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mercredi 14 mai 2025

Le guerrier a enfin trouvé le repos – Pepe Mujica n’est plus [Actu]

Dans mon pays, quelle tristesse, titre Página/12
sur ce dessin de Daniel Paz
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Il y a un an, Pepe Mujica apprenait qu’il était atteint d’un cancer difficile à soigner dans les conditions de santé qui étaient les siennes. Il avait alors 88 ans. En janvier, il avait annoncé à des journalistes qu’il ne donnerait plus aucune interview et qu’il était mourant (il avait alors fait arrêter ses soins thérapeutiques, devenus inutiles et douloureux). Il avait dit ce jour-là que « le guerrier méritait son repos ». Dimanche, les Uruguayens se sont rendus aux urnes pour élire leurs maires. Seule sa femme a pu aller voter. Il était trop malade pour se déplacer. Le président Orsi, son successeur indirect et ami de militance, est alors allé le visiter chez lui. Ce soir-là, Orsi a annoncé qu’il avait trouvé Mujica au plus mal et bien entouré. Le lendemain, sa femme espérait publiquement qu’il allait pouvoir tenir jusqu’au 20 mai, le jour de son 90e anniversaire.

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Pepe Mujica n’aura pas pu aller jusque là. Il est décédé dans la nuit d’avant-hier à hier. L’Uruguay pleure depuis hier matin l’un de ses trois présidents de gauche, l’un des leaders moraux de la gauche sud-américaine, lui qui n’a jamais cessé ses activités d’horticulteur dans sa petite exploitation près de Montevideo et qui a mené sans discontinuer une vie très modeste, dans une maison minuscule, avec un pot-de-yaourt en guise de voiture.

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Il n’aura fait qu’un seul mandat, coincé entre les deux exercés par son compagnon Tabaré Vázquez, lui aussi décédé d’un cancer il y a quelques années. Venu de la lutte armée contre la dictature sous la guerre froide et de la prison politique pendant des années, Pepe Mujica aura été l’un des plus puissants champions de la démocratie et de l’État de droit dans sa pratique politique au pouvoir puis après la fin de son mandat. Une dignité exceptionnelle. Et c’est bien pour cela que les Uruguayens lui rendent hommage aujourd’hui.

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Son corps repose au Parlement. On attend l’arrivée de Lula qui rentre précipitamment de Pékin où il est allé rencontrer Xi après l’avoir croisé à Moscou près de son ami Vladimir…

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Après cette veillée funèbre d’État, Pepe Mujica sera inhumé dans son jardin, près de sa chienne Manuela, une bête qui fut plus qu’un animal de compagnie pour lui. L’Uruguay a mis ses drapeaux en berne.

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Mileí a failli ne pas réagir à ce décès. Il a fini par présenter des condoléances et il s’est contenté du minimum syndical. Un comportement grossier comme d’habitude.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
dans la presse uruguayenne :
lire le premier article de El País
lire le premier article de El Observador
lire le premier article de LR 21
lire le premier article de Grupo R Multimedio, du groupe La República
dans la presse argentine :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación

dimanche 7 mai 2023

Les Uruguayens ont béatifié le premier évêque de Montevideo. Là-bas aussi, il pleuvait [Actu]

Une du journal de la gauche militante
(en général assez peu confite en dévotion)
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Hier, samedi, dans le plus grand stade de la capitale, les Uruguayens ont célébré la béatification de monseigneur Jacinto Vera, le premier évêque de Montevideo, qui a été une figure pacificatrice après les affres de la guerre civile qui a ravagé le pays pendant la révolution indépendantiste et après.

