lundi 27 septembre 2010

La Academia Nacional del Tango ramène sa fraise (1) sur Barrio de Tango [ici]

C’est avec beaucoup d’émotion à la fin du mois d’août dernier, en vacances à Buenos Aires, que j’ai appris que le Conseil d’Administration (Consejo Directivo) de la Academia Nacional del Tango avait décidé de me décerner le titre de Académica Correspondiente en París, pour soutenir mon travail de vulgarisation de la culture tanguera ici, en Europe francophone. Et c’est pourquoi à la mi-septembre, ceux d’entre vous qui visitent la Colonne de droite, ont vu apparaître, tout en bas, à côté de mon profil, le pierrot de Commedia dell’Arte, avec fraise et couvre-chef musicaux, du logo de cette institution nationale de droit public qui vient de fêter ses 20 ans d’existence (voir à ce propos mon article du 28 juin 2010).

La présentation de Luis Alposta, au début de la soirée (photo Vicky Alposta)

Le titre d’académicien correspondant se matérialise par une attestation écrite qu’on appelle diploma en Argentine, un grand papier de format A3 fait pour être encadré et exposé bien en vue, et, comme vous le savez si vous lisez régulièrement ce blog, il se remet généralement lors d’un Plenario, une séance académique, dirions-nous en français, lesquels Plenarios ont lieu les 1ers et 3èmes lundis de chaque mois, d’avril à décembre. Manque de chance pour moi, les dates de mon séjour ne permettaient pas de caler cette remise dans aucun des deux Plenarios du mois d’août. Exceptionnellement, cette cérémonie a donc eu lieu le jeudi 2 septembre, un jour de grand vent, de pluie, de froid (ce qu’on appelle là-bas la Sudestada) et de… grève du métro par-dessus le marché (2). Exceptionnellement aussi, Horacio Ferrer n’avait pas pu se rendre disponible (les vicissitudes vont toujours en groupe). Il faut dire que Monsieur le Président a un agenda de ministre et que, pour arriver à le voir, il faut parfois, pour ne pas dire souvent, viser avec beaucoup de précision même quand on passe à Buenos Aires plus de 3 semaines d’affilée… Ce fut donc Luis Alposta, en sa qualité d’Académico Titular (il occupe le fauteuil Tiempos Viejos, comme vous pouvez le constater à la page 129 de Barrio de Tango, le livre,s'entend), qui officia durant la brève cérémonie qui servit de conclusion à la présentation que je faisais précisément ce jour-là de ce livre et du présent blog. Qu’il en soit remercié ici et aussi pour tout ce que lui et sa femme, Vicky, ont fait, pendant ces trois semaines, pour me faciliter la vie et soutenir les présentations du livre, sur un rythme passablement soutenu.

No comment !

Retour sur images sur ce moment émouvant de mon séjour à Buenos Aires.

De gauche à droite : Luis Alposta, l'académicienne française, Walter Piazza et Héctor Negro, dans le couloir du Museo Mundial del Tango,
après la séance académique (photo Vicky Alposta et il y a aussi une photo avec elle)

Et parce que le week-end dernier, j'ai eu un choc violent en lisant sur Internet une contrevérité manifeste sur la Academia Nacional del Tango (3), alors qu’il ne m’était jamais venu à l’esprit que le caractère officiel et public de cette institution puisse être mis en doute par qui que ce soit, je vous présente ci-après, en version bilingue, les quelques extraits du décret 1235/1990 du Pouvoir Exécutif National argentin qui l’institue et la régit et dont tout un chacun peut prendre connaissance sur le site Web de l’ANT (le lien se trouve dans la rubrique Les Institutions, dans la partie inférieure de la Colonne de droite).

Las razones de su creación
(Extraído del Decreto del Poder Ejecutivo Nacional Nº 1235/1990)

“Que el Tango como arte musical, coreográfico, poético e interpretativo, lleva un siglo de vigencia inalterable como expresión auténtica y profunda del pueblo argentino.”
“Que esta vigencia creadora del Tango está en no menos de cincuenta mil (50.000) obras compuestas, editadas y estrenadas y que existen, desde fines del siglo XIX, más de cincuenta mil versiones grabadas de dichas obras en diversos soportes fonográficos, cinematográficos y de otro tipo en la República Argentina y en todo el mundo.”
“Que dicha creación del Tango ha representado, como pocas artes nacionales y desde principios de este siglo, a la República Argentina en todo el mundo.”
“Que es de toda justicia que el Estado le otorgue la significación que corresponde a esta manifestación cultural, ratificando el amor y la adhesión plena que nuestro pueblo naturalmente le concede.”

