vendredi 17 mai 2024

Un petit tour chez les franquistes espagnols aux frais de la princesse [Actu]

Caricature signée Alfredo Sábat, parue ce matin dans Clarín
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Hier après-midi, abandonnant les affaires d’État en suspens, toujours incapable de bâtir un consensus parlementaire sur ses réformes, Javier Mileí s’est envolé pour Madrid à bord d’un avion de la flotte présidentielle afin d’assister à un meeting électoral du parti franquiste et anti-européen Vox, fruit d’un schisme récent au sein de la droite constitutionnelle, le Partido Popular.

Mileí qui prétend se rapprocher de l’Union européenne contre l’UNASUR, dont il veut retirer l’Argentine, et qui voudrait que son pays intègre l’OTAN (sic) va donc participer à un meeting où les institutions de l’Union vont se voir copieusement conspuer et qui va appeler les Espagnols à lutter contre toute cette « perte » de « souveraineté », que symboliserait le drapeau azur à ronde étoilée, et de « grandeur » de je ne sais quelle Espagne « fidèle au Christ », allant des Rois catholiques au Généralissime. Toute cette démarche miléienne est incohérente au dernier degré mais cela semble le cadet des soucis du président argentin. Pour une raison dont j’ignore les tenants et les aboutissants, Meloni et Orban, qui étaient invités, se seraient décommandés. Mileí devrait donc être le seul chef d’Exécutif étranger présent à ce rassemblement de la campagne pour l’élection du Parlement européen. Président en fonction d’un pays d’Amérique du Sud, il se mêle donc de ce qui ne le regarde pas.

En haut, la photo de Abascal sur fond de drapeaux espagnols
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Le 10 décembre à Buenos Aires, Santiago Abascal, le président de Vox, était la seule personnalité politique espagnole présente à l’investiture de Mileí. A côté de Bolsonaro, il était d’ailleurs en « charmante compagnie ».

Mileí doit aussi profiter de ce séjour, qui se poursuivra jusqu’à dimanche inclus, pour présenter, avant Buenos Aires, son nouveau livre dont Planeta a pourtant retiré du marché l’édition espagnole à la suite du scandale déclenché par le rabat de l’ouvrage qui présentait des informations biographiques mensongères (Mileí usurpait certains titres universitaires).

En haut, à droite de la vignette de Paz et Rudy,
le titre de l'article sur le voyage "présidentiel"
avec cette photo de Mileí dans le couloir d'embarquement
"Le chemin du libertaire sans photo avec les mandataires",
dit le titre de l'article
Le gros titre est consacré à la chute vertigineuse
de l'économie argentine (production et consommation)
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Présenté comme un voyage du président ès qualité, ce séjour en Espagne ne comporte aucun rendez-vous avec aucune des autorités constituées du pays. Quelle indélicatesse diplomatique ! Mileí ne verra ni Pedro Sánchez, qu’il méprise et qu’il hait peut-être aussi, ni le roi (qu’il ne doit pas avoir en très haute estime) ni aucun ministre ou parlementaire espagnol. Il ne verra que l’ambassadeur argentin ! C’est bien maigre pour un déplacement aussi lointain et supposé revêtu d’un caractère officiel, surtout lorsque l’on considère que c’est au moins la troisième fois en six mois que Mileí se permet ainsi, sur le trésor public, d’aller se balader dans le monde sans aucun enjeu diplomatique, pour le seul plaisir de cultiver, à l’étranger, ses engagements idéologiques personnels ultra-capitalistes, anti-sociaux et passablement anti-démocratiques, et de s’adonner complaisamment, en compagnie de sa frangine, au culte de soi (il a déjà reçu, notamment aux États-Unis, des prix décernés par des institutions privées confidentielles qui semblent avant tout à se servir de sa vanité pour développer leur notoriété).

Et pourtant, il paraît que « no hay plata » (il n’y a pas d’argent).

