner une perquisition dans chacun des deux entrepôts et qu’ils vont peut-être s’occuper de faire distribuer cette nourriture dont une partie a dépassé ou est sur le point de dépasser sa date de péremption (en particulier du lait en poudre dont la date était en janvier et une préparation pour riz aux légumes qui arrive à échéance dans un mois).

Le gouvernement donne ici un spectacle affligeant : impéritie, incompétence, lâcheté et chaos institutionnel, ce qui rappelle les débuts de Trump à la Maison Blanche (et le reste du mandat).

"Le gouvernement réduit de 14% les dépenses
destinées aux politiques alimentaires", dit le gros titre
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Pendant ce temps, devant un auditoire de l’Université de Standford en Californie, Mileí a prétendu qu’il n’avait pas à intervenir dans cette affaire parce que « les gens ne sont pas bêtes » : avant « de mourir de faim », ils vont s’organiser pour « faire quelque chose » afin d’échapper à la mort. La solution se trouvera donc toute seule. L’État n’a qu’à attendre et à observer. Voudrait-il que les gens se précipitent sur les grandes surfaces pour tout casser et tout piller qu’il ne s’y prendrait pas autrement. D’autant qu’il aurait ainsi un bon motif de tous les envoyer derrière les barreaux où il faudrait tout de même les nourrir aux frais de l’État !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 sur le limogeage de Pablo de La Torre, secrétaire d’État en charge de l’Enfance et de la Famille
lire l’article de La Prensa sur le même sujet
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
lire l’article de Página/12 sur la ministre du Capital humain dans cette affaire
lire l’article de Clarín sur la perquisition
lire l’article de La Nación sur le même sujet

L’Argentine a désormais son propre vaccin anti-covid [Actu]

Photo institutionnelle


Dès le début de la pandémie, les chercheurs du CONICET ont travaillé à sortir un vaccin national pour que l’Argentine ne dépende plus des laboratoires internationaux qui profitent de leur monopole pour vendre à prix d’or leurs produits. On se souvient du cauchemar qu’a été en Amérique latine la recherche de doses à des prix raisonnables et en quantités suffisantes et l’obligation dans laquelle se sont trouvés les Etats d’accepter la diplomatie vaccinale de la Russie et de la Chine dont les sérums se sont révélés inefficaces et inadaptables dès les premières mutations du virus.

L'équipe Arvac, chercheurs du CONICET et l'UNSAM
(Universidad nacional San Martín, dans la banlieue de Buenos Aires)

Depuis hier, les pharmacies argentines disposent toutes du vaccin Arvac que les patients peuvent se procurer sur ordonnance de leur médecin. Plus besoin de dollars pour protéger la population do covid et de ses mutations les plus récentes.

Aujourd’hui la recherche scientifique argentine est menacée par le retrait du financement public aux universités et au CONICET (le centre national de recherche scientifique et technologique).

© Denise Anne Clavilier


Pour en savoir plus :

Un petit village de Chubut dit adieu à son facteur [Actu]

La population locale entoure son facteur (au centre)
Peut-être sa fille dans les bras de sa maman à sa gauche (en rose)


Dans un petit village de la province de Chubut, en Patagonie, un petit village vient de perdre son antenne de Correo Argentino, la poste publique. Les deux premiers agents ont été licenciés peu après l’arrivée de Mileí au pouvoir, sous la forme d’un licenciement sec du jour au lendemain. Le facteur, qui était donc le dernier employé local de cette institution nationale, a été licencié à son tour. Pour le dire plus exactement au regard du droit appliqué, il a été (assez fermement) invité à faire valoir son souhait d’une rupture de son contrat de travail (retiro voluntario). C’est la solution que Correo Argentino et les autres services publics visés par la politique de rigueur de Mileí imposent à la plupart des agents qu’ils mettent à la porte. Mercredi dernier, en fin de journée, après son service et devant quelques habitants venus le soutenir, l’homme a tourné la clé du petit local où il travaillait au service des habitants de la localité, il a remis cette clé à la maire du village venue l’embrasser (le chalet appartient à la mairie qui le mettait gratuitement à la disposition de la poste) puis, après une photo souvenir devant l’ex-bureau de poste au milieu des villageois, il est parti en emportant avec lui le vélo à remorque avec lequel il a fait sa tournée pendant ses 25 années de travail à Correo Argentino.

La vidéo de ce départ, sous les applaudissements des villageois, a connu un succès certain sur les réseaux sociaux. Il faut dire que l’image de ce monsieur plus très jeune, dans sa tenue de travail, qui essuie ses larmes en quittant son lieu de travail, a de quoi vous nouer l’estomac. Rogelio Hube ne part pas à la retraite. Il se retrouve au chômage. Il a une petite fille de trois ans et à peu près aucune perspective de retrouver près de chez lui un travail salarié. Quand bien même il en trouvera un, il a définitivement perdu les droits sociaux qui s’attachent à la belle ancienneté qui était la sienne (en Argentine, le droit à congés payés par exemple dépend de l’ancienneté dans l’entreprise et les entreprises publiques offrent d’autres avantages sociaux : des droits à la protection sociale contre la maladie et la vieillesse par exemple).

L’émotion a dépassé et de loin les limites du hameau et même de la province de Chubut, à tel point que Victor Hugo Morales, un grand journaliste, connu pour sa passion savante pour le football, sa grande culture générale et la beauté littéraire de ses commentaires, aujourd’hui éditorialiste engagé sous la bannière kirchneriste (donc une bête noire de la droite), l’a interviewé lors de son émission quotidienne sur la 750 AM, la radio du groupe Octubre, qui possède aussi Página/12.

Au regard de la réduction de personnel draconienne subie par Correo Argentino, que le gouvernement veut privatiser à court terme et qu’il vide donc à dessein pour s’en débarrasser, probablement à vil prix en plus, les syndicats font savoir que l’institution aura du mal l’année prochaine à assurer la tenue des élections de mi-mandat (la poste argentine joue un rôle important dans la logistique et l’organisation du scrutin).

Seul Página/12 a fait écho à cet événement provincial si symbolique de la situation à laquelle il donne une chair humaine au-delà des statistiques et des données chiffrées.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 du 31 mai 2024 sur la fermeture du petit bureau de poste de Gualjaina
lire l’article de Página/12 du 31 mai 2024 sur Rogelio Hube, ce facteur limogé du jour au lendemain après 25 ans de bons et loyaux services
lire l’article de Página/12 du 1er juin 2024 sur l’interview menée par Victor Hugo Morales