Un peu d’histoire : tout le territoire qui correspond aujourd’hui à l’Uruguay a longtemps appartenu au gigantesque diocèse colonial de Buenos Aires, qui comprenait également toute l’actuelle province du même nom, une partie de la province de Entre-Ríos et toute celle de Corrientes, avec un évêque de Buenos Aires qui a été assassiné dans les premières années de la Révolution et qui n’a pas pu être remplacé puisque dans l’Ancien Régime, c’était le roi d’Espagne qui effectuait les nominations qui étaient ensuite envoyées à Rome pour que le Pape termine le travail avec les instruments de droit canoniques qui validaient la nomination. Il a donc fallu attendre que les indépendances soient déjà solidement établies pour que leur reconnaissance par le Saint-Siège, lui-même sous pression de l’Espagne pour les refuser, permette d’une part la redéfinition des territoires diocésains et d’autre part la nomination de nouveaux prélats en bonne et due forme. C’est ainsi que ce diocèse démesuré est resté privé de responsable de plein droit pendant une bonne vingtaine d’années. Et bien sûr, lorsqu’en 1830, l’Uruguay s’est formellement détaché de ce qui est aujourd’hui l’Argentine, il a fallu effectuer aussi la séparation canonique en créant un diocèse du côté oriental des Ríos Uruguay et de la Plata.

C’est ainsi que Jacinto Vera, né l’année de la toute première expression de la volonté d’indépendance orientale portée par les députés représentant la Banda Oriental à la Assemblea del Año XIII (1813), a reçu la charge du nouveau diocèse de Montevideo qu’il a tenue jusqu’à sa mort, survenue en 1881.

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Son lointain successeur, près de deux siècles plus tard, le premier cardinal uruguayen, monseigneur Daniel Sturla, élevé à la pourpre par François il y a quelques années, a donc présidé la cérémonie qui a réuni, au premier rang d’une nombreuse foule d’inconnus tout le gratin politique du pays.

Pour une fois, les rivalités et les oppositions partisanes se sont tues. Tout le monde était gentiment assis côte à côte et ils se sont tous salués avec courtoisie. Il faudrait porter au crédit du nouveau bienheureux : c’est une sorte de miracle.

L’événement est si important à l’est du Río de la Plata qu’il éclipse toute la « Royal pageantry » d’hier à Westminster et Buckingham Palace ! Autre bel exploit, reconnaissons-le.

En revanche, pas un mot dans la presse argentine.

Le cardinal Mario Poli, archevêque de Buenos Aires et primat d’Argentine, avait fait le voyage.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

vendredi 20 janvier 2023

C’est déjà carnaval à Montevideo [à l’affiche]

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Dans toute la capitale uruguayenne, c’est parti pour le candombe et la murga, les costumes excentriques et les explosions de couleurs dans l’atmosphère torride de l’été austral ! Au programme : défilés, musique, chansons… Et ça donne soif !

L'un des programmes de ce soir
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La fête de l’été a pris son départ hier avec un premier défilé à Montevideo dans Avenida 18 de Julio (date de l’indépendance, en 1830).


Hier à Montevideo : des joueurs de bombos (tambours traditionnels)
accordent leurs instruments en les chauffant à la flamme
Photo Diario La R Grupo Multimedio
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Pour ce premier week-end, la météo prévoit un ciel gris avec des éclaircies ensoleillées et des températures élevées. Le thermomètre devrait monter jusqu’à 32° aujourd’hui et demain.


Une participante hier Avenida 18 de Julio
Photo Diario La R Grupo Multimedio
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La presse et les services publics publient les horaires et tous les rendez-vous de cet important et très traditionnel événement populaire en Uruguay qui va durer une grande partie de l’été et des vacances.

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© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

jeudi 10 novembre 2022

Reconstitution du visage de José Gervasio Artigas [Actu]

"Artigas, le visage définitif", dit le gros titre
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José Gervasio Artigas est le Père de la patrie en Uruguay. Après le Précurseur de la Liberté, Francisco de Miranda (1750-1816), Artigas est le plus âgé des héros indépendantistes de l’Amérique du Sud. Il était né en 1764 à Montevideo. Il mourut très âgé en 1850, un mois après José de San Martín, près d’Asunción, au Paraguay, où il avait trouvé refuge, quarante ans plus tôt.