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de La Nación
lire l’éditorial de La Nación qui s’intéresse aux questionnements de la presse états-unienne sur la conduite à tenir pour rester fidèle à la démocratie devant le risque de réélection de Trump et qui prend visiblement ces réflexions pour les siennes devant un président argentin dont le comportement apparaît de plus en plus comme dangereux pour l’ordre démocratique.
Clarín a lui aussi fait un article mais sur le site du journal, il est réservé aux abonnés.

jeudi 16 mai 2024

Des largesses pour la UBA et elle seule [Actu]

"La liberté haineuse", dit le gros titre
sur cette photo d'une lettre de menace anonyme :
"La prison ou une balle. Nous savons où te trouver. VLLC"
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Le gouvernement a lâché du lest pour maintenir en activité l’Université de Buenos Aires (UBA), la première université argentine dans les classements internationaux. Son budget pour cette année vient d’être réévalué de 300 %, ce qui devrait lui permettre de reconduire ses activités de l’année dernière (c’est à peu près le taux de l’inflation annuelle).

En photo : l'attentat contre Robert Fico en Slovaquie
En bas, à droite : "Des fonds sont envoyés à la seule UBA.
Les autres universités vont s'adresser à la justice"
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Dans le but à peine dissimulé de diviser pour mieux régner, le gouvernement n’accorde rien aux autres universités nationales. Sans doute espère-t-il ainsi casser l’unité syndicale et extra-syndicale qui relie entre eux la grande majorité des universitaires et des étudiants du pays pour réclamer des fonds de fonctionnement pour leurs établissements.

La une de Página/12 porte sur un nouveau revers
politique de Mileí. Son "Pacte de Mai" qu'il voulait
signer avec les gouverneurs le 25 mai, jour de la fête nationale,
à Córdoba (là où est planté la pointe), ne reçoit l'appui de personne.
D'où ce titre : "Une cérémonie sans pacte"
Notons que le choix de Córdoba pour cette première fête
nationale, en souvenir de la révolution contre l'Ancien Régime,
est symboliquement lourd de sens : Córdoba est la ville d'où est partie
la tentative de contre-révolution dès le début de juin 1810.
En haut à droite : "Il y a de l'argent, mais seulement pour la UBA"
une reprise de la réponse répétitive du gouvernement pour tout refuser :
"No hay plata - Il n'y a pas d'argent"
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Pour l’instant, cette manœuvre ne marche pas : la UBA lève les mesures prises quand son budget 2024 a été épuisé il y a quelques semaines mais ses autorités disent haut et fort qu’elles resteront solidaires des autres universités nationales du pays.

En bas, à gauche : Fin du conflit à la UBA
La photo principale est destinée à appuyer
la complainte de la rédaction qui se plaint
de l'état de sa rue la nuit (ce serait un coupe-gorge)
Je connais  très bien l'endroit mais de jour.
Vu de nuit ainsi, ce n'est en effet pas très rassurant
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Toute la presse se fait l’écho ce matin de cette entourloupe et personne n’en est dupe. Cette analyse s’affiche même à la une de Clarín, dans un des titres secondaires.

En bas à droite : La UBA met fin à
son état d'urgence budgétaire
La principale photo est aussi pour
la terrible actualité slovaque
La une a été bouclée très tôt dans la nuit
car il y a un bon moment maintenant
que l'on sait que Fico survivra à l'attentat
or le titre le dit encore "agonisant"
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Prochain chapitre : le CIN, l’organisme qui rassemble les universités nationales, se porte en référé devant les tribunaux contre le ministère.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Rosario/12 sur des menaces de mort reçues par des étudiants et des enseignants du supérieur et signées LLAC (initiales du grossier slogan de campagne de Mileí qui reste son cri de ralliement qu’il inscrit dans les livres d’or, en Argentine comme à l’étranger). Le signataire de ces missives semble vouloir intimider les destinataires et leur faire renoncer à leurs revendications

Une du 17 mai 2024
"Un problème de distribution", dit le gros titre
en forme d'énoncé d'exercice de calcul
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Ajouts du 17 mai 2024 :
lire cet article de Página/12 sur les réactions des universitaires au privilège obtenu par la UBA
lire cet article de Buenos Aires/12 sur les réactions à la Universidad Nacional de La Plata (UNLP), une des universités majeures d’Argentine
lire cet article de Rosario/12 sur les réactions à Rosario, dont l’université jouit elle aussi de quelque prestige.

