lundi 30 novembre 2020

Tabaré Vázquez à la télévision uruguayenne hier [Actu]

Vázquez : "Je ressens une profonde gratitude
envers le peuple uruguayen"
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C’était hier sur Canal 10 dans une émission où une grande personnalité uruguayenne se livre longuement au journaliste producteur, Legado (héritage). L’émission avait été enregistrée le 15 novembre, c’est-à-dire avant qu’on ne diagnostique une « rechute » du cancer dont souffre au stade terminal Tabaré Vázquez, l’ancien président de la République de l’Uruguay.


L’interview se tient dans le grand hall d’honneur du Parlement uruguayen avec un jeu de lumière qui permet d’amoindrir les effets de la maladie sur le visage de l’homme politique qui fait là ses adieux à son pays et au peuple. Et il le sait. Et avec le courage qui le caractérise, il fait l’effort de sourire. Dans cet entretien, Tabaré Vázquez fait le bilan de sa vie et de sa double carrière de médecin-oncologue et d'homme politique. Il remercie chaleureusement le peuple uruguayen et sa dignité démocratique, qui est un exemple pour tout le continent. Ce qui est un fait.

Dans l’émission, les producteurs ont intégré le salut très amical mai à distance du président argentin, Alberto Fernández, ce qui permet de refermer le conflit qui s’était élevé entre les deux pays voisins pendant le premier mandat de Vázquez et celui de Néstor Kirchner au sujet d’une papeterie installée un peu trop près de la rive du Río Uruguay et que les écologistes argentins accusaient régulièrement de polluer l’immense cours d’eau qui sert de frontière internationale.

El País a lui aussi mis l'info à la une
mais c'est écrit petit. Il faut bien chercher !
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Les enfants de Vázquez ont demandé aux abonnés aux réseaux sociaux de respecter leur intimité et la difficulté de ce que la famille traverse depuis quelques jours. Ils affirment que leur père ne souffre pas.

© Denise Anne Clavilier
www.barrio-de-tango.blogspot.com

Pour aller plus loin :

Le médecin personnel de Maradona dans le collimateur de la justice [Actu]

"Rien à cacher" dit le gros titre en haut
sur cette photo du médecin pendant la perquisition
de sa belle maison de campagne
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L’enquête judiciaire s’oriente désormais vers un homicide par négligence et le médecin traitant ou supposé tel, Leopoldo Luque, un neurochirurgien qui semble avoir évincé un confrère qui soignait Diego depuis l’époque où celui-ci brillait sur le terrain, est à deux doigts d’être inculpé. A travers son avocat cependant, il affirme maintenant qu’il n’était qu’un ami de Maradona, qui n’écoutait que lui en matière médicale, tandis que les filles du disparu affirment qu’il était bel et bien le médecin chargé de soigner leur père, comme semblent le prouver par ailleurs ses posts sur les réseaux sociaux où il n’hésitait pas à rendre publique sa relation professionnelle avec l’idole. Une attitude qui paraît quelque peu sulfureuse et assez loin du serment d’Hippocrate qui exigerait un peu plus de retenue et de discrétion.

En outre, ses rodomontades risquent de lui aliéner passablement l’opinion publique : il prétend en effet que, en substance,  s’il y a quelque chose dont il soit responsable, c’est d’avoir prolongé la vie du Diez. Avec une population sous le choc et un champion mort à seulement soixante ans quand ses parents étaient morts l’un et l’autre octogénaires, cette ligne de défense risque de se révéler assez dangereuse.

"La polémique grandit autour de Maradona :
on enquête pour savoir s'il y a eu une négligence médicale"
La photo montre Dalma Maradona, l'une des filles,
très émue au moment où (en bas) le butteur de Boca Juniors
dédie le point à la mémoire de Diego
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Ce week-end, les deux résidences du praticien, l’une dans le quartier de Belgrano à Buenos Aires et l’autre à Adrogué, petite ville perdue au milieu de la pampa dans l’immense province de Buenos Aires, ainsi que le cabinet de consultation, à Belgrano, pas très loin du stade de River Plate, ont fait l’objet de perquisitions minutieuses de la part tantôt de la police fédérale tantôt de la police bonaerense. On a vu les policiers emporter des documents ainsi que du matériel informatique et téléphonique. Les enquêteurs cherchaient le dossier médical de Maradona mais n’auraient rien trouvé qui y ressemble sous format papier. Les experts vont maintenant faire parler les mémoires des téléphones portables, des disques durs et des tablettes mis sous scellés.

