jeudi 9 octobre 2008

Il y a blé et blé (1) [actu]

Comme promis il y a une semaine, l'ensemble des organisations professionnelles du secteur agricole (el campo) a levé sa grève de commercialisation de ses produits, hier mercredi. Pendant ces six jours, beaucoup de manifestations au bord des routes et quelques très rares et épisodiques barrages, les consignes de calme et d'arrêt de toute commercialisation ont été respectées (ni animaux livrés aux abattoirs, ni matières premières livrées à l'industrie agro-alimentaire, ni exportation), un grand chapiteau sur la pelouse face au Congrès...
Et devant un gouvernement qui n'a pas cédé un pouce de terrain, des revendications intactes... qui ont le don d'exaspérer la rédaction de Página/12, quotidien d'ultra-gauche, à l'humour mordant, connu pour l'excellence de ses pages culturelles et ses positions anti-champêtre primaires (2). En effet, pendant la grève du Campo, les villes et les rédactions des journaux, qui vivent en ville, sont emplies de bruits de Bourses qui s'effondrent, de banques qui croulent et de tiroirs-caisses publics qui tintent en s'ouvrant... Mais pas à Buenos Aires justement, où le système tient rudement bien le coup, alors que chez ses deux voisins, le Chili et le Brésil, au contraire... Ce qui surprend tout le monde. Et remplit de fierté la Présidente qui se félicite de la solidité du système argentin, devant le Prince Philippe de Belgique, en visite officielle avec une délégation d'hommes d'affaires de l'Office fédéral (belge) du Commerce Extérieur qu'il préside depuis 15 ans.

Et de fait, lundi dernier, lundi noir pour les bourses du monde entier et pour l'Islande qui s'est déclarée en faillite, l'indice de Buenos Aires, le Merval, n'accusait qu'une baisse de 2,72 points. Une rigolade à côté des chutes vertigineuses des systèmes européens ! Or banque et finances et leurs activités connexes, c'est 75% de l'économie de Buenos Aires. Une écrasante majorité de Portègnes et de banlieusards travaillent dans ce secteur...

Dans le tango d'aujourd'hui, "el hombre gris de la Ciudad", "el hombre que está solo y espera" de Raúl Scalabrini Ortiz et Celedonio Flores dans les années 30 a fait place au golden boy costume-cravate ultra-speedé et hyper-stressé de la City et sous la plume d'Alejandro Szwarcman (et avec une musique de José Ogiviecki), ça donne ¿Adonde vas?

Me estoy dando cuenta que estás del tomate,
Chiflado del mate, un loco de atar...
No se qué querés, que los nervios te maten
Calmate un momento, apagá el celular.
Pedile al mozaico galaico un cortado,
Sentate a mi lado, quedate a charlar...
Alejandro Szwarcman

Je suis en train de me rendre compte que tu as un grain.
T’es parti du ciboulot, un vrai fou à lier...
Je me demande ce que tu cherches, tu vas péter un plomb.
Calme-toi deux secondes, éteins ton mobile.
Voilà le loufiat, commande-lui un crème,
Assieds-toi à côté de moi, reste là, on va causer...
(Traduction Denise Anne Clavilier)

(1) le blé : trigo (en francés académico), dinero, plata (en argot), guita, vento (en lunfardo). Et pour ceux qui ont déjà le TOIEC de lunfardo, ça peut se traduire tovén...
(2) Anti-communisme primaire : viene de una acusación de un titular del Partido Comunista francés en contra de sus opositores. Se hizo desde 30 años un giro popular del francés coloquial.
(3) La City : surnom du quartier des affaires à Buenos Aires, au nord, sur la rive du Río de la Plata