mercredi 15 mai 2024

Mileí se rêve en réincarnation de Menem [Actu]

Zulemita Menem pose à côté du président Mileí
devant le buste de son père
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Il n’est pas rare qu’un président installe dans la salle des bustes de la Casa Rosada une effigie de l’un de ses prédécesseurs. Cristina Kirchner avait ainsi inauguré un buste de Raúl Alfonsín, un président radical (donc adversaire traditionnel des péronistes à l’intérieur du camp des nationalistes à dimension sociale), le président du retour à la démocratie en 1983, puis un autre de son mari, qui l’avait précédée à la magistrature suprême et qui est décédé quelques mois après lui avoir transmis le pouvoir.

Ni Mauricio Macri (cancre en histoire) ni Alberto Fernández (qui n’a pas eu le temps) n’avaient enrichi cette galerie. Mileí vient de le faire avec un buste [assez laid, il faut bien avouer] de Carlos Menem, le président de la décennie 1990-1999, qui mena, sans solution de continuité, une politique économique délirante, ultra-libérale au-delà du pensable alors (Mileí le dépasse maintenant). C’est lui qui décréta l’intenable parité entre le dollar US et le peso argentin, laquelle a tout droit conduit l’Argentine dans la faillite générale de décembre 2001 dont le pays se relevait à peine à la fin du second mandat de Cristina Kirchner, juste avant que Macri casse tout avec sa politique aussi favorable au grand patronat que défavorable aux secteurs vulnérables de la population. Ensuite, cela a été le cercle vicieux : la dette démesurée contractée sous Macri auprès du FMI puis, sous Alberto Fernández, le Covid qui a donné le coup de grâce à une économie déjà très fragilisée.

"La pire réjouissance", dit le gros titre
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Côté droits de l’homme, Menem a aussi laissé le souvenir d’une indulgence pour le moins ambiguë envers les bourreaux de la dictature militaire qui, sous son mandat, ont bénéficié de grâces incompréhensibles qui ont, de plus, compliqué les poursuites ultérieures, lorsque Néstor Kirchner a fait repartir, en 2003, les procédures judiciaires contre les responsables des crimes contre l’humanité et relancé la recherche des bébés volés, aujourd’hui quarantenaires. Mileí marche dans le pas de Menem et il en est fier.

Enfin, et c’est la plus énorme des contradictions chez Mileí, Menem est mort sous le coup d’une accusation grave : il était poursuivi pour complicité active avec le commando syro-libanais (pour autant qu’on ait pu reconstituer sa composition) qui aurait commis l’attentat contre l’AMIA, une institution majeure qui rend les services à la fois d’une mutuelle confessionnelle et d’un consistoire israélite national. En plein hiver, l’attentat avait fait 300 blessés et 85 morts dans la rue Pasteur, à Buenos Aires, en plein centre-ville. Bien entendu, la mort de Menem, alors que l’instruction n’était pas close, a éteint l’action publique. Juridiquement, il reste donc à jamais innocent. Cette admiration pour un tel bonhomme n’en reste pas moins très étonnante de la part du pro-israélien inconditionnel qu’est Javier Mileí, lui qui vient faire voter à l’ONU contre l’attribution d’un siège à l’État palestinien (État en devenir puisqu’il n’a encore ni territoire unifié ni pouvoirs publics reconnus par ses propres ressortissants), contre une très longue tradition argentine plutôt favorable aux Palestiniens et méfiante envers la politique de la droite israélienne. Mileín qui prétend couler sa diplomatie dans celle de Netanyahu et celle de l’Oncle San (ce qui constitue déjà un sacré grand écart), ne voit rien à redire à l’indulgence que semblait nourir Menem pour les formations politiques islamistes qui foisonnaient déjà en 1994 dans le pays de ses ancêtres (les Menem sont des Turcos, un terme qui en Argentine désigne des descendants d’arabes, musulmans ou chrétiens, originaires de la côte orientale de la Méditerranée, appartenant alors à l’empire ottoman). Cela nous en dit long sur son absence totale de considération pour quoi que ce soit d’autre que l’économie et le profit sonnant et trébuchant.