Les trois filles de Diego, qui ont témoigné devant les juges hier jusque tard dans la nuit, émettent plus que des doutes sur la pertinence des soins dont leur père aurait été entouré après son retour d’hospitalisation ou plutôt elles dénoncent le manque des soins qu’elles estiment élémentaires pour un malade en aussi mauvaise santé. Or le témoignage de l’infirmière de jour qui reconnaît n’avoir pas pris les paramètres du patient de toute la matinée fatale va dans leur sens. Elle a révélé qu’aucun médecin n’était présent dans la maison, quinze jours seulement après la sortie d’hôpital, et qu’en constatant que Maradona n’avait plus de pouls, c’est à Luque qu’elle a téléphoné car c’était lui qui, à sa connaissance, était le médecin auquel elle devait recourir. C’était en effet lui qui prenaient toutes les décisions et signait toutes les prescriptions. D’après son avocat, l’infirmière aurait parlé d’une chute que Diego aurait faite quelques jours avant le 25 novembre et que la blessure qu’il s’était faite n’aurait pas donné lieu à des soins spécifiques.

L'enquête argentine vue de Montevideo
El Observador de ce matin, p. 11
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Vient ensuite l’étonnement des enquêteurs et des journalistes devant la lenteur avec laquelle l’ambulance s’est présentée (mais de toute manière Diego était déjà mort à cette heure-là) et le fait qu’elle n’était pas équipée pour de la réanimation cardiaque.

L’ancien praticien, qui avait été aux côtés de Maradona pendant trente-trois ans, s’est ouvert de ses doutes sur la pertinence de la chaîne de soins depuis l’intervention chirurgicale jusqu’au décès du champion. Il semble acquis aussi que c’est bien Maradona qui avait envoyé les médecins hospitaliers se faire voir chez les Grecs et avait exigé de rentrer chez lui, à Tigre, en hospitalisation à domicile.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
lire l’article de El País (Montevideo)
lire l’article de El Observador (Montevideo)

Ajout du 1er décembre 2020 :
L'étau se resserre encore et toujours autour du médecin, à tel point que son avocat a pris des devants et demandé à la justice une exemption d'écrou au cas où un juge en vienne à l'envoyer en prison préventive. Les manquements apparaissent de plus en plus dans toute leur gravité.
Lire cet article de La Prensa

Ajouts du 2 décembre 2020 :
Après le neuro-chirurgien, c'est au tour de la psychiatre d'être inquiétée par la justice.
Lire l'article de Página/12
lire l'article de Clarín

A la saint-André, bois du mate ! [Coutumes]

Mate et medialunas (petits croissants plus briochés que feuilletés)

Pour la cinquième année consécutive, en Argentine, c’est la fête nationale du maté, cette boisson emblématique que partagent quatre pays voisins, l’Argentine, le Paraguay, le sud du Brésil et l’Uruguay. Cette année, pour la première fois, la fête se célèbre avec la recommandation ferme de ne pas partager la boisson pour éviter la contagion !!!!

Clarín nous offre toutefois un longue article sur la meilleure façon de pratiquer (il y a toute une orthodoxie en la matière) et quelques recettes de pâtisseries traditionnelles pour accompagner l’amertume du breuvage.

La Nación quant à elle propose un véritable documentaire, en plusieurs épisodes intégrés à son site Internet, sur l’histoire de cette pratique gastronomique qui remonte aux tout premiers hommes qui se soient installés dans la forêt tropicale qui couvre la région productrice.