A titre de comparaison, Manuel Belgrano était né en 1770, José de San Martín et Bernardo O’Higgins en 1778 et Simón Bolívar en 1783.

La vie politique et militaire très mouvementée de José Artigas en fait un personnage à part dans le panthéon indépendantiste continental. Issu d’une famille de l’élite coloniale (point que sa légende laisse dans l’ombre), il avait commencé dans la vie comme grand patron agraire et contrebandier, une activité largement répandue dans les colonies où les règles du commerce étaient si défavorables aux producteurs coloniaux qu’ils mettaient un art consommé à les détourner. Une fois lancé le processus révolutionnaire à Buenos Aires, en mai 1810, Artigas prit d’abord le parti contre-révolutionnaire, fidèle en cela à l’esprit d’opposition à la capitale vice-royale qui régnait depuis longtemps sur la rive gauche du Río Uruguay, une opposition toujours bien vivante aujourd’hui. La Banda Oriental, le futur Uruguay, reprochait à Buenos Aires son attitude hégémonique envers les provinces de sa compétence territoriale, en particulier elle-même et le Paraguay, deux régions qui secouèrent le joug très rapidement.

Au bout de deux ans, Artigas bascula dans l’indépendantisme mais en refusant encore et toujours de se laisser dicter sa conduite politique par Buenos Aires.

Ayant servi brièvement sous les ordres de Manuel Belgrano, représentant de la politique centralisée à Buenos Aires considérée comme le seul centre de décision légitime, Artigas emprunta la voie fédéraliste dont il fut le premier leader et lança un processus d’indépendance rival de celui de la capitale, processus qui allait évoluer en une guerre civile acharnée qui ne s’achèverait à l’est du Río Uruguay qu’avec l’indépendance définitive de ce pays en 1830 et à l’ouest, donc sur le territoire argentin, avec la séparation administrative et politique entre la ville de Buenos Aires et la province homonyme, en juin 1880.

Définitivement défait par un corps expéditionnaire brésilien à Tacuárembo, dans le nord de l’actuel Uruguay, en 1820, il dut s’enfuir au Paraguay où il fut accueilli comme réfugié par le dictateur Gaspar Rodríguez de Francia (1760-1840), second chef d’État du Paraguay, qui lui imposa de s’abstenir désormais de toute activité politique. Le héros se retira donc dans un domaine agricole dont il tira sa subsistance et qu’il exploita jusqu’à son dernier jour. C’est là que furent établies les deux seules images connus prises de son vivant : un profil dessiné et un daguerréotype datant de la toute fin de sa vie qui montre un vieillard chenu, au nez busqué et au visage amaigri, qui se tient très droit.

Du côté sentimental, son existence fut aussi très mouvementée. Une liaison de dix ans avec une femme mariée dont il eu plusieurs enfants, au moins une autre maîtresse inconnue avec qui il eut aussi un enfant et enfin une épouse avec laquelle il se maria tardivement et dont il eut encore une descendance.

Le personnage n’en occupe pas moins une place monumentale dans la mythologie nationale uruguayenne. Ses restes, rapatriés dès 1855, reposent dans une urne magnifiquement ouvragée, récemment installée sous un dais d’honneur au Museo Histórico Nacional, à Montevideo. Ses statues sont partout dans le pays et un peu au-delà. Et toute cette iconographie picturale et monumentale repose sur un portrait réalisé en 1886 par la peintre Juan Manuel Blanes (1830-1901), qui s’est inspiré du croquis exécuté sur le vif au Paraguay.

Depuis, les techniques ont évolué et nous sommes aujourd’hui en mesure de réaliser des reconstitutions faciales que l’on sait être tout à fait fiables. C’est ce qui a récemment été entrepris à son sujet (le premier à avoir bénéficié de ces techniques n’est autre que Simón Bolívar, du vivant de Hugo Chávez).