En haut : Retour [au taux d'inflation] à un chiffre
En bas : Carlos le Grand
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Devant une Zulema rayonnante, la fille chérie de Carlos Menem, Mileí a prononcé l’éloge de son lointain prédécesseur et déclaré qu’il avait été « le meilleur président que l’Argentine ait connu au cours des quarante dernières années ». On voit donc où il veut mener son pays et il semble en bonne voie d’y parvenir. Le pays flirte déjà avec la catastrophe et ne se relèvera pas de sitôt de l’abandon de tout le secteur non-marchand : éducation, recherche, culture, santé.

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Or il y a là une chose qui différencie Mileí et Menem : ce dernier avait en effet soutenu, à tort et à raison, le secteur de la culture et notamment le spectacle vivant (le tango sous toutes ses formes s’en souvient encore !). Menem avait mené une intelligente stratégie de soft-power et de rayonnement à l’étranger, un domaine de la diplomatie où l’Argentine n’a jamais vraiment su briller malgré son capital considérable en la matière. La faute de Menem aura été d’avoir financé tout _ça en faisant de la cavalerie, ce dont les Argentins ont fini par payer le prix exorbitant à partir de Noël 2001.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

L’inflation est revenue à son niveau d’octobre mais sans consommation [Actu

Synthèse générale des données sur l'inflation en avril
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Hier, l’INDEC a publié ses deux rapports mensuels, sur l’inflation du mois mesurée à l’aide d’un relevé de prix très large effectué dans tout le pays sur les dépenses courantes des ménages et sur les seuils de pauvreté et d’indigence, mesurés à Buenos Aires et dans sa région, à travers deux paniers, l’un composé de produits alimentaires et de services de base, l’autre sans les services.

Synthèse des variations géographiques
et temporelles de l'inflation
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Depuis trois mois, on constate que l’inflation ralentit. Elle frôle toujours les 300 % l’an mais les taux mensuels baissent bel et bien de mois en mois. Le gouvernement s’en félicite non sans cynisme puisque cette baisse des taux ne s’expliquent que par la chute cosidérable de la demande : les gens n’ont plus de sous, ils ne consomment donc plus et par conséquent, les commerçants baissent leurs prix pour arriver à travailler. Quand l’inflation d’avril serait, en moyenne générale nationale, de 8,8 % (contre 8,2 % en octobre, au moment du second tour de la présidentielle), la consommation des ménages aurait baissé d’environ 40 % depuis le début de l’année !

Synthèse des variations régionales
pour l'inflation du mois d'avril
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Quant au seuil de pauvreté, il faut maintenant des revenus de près d’un million de pesos (828 158 $ ARG) pour qu’une famille de quatre personnes s’en sorte. Il y a beaucoup de gouvernements qui garderaient un profil bas devant des résultats aussi catastrophiques pour leur population et l’équilibre social dans leur pays. Mileí n’a pas cette décence.

Synthèse des données d'avril
sur les seuils de pauvreté et d'indigence
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© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de La Nación
consulter le rapport complet de l’INDEC (téléchargeable en format pdf)
sur le seuil de pauvreté :

Ajout du 16 mai 2024 :
lire cet article de La Nación sur la baisse spectaculaire de la consommation de viande, vue du point de vue des éleveurs bovins.


Ajouts du 17 mai 2024 :

lire cet article de Página/12 sur l’ampleur de la récession, plus étendue que celles de 2001 (héritage de Menem) et de 2019 (présidence de Macri)
lire cet article de La Prensa sur la baisse de la consommation de viande
lire cet article de Clarín sur la baisse des ventes dans les boulangeries
lire cet article de Clarín sur les flatteries auxquelles Daniel Scoli s’abaisse pour se placer dans les petits papiers du président : il prétend que celui-ci mérite le prix Nobel d’économie pour toutes les réformes qu’il a déjà réalisées en six mois (Scoli a gouverné et servi dans les rangs péronistes, sous l’autorité de Néstor et Cristina Kirchner puis de Alberto Fernández pendant une vingtaine d’années avant de se précipiter à la soupe auprès de Mileí en décembre dernier)
lire l’article de La Nación sur les déclarations délirantes de Scioli

mardi 14 mai 2024

A Cannes, Thierry Frémaux déplore la situation du cinéma en Argentine [ici]

Du bruit sur la Croisette, dit le gros titre
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Ce matin, toute la presse argentine se fait l’écho des propos du délégué-général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, qui, hier, s’est publiquement solidarisé avec le secteur cinématographique argentin, privé de soutien institutionnel et de subvention publique.