Mate accompagné de chipá, une gourmandise salée originaire
de Misiones et du Paraguay
La recette est aussi dans l'article de Clarín

La date avait été choisie en 2014 pour rendre hommage à Andresito, le héros des guerres d’indépendance qui s’est battu dans les années 1820 pour rattacher l’actuelle province de Misiones à l’actuelle Argentine alors que cette région avait été placée sous l’autorité du gouverneur et de l’évêque d’Asunción après l’expulsion des jésuites en 1767. En 1811, le traité de paix conclu par Manuel Belgrano avec le Paraguay qui prenait son indépendance avait validé le statu quo mais il ne tint pas longtemps parce que la région de Misiones s’était prononcée dès 1810 pour la révolution de Buenos Aires (25 mai 1810).

© Denise Anne Clavilier

Pour en savoir plus :

lire l’article de Clarín et aux fourneaux !
lire et regarder l’article de La Nación

Ajout du 2 décembre 2020 :
lire l'article de La Prensa sur le mate et sur Andresito

dimanche 29 novembre 2020

Les dessinateurs de Página/12 retrouvent le sens de l'humour [Humour]

Après le choc, Miguel Rep, Daniel Paz et Rudy retrouvent leur sens de l'humour incisif et rentre-dedans habituel...

Patricia Bullrich, la très peu souriante chef du PRO, le parti ultra-libéral :
« Quelle horreur... Cette foule dans la rue propageant le virus partout... Nous, nous n'aurions jamais fait quelque chose comme ça ? »
Son gorille : « Mais... et les manifestations d'opposition ? »
Elle : « J'ai dit "une foule" »

Les manifestations de l'opposition pour contester les mesures sanitaires et l'arrêt de l'économie n'ont pas été très suivies jusqu'à présent même si elles ont pu être impressionnantes : la plupart du temps, elles se sont réalisées en voiture, ce qui occupe de la place.


Maintenant, tant pis si c'est avec la main


Le joueur de football n'est autre que la carte de l'Argentine.

Les deux vignettes sont tirées de l'édition de ce matin de Página/12.

samedi 28 novembre 2020

En Uruguay, inquiétude pour Tabaré Vázquez [Actu]

"Courage, Tabaré !"

L’information a commencé à se diffuser dans les réseaux sociaux et la presse uruguayenne au milieu de la nuit : l’ancien président Tabaré Vázquez, qui restait la grande voix du Frente Amplio, le parti-ombrelle qui rassemble toute la gauche du pays, va très mal. Le cancer du poumon, qui a été détecté alors qu’il achevait son mandat présidentiel, s’est développé malgré une prise en charge précoce selon ce qu’il avait lui-même fait savoir à ce moment-là.

Il a brièvement perdu connaissance il y a quelques jours avant de retrouver un mieux au cours duquel il a pu lire quelques mails et profité de sa famille, réunie autour de lui, à son domicile.

D’après l’un de ses proches, il se prépare lui-même à la mort.

Tabaré Vázquez a 80 ans. Il a été deux fois président. Il a été le premier chef d’État de gauche de son pays. Avec Pepe Mujica, son aîné de quelques années et son successeur après son premier mandat, il est l’un des piliers du Frente Amplio. Or Mujica vient de quitter le monde politique pour profiter d’une retraite amplement méritée. Tabaré Vázquez est lui-même un éminent oncologue qui a fait sa spécialisation à l’Institut Gustave Roussy. Il a perdu son épouse il y a quelques années.

© Denise Anne Clavilier

Pour en savoir plus :

On videra la querelle [politique] devant les tribunaux [Actu]

Le journaliste : Pourquoi cette répression ?
Le flic : C’est notre façon de rendre hommage.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)


Après les échauffourées qui ont marqué l’après-midi de jeudi sur Plaza de Mayo entre police de Buenos Aires et supporters ne supportant pas de ne pas pouvoir approcher le cercueil de leur idole, le secrétaire d’État aux Droits de l’homme vient de déposer plainte contre le gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires sur qui reposait la tâche de maintenir l’ordre pendant toute la durée des cérémonies. A l’appui de sa plainte, il produit six vidéos des événements.