Les raisons de sa création
(extrait du Décret du Pouvoir Exécutif National n° 1235/1990

"Attendu que le Tango comme art musical, chorégraphique, poétique et comme art de l’interprétation compte un siècle d’existence inaltérable comme expression authentique et profonde du peuple argentin ;
"Attendu que cette existence créative du Tango se retrouve dans rien moins que cinquante mille (50 000) œuvres composées, éditées et créées et qu’il existe, depuis la fin du 19ème siècle, plus de cinquante mille versions enregistrées des dites œuvres sur différents supports phonographiques, cinématographiques et d’autre sorte dans la République Argentine et dans le monde entier ;
"Attendu que la dite création du Tango a représenté, comme l’ont fait peu d’arts nationaux et depuis le début de ce siècle, la République Argentine dans le monde entier ;
"Attendu qu’il est de toute justice que l’Etat octroie à cette manifestation culturelle la signification qui lui revient, en ratifiant l’amour et l’adhésion pleine et entière que notre peuple lui porte naturellement ;
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Los Fines
(Extraído del Decreto del Poder Ejecutivo Nacional Nº 1235/1990)

“Que dicho patrimonio artístico nacional debe ser recopilado, ordenado, estudiado y salvado definitivamente de toda posibilidad de pérdida o destrucción.”
“Que las tradiciones atesoradas por el tango deben ser preservadas, objeto de docencia, de estímulo a nuevas creaciones y ser definidas nacional e internacionalmente, todo ello de manera orgánica.”
“Que estos propósitos podrán se completa y finalmente satisfechos con la creación de la Academia Nacional del Tango de la República Argentina que podrá cumplir con estos y otros objetivos, dentro del régimen de funcionamiento fijado por los artículos 1, 2 y 3 del Decreto Ley Nº 4362 del 30 de noviembre de 1955 y sus modificaciones.”

Les fins [poursuivies]
(extrait du Décret du Pouvoir Exécutif National n° 1235/1990)

"Attendu que le dit patrimoine artistique national doit être collecté, ordonné, étudié et préservé définitivement de toute possibilité de déperdition ou de destruction ;
"Attendu que les traditions accumulées par le tango doivent être préservées, faire l’objet d’enseignement, de stimulation des créations nouvelles et être définies au niveau national et international, tout cela de manière organique ;
"Attendu que ces objectifs pourront être complètement et définitivement satisfaits par la création de l’Académie Nationale du Tango de la République Argentine qui pourra remplir ces objectifs et d’autres, dans le cadre du régime de fonctionnement fixé par les articles 1, 2 et 3 du Décret Loi n° 4362 du 30 novembre 1955 et ses amendements ;
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Le 30 août avec Rodolfo Ghezzi, le tout récent Académico Correspondiente en Madrid (Plenario du 16 août 2010),
près du bandonéon de Troilo, couloir du Museo Mundial del Tango (photo Walter Piazza)
à l'issue de la préparation de la soirée du 2 septembre avec Walter Piazza

(1) à l’intention des lecteurs non francophones : "ramener sa fraise", ici, est un jeu de mot. L’expression argotique "ramener sa fraise" veut dire "arriver", "venir". La "fraise" est ici synonyme de "visage" et elle fait, en l’occurrence, office de métonymie en désignant la personne elle-même. Mais la fraise, en matière de costume, c’est aussi ce col particulier qui se portait à la Renaissance et qu’arbore encore le Pierrot de Commedia dell’Arte finissante du 18ème siècle, dessiné par le fileteador Jorge Muscia, à qui l’on doit ce logo de la Academia Nacional del Tango, avec ce personnage mélancolique, amoureux naïf et dédaigné par Columbine, archétypes dans lesquels on peut reconnaître aussi l’ouvrier délaissé qui dit "je" dans tant de letras des débuts du tango-canción et la coquette qu’il aime sans en être aimée, qui apparaît dans les tangos sous la figure de la milonguera, de la mina, de la paica, bref de celle qui l’a quitté pour un riche amant ou pour une carrière en trompe-l’œil d’entraîneuse de cabaret. Et si vous regardez bien le dessin du logo, vous remarquerez que le col et le chapeau sont deux bandonéons déployés… Il fallait le faire, tout de même !
(2) La grève, surprise, a duré toute la journée et bloqué toute la ligne A pendant toute la durée du service. Or la ligne A est précisément celle qui dessert la Academia !!!!! Ajoutez à cela qu’une vague de grippe avait cloué au lit tout au long de la semaine et les uns derrière les autres 90% des amis que j’ai là-bas. Moi-même, j’en étais sortie à grand-peine la veille (j’avais passé le week-end au fond de mon lit… à dormir). Une invraisemblable Bérésina, rattrapée par l’humour de Luis et Vicky Alposta, Walter Piazza, Héctor Negro ou Pepe Kokubu (dont je garde la photo par-devers moi pour d'autres usages....), la sollicitude de Pablo Marasco, le flûtiste de La Biyuya, échappé de la bibliothèque au-dessus, et une invraisemblable rencontre avec un ami parisien égaré au beau milieu de Buenos Aires, entre autres témoins amicaux de cette présentation que la furie des éléments n’a finalement pas réussi à faire échouer…
(3) L'erreur, faite de bonne foi, a depuis été dument et très rapidement corrigée. Ce qui méritait d'être dit. On aimerait que les journalistes, par exemple, si nombreux à dire ou à écrire tant d'âneries sur le tango, soient aussi prompts à revenir sur leurs affirmations hasardeuses.