En substance, le Français a déclaré que cette politique constituait une erreur parce que le cinéma, l’art, la culture sont des armes patriotiques, des armes de défense, des armes qui mettent en valeur l’esprit d’un pays et d’un peuple et enfin qu’ils constituent aussi une arme économique.

Página/12 appuie fortement sur cette déclaration qu’il cite avec gourmandise tandis que les journaux de droite sont plus discrets sur cette question, préférant s’étendre sur le programme du festival et mentionner les rumeurs peu ragoûtantes qui, depuis ce week-end, annoncent des scandales retentissants sur fond d’enquête que le journal concerné dément.

Cette déclaration de Thierry Frémaux est d’autant plus appréciée par le monde de la culture qui s’oppose à la politique de Mileí que le délégué général du festival souligne par ailleurs le retour en forme du 7e Art au Brésil alors que la politique de gauche de Lula commence à donner ses fruits après la destruction du secteur culturel sous la présidence violente, mensongère et ignare de Bolsonaro.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :


Ajout du 15 mai 2024 :

Ventes en berne à la Feria del Libro [Actu]


D’après la presse, la Feria del Libro a souffert cette année d’une chute sensible de l’affluence (l’entrée était payante la plupart du temps) et d’une chute non moins spectaculaire des ventes. Les différents exposants reconnaissent une baisse de 15 à 40 % de leurs ventes pendant le salon et l’imputent sans une seconde d’hésitation à l’appauvrissement général des classes moyennes, qui forment le gros de la clientèle des librairies et de la manifestation.

Hier, pour la dernière journée d’ouverture des portes, certains stands proposaient jusqu’à 25 % de réduction sur les livres restants.

Un certain nombre d’observateurs attribuent d’ailleurs à cet écroulement du pouvoir d’achat le ralentissement de l’inflation qui depuis trois mois est revenue aux alentours des 10 % mensuels. Devant les signes de faiblesse de la demande, les commerçants baissent leurs prix pour écouler la marchandise et faire rentrer de l’argent dans la caisse. Le gouvernement se vante d’être sur le point de vaincre l’inflation mais ces rodomontades ne convainquent pas ni les analystes ni les journalistes. En revanche, il est possible qu’une partie de l’opinion publique y soit sensible puisque les sondages montrent encore une popularité certaine pour le président Mileí, ce qui laissent bouche bée les éditorialistes et les politologues, même de droite, eu égard aux dégâts sociaux que l’espace public laisse apparents, dans les commerces, dans la rue, dans les files d’attente des services sociaux survivants, dans le succès des manifestations, etc.

Dans la journée, l’INDEC doit publier ses données pour le mois d’avril. Avec le décalage horaire, je regarderai cela demain matin.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lundi 13 mai 2024

L’Argentine commémore le cinquantième anniversaire de l’assassinat du Padre Mugica [Actu]

Au second plan, en noir et blanc,
une photo du père Mugica en prière
Au premier plan, l'archevêque de Buenos Aires
en pleine homélie
"L'option pour les pauvres", dit le gros titre
Cette option caractérise toute une mouvance
sacerdotale en Argentine
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C’était hier le cinquantième anniversaire de la mort d’une figure solaire de la lutte sociale en Argentine : le père Carlos Mugica, un prêtre diocésain qui considéra que sa mission était auprès des plus pauvres, qui lutta contre le système de corruption et de privilège de classe qui entretenait et entretient toujours la misère dans le pays et qui paya de sa vie cet engagement dans les valeurs sociales de l’Evangile, en tournant le dos à la bienfaisance dans laquelle quelques riches, peut-être généreux, pensent faire leur salut individuel. Lui avait aussi une conscience politique qui guidait son analyse du monde qui l’entourait et c’est sans doute ce qui ne lui a pas été pardonné.