Comme quoi, il faut filmer et diffuser !

Les deux exécutifs, le gouvernement fédéral et le gouvernement municipal, sont de bords opposés et on a bien soupçonné dès jeudi que la municipalité de droite n’allait rien faire pour faciliter les choses à des visiteurs populaires, venus des quartiers modestes et de la banlieue, voire beaucoup plus loin (d’autant que Maradona était encore l’entraîneur d’une équipe de La Plata, à 80 km de Buenos Aires, capitale de la province homonyme, elle-même gouvernée à gauche). Et lors que les incidents ont éclaté, on a vu que la police portègne déployait sa violence habituelle.

"La tension monte entre le gouvernement national
et celui de la Ville à cause de la violence
à la viellée funéraire", dit le gros titre
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Aussitôt que la plainte a été rendue publique, un groupe politique de l’opposition, donc de droite, a aussitôt porté plainte à son tour contre le gouvernement national pour mise en danger de la vie d’autrui par manque de respect des mesures sanitaires contre l’épidémie. La rapidité de cette réaction pourrait laisser penser qu’en effet, la Ville a tout fait pour pourrir la situation et que ça va se voir si le procès va jusqu’au bout. Coupe-feu d’urgence !

Assez étonnant dans ce climat explosif, alors que les élections de mi-mandat arrivent en octobre prochain, Clarín, qui soutient plutôt la municipalité et tient dans un profond mépris le gouvernement national, a publié dans le corps de son article l’intégralité de la plainte déposé par le secrétaire d’État national aux Droits de l’homme !

Première page du dépôt de plainte :
la description des faits incriminés
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En fait, il semblerait que les torts soient partagés : la Casa Rosada n’a pas pris en compte la possibilité plus que probable d’une irruption de groupes de hooligans chauffés à blanc et capables de tout, comme c’est trop souvent le cas à l’occasion des grands matches de football. Son service d’ordre a été débordé. De leur côté, les autorités policières municipales ne tiennent pas leurs troupes, elles-mêmes formées de manière très insuffisante et trop armées pour ce peu de formation reçu.

© Denise Anne Clavilier

Pour en savoir plus :
lire l’article de La Prensa sur la plainte adverse

Pour éviter que ça s’aggrave pendant l’été [Actu]

"Pour passer l'été" dit le gros titre
En haut, l'autel profane de Diego à La Boca

Hier, le président Alberto Fernández a annoncé les nouvelles mesures qui allaient accompagner l’arrivée de l’été. Elles sont valides jusqu’au 20 décembre. Tout le pays est à présent sous le régime DISPO (distance physique et masque pour tous), sauf deux villes de Patagonie où la population reste confinée.

Au cours des trois mois qui viennent, le gouvernement argentin espère pouvoir vacciner 13 millions de personnes, à commencer par les personnes âgées. Le vaccin privilégié est pour le moment le vaccin russe, dont il a été acheté une grande quantité de doses mais qui attend toujours sa validation internationale et suscite pas mal de méfiance dans la population. Vu le mode de communication qui a été choisi par les autorités politiques russes, il y a de quoi, en l’absence d’informations claires sur ses performances… Quelles sont les raisons de ce choix public ? Bonnes relations à entretenir avec la Russie à l’heure où l’Argentine a besoin de soutien pour négocier avec le FMI ? Difficultés techniques et matérielles en vue en plein été austral pour assurer la chaîne du froid extrême pour les deux autres vaccins de haute technologie qui semblent plus avancés ? Prix des uns et des autres ? Disponibilités des doses déjà produites ?

De son côté, le chef du gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires a décliné publiquement les modalités pour sa ville en matière de commerce, de culture et d’école. Il y aura cours pendant l’été pour les élèves qui en auront besoin, notamment ceux qui n’auront pas réussi leurs examens de passage au niveau supérieur et devront les repasser avant la rentrée de mars.