Le résultat obtenu est très émouvant puisque le général apparaît sous un aspect très proche de l’iconographie traditionnelle. Ce n’était pas vraiment le cas de Bolívar dont les traits reconstitués différaient notablement de l’iconographie traditionnelle.

Le quotidien El País en faisait sa une ce matin, le seul des journaux nationaux uruguayens à s’y intéresser. Très étonnant, eu égard à l’immense stature du personnage historique !

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

mardi 27 septembre 2022

Un homme de l’opposition torpille la diplomatie uruguayenne pendant qu’un proche du président trafique des passeports au bénéfice de Russes [Actu]

En haut, juste sous le titre :
"Ukraine : un dirigeant du FA déclenche une réaction dure
à cause de son activité comme observateur des référendums"
Au centre, avec la photo (du jour de la prestation de serment) :
"Le parquet précise les chefs d'accusation contre le chef de la Sécurité"
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Hier, montrant une nouvelle fois que ses autorités sont remarquablement informées, l’Ukraine a dénoncé une huitaine de pays étrangers qui se sont impliquées dans les simulacres de référendum dans les oblasts ukrainiens partiellement occupés par les Russes. Parmi ces pays dont des ressortissants se trouvent dans les zones d'occupation en qualité de pseudo-observateurs des scrutins illégaux, il y a un détenteur de passeport uruguayen (1). Il s’agit d’un responsable du Frente Amplio, la formation uruguayenne qui rassemble toute la gauche du pays et qui a tenu pendant quinze ans la présidence du pays juste avant l’élection de Luis Lacalle Pou, l'actuel président de droite libérale. Cet homme jeune, qui arbore fièrement un fin collier de barbe, fait partie du comité des relations étrangères du FA. Il bénéfice actuellement d’un congé qu'il emploie à faire des études à Moscou d’où il s’est rendu en zone de guerre. Il a tenté de se justifier avec des déclarations qui relèvent soit d’un cynisme odieux soit d’une incompétence crasse.

Ce matin, le ministère des Affaires étrangères d’Uruguay a dû publier un communiqué tout ce qu’il y a de plus officiel pour se désolidariser publiquement de la démarche personnelle illégale effectuée dans un pays étranger par ce représentant de l’opposition. A l’ONU, à l’occasion de l’assemblée générale, le ministre a même réclamé très officiellement que la Russie se retire de l’Ukraine ; c’est sans doute la prise de position solennelle la plus nette de la part de ce pays depuis le début de l’attaque à grande échelle contre Kiyv, il y a sept mois. Il est vrai que tout récemment, à Samarcande puis à New-York, la Chine s’est clairement désolidarisée de la Russie, le gouvernement uruguayen n’a donc plus à craindre de mettre en danger ses négociations avec Beijing au sujet d’un prochain accord de libre-échange entre les deux pays. Depuis la dénonciation officielle, le personnel diplomatique et consulaire ukrainien a dû se démultiplier à Montevideo pour apaiser la situation.

Le gros titre dit : "Le parquet décide ce mardi
s'il inculpe ou non le chef des gardes du corps de Lacalle"
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Aujourd’hui, devant la gravité des faits, les réactions des opinions publiques dans le pays et hors de ses frontières et la crédibilité internationale désormais acquise par l’Ukraine, le Frente Amplio lâche son militant russophile.

Au même moment, alors que le monde entier a depuis une semaine les yeux fixés sur les files d’attente formées par les insoumis russes aux frontières de leur pays, un scandale inouï et connexe éclate à Montevideo : le chef de la sécurité du président Luis Lacalle Pou est compromis dans un trafic de faux papiers qui permettaient à des citoyens russes d’obtenir un passeport uruguayen ! Ce week-end, le garde du corps accompagnait le président à l’étranger pour un week-end de détente. Il a été arrêté hier à la descente de l’avion à la stupéfaction du chef de l’État qui assure qu’il ignorait tout (la stupéfaction se lit sur son visage).