Hier, l’archevêque de Buenos Aires et une grande suite de prêtres et d’évêques ont célébré à sa mémoire une grande messe au Luna Park, le palais des sports de Buenos Aires dont l’Église catholique est justement la propriétaire (peut-être pas pour longtemps encore puisque des rumeurs de vente circulent). La cathédrale, qui n’est pas loin, est une petite église, bâtie à la taille de la Buenos Aires du 18e siècle : elle ne saurait accueillir la grande foule d’hier.

A peu près la même photo en une de La Prensa
avec ce gros titre : "en terminer avec la division"
En bas la version moscovite de l'effondrement
d'un immeuble à Belgorod
(les analystes qui travaillent en OSINT analysent
que l'explosion s'est produite à l'intérieur du bâtiment,
elle ne peut donc pas être attribuée aux Ukrainiens,
ni directement ni indirectement,
comme le prétend le Kremlin).
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Le primat d’Argentine, qui avait reçu le soutien du pape dont il a lu la missive en chaire, a fait une homélie très dure envers la société argentine incapable de se sortir des bourbiers dans lesquels elle se débattait déjà il y un demi-siècle et contre les gouvernements successifs qui déconstruisent systématiquement les politiques sociales mises en place par leurs prédécesseurs, ce qui ne permet jamais aux pauvres de bénéficier d’un effet cumulatif de long terme. Sans parler de la stratégie de la haine que déploie l’actuel président pour cacher sans doute l’inanité ou la perversité de ses projets.

Et il est vrai que cette capacité qu’a l’Argentine à reproduire sans cesse les mêmes erreurs est assez peu encourageant...

Cette commémoration a été amplement suivie par Página/12, qui en a fait sa une du jour, tandis que les trois titres de droite font le minimum syndical, y compris et surtout La Prensa qui semble s’être pincé le nez pour produire ce petit entrefilet indigent, tout à fait indigne de la figure du martyr que fut Carlos Mugica.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

samedi 11 mai 2024

Les Argentins mis en danger par leur gouvernement : grave accident ferroviaire à Buenos Aires [Actu]

"C'est un miracle que nous soyons en vie",
dit le gros titre
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Un grave accident de chemin de fer s’est produit hier peu après 10h du matin sur un pont qui traverse une importante artère du quartier de Palermo, dans le nord de Buenos Aires. Selon les premières informations, l’accident est dû à un vol de câbles qui ne date pas d’hier et au fait que ces câbles n’ont pas été remplacés, faute de budget (le gouvernement a presque complètement arrêté de financier les services publics de transport, en vue de tout privatiser). Depuis ce vol, il n’y a plus de signalisation automatique et les ordres de circulation sont donnés manuellement et oralement. Au moment de la collision, il y avait sur la voie un wagon technique dont la vitesse a peut-être été mal évaluée par le contrôleur en charge du secteur.

Le choc a fait une centaine de blessés (les chiffres varient selon les journaux) et il y a eu 53 hospitalisations, pour des blessures qu’on dit « légères » mais il y aurait tout de même au moins une fracture crânienne (ce qui n’est pas vraiment léger). La justice a ouvert une enquête.

"Vol de câbles et panne de signalisation : les causes
de la collision ferroviaire", dit le gros titre
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Au début du mandat, Mileí a jeté à la rue 150 salariés des chemins de fer nationaux qui avaient alors alerté sur la grave détérioration de la sécurité que ces départs faisaient peser sur le système ferroviaire.

Aujourd’hui, le gouvernement profite cyniquement de l’accident pour dénoncer la mauvaise gestion de l’État, qui serait de toute manière un mauvais administrateur d’entreprise (son credo tatcherien), et fait la promotion du projet de privatisation contenu dans le nouveau méga-projet de loi que le Sénat vient de rejeter. Un peu comme Poutine qui provoque la guerre partout à ses frontières et qui fait mine de s’étonner de l’hostilité des pays limitrophes contre lui et contre la Russie.