En relâchant un peu la pression, le président a bien insisté sur les risques encourus par la population si elle relâchait ses efforts. Il a expressément rappelé que l’été dans l’hémisphère nord n’avait fait que paver la route à une reprise spectaculaire et tragique de l’épidémie. Or les événements de la fin de la semaine ont bien montré qu’une bonne partie de la population n’arrivait plus à respecter les mesures préventives, or les fêtes de fin d’année arrivent aussi là-bas avec leur cortèges d’embrassades familiales et amicales.

© Denise Anne Clavilier
www.barrio-de-tango.blogspot.com

Pour aller plus loin :
sur les mesures nationales
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
sur les mesures à Buenos Aires
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa

Geste émouvant des All Blacks avant d’affronter les Pumas [Actu]


Dans la petite compétition de rugby de l’hémisphère sud, les Pumas, qui ont brillamment commencé le tournoi Tri-Nations, après et malgré la coupure du confinement, affrontaient hier les All Blacks.

Avant le haka, le capitaine Sam Cane a déposé avec respect sur le sol, comme on dépose une offrande, un maillot de son équipe marqué du numéro 10 et du nom de Diego Maradona. Dans les tribunes de Newcastle, en Australie, où les Argentins étaient très nombreux, est alors monté le cri de guerre du football : « Olé, olé, olé, Diego, Diegoooooo ! »

C’est sur ce fond sonore que les Néo-Zélandais ont exécuté leur danse de guerre habituelle.

Puis, après avoir respecté (ou exacerbé ?) l’émotion et le deuil de leurs adversaires du jour, ils leur ont flanqué une pâtée spectaculaire.

Les pauvres Pumas ont le moral dans les protège-tibias…

© Denise Anne Clavilier

Pour en savoir plus :

Sur un autre point de la planète, à Paris, Di María, joueur argentin vedette du PSG, a partagé sa surprise douloureuse lorsqu’il a appris par Twitter la mort de Diego. « Diego est mort », lit-il sur son écran. Et à plusieurs années-lumière d’imaginer la réalité, il a répondu « Diego qui ? »
Sur ce point :
lire l’article de La Nación, avec l’hommage de toute l’équipe du Paris-Saint-Germain

Ajout du 29 novembre 2020 :
Tandis que l'enquête judiciaire avance et jette peu à peu une lumière de tragédie grecque sur les derniers jours d'un Maradona assailli par tous ses démons, Clarín a fait de cette belle photo sa une de ce dimanche

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Un malade difficile ? Une entreprise sanitaire qui ment ? [Actu]

Le docteur Luque et son illustre patient il y a quelques jours
à la clinique à Buenos Aires, peu après l'opération.
Une des toutes dernières photos de Maradona
Les relations semblent encore excellentes entre les deux hommes
C'est Leopoldo Luque qui va accepter de signer la décharge
pour répondre à l'exigence de son patient de rentrer tout de suite chez lui

Les auditions se poursuivent pour savoir comment les soignants ont rempli leurs devoirs auprès de Diego Maradona, hospitalisé à domicile après son départ précipité, contre décharge, de la clinique où il avait été opéré après son accident cérébral.

Commencent à apparaître des fautes de la part de l’entreprise privée qui assurait cette hospitalisation à domicile, dans le cadre de la médecine à deux vitesses qui s’est créée en Argentine, avec un secteur public et mutualiste auquel ont recours les Argentins de classe moyenne et de plus humble niveau social et le secteur privé, à but lucratif, auquel se confient toutes les vedettes du showbiz et du sport, ainsi que la plupart des politiques et des grands patrons.

Parmi ces fautes, la presse relève aujourd’hui les déclarations sous serment de l’infirmière qui a découvert Maradona inanimé dans sa chambre et qui affirme que son employeur lui a fait signer un faux rapport faisant peser sur le patient le manque de soins de ce matin-là. Entendant Maradona dans sa chambre, elle l’aurait laissé tranquille jusqu’à l’heure de la visite à midi de la psychiatre et de son psychologue personnel, qui accompagnaient son énième sevrage toxicologique. Or son rapport fait état d’une visite dans la chambre à 9h20 pour les contrôles d’usage. Maradona aurait alors refusé énergiquement qu’elle relève quelque donnée que ce soit et l’aurait fichue à la porte.