"Des manœuvres de passeports impliquent
le chef des gardes du corps présidentiels", dit le gros titre
L'expression du président (photo) en dit long sur sa surprise
ou alors c'est un très bon acteur !
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Pourtant le bonhomme n’est pas blanc-bleu. De façon assez difficilement compréhensible pour une personne de confiance si proche d’un chef d’État, il accumule les antécédents délictueux : une vingtaine d’affaires louches qui l’impliquent ont pu être identifiées dans les archives policières et judiciaires uruguayennes. Voilà vingt-trois ans que ce type fait partie du personnel de la famille Lacalle qu’il avait commencé à servir en 1999 en qualité de chauffeur de maître.

Une instruction judiciaire est lancée. L’homme est en garde à vue et sera sans doute placé sous écrou sous peu.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

Sur l’incident dans le Donbass
lire l’article de El País (droite libérale)
lire l’article de El Observador
lire l’article de El Diario R/GrupoRmultimedio, ex-La República (Frente Amplio pro-Poutine)
lire l’article de La Nación (journal argentin de la droite libérale)
Sur le trafic des faux papiers

Ajout du 28 septembre 2022 :
Le Frente Amplio a préféré hier s’abstenir de prendre la moindre mesure contre ce directeur de son conseil des Affaires étrangères, parti faire des études à Moscou et envoyé par la Fédération de Russie pour légitimer son occupation du territoire ukrainien. L’organisation politique reste dans l’ambiguïté même si son président a affirmé que sa formation n’avait aucune responsabilité dans le rôle que le militant a joué dans la procédure russe en Ukraine. Il parle lui-même d’« invasion russe ».

Il y a un embarras visible dans le parti ! En revanche, pour taper sur le président et son garde du corps indélicat (et viré dès hier), ils répondent tous présents...
Pour aller plus loin :
lire l’article de El País
lire l’article de El Diario R/GrupoRmultimedio



(1) Outre l’Uruguay, les pays concernés sont la Russie (on n’est jamais mieux servi que par soi-même !), la Biélorussie, la Syrie, l’Égypte, le Brésil, le Venezuela, le Togo et l’Afrique du Sud. Rien que des pays crédibles pour fournir des observateurs impartiaux aux yeux de Poutine.

lundi 16 mai 2022

La première sainte uruguayenne, qui venait d’Italie [Actu]

Une religieuse prend en photo l'écran
au moment où le pape prononce la phrase rituelle en latin
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Hier, à Rome, sur une place Saint-Pierre où on n’aurait pas pu glisser une aiguille, le pape François a donné à l’Église universelle dix nouveaux saints (il a rattrapé le temps perdu pendant la pandémie). En France, on n’a parlé que de Charles de Foucauld. Mais en Uruguay, c’est une Piémontaise qui était à l’honneur : sainte Francisca Rubatto, née en 1844, près de Turin, et morte à Montevideo, en 1904, alors qu’elle venait de Gênes pour visiter l’un des couvents qu’elle avait fondés dans le nouveau monde.


L'info est traitée à droite, à mi-hauteur
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Franciscaine et disciple de saint Jean Bosco (comme il est connu en français), autre Italien dont l’œuvre (éducative) s’est abondamment répandue en Amérique du Sud, elle repose aujourd’hui dans la capitale uruguayenne, là où elle est décédée et où elle a été ensevelie, un couvent dont la chapelle est devenue un sanctuaire dédié à sa mémoire.


La sépulture de la sainte, près de l'autel du sanctuaire
où elle est vénérée
Image Archidiocèse de Montevideo
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Les Montévidéens ont dû se lever bien avant l’aurore pour assister en direct, soit de chez eux, soit au sanctuaire même, à la messe de canonisation qui a commencé à 9h50 à Rome.