"On soupçonne une panne de la signalisation :
90 blessés dans la collision ferroviaire à Palermo"',
dit le gros titre
Au-dessus : des nouvelles de M'Bappé !
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Même les journaux de droite évitent de tomber dans le piège ce matin à Buenos Aires. Il se peut que tout le monde ait gardé en mémoire le fait qu’en Grande-Bretagne, la privatisation du train par Margaret Thatcher avait entraîné une importante détérioration du service, avec une cascade d’accidents et de retards en série, le tout accompagné d’une forte augmentation des tarifs.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

vendredi 10 mai 2024

Tango + Tango, trois jours à fond à Hasta Trilce [à l’affiche]

L'affiche générale avec tous les soutiens économiques
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Dans le quartier de Almagro, dans le centre de Buenos Aires, le café Hasta Trilce, Maza 177, propose du 10 au 12 mai 2024 trois jours d’une programmation tango très complète et centrée sur le tango contemporain, underground, et ses problématiques actuelles.

Présentation du festival pour les candidats musiciens
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Il y aura de tout : danse, musique, tables-rondes et beaucoup de politique pour défense le secteur du tango et au-delà, la vie culturelle du pays, sérieusement menacée par les annonces du gouvernement, bien décidé à abandonner dans les grandes largeurs le financement de cette partie du secteur non-marchand. Les artistes participant ont présenté leur candidature au comité organisateur sur la base d’un cahier des charges.

Présentation du festival côté danse
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Ce soir, le festival commence à 18h et se termine largement après minuit, comme demain. Dimanche, on commence à 17h.

On peut boire un verre et dîner à partir de 18h sur place.

© Denise Anne Clavilier
www.barrio-de-tango.blogspot.com


Pour aller plus loin :

visiter le site Internet de Hasta Trilce

Le succès incontestable de la grève générale laisse le gouvernement de marbre [Actu]

Le pays à l'arrêt, dit le gros titre
sur cette photo de la 9 de Julio, la plus grosse artère de Buenos Aires,
d'ordinaire la circulation y est infernale !
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Hier, la plupart des transports en commun était à l’arrêt partout dans le pays et la majorité des commerce et des entreprises est resté fermée. La presse de droite fait des pieds et des mains pour éviter de le reconnaître.


"Des pertes énormes à cause de la grève sauvage", dit le gros tire
Cette grève générale n'avait rien de sauvage.
Le préavis a été publié il y a plusieurs semaines
La Prensa, fidèle à sa tradition de droite,
se tient toujours prête à considérer
l'abolition du droit de grève.
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Pour Mileí et son gouvernement, c’est business as usual. Comme si de rien n’était, sauf pour Patricia Bullrich qui s’efforce de menacer le plus de monde possible de rétorsions en tout genre.

"La grève s'est fait fortement ressentir mais
des commerces ont ouvert et il y avait beaucoup
de monde dans la rue", dit le gros titre
qui préfère montrer le sauvetage d'un cheval
menacé par les inondations au sud du Brésil
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Quant à la sœur du président, Karina Mileí, qui n’est pas élue, elle est en train de prendre le pouvoir. C’est elle qui a présidé la dernière réunion du gouvernement alors qu’elle est secrétaire-générale de la Présidence, ce qui est déjà une entorse aux bonnes mœurs démocratiques puisqu’il existait avant la prise de fonction de Mileí un décret interdisant aux élus de nommer les membres de leur famille à ces postes de l’appareil gouvernemental. Pourtant, le gouvernement vient d’échouer à faire voter par le Sénat sa loi dite de Bases, la nouvelle tentative de tout casser dans le pays.

"La grève a été très suivie à en croire
le manque de transport mais il y a eu de l'activité",
dit le gros titre sur cette double photo
de la gare principale de Buenos Aires en haut
et l'entrée d'une petite galerie commerciale en banlieue sud
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Les photos ne laissent aucun doute quant à la paralysie du pays. Les reportages des journalistes étrangers sont sur la même ligne.

Comme c’est de plus en plus souvent le cas, Clarín réserve à ses abonnés l’accès en ligne aux articles sur ce sujet primordial de l’actualité du jour.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de La Prensa
lire l’article de La Nación (l’article de une n’est pas disponible en ligne).