On croit aussi savoir que quelques jours plus tôt une dispute violente, avec sans doute des échanges de coups, avait eu lieu entre le patient et son médecin personnel, celui-là même qui, le 25 vers midi, devait appeler, depuis chez lui, une ambulance après que l’infirmière ou la psychiatre l’avait averti avoir trouvé Maradona en arrêt cardio-respiratoire. Au cours de la bagarre, le patient aurait en effet chassé son médecin de chez lui et celui-ci n’y avait plus remis les pieds. On comprend dans ces conditions que le personnel soignant autour de Maradona n’était pas très rassuré au moment où il fallait prendre le risque de le déranger pour lui administrer des soins ou lui prendre la tension.

La dernière personne à l’avoir vu en vie semble donc avoir été l’infirmier de nuit à sa dernière visite à 6h30, avant de passer le témoin à sa collègue de jour. Par ailleurs, c’est un tableau classique en cas de lutte contre l’addiction : le sevrage ne renforce pas l’amabilité de qui le subit et encore moins chez une personnalité aussi explosive et incontrôlable !

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

vendredi 27 novembre 2020

Diego en dessins hier dans les quotidiens argentins [Actu]


D’ordinaire, dans Barrio de Tango, je ne commente que les dessins parus dans Página/12, comme ci-dessus avec cette vignette qui se passe de tout commentaire. Vous allez voir pourquoi je m'en tiens à ces artistes.

Commençons donc par eux, les vrais artistes, ceux de Página./12, qui ont repris hier leurs personnages récurrents afin de refléter la douleur populaire avec une économie de moyens et dans une sobriété où eux-mêmes s’effacent devant l’événement.

Maintenant je comprends pourquoi tu étais un Cebollitas
[nom de l’équipe benjamine de Maradona, les « petits oignons »].
Tu nous fais pleurer, dit Lukas,
l’indécrottable pessimiste chevelu inventé par Miguel Rep.
Traduction © Denise Anne Clavilier

Vous le voyez, ces deux artistes, Miguel Rep et Daniel Paz, le premier toujours seul, le second tantôt avec, tantôt sans son partenaire scénariste Rudy, publient des dessins qui ont quelque chose à dire. Leurs homologues, dans Clarín et dans La Nación, ont certes une maîtrise technique indéniable du dessin, leur ligne est sûre et on reconnaît parfaitement les personnalités qu’ils caricaturent. Pourtant, leurs vignettes expriment au mieux des banalités, à tout le moins un discours creux. Bien plus souvent hélas, elles ne disent strictement RIEN.

En l’occurrence, vous allez pouvoir le constater sur les publications d’hier. C’était un jour tout à fait spécial, il aurait dû les inspirer.


Erlich, dans Clarín, est l’un de ceux qui a le plus à dire avec ce « Mon plus grand rêve ? Jouer une Coupe du Monde », qui montre le petit Maradona quand il jouait avec les benjamins de sa banlieue ouvrière au sud de Buenos Aires, là où des journalistes l’avaient repéré très tôt. Il cite là la toute première interview télévisé du gamin qui avait une dizaine d’années et il rêvait déjà non seulement de jouer une coupe du Monde mais de la gagner sous les couleurs nationales.


Nik, dans La Nación, fait mieux en reliant son dessin au mythe de Maradona :
« Eh bien, dit Dieu, je peux prendre ma retraite maintenant »
Traduction © Denise Anne Clavilier

Toutefois, le message qui semble le plus original n’est pas de ceux qui nous le servent. Il s’agit d’une citation du journaliste Víctor Hugo Morales, lorsqu’il a commenté, avec des envolées poétiques qui ont fait sa réputation d’homme de radio, le fameux match de la Coupe du Monde à Mexico en juin 1986, le but du siècle (el gol del siglo), celui où Maradona a traversé tout le terrain pour aller marquer dans la cage des Anglais après leur avoir infligé un premier but de la main quelques minutes plus tôt : il s’agit de l’expression « barrilete cósmico » (cerf-volant cosmique), qu’ils étaient plusieurs dessinateurs hier à tenter de rendre en image. Aucune idée personnelle ! Un désastre. Et dire que La Nación, où paraissent ces vignettes, est très critique contre Víctor Hugo, à cause de ses positions politiques kirchneristes (qui peuvent être crispantes, mais enfin c’est son droit !). On peut donc tout au long de l’année déconsidérer à qui mieux mieux Víctor Hugo et quand on a besoin de lui faute d’idée à soi, on le pille allègrement.

Trois dessinateurs de La Nación ont décliné la même idée : Liniers, qui fait du cerf-volant la Croix du Sud, cette constellation de l’hémisphère sud qui symbolise si souvent l’Argentine pour ses habitants ; Alejandra Lunik qui fait quelque chose de très joli mais c’est comme avec l’ex-« Nouvelle Cuisine », il n’y a rien à manger dedans et enfin Diego Parés qui s’aventure sur des terrains qui n’ont rien à voir avec Maradona et ce pour quoi sa mort suscite l’émotion actuelle.






"Cerf-volant cosmique ! De quelle planète viens-tu ?"

Viennent ensuite trois vignettes muettes. En effet, elles ne disent rien de rien. Ce sont trois caricatures signées par Sebastián Dufour, Alfredo Sábat (qui surfe sur la réputation méritée du défunt Hermenegildo Sábat) et Pablo Lobato, tous les trois dans La Nación.







Enfin, il y a ce dessin de Max Aguirre dont le message, il y en a un pour une fois, est assez ambigu. Il sent son mépris de classe d’assez loin tout en faisant semblant de rendre hommage au disparu. La légende exclut même de l’hommage cette classe dirigeante de droite dont La Nación est le journal préféré (ce qui est assez juste. Elle ne se sent pas concernée par ce deuil et Mauricio Macri, ancien président de Boca Juniors, ne s’est pas exprimé au moment où l’on dit adieu au joueur de ce club le plus reconnu dans le monde entier).


« Les dieux populaires emportent toujours leur boue à la semelle de leurs chaussures, comme les leurs »
Traduction (hélas très imparfaite) © Denise Anne Clavilier (1)

Tute pour sa part a fait dans La Nación, encore elle, une vignette au message si discret qu’il en devient difficile à entendre : un ballon shooté par un pied invisible caché dans le ciel, représenté comme un ensemble des différents éléments du drapeau national, à savoir ses deux couleurs, le bleu ciel et le blanc, et ce soleil, dont on ne voit que quelques rayons perçant derrière le gros nuage de beau temps… On dirait une bonne idée que le dessinateur n’a pas eu le temps ou pris la peine de développer jusqu’au bout. Bizarre !


Alors consolons-nous avec la vignette publiée ce matin sur le site de Página/12 par ce génie qu’est Miguel Rep : Maradona, façon célèbre quatuor anglais qui a lui aussi passablement abusé des produits narcotiques, portant successivement quatre de ses maillots emblématiques, celui de Argentinos Juniors (son premier club professionnel dans le quartier de Paternal à Buenos Aires, celui dont le président Alberto Fernández a revêtu le cercueil en venant s’incliner hier), puis le maillot de Boca Juniors, puis celui de Calcio Napoli et enfin le maillot des Albicelestes. Manque à l’appel celui du FCB, cette équipe de Barça, celle de la Barcelone riche, arrogante et bourgeoise qui n’a pas fait au titi faubourien argentin qu’était Maradona l’accueil qu’il aurait mérité…



En ce premier jour du deuil national, Víctor Hugo Morales est revenu sur le match mythique de Mexico qu’il avait si brillamment commenté.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller encore plus loin :

lire l’article de Página/12 sur Víctor Hugo
lire l’article de La Prensa sur le même sujet
lire l’article de Página/12 sur l’adieu des anciens de l’équipe des Cebollitas.



(1) Su gente : littéralement « les leurs », c’est-à-dire leur entourage, leur quartier, leur famille… Tout cela à la fois.