La cellule de la sainte a été transformée en musée

C’est une grande fête pour l’archidiocèse de Montevideo et au-delà pour l’ensemble de l’Uruguay, y compris une partie de la population qui se détourne ordinairement de l’Église. El Diario La R. Digital en porte témoignage : l’information figure en titre secondaire à la une et une page entière lui est consacrée à l’intérieur. Le quotidien, anciennement La República, appartient pourtant à une gauche très fâchée avec ce courant de la tradition nationale.

En Argentine, La Prensa est le seul journal
à mettre l'info à la une mais c'est discret
(Au centre tout en bas)
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Le lieu du décès étant en droit canon celui qui détermine la compétence territoriale pour l’introduction de la cause en béatification et en canonisation, la nouvelle sainte est considérée comme uruguayenne et c’est la première fois qu’un diocèse de ce pays peut offrir à l’édification du peuple une personne canonisée. Pour un pays aussi attaché à la tradition catholique, cette élévation sur les autels revêt donc une grande importance patriotique, à tel point que le parlement rendra hommage demain à la toute neuve sainte.

Le Chambre des Représentants rendra hommage
à la sainte demain à 18h
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Le cardinal Daniel Sturla, archevêque de Montevideo et premier cardinal uruguayen, était à Rome pour concélébrer avec le Saint-Père, avec lequel il a de très bonnes relations personnelles.

La page de Diario La R. Digital de ce matin
En haut à droite, Daniel Sturla pendant la messe
de canonisation
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© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

en Argentine :
lire l’article de La Prensa (journal de la droite catholique)
lire l’article en ligne de Clarín (il ne figure pas dans l’édition imprimée)
lire l’article de La Nación
à Rome (service de presse du Saint-Siège) :
lire l’article en italien sur la sainte
lire l’article en espagnol

vendredi 21 janvier 2022

Un ex-jésuite uruguayen dénonce le double langage de l’Église catholique [Disques & Livres]

Me connaître m'a rendu libre, dit le titre
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Página/12 a choisi aujourd’hui de consacrer la une de son supplément de culture contestataire Soy (je suis) à un élu municipal de Montevideo, la capitale de l’Uruguay voisin (1). Avant de retrouver son actuel état laïc, l’homme a été jésuite et, à ce titre, il a vécu à Rome où il est allé faire des études de théologie. Dans la compagnie de Jésus, c’était donc un homme brillant auquel était promise une trajectoire intellectuellement des plus riches.

Homosexuel, il a pu constater que, dans la capitale du pape, son orientation sexuelle était largement partagée par de nombreux clercs réguliers et séculiers, tout comme, en français, Frédéric Martel l’a lui aussi décrit il y a plusieurs années dans Sodoma.

En août dernier, Julio Boffano a donc publié un ouvrage autobiographique où il assume son homosexualité et revendique sa liberté dans ce domaine. Comme Martel, il fait état des mêmes rendez-vous clandestins de la gare de Termini et d’autres anecdotes tout aussi sordides. Le livre est sorti chez Planeta Uruguay qui en propose les premières pages en lecture gratuite. Comme on peut l’imaginer aisément, Boffano dénonce, de l’intérieur cette fois (2), le double langage du magistère catholique sur la sexualité et la discordance entre l’écheveau de règles strictes et d’interdits de toutes sortes et les mœurs cachées de nombreux prélats et autres responsables de haut niveau qui sont, selon son témoignage, les premiers à les enfreindre.

Après le récent scandale chilien de pédo-criminalité qui a impliqué de près ou de loin tous les évêques du pays, dont les prédécesseurs étaient eux-mêmes fortement suspects de complicité avec la dictature de Pinochet, c’est un gros pavé dans la marre !

Une du supplément de Página/12
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Pourtant, cet ouvrage a beau avoir été soutenu par la municipalité de Montevideo, il n’a fait que très peu parler de lui dans la presse en Uruguay, comme ailleurs dans le monde hispano-américain. D’où cette mise en lumière brutale par un Página/12 de tradition anticléricale bien ancrée et qui s’attarde aussi aujourd’hui sur les soupçons pesant sur le pape émérite depuis la découverte il y a quelques jours de plusieurs crimes contre des mineurs dans le diocèse de Munich à l’époque où Benoît XVI en était l’archevêque.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 qui interviewe Julio Boffano
lire l’article de El País en date du 20 septembre 2021 (l’un des très rares quotidiens uruguayens à avoir abordé le sujet dans ses colonnes) : il y dénonce le silence qui règne sur ce thème en Uruguay tout en assurant que son cas n’y est pas une exception
lire la présentation de Planeta Uruguay (on peut acheter le livre directement sur le site, où les prix s’affichent en pesos uruguayens)
lire (et écouter) la présentation que Boffano a faite de son livre en septembre dernier sur le site de la Ville de Montevideo



(1) Dirigée par une maire du Frente Amplio (l’ensemble des partis de gauche), soutenue par le Parti Communiste uruguayen, dans un pays centralisé gouverné depuis deux ans à droite toute. La maire de Montevideo est une ancienne ministre des trois gouvernements successifs du Frente Amplio qui ont dirigé le pays pendant 15 ans jusqu’en 2019.

(2) Frédéric Martel, pour revenir à lui, est tout à fait extérieur à l’Église dont manifestement il connaît et comprend de manière très superficielle l’histoire (récente comme ancienne), les dogmes et les pratiques sacramentelles. Il fait ici et là d’énormes contresens.

jeudi 17 décembre 2020

Montevideo annule le carnaval 2021 [Actu]


L’Uruguay a longtemps fait l’envie de ses voisins car il avait pu éviter que l’épidémie fasse des ravages dans la population sans arrêter son économie ni imposer de confinement. Les écoles avaient continué à recevoir les élèves. Pourtant depuis quelques mois, la situation change et la maladie commence à devenir incontrôlable, un peu comme ce qu’il s’est passé en Suède.

Du coup, les mesures strictes arrivent en cascade : les frontières vont être fermées aux touristes pour les fêtes de fin d’année et des restrictions très fortes vont s’imposer pour les jours qui viennent pour tout ce qui est réunion privée et publique.

Photo Gastón Britos (Foco UY)

Dans ce cadre, la mairie de Montevideo vient de se résoudre à annuler le carnaval de la ville, un des temps forts de l’été sur tous les plans : c’est la fête, le tourisme, la consommation à gogo en pleine époque des vacances d’été…

De l’autre côté du fleuve, diverses provinces argentines ont déjà annoncé l’annulation des carnavals notamment le long du fleuve Uruguay, qui sert de frontière entre les deux pays.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

mercredi 16 décembre 2020

Grande fierté uruguayenne : Gonzalo Moratorio à l’honneur dans Nature [Actu]

La photo de la une est pour le docteur Moratorio !
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La revue scientifique Nature a publié hier sa liste des dix personnalités qui ont le plus fait avancer la science au cours de l’année. Parmi ces personnalités, on trouve la première ministre de Nouvelle-Zélande, la travailliste Jacinda Ardern, pour son action contre le covid-19, l’infectiologue états-unien Antony Faucy qui s’est battu pied à pied pour faire triompher les principes scientifiques dans un contexte politique pour le moins hostile et le directeur général de l’OMS.

On y trouve aussi un scientifique latino-américain, le virologue Gonzalo Moratorio, l’un des chercheurs de pointe de l’Institut Pasteur de Montevideo. Le docteur Moratorio est uruguayen et il a choisi de retourner dans son pays après un long séjour scientifique en France, ce qui n’est pas ultra-fréquent.


Sa présence dans la sélection de Nature lui a bien sûr valu les félicitations du président Luis Lacalle Pou et la une de plusieurs quotidiens dont El País et El Observador.

En revanche, il est pour le moins surprenant de ne pas trouver un seul mot sur ce sujet sur le site du quotidien de gauche La República.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :